Pensée

 

«Tout pouvoir est pouvoir de mise en récit. Cela ne signifie pas seulement qu’il se donne à aimer et à comprendre par des fictions juridiques, des fables ou des intrigues; cela veut dire plus profondément qu’il ne devient pleinement efficient qu’à partir du moment où il sait réorienter les récits de vie de ceux qu’il dirige.»

Patrick Boucheron, Ce que peut l’histoire, Paris, Fayard (Leçons inaugurales du Collège de France), 2016, pp. 48-49.

 

 

– Souvent l'on pense que l'on ne peut s'empêcher de penser...

– Cette formulation est inexacte... On confond souvent
l'acte de penser avec le fait que ces pensées nous envahissent sans que
pour autant elles aient été invitées.

– Et alors?

– Dans ce cas, ce n'est donc pas nous qui pensons mais nous qui sommes pensés...

Reconnaissance

« Chacun reconnaissant en l'autre un sourire qui ne leur appartenait pas mais qui était là et qui, aussitôt qu'il apparaissait, se multipliait, se répandait... presque à l'infini. Ils s'appréciaient comme deux frères enfin réunis après une trop longue absence. D'une manière incompréhensible pour moi, ils se parlèrent longuement. Puis, fort docilement, le plus petit vint se poser sur la main que je lui tendais en souriant, moi aussi.Ce qui se passa alors, je ne m'en souvient pas. Le soleil tapait si fort que je perdis connaissance.»

 

– D’où viennent ces fumées?

– Ce ne sont point vraiment des fumées...

– Que sont-elles alors?

– Ce sont des voiles.

– À quoi servent-ils?

– À dévoiler...

 

Vérité

 

«La vérité est comme le lézard: elle vous laisse sa queue entre les doigts et décampe, sachant parfaitement qu’il lui en poussera une nouvelle en un rien de temps.»

Ivan Tourgueniev

 

– Tout étant partie du tout, pleinement ou partiellement, serait-ce possible que ce tout soit à la fois infini et fini?

– Vérité ou mensonge?

– Vérité et mensonge... mais ce «tout» n'est point le langage qui tente, vainement, de le dire...

Sans le savoir

 

« L’enfant, sans le savoir et sans le pouvoir du dire participe secrètement au grand jeu des idées. Déjà lui fait défaut, peut-être pour toujours, ce qui est le socle de l’ordre, la certitude.»

 

 Autour de lui dansent les mots qu’il ne comprend pas.