vendredi 31 août 2018

(31) Des yeux recomposés


"Cette aurore est la première du monde. Jamais encore cette teinte rose virant délicatement vers le jaune, puis un blanc chaud, ne s’est ainsi posée sur ces visages que les maisons du côté ouest, avec leurs vitres comme des milliers d’yeux, offrent au silence qui s’en vient dans la lumière naissante. Jamais encore une telle heure n’a existé, ni cette lumière, ni cet être qui est le mien. Ce qui sera demain sera autre, et ce que je verrai sera vu par des yeux recomposés, emplis d’une vision nouvelle."

Livre de l'intranquilité, Fernando Pessoa




– Je ne suis pas sûr de bien comprendre...
– Ce n'est pas grave. Vous êtes pas seul en ce cas.
– Vous voulez dire qu'il y a ici, aussi, d'autres personnes?
– Comme vous y allez...
– Nous y sommes...
– Oui.
– Quoi, oui?
– Il y a ici d'autres personnes
– J'ai beau ouvrir grands les yeux et renifler du mieux que je peux... attendez... oui... c'est cela! Je sens leur présence...

(31) Le sang des vivants


« Et sentir n’est pas possible si l’on sent aujourd’hui comme l’on a senti hier: sentir aujourd’hui la même chose qu’hier, cela n’est pas sentir– c’est se souvenir aujourd’hui de ce qu’on a ressenti hier, c’est être aujourd’hui le vivant cadavre de ce que fut hier la vie, désormais perdue.
Tout effacer sur le tableau, du jour au lendemain, se retrouver neuf à chaque aurore, dans une revirginité perpétuelle de l’émotion– voilà, et voilà seulement ce qu’il vaut la peine d’être, ou d’avoir, pour être ou avoir ce qu’imparfaitement nous sommes.»

Livre de l'intranquilité, Fernando Pessoa


– Au soir du premier jour tout était encore nouveau surtout cette nuit dont le prélude déjà ne laissait pas d’inquiéter... Comme un cœur qui se bat, on y voyait l'imparfaite forme d'une ligne brisée avec beaucoup de saccades. Par petites touches. Une sorte de lave froide y charrie le sang des vivants... Rien encore n'avait eu lieu...
– Mais, ce n'est pas possible...
– C'est cela...





(31) Possible impossible


«Tout artiste agissant, a, dans sa mine de plomb, son pinceau, son burin, non seulement ce qui rattache son geste à son esprit, mais à sa mémoire. Le mouvement qui paraît spontané est vieux de dix ans! trente ans! Dans l’art, tout est connaissance, labeur, patience, et ce qui peut surgir en un instant a mis des années à cheminer.»

Fernand Pouillon, , Les Pierres Sauvages

 



– Croyez-vous, vous aussi, que certaines choses sont impossibles?
– Pour commencer croire n'est pas rien et à tout à voir avec la notion de possible...
– Ou d'impossible...
– C'est cela, mais à quoi pensiez-vous?
– À rien de spécial, mais plus profondément à la notion, au concept même de possible...
– Ou d'impossible?
– C'est cela...
– Pour vous répondre, je commencerai par vous citer Jean Ferrari:
"Il est des  notions qui sont sans cesse mises en œuvre, comme le possible et l'impossible, que l’on songe seulement à l’usage quotidien de ces deux termes dans la conversation la plus banale, mais  leurs définitions, leurs rapports d’inclusion ou d’exclusion, sont tributaires des lieux et des temps où elles sont utilisées."

– Par exemple, le lieu où nous sommes?
– C'est cela...
– Ce lieu n'est possible que dans vos livres ou vos images...
– Pourtant c'est déjà un lieu possible...
– Impossible à situer!
– Vous l'avez dit pourtant,  sans vous en rendre compte, "ce qui a lieu" dans ces images... mais laissez-moi continuer:

"Il arrive, cela est vrai que l'on croie avec honnêteté à certaines permanences... Quant aux temps, des frontières, qu’on croyait fixées d’une manière définitive, apparaissent mouvantes, souvent imprévisibles, à l’étonnement du sens commun. L’impossible d’hier devient le possible d’aujourd’hui,  remettant  en  question  les  limites de l’expérience et l’autorité d’une raison jusque-là souveraine qui n’accordait qu’à  Dieu par le miracle le pouvoir de transgresser l’impossible. Bousculée dans ses certitudes fondamentales et dans des principes qu’elle  jugeait immuables, celle-ci se voit sombrer dans le scepticisme ou, pire encore, dans l’indifférentisme qui ne donne plus de prix à la  recherche de la vérité. Si tout  est  possible, si rien n’est impossible, comment choisir son chemin ? Si tout impossible est écarté, comment s’orienter dans la pensée? N’est-ce pas l’illusion d’un pouvoir absolu, en tout domaine, qui conduit à la folie ?"

