vendredi 30 juin 2006

Le bandeau (12)


Don Carotte est fait prisonnier. Un large bandeau rouge lui recouvre les yeux. Il est affublé d’une ridicule perruque de juge. Ses bras et ses pieds sont attachés. Pour marcher il doit faire de tout petits pas qui le déséquilibrent constamment. Il a l’impression de marcher sur un monde instable qui roule sous ses pieds. Il voudrait écarter les bras, plier les genoux pour garder son équilibre, mais il ne peut pas. Deux bras puissants le soutiennent et l’entravent à la fois. Pas un souffle, pas un murmure ne rompt le silence qui l’entoure. Sans avertissement, les deux bras le lâchent et lui enlèvent le bandeau. Automatiquement, ses deux bras s’ouvrent comme pour accueillir un hypothétique équilibre, ses jambes se plient et son regard cherche au loin un point d’appui. Son sourire est trompeur...

La vie trépidante, ardue et amoureuse et imprévue
de l'ingénu Don Carotte et de son frère "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source lumineuse"

jeudi 29 juin 2006

Au pas de l’âne (6)


...
Ils partirent ensemble. Don Carotte marchait au pas de l’âne tirant sa misérable roulotte. Ils avaient pensé que voyager dans sa luxueuse roulotte de vedette déchue serait beaucoup trop voyant et leur attirerait des ennuis. Il fallait se faire oublier un certain temps. Ce temps fut dur. Les deux amants ne mangeaient plus à leur faim. Le temps passait. Ils virent l’Orient et l’Occident. Ils maigrirent et perdirent beaucoup d’enfants. Une malédiction planait sur eux.

La vie trépidante, ardue et amoureuse et quelquefois décevante
de l'ingénu Don Carotte et de son frère, un peu oublié, "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source passagère"

Le mariage (5)


Elle en vint à se réfugier derrière le rideau de scène. Elle s’y sentait mieux. Elle dira plus tard que c’était le seul endroit où elle s’était sentie bien. Elle y ressentait une sorte de chaleur qu’elle n’avait jamais connue ailleurs. Et pourtant nous verrons qu’Almira aussi possédait de brûlants secrets… Ce qui devait arriver arriva. Ils se rencontrèrent derrière le rideau. Il serait difficile de dire qui des deux fût le plus surpris. Ils mirent longtemps avant de se parler. Au début, ils ne firent que partager l’espace en se regardant en cachette. Même ainsi, ils se sentaient bien. En sa présence, Don Carotte continuait de parler à son miroir. Elle était la seule à connaître le secret...
Ils se marièrent à leur manière. C'est-à-dire seuls... gardant leurs masques dans une église improvisée...

La vie théâtrale, ardue et amoureuse et quelquefois troublante
de l'ingénu Don Carotte et de son frère, un peu oublié, "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source passagère"

mercredi 28 juin 2006

Le miroir (4)


La petite étoile me faisait irrésistiblement sourire. J'entrais dans la colonne de lumière, esquissais quelques pas de danse avec elle et puis d'un geste auguste, je faisais apparaître une petite échelle, sur laquelle, en équilibre, je montais... sous l'oeil stupéfait des spectateurs. Je regardais en tendant le bras au loin avec insistance jusqu'à ce qu'une deuxième colonne apparaisse, tombant du ciel, un peu à côté de moi, une colonne qui grandit jusqu'à devenir exactement identique à la "mienne". Un fois que le nuage de poussière était retombé,on pouvait apercevoir un homme habillé de couleurs criardes assis sur une échelle toute semblable à la mienne. Il était exactement dans la même position que moi et me regardait d'un oeil un peu allumé. C'est ainsi que, désormais, m'apparaissait l'homme au miroir. Ce n'était plus cet homme éthéré avec qui je dialoguais derrière le rideau. La première fois que je le vis ainsi j'en fus choqué... Et cela dut se voir sur mon visage puisque de la foule se mit à rire discrètement. Il se mit à parler au moment même où j'ouvrais la bouche.
- Je ne peux tout de mêêême pas être le mêêême en public qu'en privé, tout de mêêême....
Je n'aimais pas sa façon de parler. Je le lui dis gentiment, mais fermement... Il me répondit par un sourire racoleur qui fit se pâmer les spectateurs...

