mercredi 31 août 2016

31 août 2016





Sur le moment, je ne fus guère surpris quand il se mis à parler.
– Je ne suis qu'un âne sauvage, dit-il, un soupçon de tristesse dans la voix. Nous ne sommes guère nombreux et si rien ne change, dans peu de temps, nous disparaîtrons...
Au-delà du fait, incontestable, du changement de voix et de présence qui s'opérait sous mes yeux, je ne pus me retenir de penser que c’était aussi le cas de notre petit compagnon. La pensée me vint que lui avait effectivement déjà disparu. J’eus alors une sorte de sentiment d’abandon qui me fit me rapprocher encore plus de Adâne. Moi aussi, je devais me sentir abandonné et probablement conscient de ma prochaine disparition. Je n’eu pas dû laisser ma pensée glisser vers ces méandres que je savais dangereux…

mardi 30 août 2016

30 août 2016





J'avais probablement sauvé la vie de mon compagnon. Après que sa colère se soit calmée, cela nous rapprocha considérablement. Jusqu'ici, je me rendais bien compte qu'il ne m'avait suivi que par intérêt pour ce petit être qui lui ressemblait tant. Où était-il maintenant et que lui était-il advenu? J’avais aussi observé avec attention comment Adâne s’était adapté à la vie sur cet étrange petit arbre. On eu dit que sa queue avait élargi ses fonctions, elle n’était plus seulement cette sorte de balancier ou de fouet commun à la plupart des mammifères, mais elle lui servait remarquablement de point d’ancrage, tout comme les singes… Il me regardait d'un autre oeil, lui aussi. C’était étrange, j’avais le curieux sentiment d'exister autrement et que de ce fait tout pouvait changer. Je me demandais aussi si lui-même éprouvait ce même changement et si pour lui aussi c’était le changement dans le regard qui avait occasionné le sien… On le voit on peut le penser, ce que nous pensions sans dire un mot se reflétait dans un miroir que personne n’aurait pu situer.

lundi 29 août 2016

29 août 2016




Adâne était beaucoup trop jeune, beaucoup trop impulsif et surtout trop grand pour s'aventurer sans danger sur de si fines branches. De plus,  il ne semblait pas conscient du danger. Il ne restait plus qu'une seule de ces feuilles qui les rendaient fous. Lorsque que la branche cassa, je l'attrapais par la queue, le sauvant ainsi d'une mort certaine, il me lança un regard, chargé de surprise, de peur et de colère, dont je me souviendrais toute ma vie. Nous n'eûmes pas le temps de faire attention à la disparition de l'âne arboricole. Aujourd'hui, j'en connais mieux la signification.

dimanche 28 août 2016

28 août 2016

Sur le moment je n'en avais aucunement conscience, mais plus tard le fait se révélera dans toute sa crudité: je n'étais pas moins impliqué qu'eux dans ce mouvement qui allait nous amener "Dieu" sait où...




Sans que nous ne fassions rien d'autre que d'écouter l'histoire assez prodigieuse de ce petit être si surprenant, le ciel s'est dégagé en même temps qu'une subtile odeur, bien différente de celle qui nous avait amené jusque-là, est montée à nos narines et naseaux. J'avais peine à retenir mes deux compères, irrésistiblement attirés par ces feuilles que nous voyions grandir à vue d’œil et qui constituaient pour nous trois un mystère. Certes je crois aujourd'hui que le mystère était pour chacun de nous fort différent... ce qui, en soi, constituait un autre mystère tout aussi intéressant. Un mystère d'autant plus surprenant que, où que nous allions sur cette terre, tant de mystères sont considérés comme étant de simples banalités... Plus tard, Thomas insistera beaucoup dans ses rapports, sur le simple fait d'en parler. Pour lui, parler est le premier de ces mystères. Bien avant les grandes questions qui engendrent le fait de parler, là encore réside un autre mystère : l'antériorité de la question ou de la cause, il insistera, non pas sur "ce" qu'il dit mais sur le fait qu'"il" dise. Naturellement, ce fait ne concerne pas que lui-même, mais de la capacité de tous. De fait, nous vivons de mots, mais la plupart du temps, à force d'habitudes et d'automatismes, ceux-ci sont creux, comme privés d'une sève régénératrice, dira-t-il après tant d'autres. Et, après avoir consacré tant de temps à l'étude du langage et du comportement, il rajoutait volontiers:
– Que se passerait-il si nous nous passions des mots?

samedi 27 août 2016

27 août 2016



Abasourdi, Thomas essaie de reprendre ses esprits
et Adâne continue son récit...



– Pendant que ce petit âne me parlait...
– Pendant que ce petit âne "nous" parlait! m'interrompit, gentiment cette fois, mais fermement, Adâne âne sauvage que j'avais oublié et qui se rappelait à moi avec une fermeté égale à l'intensité de son braiement.
Autour de nous, sans que nous ne nous en apercevions, tout avait changé. Nous étions entourés d'arbres. Comme si nous étions dans une forêt... Cela me paraissait impossible... Il y a peu, j'étais devant une jeune pousse au bord d'une falaise quasi désertique où rien ne pousse. Maintenant je parlais avec deux ânes si différents et si semblables et je ne rêvais pas! En tous cas c'est ce que je pensais...

vendredi 26 août 2016

26 août 2016


L'association de Thomas et d'Adâne a porté des fruits surprenants. 
En peu de temps, l'arbuste avait triplé de volume et un âne miniature était apparu.




L'âne minuscule s'était mis à raconter dans une langue inconnue de moi, toute faite de vibrations légères et de mouvements du corps presque imperceptibles mais qui nous entraînait de telle manière que l'on eut dit que c’était notre propre présence agissante qui se mettait à raconter.

Le petit âne raconte comment ses souvenirs remontent de façon incroyablement précise au-delà du rationnel. Au-delà de qu'il est convenu de nommer l'acceptable ou le possible, il rencontre la forme qu'il avait identifié comme étant celle qui lui serait attribuée, s'était endormi, puis se réveillait.

– Je me levais et m'ébrouais, tout surpris de constater combien j'étais à l'aise dans cet endroit qu'il me semblait connaître depuis toujours. Par une sorte de synchronisme, des feuilles se mirent à pousser au bout des branches, qui, tout comme moi, se mirent à frémir... 

Thomas vivait le récit comme s'il s'agissait de lui. Puis brusquement il se surprit à penser. Il avait perdu le fil et naturellement cela le fit sortir de cette histoire. Il avait l'esprit vide et presque nostalgique comme un lac immobile où ne glisse pas la moindre vague mais sur lequel se reflètent d'autant mieux la lente valse du temps, du ciel et des nuages. Mais il sentit venir quelque chose qui n'émanait pas de lui et bien avant que le moindre mot ne prit place, une sorte de grondement sourd duquel jaillit le cri fulgurant de son compagnon. Le braiement sauvage d'un être en colère qui ne ressemblait à rien qu'il eut pu imaginer. En un instant tout autour de lui avait disparu et il demeurait là abasourdi, comme une proie amorphe et pourtant tremblant devant un fauve qu'il ne reconnaissait pas. 