Le possible et l'impossible, Jean Ferrari

(31) Taches lumineuses


Le tombeau ne ment pas. Le linceul est la première page blanche du livre de la vérité dont la tombe est la sombre reliure. Vous qui lisez dans ce livre, pourquoi doutez-vous, parce que vous êtes des vivants. Vous ne pouvez croire sans mourir. Dans votre pauvre monde, la foi c’est le suicide. Dans le mien, c’est la création.

Victor Hugo, le "Livre des Tables"



– Que pourriez-vous me dire à propos de votre Maître que je ne connaisse déjà?
– Entre ce qui restait encore en lui, comme un reflet de la volonté divine et ce qui se manifestait dans ses paroles, une série de mots comme des taches lumineuses surgissant des ténèbres, mais que personne d'autre que lui ne voyait.

(31)Libre de tout désir


«Il n’y eu point de transition entre le moment où ils se parlaient et le moment où ils me retrouvèrent assis à leur table. Il manquait un morceau à l’histoire de leurs vies.»
Walid Neill, “Le Passant, le Savant, l’Imbécile et la vie”



– Vers quoi cherche-t’on à nous conduire ?
– Tout au long de sa vie, l’homme désire...
– Quels sont ses désirs?
– Il en a beaucoup...
– Dites m'en quelques uns... surtout ceux que je puisse comprendre...
– Cela en réduit les nombre mais il en reste beaucoup...
– Comme?
– Comme le désir de puissance...
– Encore une chose qui, j'en suis sûr, stimule votre jactance...
– Je vous trouve légèrement ironique, enfin... légèrement n'est pas vraiment le mot... mais il est vrai que le concept de puissance peut être appréhendé de bien des manières. Cela dit je ne vous apprend rien...
– Je comprend le principe mais ce que je me demande c'est ce que l'homme espère une fois qu'il aura assouvi ce désir d'être puissant.
– Le problème véritable, c'est qu'il n'a pour ainsi aucune chance d'y accéder...
– Pourquoi cela?
– Parce que c'est une impossibilité.
– Cela ne me dit pas pourquoi.
– Parce que l'objet de ses désirs, sans qu'il le sache, est toujours hors d'atteinte, sinon le désir et son objet ne serait point... Je vais vous surprendre...
– Surprenez-moi.
L'Enfant Lune est libre de tout désir...
– Pourquoi cela?
– Car il ne sait ce que c'est..

jeudi 30 août 2018

(30) Guangue de mots


«La mentalité agraire perçoit comme une menace contre son intégrité ce qui, venu du dehors, pénètre, s’instille, s’installe en elle. Le clan du corps communautaire bannit le corps étranger au nom de l’anormalité.»

Raoul Vaneigem, “Le Chevalier, la Dame, le Diable et la mort”



– Gemme déroutante dans sa gangue de terre, rutilante de cent feux, labourant de sa langue quelques arpents de paysage entièrement fait de mots, la phrase s’allonge et s’offre à la première semence venue.

– Qu'est cela? Quelque nouveauté à partir de quoi nous devrions faire l’exégèse des mot pour en trouver la conscience... comme une noix bien dure préserve la saveur de la graine intérieure..? Mais avant cela vous ne m'avez pas dit ce que vous entendiez par les deux sens du verbe entendre...
– C'est juste que je voulais attirer votre attention sur le fait que... selon certains membres de leur Institut...
– L'Institut de qui?
– Celui de mon Maître, bien entendu. Voyez-vous lorsque je vous dis...
– Je ne vois rien...
– Cessez de jouer et écoutez-moi. Regardez l'Enfant Lune comme il est attentif à tous les bruits qui composent son univers. Point n'est besoin pour cela qu'il ouvre les yeux. Il en est de même pour les oreilles des hommes quand ils confondent entendre et entendre...
– Expliquez-moi... Je ne comprends plus rien... et puis que vient faire ici l'Enfant Lune?
– Ils sont persuadé de la réalité de ce qu'ils entendent... par leurs oreilles... ce qui devrait être vrai...
– Mais...
– Mais ce qu'ils entendent est assez vite interprété comme étant des tas de choses qui n'ont rien à voir avec l'événement...
– Du fait de leur imagination?
– Non, du fait de leur culture... enfin c'est ainsi qu'ils nomment ce... 