La vie trépidante, ardue et amoureuse et quelquefois surprenante
de l'ingénu Don Carotte et de son frère "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source lumineuse"

mardi 27 juin 2006

Première (3)


Notre incident ne fut jamais élucidé. Personne ne sut qui m'avait blessé. Je mis un certain temps à m'en remettre. J'étais le seul à connaître la vérité... Il fallut que j'explique ce que je faisais derrière le rideau de scène dans ce costume bizarre que le public avait tant aimé. C'est alors que le directeur eut l'idée d'axploiter l'incident: Tout recommencer sous la forme d'une petite histoire que je fus chargé d'écrire ! Sans que quiconque ne me blesse, mais en faisant semblant, je devais faire en public ce que je faisais seul, face au miroir. Le spectacle commençait par la présence d'une immense colonne de lumière, dans laquelle, par un artifice de théâtre, dansait une petite étoile filante. Sorti de la nuit, je tendais le bras vers elle...

La vie trépidante, ardue et amoureuse et quelquefois dangereuse
de l'ingénu Don Carotte et de son frère "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source souterraine"

lundi 26 juin 2006

La clameur (2)


Ce jour-là, le face-à-face fut exceptionnellement intense. Je perdis connaissance... Je ne me réveillais que lorsque j'entendis une immense clameur. Dans sa précipitation à venir me secourir, le directeur avait accroché le rideau et sans s'en rendre compte, l'avait grand ouvert. Ce qui fait que nous nous retrouvâmes sous le feu des projecteurs. C'est la vue de mon corps inerte, de sa blancheur et de cette petite tache rouge sur mon côté qui provoqua cette clameur.

La vie trépidante, ardue et amoureuse et quelquefois pathétique
de l'ingénu Don Carotte
et de son frère "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source incertaine"

dimanche 25 juin 2006

Le miroir (1)


Quand la nuit tombait, il m'arrivait de m'asseoir devant une petit miroir éclairé par une bougie. Je ne sais pourquoi mais, j'entamais alors avec cet autre visage que je voyais devant moi, une sorte de conversation. En fait, il ne s'agissait que d'un discours. Le discours de celui que je découvrais devant moi et que j'écoutais. C'était un être magique. Il irradiait une lumière qui me faisait rêver. Il arrivait à me persuader que je pouvais devenir comme lui-même.
– En un constant mouvement tu es et deviens à l'image des images que tu te fais du monde ! Recouvre et efface de tes mains ces misérables tourments qui ravagent ton visage en les couvrant de d’une blanche lumière. Le visage ainsi recouvert retrouvera la virginité primordiale de l'innocence. Pour parfaire la transformation, habille-toi entièrement de couleur blanche... Ainsi voilée, ton âme en errance lentement vers toi reviendra. Prends garde à l’éclairage qu’il ne soit point trop ardent et veille à ce qu’il n’y ait aucune éclipse pendant laquelle elle fuirait...

La vie trépidante, ardue et amoureuse et quelquefois poétique
de l'ingénu Don Carotte
et de son frère "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source pas si sûre"