jeudi 25 août 2016

25 août 2016





L'association de Thomas et d'Adâne allait très vite porter des fruits surprenants. 
– Visiblement, la présence à mes côtés de cet âne sauvage eut grand effet sur mon arbre. Je ne comprenais rien à sa présence hormis le fait qu'elle me rendait presque insouciant tellement j'avais confiance en lui. Et cette confiance allait s’élargissant à mesure que le monde alentour disparaissait. Je baignais dans une sorte de bonheur apaisant en oubliant que dans peu de temps, comme un bébé, le rappel fulgurant de ma dépendance se ferait douloureusement sentir. Le besoin de comprendre... Pour le moment, ce que j'avais longtemps espéré prenait forme sous mes yeux. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, l'arbuste tripla de volume et au milieu de sa couronne apparut, tel un monarque dans toute sa splendeur, un âne miniature. Les deux ânes en présences,  timidement, firent connaissance. Une connaissance ou plutôt un face-à-face, sans aucun simulacre, qui me sembla plutôt être une reconnaissance. Très vite, il me semblait que malgré la très évidente différence de taille, ils se ressemblaient comme deux gouttes d'eau. Ils souriaient. Chacun reconnaissant en l'autre un sourire qui ne leur appartenait pas mais qui était là, à l'usage de tous, et qui dès qu'il apparaissait se multipliait presque à l'infini. Ils s'appréciaient comme deux frères enfin réunis après une trop longue absence. D'une manière incompréhensible pour moi, ils se parlèrent longuement. Puis, fort docilement, le plus petit vint se poser sur la main que je lui tendais en souriant, moi aussi.Ce qui se passa alors, je ne m'en souvient pas. Le soleil tapait si fort que je perdis connaissance. Longtemps selon les dires de mes compagnons. Quand je me réveillais, pour moi, rien n'avait changé et tout semblait continuer comme si rien ne s'était passé.



Le petit âne sur son arbre se mit à parler. Cela ne nous étonna pas outre mesure. Mais justement cela qui eut dû nous surprendre.
Je me souviens parfaitement, nous dit le petit âne, de l'instant précédent ma naissance. J'étais dans une zone obscure, une sorte de tunnel très touffu fait de branches entrelacées. D'immenses boules de lumière semblaient entrer et sortir. Je rencontrais alors la forme qui me serait attribuée. Elle dormait paisiblement sur la branche principale qui soutenait l'arche. En un instant, tout est devenu beaucoup plus simple je m'endormis paisiblement...

J'eus dû aussi être frappé par la coïncidence entre son récit et ce que je venais de vivre, mais je dois le dire, cela m'échappa complètement. Ou presque...

mercredi 24 août 2016

À propos du sourire


 Le sourire a de nombreuses vertus, pour ceux à qui on l’adresse, bien sûr, mais aussi pour la personne qui sourit. Car les liens entre le sourire et l’esprit sont à double sens. Si notre esprit est heureux, il fait sourire notre visage. Mais si notre visage est heureux, il fait sourire notre esprit.*

Sûr de ses découvertes qu'il croit fort nouvelles, tout à son affaire et pensant à haute voix, Thomas, qui n'est pas sans avoir été éduqué, et même cultivé, se montre toutefois fort surpris, mais souriant tout de même, quand Adâne lui fait remarquer qu'il lui serait peut-être profitable de s'attarder quelques instant sur un petit texte du philosophe Alain.

"Je voudrais dire de la mauvaise humeur qu'elle n'est pas moins cause qu'effet ; je serais même porté à croire que la plupart de nos maladies résultent d'un oubli de la politesse, j'entends d'une violence du corps humain sur lui- même. Mon père, qui par son métier observait les animaux, disait que, soumis pourtant aux mêmes conditions et autant portés que nous à abuser, ils ont bien moins de maladies, et il s'en étonnait. C'est que les animaux n'ont point d'humeur, j'entends cette irritation, ou bien cette fatigue, ou bien cet ennui qui sont entretenus par la pensée. Par exemple chacun sait que notre pensée se scandalise de ne dormir point quand elle voudrait, et, par cette inquiétude, se met justement dans le cas de ne pouvoir dormir. Ou bien, d'autres fois, craignant le pire, elle ranime par ses mauvaises rêveries un état d'anxiété qui éloigne la guérison. Il ne faut que la vue d'un escalier pour que le cœur se serre, comme on dit si bien, par un effet d'imagination qui nous coupe le souffle, dans le moment même où nous avons besoin de respirer amplement. Et la colère est à proprement parler une sorte de maladie, tout à fait comme est la toux ; on peut même considérer la toux comme un type de l'irritation ; car elle a bien ses causes dans l'état du corps ; mais aussitôt l'imagination attend la toux et même la cherche, par une folle idée de se délivrer de son mal en l'exaspérant,  comme  font  ceux  qui  se  grattent.  Je  sais  bien  que  les  animaux aussi  se  grattent,  et  jusqu'à  se  nuire  à  eux-mêmes  ;  mais  c'est  un  dangereux privilège  de  l'homme  que  de  pouvoir,  si  j'ose  dire,  se  gratter  par  la  seule pensée, et directement, par ses passions, exciter son cœur et pousser les ondes du sang ici et là. Passe encore pour les passions ; ne s'en délivre pas qui veut ; on n'y peut arriver  que  par  un  long  détour  de  doctrine,  comme  celui  qui  est  assez  sage pour  ne  point  rechercher  les  honneurs,  afin  de  ne  pas  être  entraîné  à  les désirer. Mais la mauvaise humeur nous lie, nous étouffe et nous étrangle, par ce  seul  effet  que  nous  nous  disposons  selon  un  état  du  corps  qui  porte  à  la tristesse,  et  de  façon  à  entretenir  cette  tristesse.  Celui  qui  s'ennuie  a  une manière de s'asseoir, de se lever, de parler, qui est propre à entretenir l'ennui. L'irrité se noue d'une autre manière ; et le découragé détache, je dirais presque dételle  ses  muscles  autant  qu'il  peut,  bien  loin  de  se  donner  à  lui-même  par quelque action ce massage énergique dont il a besoin. Réagir  contre  l'humeur  ce  n'est  point  l'affaire  du  jugement  ;  il  n'y  peut rien ; mais il faut changer l'attitude et se donner le mouvement convenable ; car nos muscles moteurs sont la seule partie de nous-mêmes sur laquelle nous ayons prise. Sourire, hausser les épaules, sont des manœuvres connues contre les soucis ; et remarquez que ces mouvements si faciles changent aussitôt la circulation viscérale. On peut s'étirer volontairement et se conduire à bâiller, ce  qui  est  la  meilleure  gymnastique  contre  l'anxiété  et  l'impatience.  Mais l'impatient  n'aura  point  l'idée  de  mimer  ainsi  l'indifférence  ;  de  même  il  ne viendra  pas  à  l'esprit  de  celui  qui  souffre  d'insomnie  de  faire  semblant  de dormir. Bien au contraire, l'humeur se signifie elle-même à elle-même, et ainsi s'entretient. Faute de sagesse, nous courons à politesse ; nous cherchons l'obligation de sourire. C'est pourquoi la société des indifférents est tant aimée.

Alain 20 avril 1923

* http://www.franceculture.fr/emissions/trois-minutes-mediter/sourire

24 août 2014


Thomas, jeune ethnobotaniste par intermittence,
ne peut s'empêcher de penser.
– Cette formulation est inexacte, se dit-il souvent. On confond souvent l'acte de penser avec le fait que ces pensées nous envahissent sans que pour autant elles aient été invitées. Dans ce cas, ce n'est donc pas moi qui pense mais moi qui suis pensé...



La rencontre de Thomas avec Adâne eut lieu dans le plus grand secret. Sachez seulement que cette rencontre ne fut certainement pas le fruit du hasard et que les plantes eurent leurs rôles à jouer dans cette histoire. Ménagez votre imagination, elle n'est point nécessaire. Le moindre des organismes recèle des mécanismes à vous couper le souffle.

