lundi 30 novembre 2009

«Un arrosoir, une herse à l'abandon dans un champ, un chien au soleil, un cimetière misérable, un infirme, une petite maison de paysans, tout cela peut devenir le réceptacle de mes révélations. Chacun de ces objets, et mille autres semblables dont un œil d'ordinaire se détourne avec une indifférence évidente, peut prendre pour moi soudain, en un moment qu'il n'est pas du tout en mon pouvoir de provoquer, un caractère sublime et si émouvant, que tous les mots, pour le traduire, me paraissent trop pauvres. Ces créatures muettes et parfois inanimées s'élancent vers moi avec un amour si entier, si présent, que mon regard comblé ne peut tomber alentour sur aucune surface morte. J'ai alors l'impression que mon corps est constitué uniquement de caractères chiffrés avec quoi je peux tout ouvrir. Ou encore que nous pourrions entrer dans un rapport nouveau, mystérieux, avec toute l'existence, si nous nous mettions à penser avec le cœur.»

Hugo von Hofmannsthal: La lettre à Lord Chandos, Paris, NRF, p. 81.




«Tous occupés dans l'examen de la grande horreur, ils avaient sous les yeux l'origine intacte des monstrueuses estampes sur lesquelles "l'évêque des bovins" était montré mutilé. L'étrange noisome épave de la ferme et les ecchymoses mates de la végétation des champs et des routes s'étalaient sans aucune vergogne.»

dimanche 29 novembre 2009

On demande: Où sont-ils ? Sont-ils roi dans quelque île ?
Nous ont-ils délaissés pour un bord plus fertile?
Puis votre souvenir même est enseveli.
Le corps se perd dans l'eau, le nom dans la mémoire.
Le temps, qui sur toute ombre en verse une plus noire,
Sur le sombre océan jette le sombre oubli.

Oceano nox, Victor Hugo

«Par ce midi, les trois quarts des hommes et des garçons du village et alentours étaient sur la route et les prairies entre les ruines et le bord de la falaise.»