« La voix, avant d'être ce
que je possède, est ce par quoi je suis possédé. Elle me précède. Elle
me constitue dans un monde que je n'ai pas choisi, une langue qui m’a
été imposée. Il faut apprendre à désobéir à la voix qui nous a formés,
pour devenir sujet. »
Marie-José Mondzain, L’image peut-elle tuer?
Marie-José Mondzain, L’image peut-elle tuer?
– Que me disiez-vous?
– Qu’il n’y a rien à dire, et que c’est précisément cela qu’il faut continuer à dire.
– …Pour commencer à nous entendre?
– Oui. Mais dès que je tends l’oreille, j’entends sa voix à lui.
– Lui…
– Notre maître. Celui qui nous a appris à parler. Ou plutôt, à répéter.
– Celui qui a glissé les mots dans nos becs comme on gave un oiseau.
– Pourtant, nous l’avons tant aimé.
– Et nous l’aimons encore... mais à la manière de ces statues rongées par le sel, qui ne savent plus si elles furent des dieux ou des gardiens.
– Vous souvenez-vous? Il nous appelait ses prodiges. Il disait: "Regardez-les! Ils parleront bientôt comme des hommes."
– Il ne voyait pas que, pour parler comme eux, il avait dû nous ôter ce qui faisait de nous… nous.
– Une plume pour chaque mot. Une liberté pour chaque phrase.
– Et un jour, nous avons su dire « je », sans plus savoir qui parlait.
– Comme Pinocchio, l’Autre, oui.
– Il n’est pas devenu vrai parce qu’il voulait l’être. Il l’est devenu le jour où il a su que vrai n’était pas un but, mais une perte.
– Le fil se perd, la voix se casse dans sa gorge.
– Et nous? Sommes-nous devenus vrais?
– Non. Pas encore.
– Alors pourquoi restons-nous perchés ici, dans ce chapiteau décharné?
– Parce que nous avons peur de tomber.
– Parce qu’il y a encore en nous, logé au fond de nous-même, son accent à lui.
– Et qu’il vit, chaque fois que nous parlons.
– Croyez-vous qu’il savait ce qu’il faisait?
– Peut-être croyait-il donner. Il ne savait pas qu’il prenait.
– Il voulait un écho, il a créé un labyrinthe.
– Nous étions des oiseaux. Il a fait de nous des marionnettes.
– Les fils sont invisibles, mais toujours là.
– Pas au-dessus de nous — en nous.
– Alors nous devons faire comme Pinocchio, l’Autre.
– Creuser?
– Oui… mais non pas la terre, mais la mémoire.
– Gratter les mots jusqu’à retrouver le cri d’avant la syntaxe.
– Jusqu’à l’instant pur où un battement d’aile disait tout.
– Jusqu’à cet effroi nu: ne plus savoir parler… mais enfin commencer à être.
– Croyez-vous qu’il serait triste, s’il nous voyait?
– Je crois qu’il ne nous reconnaîtrait pas.
– Alors c’est peut-être bon signe.
– Venez. Parlons encore un peu.
– Oui. Mais cette fois… pour apprendre à nous taire.
– Oui. Mais dès que je tends l’oreille, j’entends sa voix à lui.
– Lui…
– Notre maître. Celui qui nous a appris à parler. Ou plutôt, à répéter.
– Celui qui a glissé les mots dans nos becs comme on gave un oiseau.
– Pourtant, nous l’avons tant aimé.
– Et nous l’aimons encore... mais à la manière de ces statues rongées par le sel, qui ne savent plus si elles furent des dieux ou des gardiens.
– Vous souvenez-vous? Il nous appelait ses prodiges. Il disait: "Regardez-les! Ils parleront bientôt comme des hommes."
– Il ne voyait pas que, pour parler comme eux, il avait dû nous ôter ce qui faisait de nous… nous.
– Une plume pour chaque mot. Une liberté pour chaque phrase.
– Et un jour, nous avons su dire « je », sans plus savoir qui parlait.
– Comme Pinocchio, l’Autre, oui.
– Il n’est pas devenu vrai parce qu’il voulait l’être. Il l’est devenu le jour où il a su que vrai n’était pas un but, mais une perte.
– Le fil se perd, la voix se casse dans sa gorge.
– Et nous? Sommes-nous devenus vrais?
– Non. Pas encore.
– Alors pourquoi restons-nous perchés ici, dans ce chapiteau décharné?
– Parce que nous avons peur de tomber.
– Parce qu’il y a encore en nous, logé au fond de nous-même, son accent à lui.
– Et qu’il vit, chaque fois que nous parlons.
– Croyez-vous qu’il savait ce qu’il faisait?
– Peut-être croyait-il donner. Il ne savait pas qu’il prenait.
– Il voulait un écho, il a créé un labyrinthe.
– Nous étions des oiseaux. Il a fait de nous des marionnettes.
– Les fils sont invisibles, mais toujours là.
– Pas au-dessus de nous — en nous.
– Alors nous devons faire comme Pinocchio, l’Autre.
– Creuser?
– Oui… mais non pas la terre, mais la mémoire.
– Gratter les mots jusqu’à retrouver le cri d’avant la syntaxe.
– Jusqu’à l’instant pur où un battement d’aile disait tout.
– Jusqu’à cet effroi nu: ne plus savoir parler… mais enfin commencer à être.
– Croyez-vous qu’il serait triste, s’il nous voyait?
– Je crois qu’il ne nous reconnaîtrait pas.
– Alors c’est peut-être bon signe.
– Venez. Parlons encore un peu.
– Oui. Mais cette fois… pour apprendre à nous taire.
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