– Il n'est point nécessaire de tout connaître pour comprendre et si parfois il arrive que la complexité des choses vous égare, alors souriez encore et imaginez que cet égarement est une vraie chance...

Ce fut la première chose que lui enseigna celui qui allait devenir son meilleur ami et la deuxième ne fut pas moins surprenante.
– Au-delà de la barrière des espèces, il existe un royaume où les accord ne sont pas de vains mots.
 Dès le début de leur compagnonnage, Adâne eut sa sensation bizarre voir dans les yeux de Thomas se créer des sortes d'absences. Il ne sut si cela était dû à une présence singulière qui n'appartenait pas à leur présent ou au contraire si c'était une sorte de vide qui s'installait en lui, comme s'il avait déserté son propre corps. Petit à petit, il en vint à la conclusion que toutes ses suppositions étaient vraies. De cas en cas ce n'était jamais tout-à-fait la même chose. Certaines fois c'était un lieu qui prenait possession de l'endroit où ils se trouvaient et d'autres fois c'était Thomas qui s'absentait pour rejoindre un lieu de le lointain de ses pensées. Ils en vinrent à pouvoir discuter en toute confiance de ces phénomènes étranges et Adânre dut en convenir, lui-même sans qu'il s'en doute le moins du monde fonctionnait de la même façon. Pour lui, même si la surprise fut grande , cela ne le troubla point. Au contraire il s'en amusa beaucoup. Et cela devint comme un jeu auquel avec patience ils s'adonneraient avec passion. Ce qui leur fut amplement profitable.
Thomas savait qu'une partie de son lointain passé vivait en lui et ne lui permettait pas toujours de vivre le présent comme il eut fallu.
Curieusement il dut convenir que le métier qu'il exerçait était probablement une sorte de subterfuge qui lui permettait  de voyager dans le temps et dans l'inconnu sans qu'il eut à justifier ou surtout à se justifier lui-même.

mardi 23 août 2016

23 août 2016

Il est des hauteurs auxquelles il est dangereux de se promener. Dans toutes les sociétés il y a des héros. Généralement il est admis qu'il y en aurait de diverses sortes. Il yen aurait des modestes, et ce seraient ceux là qui seraient les vrais. En fait il n'y a pas de graduation possible dans l'humilité, soit on est modeste, soit on ne l'est pas. Cependant une chose est sûre, la modestie disparait immédiatement quand la bouche, de qui se dit modeste, parle de lui.



Sans que rien dans sa volonté ne fut l’œuvre de son fait, Adâne pense à haute voix :

– J'appris à me méfier de ces héros qui, lorsque j'étais jeune, encore incapable de "prendre de la hauteur" sans ressentir un désir qui, nous le sentions, montait en nous et nous faisait perdre la tête, secouaient les branches pour "aider les saveurs à se répandre" dans un monde que ces subtiles fragrances devaient contribuer à sauver. Combien de fois avions-nous failli tomber lors de ces ébranlements. Je ne savais pas encore que ces effluves fort recherchées étaient, pour une infime part, dues à cette peur que nous éprouvions. La finesse du mécanisme psychologique consistait justement dans le fait que ce devait être une crainte et une croyance, non une peur. Car alors la subtile saveur risquait fort de se transformer en une ignoble pestilence qui aurait fait vomir le moindre porteur de ces papilles qui nous mènent par le bout du nez. Combien de fois avons-nous vomi, impossible de le savoir. Les jours de"grands vents" nos héros protecteurs nous effrayaient "pour mieux nous sauver". Ils ajoutaient leurs mouvements à ceux de l'azur. C'est ce qu'ils disaient. "Tenaillé par l'incertitude du futur", inhérente aux êtres en formation que nous étions, nous leur devions une obéissance sans faille qui se manifestait par notre silence et la mâle dévotion qui devait habiter nos regards. Une autre de leurs méthodes consistait à mettre le feu, au risque de tout détruire, pensions-nous. "Regardez comme ces flammes, qui comme des femmes s'allongent se tortillent, éveillent vos sens sans défenses et s'étendent jusqu'au ciel qui se voile. Regardez ces passions dévorantes  dévorées par leur feu! Vanité des vanités... C'est lorsque la disparition est imminente que le Grand Tout peut apparaître!". Puis, un semblant de calme, par la terreur retrouvé, sans qu'aucun retournement ne fut visible, leur jeu se poursuivait et ils se transformaient en pompiers. Alors, aux yeux de tous, "nous sauvaient". Adâne reconnut, beaucoup plus tard, qu'à ses yeux d'enfant, les voir, avec leurs bras puissants, enlever leurs casques rutilants et révéler leurs faces ruisselantes, l'avait fortement impressionné.  À cela s'ajoutait le rituel des "remerciements" dans lequel il fallait louer avec une contrition évidente "nos splendides héros à l'âme si pure" dont "les échos poétiques, si ce n'est lyriques, se répandent à l'infini dans l'univers, contribuant aux bienfaits de l'amélioration de toutes les espèces".
Nous nous accrochions autant à nos certitudes que "tout cela était vrai" qu'aux branches sur lesquelles nous étions encore dans un déséquilibre quasi permanent. Nous ne pouvions douter de ces "anciens" qui "nous protégeaient", tant du bien que du mal. Engagés sur "le chemin de la perfection" sur lequel nous étions né et auquel nous étions consacrés en attendant de nous y consacrer, il ne nous était pas permis de douter. Nous devions "nous accrocher avec certitude" qu'un jour viendrait où nous aurions "traversés ces épreuves qui nous auront fait grandir et rendus plus éclairés" et entendre "les odes" qu'ils écrivaient en "hommage à leur propre grandeur." Un jour", nous disaient-ils, "après que nous vous ayons guidé, vous serez à votre tour ces illustres anciens que nous devons vénérer et vous saurez alors que cette grandeur est toute entière dans la responsabilité que vous aurez à cœur de perpétuer avec ardeur et surtout avec amour. Vous saurez alors que cet amour vit en dehors du regard des méchants qui n'auront plus d'autre issue que d'abandonner, frustrés de ne pas savoir, à défaut de pouvoir lui donner un nom, l'objet de leur abandon".

Un autre jour, un de ceux qui prennent place dans la banalité des existences, après que, pendant des semaines, des mois, des années, rien ne se passa, un souvenir lui était venu. Celui d'un de ces "jours heureux" qui, à défaut d'autre chose, occupaient une grande part de son temps, Adâne crut reconnaître, dans la fragrance légère qui lui chatouillait les naseaux, un sentiment qui lui fit frissonner l'échine, une sorte de caresse qui lui réchauffait le cœur et lui fit prendre de la hauteur.
– Quelque chose me dit que c'est là que le chemin est tracé, se dit Adâne. Il se pourrait même que ce soit le mien et qu'il soit précisément celui de mon abandon. Celui qui,
comme un être masqué, se cache dans le ton mielleux du bienveillant tyran.
La chose était dite.
– J'ai fauté, se dit-il. Jamais il n'est permis de s'approprier un chemin.
Heureusement qu'il était seul. Un mouvement, qu'il ne pourrait plus contrôler avait pris place dans son imagination. Il se demande bien comment et par quel chemin cette idée lui est venue à l’esprit.
– J'étais  dans la certitude que cette odeur était émise à mon intention et non soumise à mon attention... La différence est de taille. Dans cette odeur est une mémoire qui dépasse de loin les fragrances qui la portent. Et dans cette mémoire, je dois l'admettre, une partie de moi y vit encore.

