“Aucune des versions n'est le « texte », parce que celui-ci se présente comme un processus temporel potentiellement infini - aussi bien vers le passé, dont il inclut toutes les ébauches, versions et fragments, que vers le futur - dont l'interruption à un certain moment de son histoire, pour des raisons biographiques ou par décision de l'auteur, est purement contingente. Dans Un portrait par Giacometti, James Lord rappelle plusieurs fois que Giacometti ne se lassait jamais de répéter, comme Cézanne avant lui, qu'on ne finit jamais un tableau, mais que simple-ment, on l'abandonne!.
La césure, qui met un terme à l'accomplissement de l'œuvre, ne lui accorde pas un statut privilégié d'achèvement : elle signifie simplement que l'œuvre est dite finie quand, à travers l'interruption ou l'abandon, elle se constitue comme le fragment d'un processus créatif potentiellement infini, par rapport auquel l'œuvre qu'on dit achevée ne se distingue qu'accidentellement de l'œuvre inachevée.
Si cela est vrai, si chaque œuvre est essentiellement fragment, il devient licite de parler non seulement d'un « avant », mais encore d'un « après» le livre, tout aussi problématique mais encore moins étudié que celui-là.
En 427, trois ans avant sa mort, Augustin, qui a déjà derrière lui une œuvre imposante, écrit les Retractationes. Le terme « rétractation» - même quand il n'est pas utilisé dans le sens juridique de retirer ou de déclarer non vrai le témoignage déposé pendant un procès - n'a pris que récemment son sens péjoratif de démentir ou de renier ce qui a été dit ou écrit. Augustin l'utilise seulement au sens de « traiter de nouveau ».“
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