« Une exception apparente a cette loi se présente: c'est lorsqu'une Pensée ou une image naît soudain en nous, sans que nous ayons conscience de ce qui les a amenées.
Mais c'est généralement là une illusion qui vient de ce que la cause occasionnelle était très faible, la pensée au contraire st lumineuse et si intéressante qu'elle a sur-le-champ écarté la première du domaine de la conscience; quelquefois aussi ces apparitions subites et imprévues peuvent avoir pour cause des impressions physiques internes, ou d'une Partie du cerveau sur une autre, ou du système nerveux organique sur le cerveau.
Dans la réalité, d'ailleurs, le processus de nos pensées intimes n'est pas aussi simple qu'il le semble dans la théorie; c'est en fait un enchaînement très complexe. Pour nous rendre la chose sensible, comparons notre conscience à
une eau de quelque profondeur; les pensées nettement conscientes n'en sont que la surface; la masse, au contraire, ce sont les pensées confuses, les sentiments vagues, l'écho des intuitions et de notre expérience en général, tout cela joint à la disposition propre de notre volonté qui est le noyau même de notre être. Or, la masse de notre conscience est dans un mouvement perpétuel, en proportion, bien entendu, de notre vivacité intellectuelle, et grâce à cette agitation continue montent à la surface les images précises, les pensées claires et distinctes exprimées par des mots et les résolutions déterminées de la volonté.»
Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation, puf, p. 822
Rendre comptes de ce qui se passe dans les profondeurs n’est point chose aisée et ce qui apparaît à la surface n’en est point le fidèle miroir. La connaissance immédiate de la nature du monde que peut avoir Sang Chaud, pas plus que celle de Don Carotte, n’a rien à voir avec la raison. Sans vraiment le savoir, dans leur naïveté, ils ne s’étonnent point de l’apparition ou de la disparition du cirque, des volcans ou des îles, ingouvernables par nature… ou encore des racines… Tous deux font partie, chacun à sa manière, sans y penser, tout en doutant, de ces mouvements qui, pour eux, ressemblent d’abord à de la musique, essence du monde : “ce qui précède toute forme”… Mais alors, se demanderont certains: D’où provient, pour l’un comme pour l’autre, ce désaccord, une légère fissure entre l’âme et le corps?

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vos commentaires sont les bienvenus