mardi 3 juin 2025

 
« Le langage est la maison de l'Être. Dans son abri, l'homme habite. Ceux qui pensent et ceux qui créent par la parole sont les gardiens de cet abri.»
 
 Martin Heidegger, Lettre sur l'humanisme

 
 

 
– Et vous, Daemon, que diriez-vous de moi?
– Je dirais d’abord ceci: vous parliez de l'enfant Lune... "Lune", et non Soleil. C’est que, comme lui, votre rapport au réel est d’emblée réfracté, oblique, nocturne. Vous vivez dans ce que j’appelle un entre-deux du symbolique et de l’imaginaire, mais avec un accès problématique au réel, et c’est précisément ce qui vous constitue comme sujet barré, troué, désaxé. En tant qu’enfant Lune et en tant que marionnette vous ne regardez pas le monde; vous le reflétez, ou plutôt, vous le diffractez comme la lune qui ne brille que de la lumière de l’autre.
Quant à ce que vous êtes, vous me permettrez de m’attarder. Il ne s’agit pas d’un simple double, mais d’une déhiscence du sujet par rapport à son Nom-du-Père. Il n’est  fils de la lune tout comme vous n’êtes point le Pinocchio de la fable, c’est-à-dire celui qui, par mensonge, accède à une forme d’humanité, non. Il est, tout comme vous êtes, le refoulé du conte, celui qui n’est pas advenu, celui qui reste au seuil de l’humanisation symbolique, prisonnier de l’image de l’Autre. Mais ce n’est pas une image pleine: c’est une image trouée, un miroir sans tain. Ce qui en vous résiste, c’est la jouissance, j’entends par là le reste, ce qui échappe au langage, au lien social, à la fable. Vous creusez donc. Non pour trouver, mais pour perdre. Vous voulez vous délier de la chaîne signifiante, retrouver un silence qui ne serait pas un mutisme, mais un non-rapport fondamental. En somme, l’Autre Pinocchio, c’est le sujet en tant qu’il se refuse à être représenté par un signifiant-maître. Et ça… c’est une position éthique. Peut-être même une forme de sainteté dans le désert du sens.

 


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