(30) Le caprice du poète




– Croyez-vous qu'il faille se livrer au caprice du poète?
– En d'autres termes croyons-nous qu'il faille s'obliger à répéter le mieux possible ce que nous avons tant de mal à entendre?
– Il y a deux choses au moins dans ce que vous venez de dire... La première concerne la répétition et la deuxième le double sens du verbe entendre. Pour la première il faut admettre que l'illusion fonctionne très bien jusqu'à un certain point. Nous avons été formé pour les oreilles humaines d'abord et si celles-ci sont efficaces, de fait elles sont en quelque sorte bridées par leur cerveau...
– Que voulez-vous dire par là?
– De fait ils n'entendent que ce qu'ils veulent entendre. C'est pourquoi ils s'extasient aussi facilement devant une mauvaise imitation.
– Serions-nous de mauvais imitateurs?
– La question n'est pas là. Ce que nous disons en ayant l'air de répéter est infiniment plus important que les pâles imitations qui ressemblent à ce qu'ils veulent entendre...
– C'est à dire?
– C'est-à-dire que ce que nous disons ne peut être que ce qu'ils savent déjà...
– Et pour la deuxième?


(30) Un espoir secret



En ayant reçu et accepté la tâche que mon libre Maître bien-aimé, tâche profonde que je ne mesurais point, de raconter à mon tour cette histoire, je ne me doutais nullement de la difficulté, persuadé que j'étais qu'il me suffirait de rapporter... répéter, ce que j'avais entendu. Naturellement cette récompense, qui me flattait... j'avais été choisi entre tous, dépassait mes mérites personnels. Tout perroquet et, à plus forte raison, tout perroquet artiste, tout autant que tout homme, désire être reconnu. Je le désirais aussi. Mais ce que je ne savais point était quel serait mon implication dans le fait même de raconter, même bien avant que je ne me retrouve en situation, comme aujourd'hui. J'appris par la suite combien mon Maître espérait les légers décalages dans ma voix et combien ces légers décalages induisaient quelque chose de nouveau qui réalimentaient l'histoire. Quelque fois de peu de choses, mais ces peu de choses alliés à d'autres, je finis par le comprendre, avaient changé considérablement certaines des circonstances de cette histoire... Je me demandais si le sens même ne subissait pas un véritable changement. C'est l’espoir secret de mon Maître... 


(30) Des temps qui n'en font plus qu'un


Comme il a déjà été dit, Félicien le Souriant, fait souvent de bien étranges rêves qu'il note scrupuleusement dans son petit carnet rouge. 


– Qui était cet oiseau qui m'emmenait en me prenant manifestement pour un autre? Et où m'emmenait-il? Le rythme des battements d'ailes me paraissait d'une lenteur extrême, mais de fait il se laissait porter par quelque chose de bien présent mais invisible, et de battements il n'y avait point. Seuls ceux de mon cœur me parvenaient maintenant. À peine en ais-je eu consciences que ceux de l'oiseau curieusement me parvenaient et les deux rythmes, fort différents se mirent à se rejoindre. Non pas qu'ils s'accordèrent pour battre ensemble, mais leurs rythmes s'accordaient au point que leurs accords faisaient croire à un ensemble... Ils se dilataient, puis accéléraient comme deux instruments en accord. Ainsi le temps, je devrais dire les temps propres à chacun ne faisait plus qu'un dans lequel on pouvait encore faire la différence...

mercredi 29 août 2018

(29) L'amour des autres




 – Je vous propose une idée, telle que me l'a présentée mon maître et que lui même avait adapté de...*, il se pourrait que la perte de repère et d’identité que traversent les personnages de l’histoire leur permettent de reconstruire leurs individualités à travers leurs relations avec les autres et dans le but, qui devrait être évident, de trouver ce qu'il appelait « l'amour des autres». De ce point de vue, les divers errements dont sont victimes les personnages sont ainsi comparables à ceux qui accompagnent les différents âges de la vie, les naissances, y compris les fêtes de Carnaval où tous les dérapages sont censés être permis car ils ne sont que le prélude à une vie pleine et entière consolidée par les découvertes que ces aventures auront permises.


L'enfant se trouve transporté des ruines du théâtre-cirque dans celles d'un vieux palais. On ne sait qui du palais ou des ruines constituent le décors d'un monde à l'envers...



* Luc Deborde, analyse du Songe d'une nuit d'été de Shakespeare 



(29) On l'appelle Hasard




Du fond de l'océan vers nous montaient, tels des soleils... de bien étranges plantes pour lesquelles l'enfant Lune se sentait en parfaite harmonie.  Il faut dire que les curieux, en grand nombre, n'étaient pas là par hasard. Leur présence est sombrement liée à l'histoire de l'île.


– Comprendre le passé aide à comprendre le présent. Les courants résiduels se prélassent sans violence. malheur à qui le pied s'y égare... Le temps de fermer, ne serait-ce qu'un œil, et le changement opérait. Une douce brise régulière porte le vol des oiseaux de passage et rafraîchit les pèlerins.
Ce courant modéré est un vrai trésor. Il permet d'observer le gros du troupeau en temps de paix, dans sa banalité édifiante, comme l'écrira, beaucoup plus tard, l'enfant Lune dans son ouvrage «Les Illuminés». Le blanc fantôme, invisible pour eux, passe et repasse. L'aveugle timidement demande son nom au nouvel arrivant et celui-ci répond :
– Aussi loin qu'il m'en souvienne on m'appelle Hasard... 


