– Essayons de résumer clairement!
– Je vous en prie!
– Non… vous, Sang Chaud, vous résumez!
– Désolé, je suis aussi confus que ce que je pourrais dire… Regardez comment les éléments me submergent!
– Gardez votre calme, Sang Chaud... une peu de sang froid... bon sang!
– Je n’en ferai rien, mais commencez, dites les premiers mots et, si je survis... et si je sais, je dirai les suivants… je vous suivrai!
– Procédons avec méthode. Si je suis celui qui dit…
– Qui dit quoi? Don Carotte… qui dit quoi?
– Celui qui dit l’énigme… celui qui énonce l’énigme!
– Alors… vous êtes le sujet lucide, conscient de son étrangeté.
– C’est bien cela… je suis le sujet lucide… certes… mais de là à être conscient de mon étrangeté! C’est vous qui le dites!
– Nous parlions du labyrinthe… Celui de l’énigme qui parle de lui-même!
– Ah! Oui… ou alors… l’infiltré conscient parlant de lui-même.
– Ou… celui qui regarde le labyrinthe.
– Cela ne nous avance guère… Et je suis las…
– Ne soyez pas impatient. Nous résumons. Si nous sommes… enfin si je suis celui qui l’entend, nous parlons de l’énigme…
– Alors?
– C’est à vous!
– Pardonnez-moi, je pensais à un petit… tout petit détail…
– Laissez cela, Don Carotte, et continuez!
– Alors je suis ce sujet passif, qui subit l'étrangeté intérieure… Comprenez-vous bien? Je parle du labyrinthe!
– Je vous félicite, moi aussi. Ou alors, nous serions l’agent double schizophrène qui subit la voix intérieure.
– Ou alors, vous seriez , tout comme moi, celui qui est perdu dans le labyrinthe.
– Quel était ce tout petit détail dont vous parliez tout à l’heure?
– De fait… ce n’était point un détail…
– Qu’était-ce?
– Une toute petite clé… que l’on m’a offert.
– Que n’en avez-vous point parlé plus tôt?Voudriez-vous bien me la montrer!
– Ce n’est pas une clé que l’on montre.
– Vous voulez dire une clé pour notre énigme?
Que ne le dites-vous plus tôt! Je vous écoute!
– Si j’en crois la clé que m’a donné le quadrupède lumineux, peu importe que nous soyons celui qui écoute ou celui qui dit…
– Continuez!
– … dans les deux cas, nous serions nous-mêmes étrangers à nous-mêmes…
– Mais…
– Si nous le disons… nous sommes celui qui tente de cartographier le labyrinthe…
– Et si tu l’entends, tu es celui qui y erre sans fin.
– Était-ce là la clé?
– Non, la clé c’est que le labyrinthe parle!
– Ah… C’est une clé fondamentale que vous venez de donner. Donc le labyrinthe lui-même parle.
Alors nous pouvons dire que ce n’est pas un individu divisé qui s’exprime… C’est…
– C’est le labyrinthe en tant qu'entité qui se manifeste par la parole… Tu es alors la structure même de la confusion, le mécanisme intérieur du dédoublement, le piège mental incarné.
– Doucement, Monseigneur Carotte, nous interprétons et tout est dans le ton… que je vous prie humblement de modérer…
– Continuez, maintenant que je vous ai, au péril de mon esprit, apporté cette clé nouvelle! Chacun son tour!
– Quand nous disons:
« Je suis un infiltré chez un agent double schizophrène que je suis.»
Ce ne serait donc pas un sujet humain qui parle de sa division intérieure.
– Vous me rassurez…
– C’est le labyrinthe intérieur qui se définit comme étant l'infiltré…
– Une présence invisible, cachée dans le psychisme?
– Mais alors que voudrait dire:
Un agent double schizophrène?
– Ne tronquez point! Il s’agit d’une présence invisible chez un agent schizophrène…
– C’est-à-dire au sein d’un sujet déjà divisé!
– C’est cela! Divisé… donc sujet à la schizophrénie…
– Que je suis… Le labyrinthe se revendique comme étant l’ensemble du piège…
– … la totalité du système intérieur.
– … le piège lui-même, le dispositif mental qui emprisonne!
– Qui suis-je alors si je suis celui qui le dit? Dit le labyrinthe…
– Il est alors alors celui, le labyrinthe, qui se décrit lui-même.
– Il est la nature trompeuse du système…
– Le discours de l’illusion!
– Le mécanisme mental qui se proclame sujet parlant…
– … pour mieux enfermer celui qui écoute…
– Je crois, Don Carotte… que nous approchons de la solution…
– Sans vouloir vous offenser, il est plus que temps… la fane de mon chapeau… depuis longtemps s’est fanée …