samedi 24 juin 2006

La pêche miraculeuse


Surmontant mes doutes, ce doute humain qui si souvent nous paralyse et malgré l'échec de la nuit, j'avais confiance et je retournait jeter mes filets. Je décidais aussi de me jeter à l'eau. La pêche de ce jour-là fut bonne, une merveille d'abondance, presque inquiétante aux yeux de cet homme simplet qu'est mon frère. Cela promettait pour le lendemain... cependant un détail remettait tout en question. J'avais capturé tellement de poissons que le filet se rompit. Aussitôt je plongeais dans les profondeurs tumultueuses et le réparais du mieux que je pouvais. La tête me tournait, dans l'aventure, j'avais malencontreusement déchiré mon maillot. Pris par le tourbillon de mes activités, j'avais vite fait en effet de le perdre de vue. Il fallait que je remonte sans lui. Mon frère devait être inquiet de ne pas me voir apparaître. Chancelant, tremblant, cherchant mon souffle, renaisssant, je m'accrochais au mât du bateau. N'écoutant que son courage et sa pugnacité mon frère me recouvrit d'une petite voile rouge, se saisit de sa longue canne, retroussa sa manche, et d'un geste aussi élégant que précis réussit à le harponner. Flottant entre deux eaux, le combat fut âpre. Le temps pressait, la foule s'était massée sur les bords du lac...

La vie trépidante, ardue et amoureuse et quelquefois spirituelle de l'ingénu Don Carotte
et de son frère "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source sûre"

Rondeur


Pour mémoire
Les grandes destinées
Dans ses moments de triste solitude, le général Casino se souvenait avec tendresse de certains instants bénis de sa jeunesse. Il était né dans un cirque. Très jeune, il avait participé au spectacle. Ses grands yeux étonnés, ses oreilles mobiles, sa démarche pataude et surtout sa fourrure duveteuse avaient attiré les regards amoureux et larmoyants des spectateurs. Cette élan amoureux l'avait un peu consolé de son triste sort... Plus tard, alors qu'il n'émouvait plus autant les visiteurs, il avait été engagé comme garçon de piste. Il aimait le costume à galons dorés qu'on lui faisait porter. Il ne se souciait guère des sourires, plus vraiment compatissant, mais légèrement moqueurs qui se portaient sur lui... De ce temps-là, il avait gardé un "souvenir". Une petite boule, très dure et polie qui ressemblait à du bronze... et dont l'odeur le transportait de joie et d'espoir, l'espoir de retrouver sa famille.
- C'est elle qui m'a fait comprendre la rondeur de la terre !

Vies, moeurs, éducation et destinée des baudets sauvages
A l'usage des sages et de ceux qui les croient bienheureux
Maître Desvilles
Publication interne de l'Académie "Découverte malgré tout"

vendredi 23 juin 2006

Tressaillement


Et si le troisième jour naissent déjà les herbes et les arbres et les prés, c'est parce que la Bible ne parle pas encore du paysage qui nous réjouit la vue, mais d'une sombre puissance végétative, accouplements de spermes, tressaillements de racines souffrantes et torses cherchant le soleil qui cependant, le troisième jour, n'est pas encore apparu.
La vie arrive le quatrième jour, où sont créés la lune et le soleil et les étoiles, pour donner lumière à la terre et séparer le jour de la nuit, dans le sens où nous les entendons quand nous calculons le cours des temps.

L'Île du jour avant
Umberto Eco

jeudi 22 juin 2006

La traversée du désert


Au temps béni où ils vécurent ensemble, mes parents durent traverser une période difficile, une véritable traversée du désert. Malgré leur talent, personne ne voulait plus d'eux. Ma venue au monde fût, à mon sens, la cause de leur disgrâce... Mon père se mit à douter...
Chacun à son tour fuyait les regards de l'autre. Sans logis, nous marchions. De longs mois après ma mère, c'était au tour de l'âne de me porter.

La vie trépidante, ardue et amoureuse et quelquefois triste de l'ingénu Don Carotte
et de son fidèle compagnon "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source sûre"

mercredi 21 juin 2006

Emma


C'était dans une petite auberge où nous nous produisions alors qu'Emma eut ce mot :
- Je ne suis pas celle que vous croyez...
Nous fûmes, mon frère et moi absolument stupéfait. Heureusement, c'était juste au moment de la commande du dessert, ainsi le maître d'hôtel pris note négligemment de ce que nous aurions certainement été incapable de restituer...
Ce qu'elle nous dit ensuite en cette minute constitue un instant dramatique privilégié, un moment d'étonnement, d'illumination, de saisissement et de joie teintée de crainte... qu'elle ne se révèle complètement à nos yeux ébahis ! Visiblement, ce qu'elle nous avait confié l'avait fait renaître...