(29) Imprévisibles voyages


Si nous, légers fantômes, nous avons déplu,
Figurez-vous seulement (et tout sera réparé),
Que vous avez fait ici un court sommeil,
Tandis que ces visions erraient autour de vous.
Seigneurs, ne blâmez point
Ce faible et vain sujet,
Et ne le prenez que pour un songe…


Le songe d'une nuit d'été
Shakespeare



– Qui n'a jamais dû sentir sur lui-même tout ce qu'aurait de choquant pour un esprit rationnel et logique le mélange étrange de la mythologie ancienne et de l'imagination, le transport rapide du spectateur d'un monde réel dans un monde fantastique, et, surtout, les imprévisibles voyages de celui-ci dans l'autre. Il est vrai qu'il m'arrive d'entendre des voix. Ce qui est d'une logique à toute épreuve... Mais il m'arrive de me douter que ces voix, personne d'autre que moi ne peut les entendre...

(29) Mentir plus...



Chaque scène se met en lumière mais en représente de nombreuses autres qui s'additionnent discrètement aux côtés obscurs de chacune d'entre elles.




– Regardez, je crois que Félicien désire nous parler.
– Au préalable, il faudrait que nous sachions avec quel Félicien nous avons à faire...
– Vous savez bien que c'est impossible.
– Pourtant nous pouvons très bien voir que c'est le petit d'homme qui nous hèle.
– Nous pouvons le voir et l'entendre... l'entendre?
– Voir sûrement, mais l'entendre... peut-être moins bien...
– Monsieur, il faudrait que nous sachions laquelle des deux voix qui semblent vous habiter vous représentez. 
– Tout d'abord, je vous souhaite le bonjour. Quant aux voix dont vous parlez, je n'en ai point connaissance. Auriez-vous si ce n'est désobligeance, du moins la délicatesse de mentir plus...
– Mentir?!? Sacrebleu, vous entendez?!? Il nous traite de menteur?
– Veuillez avoir la bienveillance de pardonner mon erreur ou le léger problème d'entendement qui en résulte, je voulais dire "de m'en dire plus".


(29) Il est minuit sur le pas de sa porte



Félicien avait surgi du passé ou "d'un temps qui n'en serait pas un", sans que Félicien, l'Autre, invisible sur l'image, ne le ressente ainsi.  Et s'il fallait l'en croire, le temps ne suivrait plus sa "limpide trajectoire". Il se montrait inconstant et imprévisible. Si les années succèdent aux années, les heures aux heures, les jours sautent allégrement les semaines ou les mois, selon l'humeur de nos mémoires... C'est ainsi qu'il peut être midi à minuit sur le pas de la porte...

(29) Limpide trajectoire




– Rien ne se passe sans que cause il y ait...
– Encore faut-il s'entendre sur ce que signifie ce mot qui fait que l'on cause...
– Ah, cher ami, vous voilà disposé au jeu. À la bonne heure.
– Je voulais juste dire qu'au mot cause il eut fallu ajouter un s pour bien marquer la pluralité du phénomène...
– ... ou des phénomènes.
– Vous êtes en forme, dites-moi...
–  La pluralité n'est pas un jeu.
– Qu'est-ce alors?
– Ce qui devrait être une évidence... 
– C'est-à-dire?

mardi 28 août 2018

(28) Quelque chose tourne en rond


De la rose et de ses épines fleurissent, rage impie, un chapelet de larmes aux couleurs des mystères et des rayons affaiblis de l’aurore...

– Baruch?

– Aucun des abris qui surgissent des ruines de ce monde qui nous a tant donné ne nous protègent de celui qui croit nous guider, Félicien.
– Regardez qui voilà?
– Ne serait-ce point le bien-nommé Félicien avec qui nous avons la chance et le grand bonheur de figurer?
– C'est bien lui. Avez-vous remarqué combien ses neurones sont impliqués dans différentes couches et impliqués dans de nombreux processus parfaitement inconnus des spécialistes?
– Je crois déceler dans votre expression une grande fierté et une certaine note d'incrédulité s'abritant derrière votre sourire...
– Aucun de ces abris ne nous protègent de celui qui nous guide, Baruch. Un jour ou l’autre nous devrons le suivre.
– De qui parles-tu Félicien? Et quels sont ces abris dont tu parles?

– Un jour ou l’autre nous le suivrons.
– De qui parles-tu Félicien? Et quels sont ces abris dont tu parles?

