mardi 22 avril 2025


La mer dormait, vaste bête obscure, lorsqu’un frisson terrible la parcourut. Du plus profond des cieux, un soupir monta, long, rauque, presque sacrilège, et l’horizon, ce trait d’union entre l’infini et l’abîme, s’effaça sous un poids d’ombre. Alors que le volcan s’effondrait, la tempête se leva.
Tout commença par le vent — pas ce vent léger qui caresse les dunes, mais un souffle grave, antique, venu des entrailles du monde. Il ne se contentait plus d’agiter les flots, il les arrachait à eux-mêmes. Il tourbillonnait, hurlait, frappait, tel un archange déchu, tout empli du feu du volcan, fendait le néant avec des ailes de cendres. On eût dit que l’air lui-même était devenu matière, colère, puissance nue.
La mer, elle, n’était plus qu’un cri. Chaque vague montait comme une montagne et s’effondrait en gouffre. Ce n’étaient plus des lames d’eau, mais des chasses de titans, des sabres d’écume brandis par l’Invisible. Le sel volait dans l’air comme un sable d’apocalypse, piquant l’espace d’une morsure acide. L’océan, ce géant aux mille bras, luttait contre rien, contre tout, contre Dieu peut-être.
Le ciel, ténébreux d’un noir d’encre, s’ouvrait par instants dans une lumière d’outre-tombe. Des éclairs — longs, silencieux d’abord, puis éclatants comme des fouets célestes — venaient lacérer l’ombre de leurs griffes blanches. Chaque éclair semblait graver une malédiction sur le front du monde. Puis venait le tonnerre, qui ne roulait pas: il tombait, fracassait. C’était une chute d’enclumes dans le vide, une voix d’abîme s’adressant à rien.
Et tout autour, l’univers se taisait. Aucun oiseau, aucun souffle de terre, aucun murmure ne venait répondre à cette démesure. La tempête régnait seule, sans témoin, sans écho, souveraine.
Elle passait, immense, dévastatrice et sublime, comme passent les colères d’un dieu sans nom. C’est alors que l’enfant renaissait…

Extrait du journal de Lucien
 

 
 
Entre deux bouleversements plus ou moins radicaux, les habitants de l'Archipel, aujourd'hui connu sous le nom de Terra Archipelago, se prêtent involontairement au grand jeu des apparitions et des disparitions. C'est ainsi que, en ces sortes d'intermèdes mouvementés et périlleux, Pinocchio, l'Autre, au creux d’une vague énorme, fit son apparition... en plusieurs morceaux...
– Ne voyez-vous point cette marionnette désarticulée, et même décapitée, qui flotte dans le creux des remous? Ne serait-ce point ce Pinocchio dont j’ai autrefois longuement entendu parler?
– Croyez-vous que nous puissions lui porter secours?
– D'une part je ne sais si le destin le veut ainsi ou s'il lui serait préférable et profitable d'y parvenir par elle-même... 
– Et d'autre part?
– D'autre part, je ne sais si nous en sommes capable...
– Allons-nous attendre sans rien faire?
– Je crains que ce ne soit la seule solution… De toute façon vous voyez bien qu’en ces lieux désolés et pour d’obscures raisons, il ne reste de lui que quelques éléments parfaitement disjoints… lesquels semblent par ailleurs bien loin de former un ensemble complet ou même simplement viable. Avec quelque peu de chance, quand la nature de ce lieu aura repris son naturel et que nous-mêmes auront repris pied nous pourrions les retrouver échoués sur une plage ou quelque rocher bienveillant de façon plus naturelle.


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