« La mémoire est le silence intérieur de l’âme. Elle sait ce que personne n’a dit. Elle garde le nom des choses quand les choses n’en ont plus.»
Herta Müller, La bascule du souffle
Je regarde, et je ne sais plus si c’est l’eau ou ma mémoire qui monte.
L’Archipel s’efface lentement, comme un mot qu’on retire d’un livre déjà lu.
Rien ne crie, rien ne lutte. Tout glisse.
Les visages que je croisais chaque jour deviennent des ombres,
et dans leur regard liquide, je ne vois plus d’attente.
Seulement le silence, ce silence compact, originel, qui m’enveloppe.
Moi, je ne bouge pas. Je sais que je vais être submergé. Je le sais d’une connaissance ancienne, avant même la naissance du mot « savoir ». Quelque chose en moi frémi, comme un souvenir à demi effacé qui, sous la pression de l’instant, veut renaître sans oser le dire.
Et soudain, je l’entends.
Non pas une voix claire. Une rumeur, une plainte lente, sinueuse, qui vient du fond de moi et qui pourtant m’est étrangère, ou trop proche pour être saisie.
« Enfant d’atelier, fruit d’un bois sans racine,
Moi, je ne bouge pas. Je sais que je vais être submergé. Je le sais d’une connaissance ancienne, avant même la naissance du mot « savoir ». Quelque chose en moi frémi, comme un souvenir à demi effacé qui, sous la pression de l’instant, veut renaître sans oser le dire.
Et soudain, je l’entends.
Non pas une voix claire. Une rumeur, une plainte lente, sinueuse, qui vient du fond de moi et qui pourtant m’est étrangère, ou trop proche pour être saisie.
« Enfant d’atelier, fruit d’un bois sans racine,
Je fus jeté au monde avec pour seul destin
Ce long apprentissage où l’âme s’achemine
Par le mensonge nu vers un langage humain. »
Je chancelle.
Ce n’est pas moi qui parle. Et pourtant, c’est ma voix. Une voix ancienne, comme venue d’un gouffre où je n’ai jamais été mais dont je reconnais le froid.
Sous mes pieds, les plaques de roche se déplacent. Mais en moi aussi, des plaques tectoniques invisibles se mettent en mouvement. Ce que je croyais stable, mon nom, ma forme, ma mémoire, vacille. Et dans le grondement intérieur de cette dérive, je sens s'approcher le ventre du monde.
Le grand poisson.
Je ne sais pas ce qu’il est, ni d’où il vient.
Je chancelle.
Ce n’est pas moi qui parle. Et pourtant, c’est ma voix. Une voix ancienne, comme venue d’un gouffre où je n’ai jamais été mais dont je reconnais le froid.
Sous mes pieds, les plaques de roche se déplacent. Mais en moi aussi, des plaques tectoniques invisibles se mettent en mouvement. Ce que je croyais stable, mon nom, ma forme, ma mémoire, vacille. Et dans le grondement intérieur de cette dérive, je sens s'approcher le ventre du monde.
Le grand poisson.
Je ne sais pas ce qu’il est, ni d’où il vient.
Mais il est là.
Et je sais qu’il m’attend depuis toujours.
« J’ai vu les nuits sans fin où l’homme, sans lumière,
« J’ai vu les nuits sans fin où l’homme, sans lumière,
Marche droit dans le doute et se tord dans l’orgueil.
Moi-même fus ce bois rêvant d’être une pierre,
Pour échapper au cœur, au souffle, à son linceul.»
Je voudrais crier, mais tout ce qui sort de ma bouche est ce poème que je ne connais pas, mais que je comprends.
Est-ce cela, se souvenir?
Non pas retrouver une scène, mais être traversé par elle comme une corde tendue vibre sous l’archet du vent?
Il me semble…
Je voudrais crier, mais tout ce qui sort de ma bouche est ce poème que je ne connais pas, mais que je comprends.
Est-ce cela, se souvenir?
Non pas retrouver une scène, mais être traversé par elle comme une corde tendue vibre sous l’archet du vent?
Il me semble…