dimanche 31 octobre 2021

Croyance

 


– ... Mais alors... si l'image est autant à lire qu'à regarder... c'est une illusion!
- L'image n'est que cela... et l'illusion serait de croire que ce n'est pas une illusion...
– ... qu'il ne voudrait pas la peine de regarder puisqu'elle est irréelle?
– Nullement.
- Que voulez-vous dire?
– L'image est bien réelle mais elle n'est toujours pas ce qu'elle montre... ou ce que nous croyons qu'elle montre... de fait, c'est bien de croyance qu'il s'agit...



Reconnaissance

 


– Regarder une image ne fait pas sens... Nous ne re-connaissons rien avant que nous ne fassions le lien avec ce que nous connaissons déjà...
– Mais de là à lire… il y a un pas que je n’arrive pas à faire…
– Vous n’avez qu’à imaginer… c’est bien le cas de le dire… que l’image parle…
– Peut-être parlent-elles, mais...
– Mais!
–  ... je n'y entends rien...

 

samedi 30 octobre 2021

Regard

 


– Pourquoi parlez-vous de lire les images et non de les regarder..?
– Je ne dis pas qu’il ne faille point les regarder… mais regarder sans lire est vain…
– Diriez-vous que les images parlent?
– Les images ne veulent rien dire…
– Mais alors?
– Ce ne sont point les images qui disent…
– Qui alors?
– Celui qui les lit…
 
 

Lire

 


– Auguste nous voit-il?
– Vous savez bien que non… Nous ne sommes point du même monde…
– Mais alors pourquoi et comment pouvons-nous être vus dans la même image?
– Vous savez aussi bien que moi que l’image, en tant que telle est trompeuse…
– Vous n’avez pas l’air d’en être certain… il y a un petit quelque chose dans le ton de votre voix qui me donne à penser…
– Eh bien parce qu’il se pourrait que ce ne soit point l’image qui soit trompeuse…
– Qu’est-ce alors?
– La façon de la lire…

 

 

 

Dans les hauteurs

 


 

– Auguste se sent-il chez lui dans ces hauteurs?
– Selon lui… non… mais au moins, c’est lui qui le dit, n’y est-il ou ne s’y sent-il point un étranger du fait que personne n’y habite… du moins jusqu’à ce que…
– Comment le savez-vous et... continuez je vous prie!
– Jusqu’à ce qu’il y découvre une présence… 

 

vendredi 29 octobre 2021

Véritable

 


 

– Si j'entends bien, il n'existerait pas seulement ce à quoi l'on peut croire...
– Mais aussi à tout ce que l'on peut croire...
– Je ne comprends pas. Que voulez-vous dire?
– Il n'y a pas seulement ce qui est réel traditionnellement...
– Vous êtes en train de mettre en doute la notion de réel...
– C'est cela... il se peut que soient réels aussi toutes sortes de choses ou d'êtres que l'on a tendance à rejeter en dehors du réel...
– Êtes-vous en train de parler de nous... ou d'Auguste... ou de Pinocchio... ou de tant d'autres?
– C'est précisément de tout cela que je vous parle. Mais ce que je dis n'a pas d'importance...
– Qu'est-ce qui a de l'importance?
– C'est ce qui est véritable.
– Vous parlez de vérité?
– Non, je parle de véritable...
– C'est la même chose!
– Oh que non!

 

Ailleurs



– Auguste, de son point de vue, ne fait point partie d’une communauté…

– Tout comme Pinocchio, l’Autre?

– C’est un peu cela et… c’est très différent… Tous deux savent et il font à grand peine les gestes qui laissent la possibilité d’être relié, mais la plupart du temps l’un comme l’autre sont dans un “ailleurs”. 

– Le même?

– Certainement pas… Auguste ne sait pas qu’il y est…

– Et Pinocchio?

– … et Pinocchio le sait trop bien…

– Et qu’y fait-il ?