– Un jour ou l’autre nous le suivrons.
– De qui parles-tu Félicien? Et quels sont ces abris dont tu parles?

– Un jour ou l’autre nous le suivrons.
– De qui parles-tu Félicien? Et quels sont ces abris dont tu parles?
 


Quelque chose ne tournait pas rond... Quelque trouble ou des altérations des circuits neuronaux étaient apparus au cours du développement de
nos volatiles et cela s’était sûrement produit bien avant que ne s'annonce l'âge de trois ans.

 

(28) Une déficience sélective?


"En conséquence, une déficience sélective dans des tâches d'auto-autres, tels que la compréhension des croyances des autres, a été rapportée chez des patients avec des lésions de la TPJ (Samson et al., 2005). Ensemble avec d'autres régions du cerveau, TPJ a également été considéré comme faisant partie d'un réseau du cerveau impliquée dans la ToM, ce est la capacité de comprendre les intentions des autres, les croyances et les désirs (examen Frith et Frith, 2003). En particulier, le droit TPJ est censée jouer un rôle crucial dans l'attribution d'états mentaux (par exemple, "Elle veut être un enseignant»), et à la fois gauche et droite TPJ sont recrutés lorsque les participants sont invités à imaginer l'esprit de l'autre (Saxe et Wexler, 2005). En outre, l'activité de la TPJ gauche semble être sélectif pour descriptions verbales des croyances d'une autre personne, tandis que la droite TPJ semble répondre de manière plus sélective à des stimuli non verbaux (Saxe et Kanwisher, 2003). En outre, le TPJ joue également un rôle central dans le traitement de l'information vestibulaire, avec une prédominance de l'hémisphère droit pour les entrées otolithiques et une prédominance hémisphérique gauche pour les entrées de canaux semi-circulaires (voir Lopez et al., 2008 pour examen). Chez les singes, les neurones dans le TPJ décharge pendant la stimulation vestibulaire, pendant la stimulation tactile du visage et le tronc, et quand un stimulus est à proximité du corps (Grüsser et al., 1990, Duhamel et al., 1998; Bremmer et al. , 2002). Il est probable que les neurones bi- et tri-modal dans le TPJ codent l'appariement multi-sensorielle de vestibulaire, visuel et informations tactiles pour le corps entier, semblable à visio-tactile neurones bimodaux dans le sillon intrapariétal prémoteur et qui sont ancrés les parties du corps, y compris la main (Iriki et al, 1996;. Graziano et al., 2000; Maravita et Iriki, 2004)." 

Autisme, sillon temporal supérieur (STS) et perception sociale
Études en imagerie cérébrale et en TMS
Ana Riva Baggio Saitovitch



– Personne ne nous avait prévenu des difficultés que nous aurions pour comprendre, dans ce difficile chemin, ces mots que nous ne pouvons que répéter...
– Dites-moi, qu'en est-il de votre intrapariétal prémoteur pour le corps entier et de votre codification de l'appariement multi-sensorielle?
– ...
– Comprenez-vous ce que je viens de vous dire?
– Et vous, vous souvenez-vous de ces journées d’escalade alors que nous n'étions encore que des enfants?
– Des enfants voyageurs immobiles, turbulents enfants du labyrinthe en quête de nouvelles frontières à traverser et de mots impossibles. Vous en vouliez, en voilà!
– Vous voulez parler de ceux qui nous faisaient grandir en nous rendant si petits.

On le voit, une certaine forme de surdité avait pris place dans le dialogue... à moins que ce ne fut une sorte de fuite.
 




(28) Confrontation logique


"Un aspect central de la conscience de soi corporelle globale est le sens de l'endroit où l'auto est perçu comme situé dans l'espace, ou "auto-emplacement." Ce lien apparemment évidente entre le moi et le corps peut être modifié et connu comme étant non corps centré. Les patients souffrant d'expériences hors du corps (OBE) de neurologique expérience origine eux-mêmes comme situé à l'extérieur de leurs propres frontières corporelles (auto-localisation anormale), et le rapport qui cherchent à leur corps réel à partir d'un point de vue aérien dans l'espace extrapersonnel (anormale à la première personne perspective."

Irwin, 1985


– Connaissez-vous Félicien?
– Celui de la chanson?
– Non, je ne la connais pas.
– Je ne vous demande point si vous connaissez la chanson... Je vous parle de Félicien...
– Je connais un Félicien, dont mon maître possédait une copie du carnet et qui m'en a longuement parlé, mais, à première vue, logiquement, il n'est pas forcément celui de la chanson...
– Méfiez-vous de votre première vue... Tiens il me semble que vous rougissiez quelque peu...


