samedi 27 septembre 2025

 
Il y a des passages que l’on traverse sans les nommer. Entre l’objet et la chose, par exemple: là où le monde se défait de son utilité, où un outil, un vase, un livre usé redevient mystère. Dans cette fissure, la chose se dépouille de ses contours familiers et se remet à rayonner, opaque, irréductible. L’objet était docile; la chose est indomptable.
Et puis il y a l’autre seuil, plus discret : entre l’inerte et le signe. Une pierre n’est qu’une pierre, jusqu’au jour où une main la grave. Alors elle devient mémoire, prière, repère. Pourtant, rien n’a changé dans sa matière, c’est le regard qui l’a ouverte. Le signe est toujours un corps endormi, qu’un souffle réveille. Nous vivons dans ces entre-deux.
Nous prêtons voix au silence, nous greffons des paroles sur l’ombre, nous lisons dans la poussière un alphabet invisible. Habiter le monde, c’est marcher sur cette ligne fragile, où la matière et le sens se frôlent. C’est être ce passeur qui transforme l’éclat en étoile, l’empreinte en promesse, la chose muette en poésie.


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