– C’est vainement dans cet “ailleurs” que, sans le savoir, ils cherchent…

Communauté

 

“Quant aux gens qui se font mutuellement un bon accueil,
mais qui ne vivent pas habituellement ensemble,
on peut les classer plutôt parmi les hommes
unis d’une bienveillance réciproque
que dans les amis proprement dits.
Ce qui caractérise davantage des amis,
c’est la vie commune.
Quand on est dans le besoin,
on désire cette communauté
pour l’utilité qu’on y trouve...”
Aristote

jeudi 28 octobre 2021

Dessus...dessous

 




Qui est dessus? Dessous? Bien malin qui peut le dire…
Qu'est-ce qui agit? Qu'est-ce qui "est agi"?
– Après tout... ce ne peut être rien...


Chaque bulle scintillante emmène et rejoint un monde qui s’y reflète en vain... Fascinant spectacle que l’enfant, en un même mouvement, regarde longuement.
Succédant aux innombrables scintillements du printemps, l'été est là qui semble devoir durer pour toujours. Le temps se dilate. À gauche et à droite, en lignes brisées, les pieds nus marchent vite à petits pas sautillants sur les îles de pierres brûlantes. Le nez depuis longtemps est pelé et bientôt, reflet miniature du pavage, vont s'ouvrir entre les taches de rousseurs de petites crevasses légèrement sanguinolentes.

 

mercredi 27 octobre 2021

Oscillations

 

Imperceptiblement, telle la brume monte de la vallée, le brouillard monte et la confusion se répand.
Elle recouvre le visible du masque de l'imagination. 

– Imaginez que vous êtes à la limite de deux mondes. L’oscillation est constante entre les deux. Sur cette limite, à l'horizon se trouve un enfant.
– Est-ce vous-même?
– Non, non, il ne s'agit que d'un enfant... Il est dans son monde. Un monde auquel il ne peut échapper... ou s'échapper complètement. Loin d'être un jeu, la constante oscillation lui procure la très inconfortable et tragique sensation de fréquenter en permanence les gouffres les plus profonds et d'être sur le point d'y tomber sous l'effet du vertige. Mais pour qui verrait la scène de près, il ne découvrirait point les sombres abîmes, mais ne verrait qu'un enfant debout sur la berge, les pieds à moitié dans l'eau, sur la mousse verte et glissante.



D’instinct


 

– Que se passe-t-il?
– J’entends parler…
– Que disent-ils? Qui sont-ils?
– C’est Auguste et un certain Monsieur Loyal qui se souviennent…
– Que disent-ils?
– L'un dit que c'est ce même instinct qui lui a permis de découvrir ce qu’il se proposait de nous raconter avant qu’il ne se perde dans certains souvenirs. Écoutez… je reconnais sa voix… enfin il me semble… Faites silence que nous puissions entendre…


Auguste parle.

– Quand, auparavant, je me promenais dans les hauteurs du chapiteau, tous mes sens étaient en éveil, non parce que je contrevenais à l'ordre du cirque, ni même à cause des dangers que l'on s'invente lorsque nous ne sommes plus dans notre propre territoire, mais parce qu'il m'arrivait de penser que, contrairement aux apparences, je pensais que je n'étais point seul.


mardi 26 octobre 2021

Ce qui nous échappe

 




– Voulez-vous faire une expérience?

– De quelle expérience s’agit-il?

– Il s’agit d’une expérience probablement impossible …

– Je suis curieux de savoir…

– Il s’agit de tenter de saisir ce qui par définition nous échappe… nous est perdu à jamais…

– Je ne vois pas…

– Il s’agirait de saisir l’oubli.

– L’oubli? Mais cela est impossible!

– Pourquoi cela?

– Parce que l’oubli est l’oubli… Ce qui est perdu est perdu…

– Mais il arrive que l’oubli soit bien présent.

– Donnez-moi un exemple.

– Quand je ne me souviens pas du nom de quelqu’un…

– Ce n’est point complètement un oubli…

– Pourquoi cela?

– Parce vous vous souvenez de la personne. Vous vous souvenez qu’elle a un nom. Ce n’est qu’une petite partie de la personne qui est oublié… Juste son nom… Parce que quand nous apercevons de l’oubli, quand nous savons ce qui est oublié nous nous rappelons…

– L’oubli disparaît…

– L’oubli ne nous apparait seulement quand il ne l’est plus, quand le souvenir surgit,  quand on surprend l’absence avec angoisse ou émotion…

– Comment savez-vous tout cela?