lundi 22 août 2016

22 août 2016



Entre deux gambades, montrant un allégresse aux antipodes d'un monde à l'envers, Thomas, notre entomologiste, tout sauvage et retiré d'une civilisation qui, d'un silencieux et calme mépris, l'a rejeté, n'en écrit pas moins avec beaucoup d'assiduité, qu'il considère comme un "palliatif fragile mais puissant" au talent dont il se méfie: c'est un lent et imprévisible ressort dont on ne peut connaitre le fonctionnement.
Il sait pourtant combien est fragile le chemin d'une lettre. Quelle que fut sa "bonne" volonté, aux tracas du trajet, du choix et de l'ordonnance des mots au service d'un tout qui les surpasse, s'ajoutent, sans qu'il en soit responsable, la censure, le rapt "pur et simple" par bonté, l’effacement, le caviardage et les tracas de la lecture ou de l'entendement.
– Peu me chaut, si "silence je fais", si "silence ils font", je le fais et le ferai encore. Cela m'aide à me situer et remplace le miroir qui, depuis si longtemps s'est brisé et c'est en-cela que j'apprends, non sans peine, par tous petits moments, à me libérer de leur emprise. Je ne suis rien, mais je suis... et cela devrait me suffire...
Il écrit à son supérieur de l'époque, sans qu'il puisse savoir si celui-ci vit encore et si la lettre lui parviendra un jour.
– Finalement peut importe de savoir si cette lettre sera lue, le fait est là, j'en serai au moins le premier des lecteurs. Il se peut aussi que j'en sois le dernier... Mais rien ne me fera douter du fait que ce qui se dit n'est pas seulement mon fait, mais bien plus encore. On dirait que quelque chose se dit qui vient de plus loin. C'est ce qui fait que... dans certain cas, il repense à ce jour où, ayant écris longuement, il avait laissé sa lettre et son crayon et , sans autre soucis que de partager l'air avec le désert environnant, il sautait joyeusement d'une roche à l'autre. Parfaitement absorbé dans un jeu qu'il serait trop long de présenter ici, il avait oublié sa lettre. Quand, brusquement, il la reçut comme une gifle en plein visage, il ne sut que penser. Perdant l'équilibre il se retrouva allongé sur la terre sèche, tout brûlant de mauvaises pensées envers cet inconnu qui l'avait agressé. Il cherchait vainement la cause de cette agression, jusqu'à ce que aussi rapidement que tout cela s'était passé, la pensée lui vint que c'était le vent qui, soulevé par ses propres mouvements, s'était emparé de la lettre et l'avait plaqué sur son visage aveuglé.
– C'était comme un masque que j'avais de mes mains fabriqué qui révélait ce qui au fond de moi avait pris forme. 
Cela le fit sourire... 




22 août 2016

Cher Joachim

Vous souvenez-vous de ce jour que nous avions nommé "le jour d'après"? Nous l'avions ainsi nommé car ce jour tant attendu avait été précédé par une catastrophe telle qu'elle éclipsait la grandeur que
"notre" grand jour eut du avoir. Vous le savez, ce ne fut pas le cas.
Ainsi, malgré nos craintes raisonnables, ce fut le contraire qui se passa.
L'ombre de la catastrophe a fini par mettre en lumière ce qui, sans cela, eut pu passer pour bien morne... Jusque là nous n'étions guère concerné, il faut bien l'avouer, mais jamais nous n'aurions pu imaginer... ce qui allait se passer... et quelles conséquences cela allait avoir. Pour commencer, certaines évidences se mirent à grandir telles les plantes au printemps.
"Certaines fonctions, plus que d'autres, sont plus qu’une fonction" telle fut la devise qui jaillit et devint très vite notre devise...
Ainsi le germe de la plante, sans la plante, ce n'est pas le moindre des paradoxes, avait vu le jour:
celle-là même qui nous avait éclaboussé le jour précédent...
Toujours est-il que ce jour-là, s’élevant au-dessus des noirs tumultes d'un feu encore brûlant, fine et tremblotante comme une tige de violette, une colonne de fumée blanche sur l'horizon se distingue. Pour qui sait voir. Seulement.
Déjà la cour se forme. Le cortège des courtisans se presse au portillon. Saviez-vous, cher Joachim, qu'il ne me fallut pas plus attendre pour recevoir clairement le premier des avertissements. Certes, le ton était parfait, la bienveillance et le miel manifeste. J'ai failli dire ostentatoire, mais je me retiens pour bien montrer que je tiens compte dudit "avertissement" que je devrais appeler "conseil".





Ainsi donc, le jour d'après et tous ceux qui suivirent, notre âne se mit en quête de nourriture. Il mangea toute celle qu'il pu trouver. Quand il n'y en eu plus, il se dit qu'il en trouverais ailleurs et qu'elle serait encore plus verte et savoureuse qu'ici. Naturellement il se trompait. Pendant des jours entiers il ne trouvait rien à manger. Une petite touffe de temps à autre, lui redonnait espoir. Mais à chaque fois il était déçu. Il pensait avec nostalgie à tout ce qu'il avait oublié...

dimanche 21 août 2016

21 août (221)





Le rappel des trois interdictions se faisait de plus en plus lointain.
Les deux premiers avaient été allègrement transgressés en même temps. C'était beaucoup pour un seul âne. Mais la seule chose qui lui importait c'était de trouver de l'herbe.Rapidement, trop rapidement épuisée, celle qui se trouvait au pied de l'arbre occupait une place grandissante dans le corps d'Adâne.

samedi 20 août 2016

La Grande Histoire des Petits Cochons (5)

 Accès au chapitre I

La Grande Histoire des Petits Cochons
Chapitre V



En pleine, quand la brume se dissout dans la nuit, nous avions la sensation que le sol sur lequel nous cheminions changeait de nature. Face aux étoiles, les cailloux sur lesquels nous étions assis semblaient se reconnaître dans le miroir obscur de la nuit et revivre une histoire à laquelle nous n'avions pas accès. C'était comme si nous avions entre nos mains une petite part d'une histoire qui a commencé il y a des millions d'années... C'est pourquoi, où que nous allions, nous les emportions avec nous.

L'espace de la nuit n'est point celui du silence. Bien au contraire. Le moindre bruit prend une forme que le jour ne pourra jamais révéler. Ainsi que le monde des formes perd son révélateur, le son prend le relais. alors ce qui dans la nuit se cache prend forme et l’œil absent perd de son pouvoir au profit de celui qui ne voit que dans l'obscurité. C'est ainsi que dans notre obscurité se raconte une histoire déroutante qui se joue de la matérialité à laquelle nous sommes soumis. Avec un peu d'entraînement, il est possible de voir en plein jour ce qui dans la nuit semble se cacher. C'est précisément là que se trouve le piège. Rien ne se cache et rien n'apparaît. Nous ne voyons que ce que nous voulons voir... et entendre...
Or, c'est précisément là que le bats blesse, nous ne voulions rien entendre. Chacun de nous se murait dans un silence que nous espérions protecteur mais qui ne changeait rien à ce que nous avions fait.


( à suivre)

20 août 2016 (220)

Divine providence
 Épisode 220



Il est possible que Thomas ayant pris goût aux feuilles et aux herbes
qui poussaient au pied de l'arbre subisse
plus qu'il ne maîtrise la force cachée de ces herbes
à l'apparence si modeste.
 