La vie trépidante, ardue et amoureuse de l'ingénu Don Carotte
et de son fidèle compagnon "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source sûre"

mardi 20 juin 2006

Les Cariatides


La chambre de notre mère était un territoire interdit. L'été de nos quatorze ans, il faisait si chaud que nous ne sortions pas avant la fin de l'après-midi. Notre mère s'était absentée. Nous étions seuls. Il nous arrivait, comme ce jour-là, de visiter en cachette ... quand soudain nous entendîmes des voix. Impossible de fuir: nous étions nus ! Il fallait se cacher, très vite. Nous ne trouvâmes aucune autre solution que de nous cacher derrière les cariatides qui soutenaient la lourde tenture de velours rouge et de tenter de ne pas bouger... Ce que nous vîmes alors nous transforma en véritable statue de pierre...

La vie trépidante, ardue et amoureuse de l'ingénu Don Carotte
et de son fidèle compagnon "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source sûre"

lundi 19 juin 2006

Dona Carotte, mère


Pour un temps, le temps des étoiles filantes, Don Carotte oublie son histoire.

La vie trépidante, ardue, amoureuse et quelques fois paisible
de l'ingénu Don Carotte et de son frère "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source intermittente"

samedi 17 juin 2006

Lumière


Une lumière aveuglante me fit refermer les yeux lorsqu'on m'enleva le bandeau. A chacun de mes pas j'avais l'impression que le monde sur lequel je me tenais allait s'écrouler. Je tentais assez vainement de garder mon équilibre. J'étais partagé entre le désir de voir et la crainte de perdre mon équilibre. Curieusement c'était lorsque mes yeux étaient fermés que je retrouvais une sorte de stabilité. J'écartais instinctivement les bras et pliais les genoux. Après quelques soubresauts, la boule semblait s'être calmée. J'ouvrais à nouveau les yeux...

La vie trépidante, ardue et amoureuse de l'ingénu Don Carotte
et de son fidèle compagnon "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source sûre"

vendredi 16 juin 2006

Le jour se lève


Juste avant l’aurore, la croupe du coq est présentée au roi. Celui-ci lève majestueusement son sabot droit et, d’un geste auguste, en arrache la plus grande plume. Malgré les convenances, le coq ne peut s'empêcher d'ouvrir un large bec et de laisser s’échapper un long et puissant cri dont l’infortune n’échappe à personne. Le monde se réveille à cet instant précis et le soleil fait son apparition. Certains, et non seulement les plus intelligents, se surprirent à penser que ces deux événements étaient liés.

Le Beau Dais d'Or, conte philosophiste
Dave Hill

jeudi 15 juin 2006

Traversée


« Nous leur vîmes faire cette manœuvre avec la frayeur que vous pouvez vous imaginer, sans oser nous mettre en défense, ni leur dire un seul mot pour tâcher de les détourner de leur dessein, que nous soupçonnions être funeste. Effectivement, ils déplièrent les voiles, coupèrent le câble et l'ancre sans se donner la peine de la tirer, et, après avoir fait approcher de terre le vaisseau, ils nous firent tous débarquer. Ils emmenèrent ensuite le navire en une autre île d'où ils étaient venus.
...»

Histoire de Sindbad le marin

mercredi 14 juin 2006

Au péril du feu


Article 9
L'allumage
- Veille à entretenir la flamme qui fait vivre : garde ta bonne humeur en toutes circonstances. Rappelle-toi que ta monture s'imprègne de ton attitude tout autant que de sa nourriture et de ce tu tentes de lui enseigner. Ses oreilles sont plus longues et elles entendent mieux que les tiennes. Invente sans cesse de nouveaux jeux ! Votre premier ennemi est l'ennui ! Ne crains pas de te costumer ! À chaque fois que tu surprendras ton baudet, tu rallumeras la petite flamme vacillante qui éclairait ses yeux lorsqu'il était encore sauvage...
Quand le moment sera venu, tu prépareras avec soin un grand arceau que tu enroberas de fin papier blanc. Tu l'enduiras de matière inflammable. Attention : la moindre tache peut prendre une signification aussi inattendue et dangereuse que les conséquences qu'elle peut provoquer.

