dimanche 19 octobre 2025

1. Ce qui (re)fait surface

 
 
 

Je ne m’attendais à rien. C’était une galerie prestigieuse… comme tant d’autres… aux murs blancs, aux discours lisses, aux silences étudiés. Entre un néon muet et une vidéo abstraite, il y avait là, presque par erreur, une image. Un grand dessin coloré: une mer, un monstre immense, des tentacules violets, et, minuscule, un personnage debout sur un bateau rouge.
Je me suis arrêté. Nulle indication de provenance n’était indiqué sur le petit carton de présentation. 
Cette image, en apparence naïve, me retenait. Je ne savais pas encore qu’elle allait m’engloutir.
Le lendemain, je suis revenu sur mes pas.
Je l’ai regardée à nouveau, je l’ai photographiée, puis quelques jours plus tard je suis encore retourné la voir et acheter un tirage limité et signé d’une écriture totalement illisible. C’était c
omme si l’image voulait continuer une sorte de conversation. J’exagère peut-être… sûrement  même… mais elle semblait m’avoir choisi. Avec le recul, je crois bien que j’étais devant elle comme le personnage devant le monstre.

 

J’ai montré la reproduction à un ami psychiatre. Je voulais qu’il m’aide à comprendre pourquoi cette image “pour enfants” par moments, m’habitait…me hantait presque. Il l’a prise, l’a observée longuement, puis dit calmement:
— Tu m’as dit qu’il y avait un bateau. Mais tu es sûr que c’en est un ?
— Quoi d’autre?
— Des rochers, peut-être. Et si c’est un bateau, il coule. Ce qui veut dire que la scène est un naufrage.
Cette phrase a déplacé toute la scène. Ce n’était plus l’histoire d’une lutte, comme je me l’étais imaginé, mais celle d’un après. Un après en train de se dire… ou essayant de se dire… Le personnage n’était pas un héros faisant face à un monstre, mais un naufragé… sinon comment s’était il retrouvé là… tout seul dans cette immensité..!
Mon ami poursuivit, comme pour lui-même:
— Regarde la langue du monstre. Ce pourrait ne pas être une arme… non… oui… c’est une flamme. Une langue de feu. Ce Léviathan, je pense que c’en est un, ne rugit pas, il parle.

Mon ami, parfaitement incroyant pourtant… tout comme moi… mais fin connaisseur de l’histoire de l’art, évoqua pour m’informer les Actes des Apôtres: les langues de feu, la parole qui descend, la communication du chaos.*

— Le monstre, ici, pourrait vouloir dire quelque chose. Ce feu, pourrait être le logos primitif, la parole avant les mots.
En l’écoutant, l’image, soudain, devenait scène de révélation.
Elle ne “montrait” pas, elle parlait. Je compris alors qu’elle me parlait d’autant plus que je ne savais pas l’entendre.

À suivre…


Dans la tradition orientale, la Pentecôte est un thème majeur de l’iconographie.
Les icônes de la tradition byzantine montrent les apôtres assis en demi-cercle, souvent disposés comme sur un trône ou une estrade semi-circulaire (symbolisant l’unité et la plénitude de l’Église).
Au centre, un espace vide ou un personnage voilé représente le monde — souvent un vieil homme couronné, appelé Cosmos, portant un drap rempli de rouleaux symbolisant les nations à évangéliser.
Et au-dessus de chaque apôtre, une petite flamme:
une « langue de feu » stylisée, fine, dorée ou rouge, qui descend de la partie supérieure de l’icône où est représenté un 
demi-cercle céleste, la manifestation du Ciel, de Dieu.
Ce feu ne brûle pas, il illumine.
C’est la lumière incréée, le rayonnement de l’Esprit Saint.
C’est la lumière incréée, le rayonnement de l’Esprit Saint. Dans la tradition orthodoxe, on parle de la Lumière Taborique, 
la même lumière qui transfigura le Christ sur le mont Thabor.
Les artistes byzantins cherchent moins à représenter une scène réaliste qu’à rendre visible l’invisible: le feu n’est pas une flamme physique, mais  le feu n’est pas une flamme physique, il est la clarté spirituelle qui enveloppe les apôtres.


 
 

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