– J’écoute, je réfléchis… je répète… et j’oublie d’où cela est venu…

– En fait vous avez oublié…

– En partie seulement…



Ce jour-là


Ce jour-là, c’eût dû être un inconnu… mais c’était  Monsieur Loyal, j’en suis certain… parmi les chuchotements infinis et les respirations retenues je l’avais reconnu au son de sa voix, après m'avoir promené de telle manière que j’eus l'impression de traverser un labyrinthe, il me fit asseoir sur une chaise. J’étais parfaitement désorienté et j’eusse eu bien de la peine à me représenter l’endroit où j’étais. Et là j'eus droit à un questionnement qui me paru des plus étrange. Le fait de ne pas voir, du fait de l'action aveuglante du bandeau qui me couvrait les yeux, avait réveillé en moi, nonobstant le fait indéniable que j’étais une sorte de proie… ce que je me plais à appeler l'instinct du chasseur…


lundi 25 octobre 2021

Ni vu ni connu


Je connaissais déjà, je le répète, depuis longtemps, presque tous les rouages du cirque qui ne peut fonctionner sans l'aide de ces petites mains que nous sommes. Il m'arrivait souvent, contrevenant aux ordres, de me promener à des heures indues dans les hauteurs du chapiteau. Ni vu ni connu, veillant à rester invisible, à mes risques et périls je grimpais et restais des journées entière dans ces territoires peu fréquentés.

Auparavant

 


Auguste se souvient.
Il se souvient de ce jour où, pour la première fois,
il avait pénétré sur la piste en pleine représentation.

– Naturellement elle m'était familière mais jamais je n'y avais pénétré dans ces conditions. Et si je la connaissais presque par cœur, ce jour là elle m'apparut comme une parfaite inconnue...
Et justement, mon souvenir et mes pensées furent accaparées par cette inconnue…

dimanche 24 octobre 2021

Chaque jour



Chaque jour  le monde se crée...
Auguste… tout commence et recommence...


samedi 23 octobre 2021

L’air se fait rare

 


 L'air des hauteurs est rafraîchissant, mais rare. Auguste se laisse guider, non par force, mais par obligation.
Il y a même une petite part de lui-même qui trouve cela agréable
et qui l'engage à se laisser aller.
– De toutes façons il semble que ce soit dans ma nature...

vendredi 22 octobre 2021

Le temps presse

 



- On a plus le temps...
- Allez...
- Non. Je vous l'ai dit...
- Patience, il suffirait de donner un peu de temps au temps...
- Petit prétentieux. Comment feriez-vous ?

Pourquoi petit…

- Entendez-vous ? La musique s'est arrêtée... 

jeudi 21 octobre 2021

Imagination

 



– S’il dit que nous ne pouvons comprendre le sens profond des images qui nous portent que l'espace d'un instant, devenant ainsi aussi réelles et vivantes que sa propre pensée… alors…

– Alors il s’agit du même monde!

– C’est cela… mais pour un court instant seulement… et encore…

– Encore?

– Peut-être s’agit-il d’une illusion…

– Peu importe… il s’agit pour nous d’intensifier ces moments et de les faire durer plus longtemps…

– Comment s’y prendre?

– Faites comme lui.

– Comment?

– Imaginez…

– C’est-à-dire…

– Non… à faire… Imaginez-vous que nous sommes deux êtres humains…



mercredi 20 octobre 2021

Mystérieux



 – Quel est notre monde si celui de votre maître n’est pas le nôtre?

– Selon lui le monde duquel il fait partie comprend le nôtre…

– Mais…

– Il semblerait que le nôtre ne comprenne pas le sien… ou imparfaitement…

– C’est mystérieux… et même… doublement puisque je ne sais la signification que vous donnez à la phrase « notre monde ne comprend pas le sien »…  pourriez-vous être plus précis?

– Les deux sens peuvent convenir…Alors, pour simplifier, nous vivons dans un monde d’images…

– Et alors?

– Alors? Il disait que nous ne pouvons comprendre le sens profond des images qui nous portent que l'espace d'un instant, devenant ainsi aussi réelles et vivantes que sa propre pensée… 

– Vous voyez…

– Quoi donc!

