jeudi 21 août 2025

 « Le langage n’est pas simplement et seulement un outil ou un moyen dont l’homme dispose. Le langage est la maison de l’être. Dans cette demeure, l’homme habite. Les penseurs et les poètes sont les gardiens de cette demeure. (…) L’homme ne possède pas le langage, mais c’est le langage qui possède l’homme. Il le conduit dans son essence, dans sa capacité à être.»

Heidegger, Chemin qui mène au langage

 


Dans une sorte d’instant suspendu, un présent qui se déroule comme une scène intérieure. La voix de Don Carotte vit ce qui se pense, au moment même où cela s’invente.
Don Carotte se tient au centre de la piste. Mais déjà une hésitation s’installe: peut-on être le centre d’un cercle qui, vu par les autres, s’étire en ovale? Pour lui, la piste s’arrondit, se ferme sur elle-même comme un anneau. Pour le spectateur, elle s’allonge, se déforme. Le centre se déplace, se dérobe. Et Don Carotte se dit: je suis au milieu, mais ce milieu n’existe pas. Je suis le cœur d’un regard, mais lequel? Le mien, ou celui qui me voit?
Une voix parle en lui. Elle n’est pas la sienne, il le sait. Pourtant, ce qu’elle dit, il pourrait le dire. Elle annonce un récit, mais ce récit n’a pas commencé. Elle promet un départ, mais rien ne s’ébranle. Tout demeure suspendu, comme une piste vide avant l’entrée des artistes. Et Don Carotte reconnaît dans ces mots une vérité: ce que j’entends en moi m’appartient sans m’appartenir. Si ce que je pense m’emprunte… Comment puis-je m’emprunter à moi-même?
Cela, pour le moins le laisse perplexe. Puis il comprend:
– Toute aventure pourrait se jouer avant d’avoir lieu. Le voyage ne serait pas dans le mouvement, mais dans l’attente du premier pas. Avant même d’être écrit ou lu le livre fermé pourrait contient déjà tout ce qu’il dira. La piste vide contenir déjà tous les gestes. L’aventure n’est pas ce qui advient, mais ce qui tremble avant d’advenir. Là où l’imaginaire se penche vers le réel, et où le réel, en retour, se gonfle d’imaginaire. Deux mondes s’effleurent ainsi sans se confondre. Chacun croit être seul, et se rassure dans sa solitude.


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