dimanche 1 juin 2025


« Il est des instants où l’être s’éprouve comme détaché, sans but, sans poids. C’est là que commence la rêverie véritable, non pas celle qui vagabonde, mais celle qui se recueille, qui s’épanouit lentement dans une paix ascendante. L’imagination n’y travaille plus à créer un monde ; elle y laisse le monde se défaire doucement, comme une corde qui se dénoue, et dans ce dénouement naît la possibilité d’un autre être.»

 Gaston Bachelard, La poétique de la rêverie





– Croyez-vous vraiment qu'il puisse nous voir et nous entendre?
– La seule chose que je puisse savoir... est qu'il nous répond...
– Je sens malgré tout une sorte de doute.
– Pourquoi n'y en aurait-il point... Après tout le fait de prolonger davantage vers le silence, le devenir-fable, ou encore explorer une transfiguration du personnage, vers une dissolution du nom, de la figure, laisse augurer d'une naissance nouvelle.
– … ainsi lentement, dans la poussière d’ombres où gisent les restes du chapiteau défait, quelque chose se défait aussi en lui.
– Non pas brusquement, non pas dans une chute, ni une cassure, mais dans ce geste sans fin qu’a la corde lorsqu’elle se dénoue, non pour tomber, mais pour se perdre.
– Les cordages, là, balançant comme d’anciens souvenirs, ne tiennent plus rien. Leurs nœuds, qu’on croyait indissolubles, s’effilochent dans l’air comme des phrases interrompues.
– Et en eux, il reconnaît ses propres attaches: ces fils trop discrets pour qu’on les voie, mais trop lourds pour qu’on les nie. Ces liens anciens, plantés en lui depuis le silence du bois, ces gestes pré-écrits dans sa matière même, qui guident le bras, font trembler la bouche au moment de parler.
– Or voici que cela se dissout.
– Le mouvement n’est plus donné. Il ne sait plus comment lever la main, comment poser le pied. Ce n’est pas la mort, c’est l’indécision pure. Un vide actif. Un abandon qui frémirait.
Il se sent, pour la première fois, sans marionnettiste.
Et ce vide, loin de l’effrayer, l’éblouit.
Car le fil défait laisse place à une danse nouvelle, plus lente, presque embryonnaire. Il y a dans la chute suspendue des cordes une promesse de vol.
Et dans le clignotement mourant des lumières, pareilles à des étoiles à l’agonie, un frisson d’aube, une cendre claire. Au loin, traversant les âges, un feu, d’une flamme légère, semble le caresser. Caresse dangereuse, caresse ultime… d’un brusque mouvement il esquive.



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