En réalité, c'était bien plus qu'une histoire de goût. Il vaudrait mieux parler d'intoxication et de dépendance... À peine Adâne avait-il posé un sabot à terre qu'il se réveilla. Évidemment, il ne savait pas où il se trouvait et ne se souvenait de rien d'autre que des herbes qu'il avait mangées et des effets qu'elles produisaient encore. Pour être plus clair il avait quasiment perdu la mémoire. Ne subsistaient en lui que de vagues réflexes dont l'automatisme faisait peine à voir.

vendredi 19 août 2016

La Grande Histoire des Petits Cochons (4)

La Grande Histoire des Petits Cochons
Chapitre IV


Au petit matin, quand la brume montait du sol, nous avions l'étrange sensation que le sol avait disparu et que nous étions en plein ciel. Les cailloux sur lesquels nous étions assis nous semblaient telles des montagnes sur lesquelles nous revivions à peu près l'histoire de Noé, ou de Sisyphe, ou d'Icare... c'était selon... 

Il a déjà été dit deux fois que nous étions trois. Trois hommes qui, au départ ne formions qu'un. Mais avant cela nous étions beaucoup plus... et nous formions une seule et même entité. Malheureusement, il a fallu se rendre à l'évidence, cela s'est avéré plus tard, que cette unité était largement dépendante de la foi que nous avions en elle. Ce n'était pas un fait, une base stable sur laquelle nous pourrions nous appuyer, mais quelque chose de parfaitement instable qu'il fallait constamment équilibrer. Nous n'avions rien compris à cela. Et cela fut la cause de ce qui s'est passé. Parmi notre trio, nous ne parlions plus. Nous n'étions liés que par ce que, chacun pour soi, nous avions accompli. Aucun de nous ne pouvait être fier de ce qu'il avait en mémoire. C'était un secret commun que chacun gardait pour soi. C'était, en quelque sorte, un secret dans le secret. Nous ne dormions plus. Aucun de nous n'aspirait au repos. Nous passions la nuit à regarder les étoiles accomplir leurs destins. Nous étions persuadés qu'elles voyageaient. Nous étions aussi certains que nous voyagions, ce qui était vrai, mais nous oubliions que le plus grand des chemins est un voyage qui se fait tout seul, sans que nous n'ayons rien à faire si ce n'est d'en être conscients. Or, c'était précisément ce qui nous manquait le plus et ce que nous recherchions quand nous nous rencontrâmes.


( à suivre)

19 août 2016

Divine providence
 Épisode 219


Thomas avait pris goût aux feuilles et aux herbes
qui poussaient aux pied de l'arbre. Trop peut-être...

Pendant que j'essayais de replanter la feuille, la vie continuait sur l'arbre que je ne voyais plus. Sur cet arbre vivaient toute une population d'ânes arboricoles dont j'apprendrais plus tard que, mis à part les règles fluctuantes inhérentes à toutes sociétés, trois interdits de base constituent le fondement de l'éducation des ânes arboricoles.
Le premier est de ne pas descendre de l'arbre sur lequel ils sont nés. Le deuxième est la défense absolue de toucher aux herbes qui poussent au pied de l'arbre. Le troisième interdit est si puissant qu'il ne peut être révélé sans danger.

jeudi 18 août 2016

La Grande Histoire des Petits Cochons (3)

La Grande Histoire des Petits Cochons
Chapitre III



Il a déjà été dit une fois que nous étions trois. Trois hommes qui, au départ ne formions qu'un. Quand, après avoir marché toute la journée sur des routes qui semblaient ne mener nulle part, nous nous arrêtions de concert, et nous asseyions sur les rochers et nous mettions à regarder le ciel dans l'espoir de voir les étoiles... en silence. Nous ne disions rien.

18 août 2016

Divine providence
 Épisode 218



– Ce que je ressentais dépassait largement
ce que mes yeux pouvaient voir
ou peut-être que je devenais conscient
du fait que l'image
telle que je la concevais jusque là
était une notion trop étroite
et convenue par avance...


Après avoir cueilli la petite feuille qui se tendait vers sa main, Thomas est enfin entré en contact avec l'univers qu'il recherchait depuis si longtemps. Enfin, le mot contact est sûrement exagéré... tout au plus pourrait-on parler de contact visuel. Encore que ce ne soit pas suffisamment précis.


Que se passa-t-il alors ? Il est bien difficile de le savoir. On peut supposer que Adâne, certainement un très jeune âne, dormait seul. Il n'y avait guère que quelques jours qu'il devait être apparu. On le suppose, car rien ne peut le prouver. Mais la position que le jeunes ânes adoptent, au vu de leur poids et grandeurs, pour dormir, nous le savons aujourd'hui, nous pousse vers cette hypothèse. Un âne plus âgé serait devenu trop petit pour pouvoir atteindre la hauteur des herbes. Et puis il y a le fait que, depuis ce jour, Adâne a perdu la mémoire. Enfin, il serait plus juste de dire qu'il n'a perdu la mémoire que pour ce qui concerne avant ce jour-là. Étaient-ce les effluves de l'herbe interdite qui lui montèrent au nez ? Étaient-ce les rêves qu'il fit qui firent apparaître les herbes ? Toujours est-il qu'il y pris goût.

mercredi 17 août 2016

17 août 2016

Divine providence
 Épisode 217

Une chose était sûre, Thomas, las de ses rapports tumultueux
avec sa hiérarchie, voulait être conscient et en ordre avec sa conscience plutôt qu'avec elle.
Il sait maintenant qu'il est considéré comme une mauvaise herbe qui ne doit pas se répandre.
Mais il n'en a cure... et continue sa recherche, à peine perturbé... et encore, le mot semble trop fort...


Où l'on s'apprêtait à découvrir que le travail de l'ombre est une chose prévisible,
et qu'il est apparu, conformément à l'oracle, un événement d'une subtilité sans égale...


Pendant que j'essayais de replanter la feuille, la vie continuait sur l'arbre que je ne voyais plus. Sur cet arbre vivaient toute une population d'ânes arboricoles dont j'apprendrais plus tard que, mis à part les règles fluctuantes inhérentes à toutes sociétés, trois interdits de base constituent le fondement de l'éducation des ânes arboricoles.
Le premier est de ne pas descendre de l'arbre sur lequel ils sont nés. Le deuxième est la défense absolue de toucher aux herbes qui poussent au pied de l'arbre. Le troisième interdit est si puissant qu'il ne peut être révélé sans danger. 

La Grande Histoire des Petits Cochons (2)

La Grande Histoire des Petits Cochons
Chapitre II



Les Trois petits cochons semblent être à l'origine d'une histoire qui semble commencer pour le lecteur. Or, rien n'est plus trompeur qu'un début. Qui pourrait dire qu'il ne s'est rien passé avant ce début qui n'eut quelque influence sut l'apparition de celui-ci.
Pour que cela puisse se comprendre remontons un peu le fil de l'histoire:
Il était une fois trois hommes qui, au couchant, après avoir marché toute la journée sur une route déserte, s'arrêtent de concert, s’assoient une pierre et observent le ciel...

