dimanche 25 mai 2025


« C'était une catastrophe, pas dans le sens de l'écroulement d'un immeuble ou d'un accident de voiture, mais de la pièce de monnaie lancée vers le plafond et qui retombe du mauvais côté. De la paille plus courte qui décide de votre sort sur le radeau de la Méduse. À chaque instant de notre vie, nous opérons des choix, ou nous sommes poussés par un souffle de vent dans une direction plutôt que dans une autre. La trajectoire de notre vie se solidifie sur notre passage, se fossilise et acquiert de la cohérence mais aussi la simplicité du destin, alors que nos vies qui auraient pu être, qui auraient pu se détacher à chaque instant de la gagnante, restent des lignes en pointillé, fantomatiques: des créodes, des différences de phase quantique, diaphanes et fascinantes comme des tiges qui végètent dans une serre. Je cligne des yeux et ma vie se ramifie, car j'aurais pu ne pas cligner et alors j'aurais été un autre, toujours plus éloigné de… »

Mircea Cãrtãrescu, Solénoïde, p.51
 


 

– Pinocchio n’est pas double, non. Ce serait trop simple. Il est le décalage. L’intervalle. Le vertige entre l’un et soi. Il n’est pas né d’un morceau de bois, mais du soupçon porté contre ce bois: que peut-être, ce n’est pas le bon. Que peut-être, même au sein de l’illusion, il y a une imposture plus vaste encore, celle de ressemblerCar tout, chez lui, crie le refus de cette ressemblance. Il voudrait n’avoir ni nez, ni bouche d’origine. Rien d’hérité. Rien de contigu. Mais voilà: il lui ressemble. Et cette ressemblance, il la hait d’une haine muette, nue comme un cri étouffé dans l’os.
– C’est une ressemblance sans fond, un masque qui ne se retire pas, une peau de fiction cousue sur l’absence.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vos commentaires sont les bienvenus