Chimère insaisissable

 
« Mais je me disais aussi, D'ici très peu de temps, du train où ça va, je ne pourrai plus me déplacer, mais où que je me trouve je serai obligé d'y rester, à moins d'être porté. Oh je ne me tenais pas ce limpide langage. [...] mais cela ressemblait peut-être à ce que je me serais dit, si j'en avais été capable. En fait je ne me disais rien du tout, mais j'entendais une rumeur, quelque chose de changé dans le silence, et j'y prêtais l'oreille, à la manière d'un animal j'imagine, qui tressaille et fait le mort. Et alors, quelquefois, il naissait confusément en moi une sorte de conscience, ce que j'exprime en disant Je me disais, etc.»

Samuel Beckett, Molloy

 

 

Dans ses écrits sibyllins, Ulysse, désormais atteint... peut-être même déjà, si peu que ce soit, un peu consumé par la déraison, tisse des toiles d'araignée intellectuelles, où les paradoxes dansent tels des spectres ensorcelés. Pour lui, naviguer dans ce labyrinthe de contradictions est un jeu d'échecs divin. Un jeu où les pions sont des idées et les cases, des abîmes sans fond. Son inclusion, à titre de membre délégué par le Très Haut Surveillant des Croyances, dans la collection "Paradoxales" des Éditions de Nulle part est comme un sceau d'approbation gravé dans la pierre des anciens mystères. Ulysse, autrefois acclamé pour sa lucidité, erre et se perd maintenant dans les méandres d'une érudition hallucinée. Tel un éthologue délirant, mélangeant les mots et les êtres, il observe les comportements textuels avec une acuité sauvage, cherchant des signes de vie dans les mots, les siens tout comme les autres, des indices dans les virgules, et des conspirations dans les points de suspension. Dans ses récits tortueux, il ose des questionnements absurdes, défiant les limites du raisonnable, comme s'il avait été possédé par les esprits farceurs des grands penseurs. Et tandis qu'il jongle avec les mots comme un funambule sur une corde tendue entre les mondes, il se perd peu à peu dans les méandres d'une logique fracturée, où chaque vérité est aussi une illusion et chaque certitude, une chimère insaisissable.