La Grande Histoire des Petits Cochons (1)

La Grande Histoire des Petits Cochons
Chapitre I


Les trois petits cochons, tous issus de la même portée, ayant vécu de bien sombres et difficiles manières jusqu'au jour où ils ont rencontrés de braves hommes qui ont de suite sympathisé avec eux. Très vite, une sorte de complicité s'est établie entre eux. Ces hommes étaient maçons et donc construisaient avec amour de bien belles maisons. Nos trois amis surent immédiatement à qui ils avaient affaire et ne ménagèrent pas leurs peines en les secondant sur de nombreux chantiers. Enfin, un jour arriva où ces hommes, satisfait du changement constatés chez les petits cochons leur transmirent le secret d'une construction bien plus sûre que tous les taudis dans lesquels ils avaient vécu jusque là et qui ne les avaient pas protégé de leur pire ennemi. Pendant les trois ans qui suivirent, ils taillèrent suffisamment de pierres pour commencer l'ouvrage qu'ils projetaient.
Ils remercièrent comme il le fallait.
– Braves hommes notre maison sera à la hauteur des compétences que vous nous avez transmises et nous serons les gardiens de votre splendide palais.
C'est ainsi qu'ayant construit la loge des gardiens, à peine les travaux terminés, on frappait à la porte du logis.
– Oh! Mes chers frères, regardez-donc qui vient frapper à la porte
et présenter pattes blanches!
Sûre de son fait, cette fois la petite troupe ébahie peine à dissimuler son hilarité.
– Holàààà Moooooonsieur, qui êtes-vous ?
Et qu'espérez-vous donc ? Vous dissimuler sous ces gants blancs ?
– Croyez-vous que nous ne vous reconnaissions pas... et puis...
dites-moi, pourquoi ce loup ?
– Ne vous fâchez pas, je suis juste venu vous faire une proposition...
Les uns pouffaient, les autres souriaient

mardi 16 août 2016

16 août 2016

Divine providence
 Épisode 216

Où l'on s'apprête à découvrir que le travail de l'ombre est une chose prévisible,
néanmoins d'une subtilité sans égale...


Une chose est sûre, Thomas, las de ses rapports tumultueux
avec sa hiérarchie, est désormais conscient,
mais en a-t-il jamais été autrement,
qu'il est considéré comme une mauvaise herbe
qui ne doit pas se répandre. Ayant eu confirmation du fait
que rien de ce qu'il pourrait dire désormais
ne passerait le mur épais de la censure,
sous le vague prétexte d’éviter l’éclatement de notre communauté,
il se laisse aller à ce qu'il appelle l'émerveillement.
En proie à une légère ivresse dont il ne veut pas identifier la cause,
il veut croire à la beauté qui s'offre à lui.
– L'émerveillement est un sentiment qui nait de l'émotion que je ressens quand quelque chose m'arrive et que tout mon être se sent vivant et accepté dans ce mouvement qui se nomme la vie...
– Comment ai-je pu croire un seul instant à ce qui a rempli toutes ces années...

À l'instant où il se posa et disparut, une feuille apparaissait sur une des racines placées légèrement en contre-bas. J’étais agréablement surpris, tout ce mouvement m'avait distrait de mes pensées. J'étais comme un enfant face à une sorte de petit miracle. Ce n'était pourtant rien qu'une feuille banale, mais elle me plaisait et semblait m'inviter à la cueillir. Ce que je fis. Je repartis avec elle. Chemin faisant, je me mis à la humer. En même temps que des odeurs fort diverses, apparaissaient des images... Je pensais soudain que cette petite feuille aux capacités si intenses allait disparaître. Je pensais à sa mort prochaine due à mon geste. J'en arrivais à regretter de l'avoir cueillie. Quand je me retournais pour revoir l'arbre au pied duquel je l'avais cueillie, je ne vis plus rien...

lundi 15 août 2016

"La Grande Niche et le Grand Canin"

Le temps passe
et Thomas, notre héros qui ne croit que ce qu'il voit,
ne sait comment se sortir du labyrinthe dans lequel
il se sent un peu perdu. Il s'impatiente quelque peu
lorsque des hypothèses, quelles qu'elles soient,
sont devenues, par habitude ou par obéissance aveugle,
des récits plaisants, des vérités indiscutables
ou d'inaliénables idéaux. Tout cela, ajouté à la foi,
forme un tout à géométrie variable
qui, inlassablement suscite la violence.
Les messages que Thomas a envoyé à sa hiérarchie
semblent rester lettres mortes. Probablement les vacances...
Encore faudrait-il en préciser le sens de cette vacation,
des codes qu'elles impliquent et surtout
du sens de la liberté que ce mot devrait évoquer.
Cela le met dans une situation un peu critique...
Il s'imagine qu'il ne peut compter sur personne
pour distinguer ce qui doit l'être, et il se demande
s'il va vider un peu de ce sac trop lourd
que certains voudraient le voir porter.
Il sait à quel point l'hypocrisie règne
sur la discrétion absolue à laquelle il serait tenu...
Et puis, après tout , lui aussi pourrait être en "vacances"
et s'accorder, avec une certaine ambiguïté, une sorte de licence hors du temps...
– Chaque minute qui passe nous rapproche
d'un grand déballage que j'aurais voulu éviter...
mais comment faire quand la bêtise et la censure,
à ce point, s'en mêlent ?
Que faire de ces déchets de la pensée mécanique que l'on pourrait appeler,
en filant la métaphore, alliage du bas et du haut, du subtil et de l'épais,
du matériel et du philosophique,
Thomas, sans se soucier de masquer sa pensée
se lance et ose nommer : le fumier philosophique...
voir même un fumier qui serait spirituel...
Laissons-lui le courage d'aborder ces rives douteuses du mieux qu'il peut et souhaitons-lui bon courage pour s'en sortir, sinon avec élégance, au moins avec esprit et honnêteté,
et même, cerise sur le gâteau, avec bienveillance...
La base est saine quand nous cessons de produire sans recourir à aucun intrant ni produit chimique ou intoxicants, a-t-il dit à ses collègues lors de sa dernière conférence. Ce qui équivaudrait, toujours si l'on en croit Thomas, à la non utilisation de ce que l'on nomme évasivement l'idéologie, les doctrines, les clichés, les non-sens, les lieux communs, la tradition ou le bon sens.
Bon sens paysan ajouterait-il sûrement.

– Tout cela alimenté par nos maîtres anciens, dont on oublie avec grande légèreté
et une foi  ne déplaçant pas le moindre monticule, qu'ils furent comme nous...
ni plus, ni moins,

Comment pourra-t-il s'en sortir?
Sortir des réactions automatiques dictées par une bienséance de façade derrière laquelle, chacun, sans se soucier de se masquer pourrait faire, en toute égalité, ce que bon lui semble.
Nous ne le savons pas encore, "mystère et boule de gomme", mais un indice nous est fourni par le passé de Thomas qui, à de nombreuses reprises, dans ses écrits et ses conférences,
a fait allusion à Gaston Leroux et de son célèbre
"bon bout de la raison". Autant vous le dire tout-de-suite,
si vous ne l'avez pas encore compris, Thomas est au moins aussi recherché,  qu'il est en recherche...
Et ce par des amis qu' à certains moments il préférerait ne pas avoir et ce parce qu'il est pénible de constater que dans le n'importe quoi, tout devient possible....
Ce qui, ce n'est pas le moindre des paradoxes, qui pourrait presque être qualifié de quantique, finalement lui plaît assez. Même si cette plaisance, il s'en doute, ressemble à s'y méprendre à cette corruption qui lui fait horreur et qui l'amène sans cesse à cette perpétuelle bataille et à la question :
La vie a-t-elle un sens?


 
 Les ânes marchent sans presser le pas
et les étoiles chantent doucement
au-dessus de la route qui s’efface.


Un organisme volant que je prenais pour une luciole s'en vint à se poser à mes pieds.
À l'instant où il se posa et disparut...