Vies, moeurs et éducation des baudets sauvages
A l'usage des sages et de ceux qui les croient bienheureux
Maître Desvilles
Publication interne de l'Académie "Découverte malgré soi"

lundi 12 juin 2006

Rationnement


Article 8
Tu partageras sans retenue avec ton âne ta ration de lecture quotidienne. Mieux : c'est ensemble que vous lirez. Tu verras, celui qui a le plus faim des deux, n'est pas forcément celui que tu crois. Sachez l'un et l'autre garder raison et une petite faim pour le lendemain. Veille à bien mettre à l'abri le livre après emploi. Nous rappelons que le grignotement entre les repas entraîne souvent des conséquences fâcheuses, notamment les tourments de l'âne, qui sont quelquefois lourdes à porter.

Vies, moeurs et éducation des baudets sauvages
A l'usage des sages et des bienheureux
Maître Desvilles
Publication interne de l'Académie "Découverte malgré soi"

dimanche 11 juin 2006

Sans en avoir l'air...


Article 7
Premier passage
Il faut guider sans imposer... Le premier passage est d'une importance capitale. De lui dépend la capacité de ne pas perdre son souffle. Nul ne saurait manquer d'air. L'impétrant doit être formé sans violence. Quand son équilibre sera parfait, il se projettera dans son monde les yeux fermés. Mis en confiance par son guide qui connaît parfaitement les lieux, il pourra exécuter le passage de la queue entre les deux oreilles. Le panache, préalablement enduit de poussière d'or, tel le fouet claquant franchement dans le vent, projettera un courant d'air qui lui caressera délicatement le front, traçant un chemin parsemé d'étoiles dont il portera à jamais le souvenir. Plus tard, à nouveau seul, c'est ce chemin qu'il tentera de suivre.

Vie, moeurs et éducation des baudets sauvages
Maître Desvilles
Publication interne de l'Académie Découverte

Orphée


...me conduire au point où, en moi, j'appartiens au dehors, me conduit là où je ne suis plus moi-même, où si je parle, ce n'est pas moi qui parle, où je ne puis parler. La rencontre d'Orphée est la rencontre de cette voix qui n'est pas la mienne, de cette mort qui se fait chant, mais qui n'est pas ma mort, bien qu'il me faille en elle plus profondément disparaître.
...
Par Orphée, il nous est rappelé que parler poétiquement et disparaître appartiennent à la profondeur d'un même mouvement, que celui qui chante doit se mettre tout entier en jeu et, à la fin, périr, car il ne parle que lorsque l'approche anticipée de la mort, la séparation devancée, l'adieu donné par avance effacent en lui la fausse certitude de l'être, dissipent les sécurités protectrices, le livrent à une insécurité illimitée.

L'espace littéraire
Maurice Blanchot
Folio essais

samedi 10 juin 2006

La "Sérénissime Cartographe"


