mercredi 23 juillet 2025


 


Pour un lecteur attentif, parler d’une île volcanique constamment changeante et pourtant parfaitement invisible, même si l’on ajoute onctueusement ou un même un peu sournoisement, qu’elle serait à l’abri des regards, devrait pour le moins ouvrir une petite brèche dans la solidité d’un tel récit… Surtout si l’on ajoute que cela se passerait comme hors du temps, au centre d’une clairière improbable entièrement occupée par un arbre gigantesque, Don Carotte, encore un peu sceptique et Sang Chaud, prenant de plus en plus de plaisir à creuser, dialoguent à propos d’une énigme qui a pris place dans la tête de ce dernier après qu’il eut, selon lui, rencontré un âne arboricole. Toujours est-il que le dialogue à propos de l’énigme, loin d’être résolue, continue…


– Continuons avec «Je suis un infiltré»!
– À nouveau la confusion possible entre le verbe être et le verbe suivre!
– Oui, il pourrait être un infiltré…
– Ou il pourrait en suivre un… ce qui n’est pas la même chose!
– C’est le moins que l’on puisse dire!
– Qui peut le moins peut en dire plus!
– L’infiltré pourrait être un agent secret dissimulé…
– Il pourrait se faire passer pour lui!
– Mais… de toute façon… cette identité cachée est “chez” quelqu’un…
– Mais pourquoi énoncer: «Chez un agent double schizophrène »?
– Une chose à la fois…
– Surtout en cette circonstance!
– Premièrement, l’agent double travaille pour deux camps opposés. Il joue deux rôles à la fois…
– Ce qui nous amène à la schizophrénie!
– Nous y venons… on pourrait, à ce stade… parler d’identité éclatée… même si le mot est peut-être un peu fort.
– Mais la schizophrénie n’est pas une qualité… c’est pour le moins un trouble… voir même ne pathologie!
– L’inconscient, quand il se manifeste, trouble peu ou prou le conscient… ne serait-ce point là son rôle?
– Certes, mais on ne peut sans danger comparer des troubles sans en créer de nouveaux!
– Revenons donc plus simplement, avec cohérence… au trouble caractérisé par une perte de cohérence du moi…
– Vous m’inquiétez…
– Rassurez-vous, je ne fais qu’analyser… Je parlais de voix internes…
– Celles entendues dans l’inconscient?
– C’est cela! Celles qui apportent quelque altération au rapport au réel.
– Donc l’infiltré est à l’intérieur d’un être qui, comme lui, serait déjà double et donc: divisé…
– Peut-être fracturé… comme nous tous!
– Parlez pour vous!
– Il me semble, à vous écouter, qu’il subsiste, du moins pour moi-même, un paradoxe qui me dérange!
– Dites-nous!
– L’infiltré pourrait être à l’intérieur de lui-même… Il serait alors, à la fois, l’observateur extérieur…
– … et l’être habité! Vous m’avez suivi!
– Il serait alors étranger à lui-même!
– Vous m’avez dépassé!
– Je crois que l’auteur de ce texte pourrait être défini comme un étranger (infiltré) à l’intérieur de son propre moi divisé (agent double schizophrène).
– Ce qui expliquerait, au sens original de ce verbe…
– À quoi faites vous allusion?
– Le verbe expliquer ne fait que défaire les plis dans lesquels se cachent ce qui ne peut être vu…
– Ce que j’expliquais… qui serait alors une métaphore d’une identité éclatée où il ne se reconnaîtrait plus totalement dans lui même!
– Et, à ce stade bien avancé, diantre, nous ne savons toujours pas qui il est!
– Nous allons y venir… ou… peut être vient-il à nous…
– Qu’il vienne donc, je saurais l’accueillir… comme il dira à un chevalier éclairé!
– Nous en arrivons…
– C’est bien le moment!
– “Qui suis-je si je suis celui qui le dit”
– C’est çui qui dit qui l’est!
– Grandissez Don Carotte, vous n’êtes plus un enfant!
– Il est dit… en substance… comme en esprit : Soyez comme des enfants!
– Encore une fois, en essayant de ne point perdre le fil de notre quête de sens, il nous faut être attentifs au sens des mots! Quel serait le mot important dans votre remarque… qui n’est point sans intérêt?
– Je vous remercie… Je crois que le mot important est l’enfant… mais je vous vois venir avec vos pièges et manigances incessants!
– Vous avez raison… non pas à propos des miens, mais de vos propres pièges… Ainsi le mot important sera « comme ». Il ne s’agit point de devenir ou de redevenir des enfants… Mais de redevenir comme des enfants. Revenir vers l’émerveillement qui est celui de l’enfant qui découvre…
– J’entends bien… cessez de vous perdre et revenons à nos moutons et soyez moins bavard!
– Comme il vous siéra… mon bon maître… mais il faut, en passant, que je vous corrige… il ne s’agit point de moutons…
– Lâchez cela… et dites-nous sans attendre qui est l’auteur de ce charabia qui congestionne mes boyaux…
– Êtes-vous malade?
– Qu’allez-vous imaginer? Que votre diarrhée verbale suscite en une autre plus concrète? Cette fois c’est vous qui êtes piégé! Je parlais des boyaux du cerveau… petit insolent! Reprenez, maintenant, ne si vous le pouvez!


Aucun commentaire: