mercredi 6 août 2025
mercredi
mardi 5 août 2025
Mardi
Qui m’atteint au matin, me glace et m’isole.
Je suis ce voyageur, guetteur sans raison,
Pris dans un cri secret qui revient à foison.
– Je suis, dit la voix, un agent, un fantôme,
Infiltré en moi-même, double jusqu’à l’atome.
Suis-je celui qui parle, ou celui qui l’entend, toujours?
– Vous aimeriez trancher, Maître Carotte, entre deux parts contraires? Vous aimeriez savoir laquelle est le chant, l’autre la pierre? Mais pourquoi voulez-vous donc qu’un choix simple suffise… Là où le monde même ne se décompose ni ne se divise?
Curieusement, je comprenais tout ce qu’il me disait et cela me calmait… et dans ce calme je comprenais que ce n’était pas ce qu’il me disait qui importait le plus mais la façon, le rythme de sa scansion qui agissait en moi…
– L’homme parle ou se tait, il ne saurait être les deux! Or, cette voix vous trouble, elle vous chasse de vos vœux!
– Si je suis celui qui parle, alors je suis le traître,
Si je l’entends, je suis un esclave sans maître!
Dites-le-moi! Suis-je le forgeron, ou l’écho?
Celui qui porte le masque, ou l’ombre sous le manteau?
Céleste, reprit avec plus de poids.
– Peut-être êtes-vous, Maître, ce que l’écho fabrique!
– Je suis peut-être le voyageur perdu… mais c’est le sentier qui me tord.
Sans se laisser démonter, Céleste me répondit:
– Quel sens portes-tu là?
Je suis chair, je suis sang, non un chemin dissimulé!
– Serais-je donc, Céleste, un corridor sans fin?
Un vide qui se parle, un chemin sans chemin?
lundi 4 août 2025
Lundi
dimanche 3 août 2025
Dimanche
Alors nous pouvons dire que ce n’est pas un individu divisé qui s’exprime… C’est…
– C’est le labyrinthe en tant qu'entité qui se manifeste par la parole… Tu es alors la structure même de la confusion, le mécanisme intérieur du dédoublement, le piège mental incarné.
Ce ne serait donc pas un sujet humain qui parle de sa division intérieure.
samedi 2 août 2025
Samedi
Il y est question d’être, et de se désavouer.
Le je se dédouble, s’écoute, et veut se jouer.
Aujourd’hui encore et depuis toujours, sans interruption le récit continue.
Tout comme mes pensées, la plaque océanique glisse. Le point chaud, toujours actif, prépare la naissance de la prochaine île, quelque part sous la mer. Quelque part en moi-même... Discrètement, presque imperceptiblement, petits et grands séismes annoncent les mouvements. Mes propres mouvements. La mer frémit. Je frémis. Et un jour, sans prévenir, la surface se brisera: une colonne de feu s’élèvera à nouveau, et une île surgira, comme au premier matin du monde.
vendredi 1 août 2025
– Voyez-vous cela! Cher… Je ne trouvais point mes mots pour qualifier ce petit je ne sais quoi en forme d’âne minuscule…
– Donc, me répondit-il, si je suis… ou vous êtes le labyrinthe, celui qui dit: je suis, est le sujet conscient, mais éclaté, qui parle depuis une partie lucide en moi, en lui, observant ma, sa propre schizophrénie.
Comprenez-vous… c’est la partie consciente du labyrinthe.
– Mais alors! lui répondis je, “Qui suis-je si je ne suis que celui qui l’entend?”
À ma grande surprise, sans que j’entreprenne quoique ce soit, les éléments de l’énigme se mettaient en place comme jamais ils ne l’avaient été jusque là. À tel point que j’en fus littéralement émerveillé. Les mots sortaient de ma bouche sans même que je les prononce.
– Je suis l’inconscient captif d’une parole intérieure que je ne contrôle pas.
– C’est cela me répondit l’âne… Autrement dit... dites-le!
Alors sans hésitation, d'une voix claire, je le lui dis:
– Donc, repris-je, je suis le moi passif, celui qui subit la schizophrénie intérieure sans pouvoir la comprendre ni la stopper.
– C’est la partie submergée de nous-même: le labyrinthe.
jeudi 31 juillet 2025
[...]
À chaque moment, dans la vie des peuples comme dans celle des individus, il existe un courant d’événements qui porte les hommes avec lui, mais où chacun croit qu’il peut diriger ce courant.
[...]
Ce que nous appelons la volonté d’un homme n’est que la résultante de toutes ces forces; et cette volonté, nous l’érigeons en cause des événements, alors qu’elle en est seulement l’expression.»
– Tu es Sang Chaud! Pas besoin de le demander!
– Faites un petit effort Monseigneur, je récapitule tout en ayant en tête l’énigme… C’est pourquoi je l’ai citée quand j’ai posé la question: Qui suis-je? C’était une citation!