- Où habites-tu ?
- Je loge dans un lieu commun.
- C'est bien ?
- C'est confortable et rassurant.
- Mais, les lieux communs sont ouvert à tous vents... Comment fais-tu pour être à l'abri ?
- A l'abri de quoi ?
- De tous les imprévus qui peuvent arriver à l'improviste...
- Dans les lieux communs, rien ne peut arriver à l'improviste. Tout est répertorié, certifié conforme au "Grand Plan" et étiquetté en conséquence.
- Je comprend que l'on puisse s'y sentir "bien", mais une chose me chatouille un peu tout de même...
- Tu peux me faire confiance et tout me dire...
- ... heu... la liberté...
- De quelle liberté veux-tu parler ?
- De la vraie, de la grande, de celle que chacun recherche...
- Elle n'existe pas. Il existe une quantité innombrable de libertés, mais celle dont tu parles n'est que chimère.
- Comment peux-tu être si sûr de ça ?
- Parce que c'est écrit !
- C'est écrit où ?
- Sur la grande carte.
- Qu'est-ce que c'est que ça ?
- Chut...
En disant cela, il me prit dans ses bras plumeux. Son regard inquiet inspecta rapidement les alentours.
- Fais-toi léger ! Je vais t'emmener la voir.
- Voir qui ?
Une angoissante vision pénétrait mon regard. La terre que j'avais sous les pieds s'était mise à rétrécir. Les étoiles se rapprochaient à une vitesse vertigineuse.
- Tu vas rencontrer la "Sérénissime Cartographe"...

La vie trépidante, ardue et amoureuse de l'ingénu Don Carotte
et de son fidèle compagnon "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source sûre"

vendredi 9 juin 2006

Le "baston" et le point d'interrogation(6)


Article 6
Rappelez-vous qu'il ne faut exiger que des mouvements qui se rapprochent le plus possible des mouvements naturels que votre élève éxécutait lorsqu'il était encore à l'état sauvage. Ses mouvements étaient alors purement intuitifs et spontanés. Aujourd'hui, c'est vers la conscience de ses actes que vous tentez de le menez. Ainsi, tel les mouvements inversés du balancier mesurant le temps, la courbe de sa queue va être entraînée au-delà de sa trajectoire. C'est le fameux "coup de fouet". Au moment même de la déchirure du temps, sa courbe s'inversera en un mouvement sans fin. Le panache se relevera et formera un point d'interrogation. Point de départ, que dis-je, point de "naissance" de sa conscience!

Vie, moeurs et éducation des baudets sauvages
Maître Desvilles
Publication interne de l'Académie Découverte

jeudi 8 juin 2006

Apparition


Rien ne nous avait préparé à son apparition. Tout, dans son attitude eut dû nous alerter... Impossible de dire avec certitude si le visage de l'homme chevauchant l'âne écorché nous faisait face. Que fallait-il comprendre de cette face de clown au sourire inquiétant qui semblait surgir de son côté?

Le Roy Orky (48)
D. Will

mercredi 7 juin 2006

Alerte


C'est alors que, du fond du miroir, apparut celui qui se proclamait roi. Tout, dans son attitude eut dû nous alerter... Sa façon d'apparaître double, une main qui se lève, soit disant pour montrer, une autre main qui se porte à sa ceinture où l'attend, remplie des chauds désirs du corps, une épée à peine refroidie et impatiente de tracer un chemin d'où les mots pourraient s'écouler.

La vie trépidante, ardue et amoureuse de l'ingénu Don Carotte
et de son fidèle compagnon "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source sûre"

Enigme


Aucun d'entre nous n'arrivait à voir la même image. Certains n'y comprenaient rien, d'autres voyaient une tête de cheval ou croyaient voir des visages de monstres, d'autres encore y voyaient des moutons apeurés. Moi-même, je discernais une majestueuse tête de lion et des masques de théâtre. Un enchevêtrement de significations confuses nous empêchait de répondre unanimement à l'énigme.

Le Beau Dais d'Or, conte philosophiste
Dave Hill

lundi 5 juin 2006

Pause

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Miroir


En regardant un autoportrait, qu'il trouve ridicule, de son propre père, homme du peuple, homme d'affaire et comédien amateur "en armure", Don Carotte s'interroge sur le sens de sa propre démarche de"vrai" comédien. Il regarde avec tristesse cette canne qu'il connaît trop bien et se souvient de l'un des sonnets de Shakespeare que son père se plaisait à lui réciter avec emphase :
"Que ceux qui ont la faveur de leurs étoiles soient fiers d'honneur public et de titres pompeux, mais moi que "ma"* fortune prive de tels triomphes, m'advient joie imprévue en ce que j'honore plus.
Les favoris des princes étalent leurs pétales, comme la marjolaine sous l'œil du soleil, et en eux-mêmes leur orgueil est enseveli, ils meurent dans leur gloire sur un froncement d'œil.
Le guerrier pour ses grands travaux renommé, après un millier de victoires vaincu, il est rayé du livre de l'honneur, et tout est oublié pour quoi il a peiné.
Alors heureux je suis qui aime et suis aimé, où ne pourrais changer, non plus être changé."**

