« Ce qui est réel, c’est le possible comme tel. L’être ne coïncide pas avec l’acte, mais avec la puissance de ne pas être. Être, c’est pouvoir ne pas être. Et ce pouvoir est plus fondamental que tout acte.»
Giorgio Agamben, La puissance de la pensée
Et
la Nuit, cette Nuit majuscule, non la nuit des hommes mais celle,
impérieuse, des choses non advenues, se referme sur lui comme un livre
jamais écrit. Des phrases inachevées tombent autour de lui en flocons
lourds, suspendus à des sens qu’aucun esprit ne réclamait.
Chaque
clignement des étoiles-lampes semble un battement de cils du vide. Et
Pinocchio l’Autre — car il n’est plus une marionnette, mais un souffle
de bois, une idée mal taillée — avance. Non pas en marchant, mais en
s’effaçant. À chaque pas, un peu de lui se défait. Il est ce mouvement
d’oscillation qui ne tranche jamais, ce geste arrêté au seuil du choix.
Rien ne tranche : ni la corde, ni la voix, ni le temps. Tout flotte.
Tout attend.
Au
loin, le chapiteau s’évide de son propre espace, comme si le monde
renonçait à tenir debout. Les mats sont retombés dans la poussière. Les
girouettes tremblent comme des boussoles ivres. Les rumeurs, elles,
montent, se lovent en spirales dans l’air, telles des pensées étrangères
venues de cerveaux dissous.
— Est-ce cela, vivre? demande-t-il à personne, puisque personne n’est distinct de lui.
Mais
aucune réponse ne vient. Seulement l’écho de la question, vrillée, qui
revient avec un timbre étranger. Peut-être est-ce lui, le vent.
Peut-être est-ce ce qu’on appelle la conscience, lorsqu’elle s’éprouve
hors de soi.
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