Cahier rouge de Félicien

Tout, dans notre histoire, se tient et est fonction d'une logique, mimétique ou autre,  chacune est bonne à prendre. Si le principe est que le mouvement naît de la confrontation, alors on peut aisément déduire que n'importe quelle rencontre, quelques accident ou d'incident qu'elle provoque, servira de combustible au mouvement... En ce sens, cette logique est ou n'est pas la cause, peu importe, ce qui importe c'est la vie...


(28) Personne n'ose la moindre question


« Les hommes se trouvant tous par nature libres, égaux et indépendants, on n’en peut faire sortir aucun de cet état ni le soumettre au pouvoir politique d’un autre, sans son propre consentement. La seule façon pour quelqu’un de se départir de sa liberté naturelle (…), c’est de s’entendre avec d’autres pour se rassembler (…). Et lorsqu’un certain nombre d’hommes ont consenti à former une communauté ou un gouvernement, ils deviennent, par là-même, indépendants et constituent un seul corps politique, où la majorité a le droit de régir et d’obliger les autres (…). Ainsi, ce qui donne naissance à une société politique n’est autre que le consentement par lequel un certain nombre d’hommes libres, prêts à accepter le principe majoritaire, acceptent de s’unir pour former un seul corps social. C’est cela seulement qui a pu ou pourrait donner naissance à un gouvernement légitime. »
 John Locke



Félicien le Souriant, fait souvent de bien étranges rêves qu'il note scrupuleusement dans son petit carnet rouge. 

À peine avais-je fermé les yeux que les images, telles les vagues qui berçaient mon sommeil, s'allongeaient avec une force qui balayaient tout résistance. J'étais aux portes d'un royaume inconnu dont le monarque d'un vaste empire, assis sur son trône de fortune, avait fermé les yeux depuis des années et dans cette position les années avaient passé. Ayant ouvert les yeux, il reconnaît la nécessité de faire le compte des richesses de son royaume, de mesurer les forces que son autorité peut soumettre à bien plaire...
Entièrement absorbé par son jeu, tel un monarque adulé, il marche sur les eaux dormantes de ceux qu'il voit comme ses fidèles. Son vaste empire sur lequel il vogue est sa richesse:
– Le jour est venu, proclame-t'il devant ses sujets languissement allongés. Comme lui.
Personne n'ose la moindre question. C'est logique, personne ne s'est réveillé...


(28) Le sourire de l'esprit



  "Le sourire a de nombreuses vertus, pour ceux à qui on l’adresse, bien sûr, mais aussi pour la personne qui sourit. Car les liens entre le sourire et l’esprit sont à double sens. Si notre esprit est heureux, il fait sourire notre visage. Mais si notre visage est heureux, il fait sourire notre esprit."*


 – S'il fallait croire à tout ce qui se dit tout ce qui s'écrit et à tout ce qui s'enseigne, toutes choses qui loin de former un tout convenable mais au contraire me renforce en la croyance d'un chaos monumental dans lequel se distingue, par morceaux, dans certains espaces et dans leurs limites, limites correspondant aux nôtres... bien évidemment... un certain nombre de systèmes, certains très agréables, d'autres moins et auxquels il bien difficile et surtout coûteux de vouloir échapper. La loi du nombre et surtout la force prime... une ensemble auquel on ne peut faire front qu'armé du seul sourire de l'esprit...


lundi 27 août 2018

(27) Au nom de la dictature




– Il se révèle que notre mission, celle de notre passage, est, comme le dit Fabrice Midal, de nous permettre de dire non à toutes les formes d’aliénations, y compris les plus sournoises, celles qui aujourd’hui sont faites au nom de la dictature de la rentabilité...
– Je ne peux être tenu responsable de votre folie...
– Il se pourrait, si je commence à comprendre, que ce soit aussi la vôtre...

(27) Incertain passage


Alors le sable retrouvera sa lumière pailletée, suspendue dans un temps lointain qu’elle dissémine pour toujours. Elle éclairera dans nos regards ce qui ressemble à des enfants sur la plage...




– Qu’y-a-t’il dans les profondeurs du ciel?
– Rien que nous ne connaissions déjà.
– Et comment cette porte s’ouvre-t’elle ?
– Il faut que des profondeurs surgisse une vague assez puissante pour que notre monde se retourne.
– Je ne peux comprendre que si vous m’expliquez avec un peu plus de détails. Pour commencer, où se trouve cette porte ?
– Elle est là, sous vos pieds.
– Voulez-vous dire que ce sur quoi nous vivons est une porte ?
– Oui.
– C’est impossible.
– Et pourquoi ?
– Parce qu’il est impossible de passer à deux. Le passage ne peut se faire que seul.

(27) Mais où est donc...


