« Ils
sont partis. Ils s’enfoncent dans la profonde vallée de Gihon, et
gravissent les flancs abruptes de la montagne du Mauvais Conseil. Ils
saluent au passage le tombeau de Rachel. Ils marchent vers l’étoile qui
se hérisse d’aiguilles de lumière dans l’air glacé. Ils avancent d’un
pas sidéral, et chacun possède un secret et une démarche. Il y a celui
qui se laisse bercer par l’amble paisible de son chameau, et qui ne voit
dans le ciel noir que le visage et les cheveux de la femme qu’il aime.
Il y a celui qui inscrit dans le sable la trace diagonale du trot de sa
jument, et qui ne voit à l’horizon que le papillonnement d’un grand
insecte scintillant. Il y a celui qui va à pied parce qu’il a tout
perdu, et qui rêve à un impossible royaume céleste. Et tous les trois
ont encore les oreilles qui tintent d’une histoire pleine de cris et
d’horreurs, celle que leur a contée le grand roi Hérode, et qui est son
histoire, l’histoire d’un règne heureux et prospère, béni par le petit
peuple des paysans et des artisans.
Est-ce
donc cela, le pouvoir? Se demande Melchior. Cet infect magma de
tortures et d’incestes, est-ce le prix qu’il faut payer pour être un
grand souverain dont la place se trouve marquée à tout jamais dans
l’histoire.»
Michel Tournier, Gaspard, Melchior et Balthazar, folio– Pauvre Candide... en fait, ce qui nous relie n’est pas seulement nos origines relevant d’un cadre géographique plus ou moins homogène, mais également un vaste ensemble difficilement qualifiable... S'il savait...
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