C’est ici que jadis Igniatius le Marcheur enfantait
Ses pas d’errant, son souffle et ses peurs sans clarté.
Ici que l’Écoutant, dans une loge vide,
Entendait murmurer les spectres timides.
Ici que le Faiseur-d’Ombre, à l’abri des rideaux,
Inventait mille vies, mille faces, mille échos.
Ici que trois destins, sous le feu des étoiles,
Tentaient de se comprendre à travers mille voiles.
Le cirque maintenant, déserté, s’offre encore
Comme un tombeau vivant qui garde et qui dévore.
Mais l’âme de ces lieux, sous la poussière en feu,
Pulse comme un grand cœur oublié par les dieux.
Bien loin de là et hors du temps, regardant bien dans les yeux effarés de Lucian, Igniatius lui tient à peu près ce discours:
– Nous avons l’heur et le malheur de vivre dans un univers parallèle duquel nous ne ne pouvons nous échapper sans l’aide d’un penseur scribouillard qui nous tient entre ses mains. Nous vivons et mourrons selon sa bonne ou mauvaise volonté…
Lucian, comme pris de court ne sait que répondre face à ce discours tout empreint d’une lucidité sombre et énergique pour le moins surprenant et légèrement agressif. Une agressivité dont il peine à distinguer l’origine.
– Que se passe-t-il dans la tête de notre auteur? Nous ne pouvons le savoir qu’à partir des textes qui nous mettent en scène… et encore… en un tout déformé par les mots et leur ordonnances, leurs règles, la syntaxe plus ou moins harmonieuse tentant, vainement quelque fois, de refléter ce qui depuis longtemps s’est échappé de l’esprit qui croit nous créer.
Igniatius, replié sur lui-même fait silence et dans ce silence il entend la voix qui fut sienne autrefois.
"Alors, dans la nuit noire où s’endort l’espace,
Un frisson remonta du sable jusqu’aux traces.
On vit, sur les gradins, danser des ombres blondes,
Restes d’un autre âge où le cirque était monde.
Un frisson remonta du sable jusqu’aux traces.
On vit, sur les gradins, danser des ombres blondes,
Restes d’un autre âge où le cirque était monde.
L’enfant de l’îlot sombre, en cette nuit sans fin,
Semblait revivre, pâle, au creux de ce destin.
Il rit, il court, sa voix pourfend le vide,
Comme un rayon perdu dans un ciel trop limpide.
Semblait revivre, pâle, au creux de ce destin.
Il rit, il court, sa voix pourfend le vide,
Comme un rayon perdu dans un ciel trop limpide.
L’Écoutant, lentement, sort de l’ombre froide,
Son regard embrasé comme l’ombre d’une proie.
Les voix d’autrefois, qu’il croyait disparues,
Renouent leurs accords sur ses lèvres tendues.
Son regard embrasé comme l’ombre d’une proie.
Les voix d’autrefois, qu’il croyait disparues,
Renouent leurs accords sur ses lèvres tendues.
Et du fond des coulisses, l’Ombre aux doigts de craie,
Le Faiseur renaissant, balaye les regrets.
Il levait un miroir : un visage sans nom
Y mêlait les plusieurs fronts en un seul horizon."
Le Faiseur renaissant, balaye les regrets.
Il levait un miroir : un visage sans nom
Y mêlait les plusieurs fronts en un seul horizon."

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