« Le langage humain est le tombeau de la révélation. Ce que l’on cherche à dire s’enfuit dès qu’on le nomme. Toute parole véritable commence par un échec. C’est pourquoi il existe un point où le langage se retourne contre lui-même, et ne dit plus que son propre manque.»
Gershom Scholem, extrait de ses réflexions dans La Kabbale et son symbolisme
Pinocchio, l'Autre, parle, souvent, à voix basse, dans une langue qu’aucune oreille ne
comprend. Peut-être une langue qui n’est même pas encore née, ou qui
s’est perdue avant le langage. Une langue de ce bois qu’il rejette,
qu’il interroge:
– Qui suis-je, si je ne suis pas celui qu’ils nomment?
Pourquoi suis-je sculpté à l’image d’un nom que je refuse?
Est-ce cela, être? Devenir le rejet d’un autre en soi?
Mais
il n’y a pas de réponse. Rien qu’un froissement d’étoffe dans l’air,
peut-être la voix du premier, ou de tous ceux qui, avant lui, ont tenté
de se détacher du miroir.
Et
parfois, dans la pénombre d’une coulisse effondrée, il croit apercevoir
l’Original. Non comme une figure stable, mais comme un reflet dans une
flaque. L’image tremble, vacille. Parfois c’est lui. Parfois c’est
l’autre. Parfois c’est l’absence des deux. Alors
il comprend, mais comme on endure, que l’Autre n’est pas ailleurs. Il
est ce pli intérieur, ce grain dans le souffle, cette scission au cœur
de la chair inventée.
Il n’est pas Pinocchio. Mais Pinocchio n’est pas lui. Et dans ce double refus s’ouvre un abîme qu’il habite. Non comme une demeure. Mais comme une question que rien ne viendra refermer.