"L'autre est impénétrable, introuvable, intraitable ; je ne puis l'ouvrir, remonter à son origine, défaire l'énigme. "

Roland Barthes




– Mais où est donc passé Félicien
– Il est là derrière toi.
– Je ne le vois pas.
– Pourtant il est là.
– Il est toujours là. Toi et lui vous ne formez qu’un...
– Pourquoi dans ce cas ne puis-je le voir?
– Précisément parce que vous ne formez qu’un et puis...
– Et puis ?
– Et puis il est des choses que l’on ne peut voir que si certaines conditions sont réunies...
– Donnez-moi un exemple...
– Par exemple les étoiles dans le ciel. Elles ne peuvent être vues que s’il fait nuit.
– Et alors?
– Alors pour Félicien c’est la même chose sauf qu’il faut que vous compreniez que la nuit n’est pas tout à fait la nuit...
– Qu’est-ce alors?
– Votre part obscure...

dimanche 26 août 2018

(26) Le hasard fit le reste






 – Qui êtes-vous et où donc est passé Félicien?

Dans une sorte de mise à distance de ce qui s'offre dans le champ des possibles, un temps nouveau s'était ouvert sur les choses par lequel la pensée pourrait se mettre à lire la Nature à son profit. Ils se trouvèrent entraînés dans une série de péripéties rocambolesques qui les mit en contact avec des personnages fort différents... et le hasard, sans qu'aucune autorité, même la plus légère, ne s'y mêla, fit le reste...

(26) Un mystérieux rougissement



– Bientôt, peut-être,
ils s'apercevront que nous aussi, nous avons une âme...
mais... ne le répétez point...

Nouveau mystère animalier: les perroquets qui rougissent d’émotion
 
Et si les perroquets rougissaient comme les humains dans des situations d’émotions vives ? Si les chercheurs sont encore loin de comprendre le mécanisme exact, une équipe française dit avoir observé rigoureusement le phénomène pour la première fois, chez cinq aras du zoo de Beauval (Loir-et-Cher). Ils ont publié leurs résultats dans la revue scientifique américaine PLOS One, mercredi 22 août.
Une partie des joues du ara bleu et jaune (Ara ararauna) est nue, sans plumes. Cette peau blanche rougissait lors d’interactions avec les soigneurs, lors de moments considérés comme «positifs» pour les volatiles. «Les oiseaux n’ont pas de muscles sur la face, explique à l’Agence France-Presse Aline Bertin, chargée de recherche à l’INRA, qui a dirigé l’expérience. Ils n’ont jamais été étudiés pour leurs expressions faciales.»
Anecdotiquement, les propriétaires d’aras avaient remarqué ces rougissements, tout comme chez quelques autres oiseaux sauvages. Les joues sont irriguées de vaisseaux sanguins, comme chez les humains. Mais il fallait encore documenter le phénomène.


Parades sexuelles ou situations de conflit


L’expérience a consisté à filmer et photographier les oiseaux, sur un perchoir d’une volière de Beauval, lors d’interactions organisées avec les animaliers qui s’occupent habituellement d’eux. Le plus souvent, il ressortait de ces dernières que la peau des oiseaux, autour des yeux, se mettait à rougir.
L’étude est limitée par le petit échantillon, seulement cinq volatiles. Et elle ne permet pas de conclure formellement sur la raison du rougissement. «On ne sait pas si les oiseaux peuvent ressentir des émotions positives », souligne Aline Bertin. Mais ces travaux posent les jalons de futures expériences, en créant une méthode qui permettra de «mieux comprendre la sensibilité des oiseaux».
Les connaissances sont encore très limitées sur la partie « sensibilité » du cerveau des volatiles, alors qu’elles sont très avancées sur leur intelligence, comparable à celle des mammifères. Nombre d’entre eux savent utiliser des outils et résoudre des problèmes. 

Côté émotion et stress, les scientifiques ont jusqu’à présent surtout décrit les parades sexuelles ou les situations de conflit, lors desquelles ce sont les plumes qui sont principalement utilisées, en étant dressées ou lissées. Mais sur leurs émotions positives, la recherche est balbutiante: «On n’imagine pas que l’oiseau peut avoir un monde émotionnel aussi complexe qu’un primate, un chien ou un chat.»
LE MONDE | 23.08.2018


(26) La réalité du moment présent





Les Féliciens tournent résolument le dis à ce qui est leur passé.

– Cher Félicien, rien ne peut être plus vrai que le moment où nous le proclamons.
– Pourriez-vous me préciser de quoi vous parlez?
– De la réalité du moment présent... qui vient de passer...
– Sans que nous ne puissions le saisir...
– Tout comme ce que vous venez de dire...