– Avance donc manant! Que ma quête puisse commencer avant que ne disparaissent les astres qui nous font de l’ombre…
– Je vais donc répondre directement et précisément, en distinguant bien les deux cas posés par la question.
Qui suis-je si je suis celui qui le dit?
Je suis la conscience lucide de ma propre division.
– Je le redis… ce n’est pas en mon nom que je parle…
– Je suis celui qui assume et énonce ma propre étrangeté.
mercredi 30 juillet 2025
Première clé
Et à mesure que la plaque tectonique dérive, quelques centimètres par an, mais des kilomètres en millions d’années, la source de feu restait en place, forant plus loin, plus à l’ouest, de nouvelles îles dans son sillage.
– Ainsi nait et renaît l’archipel: une procession d’îles comme des perles arrachées à l’ombre. Certaines n’existent plus que comme des hauts-fonds, d’autres se dressent encore, imposantes, jeunes ou vieilles, selon leur position dans cette ligne de feu. Les îles les plus anciennes, situées à l’est de la chaîne, sont désormais presque éteintes.
Leurs cratères sont comblés, leurs coulées fossilisées, et des couches de cendre, de sable, de vie s’y sont déposées. L’érosion y a sculpté des falaises tabulaires, des promontoires étranges, parfois des arches naturelles. Elles abritent aujourd’hui une flore rudimentaire, de mousses et d’arbustes nains, accrochés aux plis du vent. Et il arrive que des voyageurs découvrant ces derniers, croient, par manque de conscience de leur propre état, être face à un géant!
mardi 29 juillet 2025
Les grondements s'intensifient et deviennent menaçants, effrayants.
Que se passe-t-il? S'agit-il d'un incendie qui enflammerait les entrailles de la montagne? Et pourquoi cela survient-il à présent? On ne se rappelle plus vraiment que le volcan avait déjà détruit des villes entières il y a bien longtemps. Il n'en reste plus rien, ou presque. On s'interroge sur les causes: nos péchés? Des désordres à la Cour? Une punition ou un avertissement? Peut-être tout cela à la fois. Les savants, les mages et les astrologues s'affairent pour tenter de comprendre. Mais c'est la peur qui domine.»
lundi 28 juillet 2025
– Maître, je vois sans déplaisir qu’une certaine idée fait son chemin… loin de moi l’idée d’enfoncer quelque clou…
– Continue donc! Et si l’idée fait son chemin …
– Les idées comme les pensées vont et viennent à leur guise . Si elles veulent aller par là elles y vont, si elles veulent aller par ici elles y viennent. Rien ne leur résiste. En chaque chose elles creusent d’invisibles chemins…
– Qu’en est-il de notre chemin… Parle puisque telle est ma demande. Je veux être inclus.
– Comme l’on dit, vous le savez sûrement, … le chemin n’est pas le chemin… et, malgré notre long cheminement, rien n’est encore résolu…
– Résolvez… résolvons donc! Sonnez le rappel des mots!
– Voilà! D’où donc, sinon de lui, me vint cette prose étrangère?
– Sans même reposer l’énigme, l’énigmatique est de retour… Qui donc est ce lui? Est-ce peut-être à nouveau un piège où mon propre esprit va pêcher?
– Je vous le dis… presque sans détour… il s’agit peut-être… de votre futur destrier…
– Quoi? De ces ânes sans prestige?
– Ridicules, ils ne sont point. Brisez ce litige.
– Ne me redites surtout qu’ils parlaient, sacrebleu!
– Je ne dis rien de tel… mais… ouvrez un peu mieux…
– Mais ? Qu’est-ce que mais? Achevez donc votre phrase.
– Mais… sans qu’il me parlât, sans parole, sans emphase, je me vis tout à coup penser, à une énigme obscure échappée de chez lui.
– Trêve de détour, rappelle ici cette parole amère qu’on en finisse!
– En ces termes précis elle se présenta:
« Qui suis-je si, me réveillant sans cesse, de jour en jours me poursuit l’écho des mots entendus dans mon sommeil:
– Et quelle sera notre réponse à ce noir embarras?
– Nulle, Monseigneur, nulle. Le trouble m’envahit. Je l’avoue.
– Qu’allons-nous faire? Tu le sais, quand l’inactivité me pèse… le bouillonnement se fait sentir… Ressens-tu les tremblements de l’île?
– Messire, gardez votre calme, vous me faites frémir à mon tour. Point n’est besoin d’éructer… pardon… d’érupter… enfin… d’éruption… excusez la confusion… je voulais dire exploser… Je crois fermement, comme l’âne m’y guide, qu’il vous faut le rencontrer…
– Faudra-t-il pour cela, dans cette confusion, que je m’abaisse?
– Cette question vous appartient, noble Maître, et fluide est la réponse..
– Pourquoi, diantre, devrais-je à ces jeux me livrer?
– Ce pourrait être le destin… votre destin… et nul ne peut l’ignorer. Le moment est venu d’implorer une clé!