Jamais je ne me considérais comme étant assez savant pour songer à développer le moindre détail d’une quelconque recherche, essayer, par exemple, de décrire et déterminer, par exemple le sens précis de telle couleur de l’aurore, dont elle est si généreuse. Que dire de plus, comme vous le pensez peut-être, si cette mission secrète était plus profondément destinée à améliorer, si ce n'est à sauver, l'humanité... C’est pourtant moi qui, par l'entremise directe du Grand Surveillant de Croyances, je ne sais pourquoi, fut déclaré destiné à accomplir cette mission. Autant vous dire que je ne savais point alors quelle était la situation réelle de notre communauté, celle du monde et… la mienne. Surtout je n’étais pas au courant qu’une maladie s’y répandait. On m’avait promis une élévation mais les risques que j’encourais avaient été masqués à grand renfort de dynamique langagière, de dissertations et promesses fumeuses. Elles étaient telles que le sfumato, dans la peinture du grand Leonardo da Vinci apparaîtrait aussi rugueuse que le dos d’un crocodile centenaire ou des pentes rocailleuses d’un volcan. S’il est vrai que je ne me trouvais assez capable «pour penser à contribuer, de si peu que ce fût, au pur accroissement des faits déjà connus»*, jamais, au grand jamais, il n’avait été question de découverte et surtout pas d’inconnu… Je croyais modestement que je pouvais, dans la mesure de mes moyens, ramener quelques images et impressions suffisantes pour témoigner et, très éventuellement, donner matière à analyses aux spécialistes, mes ainés. Mais, je n’avais, je le rappelle, aucune idée de la situation et de ses sources. Or, de l’inconnu il y eut… des crocodiles aussi… et des volcans… tout autant… si ce n’est plus…
*Paul Valéry, Introduction à la méthode de Léonard de Vinci
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