"La Grande Niche"
ou les tribulations grotesques d'un curieux dans un monde
où l’adage se vérifie, c’est dans les pires endroits et envers que se cachent les véritables trésors.


– Vous êtes parmi les seuls à l’entendre ! Que vos oreilles s’ouvrent et se ferment. Que vos lèvres bougent et se murent. Que vos gorges engloutissent à jamais ce secret : inlassablement, la mer convoie des histoires vers une gueule béante. Un jour viendra ou d’autres pèlerins fous ou perdus se faufileront sous les embruns et sur les couteaux de pierre pour se mesurer à la mer et écouter les légendes des temps anciens résonnant au plus profond de la caverne, toujours prête à s’enflammer du moindre désir des hommes.

Petit rappel

Thomas est un être étrange et travailleur de l'ombre, un homme qui se croit libre, tout droit sorti d'une imaginaire contrée, et qui visite un pays des plus étranges dont la principale capacité est de perdre celui qui ose s'y promener. Il est à la recherche d'une espèce en voie d'évolution qui, il en est sûr, pourrait contribuer à ce qu'il croit être le progrès de l'Humanité. L'histoire ne se raconte qu'après qu'elle ait eu lieu, c'est pourquoi elle se raconte au passé et chacun sait comment la mémoire se joue de celui qui en joue... Pour cela un seul remède: la marche, dit Thomas à ceux qui l'entendent. Elle aère l'esprit, règle le souffle, révèle les limites du corps et accessoirement, permet le dialogue avec la gent canine tout comme elle assure la multiplicité des points de vue et des discours.

– Nous sommes, ma chienne et moi, comme deux fleuves qui se croisent sans s’abolir, allant du Même à l’Autre et inversement... disent-ils en souriant.
 
Aujourd'hui il fait une légère pose dans son récit et dans sa recherche de soi-disant mystérieux rituels venus du fonds des temps dont il aime collectionner les artefacts.


Le temps passe et les traces qu'il fait semblant de laisser donnent libre cours à l'imagination florissante de l'être humain. Il nous raconte au plus près, comme disent les marins, ce que lui a raconté sa chienne Seraÿna hier au matin. Cela s'est passé lors de la promenade matinale et journalière. Enfin à l'abri des luttes d'influences et de pouvoir contre lesquelles, dans et hors de lui, il ne ne peut malheureusement rien.

– Cher Maître, toi qui sans cesse est à l'affut, fais donc une pause dans l'imbroglio toujours renaissant de tes cogitations, ouvre grand tes oreilles et ton cœur afin de recevoir dans les meilleures dispositions le récit que moi Seraÿna, j'ai reçu d'Aïana, ma sœur.
Un jour récent qu'elle gravissait la montagne, elle espérait qu'enfin arrivée au sommet elle aperçoive la rivière qu'elle allait pouvoir suivre afin d'aboutir, à son embouchure, aux abords de la grand ville où se situait la grande niche.

La ville se déployait devant ses yeux, difficile de s'y orienter. Les animaux de son espèce étaient dotés d'un flair exceptionnel qui leur permettait, dans la moindre jungle urbaine, de circuler sans efforts et d'arriver à bon port sans encombres.

Dans la mémoire des canidés, la grande niche était évoquée à mots couverts, seuls les initiés pouvaient espérer y être agréés. Au loin, se dessinait la façade du bâtiment, objet de son périple. Accélérant le pas, elle gravit les escaliers qui menaient à la Grande Porte, derrière laquelle était censé se trouver le siège d'une puissance spirituelle et temporelle inégalable.

Épuisée, elle s'assit en attendant l'ouverture du lieu dont elle espérait tant. Hélas, rien ne se passa et les portes demeurèrent irrémédiablement closes. Pensant que logiquement il était l'heure de la pâtée elle décida d'attendre calmement afin de ne pas perturber la digestion des membres de la Grande Niche.



Soudain, elle tressaillît. Un grincement lui fit soulever l'oreille. La porte s'ouvrit. Un immense bipède, concierge du Grand-Œuvre au passé redoutable, se tenait devant elle, mais son regard se portait au loin. Il ne semblait pas la voir. Elle leva son museau vers lui et émit un délicat aboiement. Le bipède, en léger déséquilibre, sembla surpris et baissa les yeux vers elle. Que souhaitez-vous, lui demanda-t'il avec une certaine hauteur ?

Aïana, avec patience et politesse, déclina son pédigrée ainsi que les noms de son banc et arrière banc. L'air pantois et ébaffé du bipède ne l'intimidant guère, elle poursuivit en affirmant être porteuse d'un message à remettre au Grand Canin, de toute urgence.



Impossible fit l'homme, votre espèce n'est pas agréée en ces lieux !

Aïana lui rétorqua que ce n'était pas grave et qu'elle s'en allait quérir Meredith, la cousine de sa maîtresse. Lorsque Meredith gravit les marches accompagnée de la chienne, elle se tint devant la grande porte et attendit en vain. Excédée, elle finit par donner un coup de pieds dans l'immense porte de bois qui s'ouvrit immédiatement. Face de Poulpe, ulcéré hurla :
– Quelle est cette espèce de sous-produit de la gent humaine qui ose se présenter céans ?

Meredith et Aïana le toisèrent, ignorant ces propos incongrus.
– Nous avons un pli urgent à remettre en mains propres au Grand Canin.
– Impossible, rétorqua Face de Poulpe, seuls les représentants de la vérité sont admis en ces lieux.
– Mais nous en sommes, répliquèrent les visiteuses.
– C'est hors de question, rugit Face de Poulpe.

– A quelle vérité faites-vous allusion?

Estomaqué par l'outrecuidance de la question, Face de Poulpe s'emporta et énumérant pèle-mêle des concepts surannés réussit soudain à aligner de hautes idées de liberté et d'égalité tout en brandissant des gardes-fous barbelés afin de stipuler que la gent féminine n'était en aucun cas éligible à ce débat.

Aïana et Meredith, sans même se concerter extirpèrent de leur besace la collection intégrale des textes nationaux et internationaux en la matière et les jetèrent à ses pieds.

Il trébucha et elles en profitèrent pour se glisser dans le bâtiment à la recherche du Grand Canin.




Sur un trône, un chien gris et usé par les ans siégeait. Sans lui laisser le temps de les invectiver, elles exigèrent l'application immédiate et sans réserves de tous les textes consacrés à l'égalité.

Le Grand Canin soupira, versa quelques larmes et avoua que ce qu'il redoutait était arrivé, la Grande Niche allait devoir se conformer à l'ordre mondial...



 Ainsi fut fait en l'an de grâce 2016



15 août 2016

Divine providence
 Épisode 215


– Comment la moindre des lumières
peut-elle à ce point attirer et gouverner le regard
pour lui faire découvrir un monde
qui ne leur appartient pourtant pas..?


Thomas, sans qu'il se l'avoue, est un chercheur de vérité. Certes il refuse cette appellation qui le dérange. Pourquoi, il ne le sait pas vraiment, tout au plus désire-t-il ne pas faire partie d'un ensemble un peu louche réunissant des êtres qui se croient de hautes valeurs morales et se montent la tête les uns les autres en pensant se reconnaître dans un ordre qui ressemble plus au chaos qu'à une chose construite. 
– Certes, à bien des points de vue, je ne suis encore qu'un ignorant, mais ce que je vois et j'entends est plus une pantalonnade qu'une comédie. Que dis-je? Un postiche de pastiche.

