Si le très méconnu peuple des ânes arboricoles n'a eu, jusqu'à
ce jour, que très peu d'écho, c'est qu'il est périlleux de s'en
approcher. Non qu'ils soient dangereux , mais le chemin qui mène à eux
est pour le moins semé d'embuches. Pinocchio, l'Autre et l'enfant Lune,
fort heureusement, ne le savaient point lorsque, plus par hasard que par
intérêt, ils l'ont emprunté... L'un et l'autre ne sont point d'accord à propos de la façon dont ils l'ont vécu... et le chemin fut long…
Extrait du sixième chapitre des mémoires de Pinocchio, l'Autre, consacré aux dialogues avec l'enfant Lune*
– Tous les hommes sont-ils des philosophes?
– Je ne sais si cela peut avoir de l'importance et, de plus, c'est loin d’être démontré...
– Supposons que cela soit vrai...
– Bien, supposons, je ne sais comment… mais peu importe… qu’il a été démontré que tous les hommes sont philosophes...
– Chacun à sa manière! C'est dire...
– Peut être même inconsciemment...
–
Dès lors que dans le moindre geste, dans la plus petite manifestation d’une activité
quelconque...
– C'est-à-dire n'importe quand...
– Pas tout-à-fait... plus que dans le geste, c'est dans le «langage», comme le disait notre professeur*, que se trouve contenue une conception déterminée
du monde...
– Il est facile de critiquer...
– On passe au second moment, au moment de la critique et de la
conscience, c’est-à-dire qu’on passe à la question suivante...
– Je la connais par cœur: Est-il préférable de «penser» sans en avoir une conscience critique, d’une façon désagrégée au gré des hasards*... je m'en souviens...
– Cependant, je vous ferais remarquer que nous n'avons pas été dans la même école!
– Peu importe votre scepticisme radical... si la coïncidence est hasardeuse elle était en même temps presque fatale...
– Qui que nous soyons, nous participons tous... au gré des hasards, à une conception du monde...
– Vous savez bien que nous ne sommes guère libres de nos gestes et de nos propos...
– Gardez votre sang-froid!
–
Certes, si la nécessité s'en fait sentir, nous pouvons émettre des opinions... C'est pourquoi nous pouvons dire que dans la plupart des cas notre vision du monde nous est «imposée» mécaniquement par le monde extérieur...*
– Comment cela?
– Autrement dit notre vision du monde nous serait imposée par l’un
des nombreux groupes sociaux dans lesquels chacun se voit
automatiquement impliqué depuis son entrée dans le monde conscient…
– Ou par celui qui nous a créé!
– C'est cela mais que l'on en soit conscient ou non, nous sommes impliqués!
– Et alors?
– Alors la question se pose.
– Allez-y!
– "Est-il préférable d’élaborer sa propre conception du monde de
façon consciente et critique et ainsi, en connexion avec ce travail que
l’on doit à son propre cerveau"*…
– À condition d'en avoir un...– Et à force d'effort, sans plaisanter... nous pourrions voir un monde nouveau s'ouvrir devant nous...
– Ou bien en dedans de nous…
*Antonio Gramsci
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