(26) Limpide trajectoire





Ainsi Félicien avait surgi du passé ou "d'un temps qui n'en serait pas un", sans que Félicien, l'Autre, invisible sur l'image, ne le ressente ainsi. Et s'il fallait l'en croire, le temps ne suivrait plus sa "limpide trajectoire". Il se montrait inconstant et imprévisible. Les années ne succèdent plus aux années, les heures ne se suivent plus mais sautent d’un jour à l’autre. Il est midi à minuit. Rien ne permet plus d’anticiper sur ce qui pourrait se passer.

samedi 25 août 2018

(25) Cela n'est point nécessaire...


«Ainsi la matière, auparavant informe et stérile, prit la figure de l’homme, jusqu’alors inconnue à l’univers. L’âge d’or commença. Alors les hommes gardaient volontairement la justice et suivaient la vertu sans effort. Ils ne connaissaient ni la crainte, ni les supplices; des lois menaçantes n’étaient point gravées sur des tables d’airain; on ne voyait pas des coupables tremblants redouter les regards de leurs juges, et la sûreté commune être l’ouvrage des magistrats.»

Ovide, Métamorphoses, Livre I





– Comment savez-vous tout cela?
– Je ne sais pas comment je le sais. Je le sais, tout simplement. Si je m’interroge à propos de la question, je ne sais plus. La question est aussi un secret. Elle est la clé de la disparition.
– La disparition de quoi ?
– Du secret.

– Pourquoi devrais-je vous croire?
– Cela n'est point nécessaire...




(25) Tout comme moi




– Sais-tu? toi qui te nomme et t'appelle Félicien... tout comme moi... Peu importe le dedans ou le dehors... Inquiet, violent, le rapport de l'homme sorti du monde avec le lieu de sa folie, interroge toutes normes et renvoie à une dichotomie entre soi et ce qui est autre. Semblable à un fleuve venu de nulle part, qui ne veut point d'embouchure et se répand dans toutes directions, inondant au passage tout ce qui est convenu, l'homme à l'écart, meurt et se forge à petit feu, patient et solitaire par instinct. Il ne faudrait pas se méprendre sur le sens donné et le vide de toutes choses, entre le monde que nous vénérerions et le monde tel qu'il serait pour de faux, comme disent les enfants qui seuls ont le droit de convoquer et d'ouvrir... Nous aurions besoin de valeurs nouvelles, une vraie innocence, sans berger ni troupeau. N'entre ici que celui qui peut tout perdre... Les mots et les discours peuvent décontenancer jusqu'aux passants les plus aguerris. Encore un pas et tu n'es plus rien...

(25) Qui de nous deux


« Au moindre souffle le ciel rougeoie et tout d'un coup s’illumine de toutes les désillusions qui s’embrasent.»

Walid Neill, Le Passant, le Savant, l’Imbécile et la vie





Loin du vacarme équivoque du monde, Don Carotte, patiemment, élabore, à travers ses rapports une œuvre dont il espère qu'elle puisse être lisible ... Pendant ce temps, un visiteur frappe à l'entrée du chapiteau.

– Êtes-vous en train de me dire que durant tout ce temps vous étiez là et que je ne pouvoir vous voir?


– C’est cela et... ce n’est pas cela.

– Voudriez-vous avoir la gentillesse de m’expliquer cela plus clairement ?

– Il faudrait pour cela que vous me posiez une question construite de telle manière que la réponse ait une chance de vous sembler claire.

– Comment trouver une telle question ?

– Est-ce là “votre” question ?
– Bien sûr que non. J’ai beau chercher, je ne la trouve pas. Comment faire pour trouver la bonne question? Comment savez-vous, Félicien, ce qu’est une bonne question?
– Pour commencer, il faudrait déterminer qui de nous deux est Félicien...






vendredi 24 août 2018

(24) L'eprit s'aiguise





«Le dur labeur affine le cœur et la fatigue aiguise l’esprit !»

Walid Neill, “Le Passant, le Savant, l’Imbécile et la vie”






(24) À nouveau


«Les mortels ne connaissaient d’autres rivages que ceux qui les avaient vus naître.»

Ovide, Métamorphoses





– Je te salue Rescapé du ciel! Que l’Histoire te vienne en aide! Mais pour commencer, accepte ces misérables cadeaux !.. Nous étions autrefois riches et puissants, vois aujourd’hui ce que nous sommes. Pour ma part voici ce que je t’offre: la vision de ce que tu as été et que pourrais être un jour à nouveau...



(24) Quelque chose de rien


«Il y en a qui pensent que cette simplicité est une marque de peu d’invention. Ils ne songent pas qu’au contraire toute l’invention consiste à faire quelque chose de rien.»

Racine, préface de Bérénice (1670)


 



 
Comme la Sainte Colonne qui pour certains était invisible et pouvait apparaître à tous moments, particularité que nous autres  avions aussi, quelque chose bougeait dans le fond de la salle qu'il n'était point aisé de discerner.
– Je ne vois rien, mais ce que j’entends me dit clairement que quelque chose de vivant est là devant nous.