mardi 16 décembre 2025

 
 

Regarde, ô veilleur nu, le monde recommence.
Il tombe, il rit, il brûle, il renaît avec constance.
La mer ne se repent ni ne promet jamais;
Elle roule ses lois sur les brisants mauvais.

Le feu prend ce qu’on lui donne et rend ce qu’il dévore,
La fumée est mémoire et le brasier s’endort.
Les cirques vont, reviennent, changent de port;
Ils meurent sous les cris et vivent sans effort.

 
 


Parler d’insistance du monde, ce n’est pas dire que le monde est là, ni même qu’il se manifeste. C’est dire qu’il ne cesse pas d’être là, qu’il ne se retire jamais assez pour que quelque chose puisse advenir. Ainsi en est-il du cirque et du monde de Sang Chaud.
Pour lui, subitement le monde, même vide, n’est plus un donné stable; il est devenu ce qui s’ouvre dans l’événement, ce qui prend forme à même l’existence, surtout quand celle-ci est atteinte, surprise, déplacée. Or, l’insistance est précisément ce qui s’oppose à cette ouverture: elle est une présence sans jeu, une présence qui n’a plus la capacité de se taire.
 
 Sang Chaud n’en veut plus.
– Le monde insiste quand il n’accueille plus l’homme, mais le maintient. L’envoûtement est passé. Je ne veux plus être maintenu dans un rôle qui m’avilit. Cet ancien monde ne m’appelle pas: il me retient.

Insister, ce n’est pas apparaître. Il faut distinguer rigoureusement apparition et insistance.
L’apparition suppose une distance, un retrait originaire à partir duquel quelque chose peut se donner comme tel. Ce retrait n’est pas un manque, mais une condition d’hospitalité: le monde laisse place.
L’insistance, au contraire, est une présence sans retrait.
 
– Le monde de Don Carotte et, par conséquent, le mien, est partout, toujours déjà là, sans profondeur et sans horizon. Je n’en veux plus!
 
Ce qui insiste n’apparaît pas: cela occupe.
– Le monde n’est plus une ouverture, mais une surface continue sur laquelle l’existence glisse sans jamais pouvoir prendre appui.
Ainsi, l’insistance est une forme de saturation du phénomène.

Dans la pensée de Sang Chaud, subitement métamorphosé et ainsi devenu presque lettré, pense comme Henri Maldiney:
– Le pathologique n’est pas d’abord une défaillance de la représentation, mais une altération du rapport au monde. L’insistance du monde appartient à cette région. Lorsque le monde insiste, il n’y a plus de seuil. Le dehors disparaît. On ne ressent plus le silence. Tout est déjà là, avant même que l’homme puisse s’y exposer. L’existence n’est plus une réponse à ce qui arrive, mais une gestion de ce qui ne cesse pas.
Cette insistance produit une fatigue ontologique: non pas la fatigue d’agir, mais la fatigue d’être exposé sans événement.

L’événement, pour Maldiney, est ce qui ne se laisse pas prévoir, ce qui rompt la continuité du monde et fait surgir une nouvelle possibilité d’être. Or l’insistance est l’ennemie radicale de l’événement.
Sang Chaud, jusque là se répète. Doublure illusoire de Sancho Pansa, il se dédouble encore…
Compagnon d’un Don Carotte, lointain fantôme du Quichotte, se confirme sans cesse lui-même.
L’histoire tourne en boucle. Il n’arrive rien, et pourtant quelque chose pèse. Ce poids n’est pas celui de l’histoire, mais celui de la permanence vide.
L’homme n’est plus exposé à l’événement, mais assigné à la continuité.
 

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