**154 sonnets (sonnet 25)
Shakespeare

* Le père de Don Carotte s'autorisait quelque légère distorsion par rapport au texte original. Quand il le lui faisait remarquer, il lui répondait avec une sévérité qui ne s'adressait pas qu'à lui, mais aussi et surtout à sa propre image qu'il regardait "par-dessus tout" dans son miroir :
-Ainsi je fais mien ce qui eût pu être à moi !..

La vie trépidante, ardue et amoureuse de l'ingénu Don Carotte
et de son fidèle compagnon "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source sûre"

dimanche 4 juin 2006

"La part des yeux"


Ce portrait de jeunesse de Don Carotte est le seul qui soit parvenu jusqu'à nous. Il nous montre un jeune homme plutôt grand et espiègle pour son âge. Son corps a grandi trop vite et sa joue est à peine velue. Ce jour-là, comme tant d'autres, il a ouvert le tiroir secret de l'armoire interdite et a revêti, à son insu, l'habit de cérémonie de son père, Grand Echanson de la Noble Compagnie des Sources et des Forêts. Manteau qu'il aimait mettre à l'envers, le rouge de la doublure à l'extérieur... Déjà, il sait faire ce qu'il appelle "la part des yeux". Cela lui confère cet air espiègle et mystérieux qui lui jouera plus d'un tour dans sa tumultueuse vie.

La vie trépidante, ardue et amoureuse de l'ingénu Don Carotte
et de son fidèle compagnon "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source sûre"

samedi 3 juin 2006

A l'ombre des moutons se dessine...


Je me vêtis de la peau de mouton et j'avançais. Bien dissimulé par deux rangées d’arbres, une clairière au centre de laquelle l'ombre d'un arbre qui m’était inconnu, resplendissait dans une lumière nacrée. Je bouillonnais d’impatience d’en arracher les secrets : des fruits nappés d’une lumière dorée s'offraient à moi.

Le Beau Dais d'Or, conte philosophiste
Dave Hill

vendredi 2 juin 2006

Vanitas


Ah! Maintenant que je connais la puissance qu'exerce la vanité sur le coeur humain, vanité qui n'est que l'envers de la peur de ne pas être aimé.

La maîtresse des épices
Chitra Banerjee Divakaruni
Picquier poche

jeudi 1 juin 2006

Face-à-face


Pas un seul instant, nous n'imaginions avoir été suivi. C'est pourquoi, alors que nous en arrivions à la conclusion, un petit homme très étrange...

La vie trépidante, ardue et amoureuse de l'ingénu Don Carotte
et de son fidèle compagnon "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source sûre"

Rencontres


C'est au cours du repas qui suivi que je fis sa connaissance. J'étais obnubilé par ma voisine qui se trouvait à ma droite et qui, je dois le dire ne m'accorda pas un seul regard. J'esayais vainement de comprendre quelque chose à toute l'agitation qui semblait émaner d'elle. Je n'arrivais pas à détacher mon regard de sa personne, spécialement de la région de son coeur, tant et si bien que je ne remarquais point mon autre voisine... jusqu'à ce qu'elle me transmit très discrètement un message de sa main :
"- Quand on est aimé d'une belle femme, dit le grand Zoroastre, on se tire toujours d'affaire en ce monde."*

La vie trépidante et ardue de l'ingénu Don Carotte
et de son fidèle compagnon "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source sûre"

* "Zadig, ou la destinée" Voltaire (Folio classique)