Pourtant il y avait cru... ou plutôt il était arrivé jusque là à sélectionner ce qui, ça et là, par intermittence de son point de vue, pouvait être conforme aux valeurs en qui il se reconnaissait encore. Il aimait ses confrères. Ses recherches et ses études l'avaient amené à un niveau de connaissance qui était appréciés de tous, même par ceux qui ne le connaissaient que peu et par ceux qui ne le connaissaient que trop bien. Enfin c'est ce qu'ils croyaient dans une sorte de suffisance aux accents chantants, un peu, mielleux, trop pour ne pas provoquer de légères mais pénibles nausées... Certes, il y avait quelques exceptions. Oh! juste de quoi rendre crédible la notion de règles, pas plus... Thomas ne se demandait même pas ce qu'auraient pensé, ses collègues, ses confrères qui aimaient beaucoup s'appeler "frères", s'ils avaient eu connaissance de ses vrais travaux. Et ce, dans le cas, fort improbable, où ils s'y seraient intéressés. 
Pour qui se prend-il? Un jour ou l'autre, face à cette fausse humilité, il devra répondre. Il s'en moque et sa réponse est déjà faite:
"Je ne suis pas assez orgueilleux pour me croire humble et celui qui se dit n'est plus!"

Thomas raconte:
– Loin de tout, seul, et pourtant au centre du théâtre du monde, entendant distinctement à peu près toutes les absurdités qu'ils  se plaisent à inventer, j'étais arrivé au bord d'un désespoir qui me tendait les bras.
Devant le fleuve toujours changeant, il s'interroge:
– Que pouvais-je faire contre ces courants furieux et tourbillonnants, ces ramassis épars de rumeurs en forme de traditions, de croyances et de fictions s'arrogeant le titre de "Mythe", de paranoïa et de mensonges masqués ou démasqués?
Une seule permanence: le couple très uni de la bêtise et de l'orgueil...
Se rendant comptes des limites qu'il venait de dépasser par la pensée :
– Qu'en est-il de cette quête de sagesse qui m'avait porté depuis mon plus jeune âge?
Sans plus aucune considération pour les mensonges et les manigances de mes semblables qui prétendaient me tendre un miroir, j'allais faire le grand saut dans le vide, quand un léger vrombissement attira mon attention, me fit sursauter et me fit un peu peur, je l'avoue. Ce qui était un vrai paradoxe, au vu de la situation dans laquelle je m'étais mis. Sans que je l'aie décidé le moins du monde, d'un seul coup, pourquoi? Je ne le sais pas. Je me retournais et ce que je vis alors, je n'ai aucune crainte de le dire, changea ma vie.

dimanche 14 août 2016

14 août 2016

Divine providence
 Épisode 214



Quand la petite larme atteignit la base de son pétiole, celui-ci se gonfla de sève. C'est alors qu'apparut une deuxième feuille, toute semblable à la première, plus petite, mais qui grandit à une vitesse prodigieuse et douée des mêmes capacités que la première. En même temps était apparut un renflement entre le deux pétioles. Un minuscule halo lumineux semblait émaner de sa peau diaphane. 



 – C'est ce que nous pensons déjà connaître
qui nous empêche d'apprendre...*
Pourquoi s’étonner,
devant tant d’exemples divergents et contradictoires,
qu’il y ait encore quelque part, à foison parfois, tant et tant
de découvertes prêtes à nous égarer ?
Encor faudrait discerner entre
ce que que nous voyons,
ce que nous savons voir et 
ce qui se donne à voir... 


Thomas dira plus tard:
On dit que grâce à la méthode géométrique on peut projeter l'espace à trois dimensions sur une surface à deux dimensions, et donner une véritable impression de profondeur. Depuis ma découverte, après que j’eusse vécu ce que peu à peu vous allez connaître à votre tour, chacun selon vos aptitudes, vos convictions, vos titres et qualités, j'avais eu l'impression qu'une dimension supérieure s'était ajoutée à ma vie, mais que par une sorte de magie elle était incommunicable. Alors, à ce sujet, dès ce moment, plus jamais je n'ai  répondu à aucune sollicitation du monde et surtout du monde de l'apparence... Enfin, c'est ce que je croyais alors... Il faut dire que j’étais passé par des moments très difficiles. Ce qui me sauva fut une autre découverte. Au-delà des querelles et chapelles, je n’écrirai rien de plus sur ce sujet. Grâce à la presse et à la télévision, j'avais acquis une certaine popularité, mais j'avais aussi récolté, après tant d’autres, une très riche collection d'attributs blessants : mythomane, imposteur au long cou, infidèle ravi de la crèche, rat botté ou aussi étrange qu’oxymore et constipé rabelaisien voire même constipé calviniste. Comme si l’on ne pouvait être autre chose que ce que l’on est..
me disais-je alors..
Je me tournais alors vers l'image, me disant que même si je n'étais guère un bon orateur, je pourrais, à force de travail, trouver un moyen de mener le lecteur courageux vers le difficile chemin de l’interprétation. Celui sur lequel l'auteur n'a plus guère d'influence, celui sur lequel les sortilèges de la mémoire en constituent le danger et le trésor. Le moyen et le but... 


* Gaston Bachelard

samedi 13 août 2016

13 août 2016

Divine providence
 Épisode 213



...un vrai miracle, se dira-t'il plus tard. Beaucoup plus tard. Et quand Thomas approcha son doigt de la feuille, elle se mit à vibrer légèrement pour ensuite se mettre à s'enrouler sur elle-même. Elle fit de même au moindre choc ou à la la plus infime caresse. C'était ce qu'en jargon botanique il est convenu d'appeler “séismonastie”.
– Un mouvement extraordinaire et spectaculaire du règne végétal se produisait sous mes yeux et j’en étais la cause, ou du moins une part de celle-ci. Je ne sais si la cause en était la larme, ou peut-être le sentiment que j'avais éprouvé et qui l’avait projetée, dira-t-il encore plus tard.
Ce que Thomas Oxymore, biologiste distingué et retraité malgré son jeune âge, ne pouvait ou n'a pas su voir, car dissimulé par sa petite taille et l’enroulement de la feuille, c'était un de ces êtres qu’il imaginait et recherchait depuis si longtemps.

vendredi 12 août 2016

12 août 2016

Divine providence
 Épisode 212



Ainsi, que ce soit sous l'effet du vent qui soufflait modestement, ou que ce soit sous l'effet d'une tristesse passagère, toujours est-il que Thomas laissa échapper une petite larme qui se mit à irriguer son visage. Bien que cette larme, conformément à sa nature, soit salée, l'effet qu'elle fit en tombant sur la plante, fut surprenant pour Thomas...

jeudi 11 août 2016

11 août 2016

Divine providence
 Épisode 211




Thomas, notre biologiste un peu casse-cou, en partance pour l'Archipel des Ressentis, se rendit compte que l'eau des arrosoirs, pas plus que l'eau des nuages ne convenait à son arbre. Celui-ci stagnait. Il ne semblait pas en mauvaise santé, mais il ne grandissait pas. Il y avait là comme un secret ou une énigme que naturellement il rêvait de découvrir...

mercredi 10 août 2016

10 août 2016

Divine providence
 Épisode 210




Les fruits des "Lunavides" se développent généralement sur une période de deux semaines. Ils sont alors pleins et comestibles. Cela ne dure qu'une seule et unique journée. Il faut impérativement les consommer ce jour-là, sous peine de subir des effets secondaires tout-à-fait indésirables et de fort mauvaise augure.