– Selon ce que vous venez de dire, ce monde, notre monde, et sa pensée pourrait ne faire qu’un…

– C’est ce qu’il dit! Notre monde résulte de l’activité de son esprit…

– Alors, si je comprends bien… nous n’existons que lorsqu’il pense!


mardi 19 octobre 2021

Flot

 


– Vous arrive-t-il de revoir notre maître?

– Cela m’arrive de moins en moins…

– Que vous a-t-il dit la dernière fois que vous vous êtes entretenu?

– Le flot de paroles qui sortait de sa bouche était tel que j’avais beaucoup de peine à le suivre. À peine arrivais-je à en répéter une sur deux… et encore… Encore aujourd’hui je ne peux vous parler de l’intensité avec laquelle il exprimait ce qui se passait dans son esprit… sans même tenir compte de la complexité. Ce n’est que bien plus tard que je me suis aperçu que c’était ce qu’il voulait. Il espérait probablement que ce que je répétais soit plus… intéressant…et surtout plus simple que ce qu’il disait… Et…

– Et…

– Je dois dire humblement… qu’il avait raison… Il me disait que son monde n’était pas un monde de mots et la manière dont il les gérait… comment le dire… n’était pas en harmonie avec le nôtre… c’est ainsi qu’il le ressentait. 


lundi 18 octobre 2021

Transformation

 


- La… ou plutôt les raisons en sont fort simples. Par un concours de circonstances malheureuse, une part du psychisme de ses habitants s'est transformée et qui, au fil du temps, a donné lieu à une sorte de malformation physique qui fit qu'ils perdirent certaines capacités pour en acquérir d'autres, fort néfastes. Pour comble de malheur cette disgrâce s'est transmise de génération en génération de telle sorte qu'elle est, aujourd'hui, considérée comme normale.
- Je brûle de savoir laquelle...
- Plus tard… laissez-moi d’abord vous dire l'essentiel… pour votre compréhension. À la suite de certains événements… de plus en plus éloignés de toute conformité aux usages en vigueur dans notre belle communauté, il fallut que le Grand Conseil se résolut à créer une fonction nouvelle qui devait aider à corriger ce qui pouvait l'être encore. Et c'est sur moi que le choix s'est porté pour exercer cette fonction.
- Vous ne m'avez pas encore dit quelle est cette fonction.
- Je fus nommé "Maître Fouettard".
- Vraiment… Vous voulez rire !
- Pas le moins du monde, mais vous m'étonnez.
- Pourquoi cela ?
- Parce que votre intuition est plus grande que ce que je croyais…


En-haut

 - Je viens de la cité d'En-Haut.


- Où est-ce ?
- Très loin d'ici, près de Là-bas.
- À quoi ressemble-t'elle ?
- À tout et à rien.
- Et lui ?
- Il vient d'Ici.
- Je ne comprend pas.
- C'est normal. Vous ne pouvez comprendre.
- Dites-moi quand même.
- Il se peut que cela soit long.
- Je vous en prie.
- Pour commencer, il faut vous imaginer que le monde dans lequel nous vivions ne ressemble en rien à celui dans lequel nous nous sommes rencontré.
- Vous parlez de lui et de vous ou de vous et de nous.
- Des deux. mais ne m'interrompez pas sans cesse. Notre ville est sacrée ou du moins considérée comme telle par ses habitants. Elle est en constante construction. Chaque jour chacun contribue à sa construction. Ainsi elle devrait s'étendre de plus plus en plus.
- Il me semble comprendre que ce n’est pas le cas. Pourquoi ?

dimanche 17 octobre 2021

Cortège

 


Alors, brusquement la nuit tombait. Le cortège des masques faisait son entrée. Lentement, sans ordre apparent, les uns après les autres ou tous ensemble, des visages apparaissaient. Chacun, selon ce qu'il était : fou ou roi, semblait raconter une part de l'histoire...

vendredi 15 octobre 2021

Paroles

 « Les paroles que nous venons de prononcer,

Le temps, dans son vol,

les a déjà emportés, et rien ne revient… »




Ce n'était que des images. Des images sur lesquelles flottaient des chansons... auxquelles se superposaient des voix dont il ne percevait que quelques bribes arrachées par quelque tornade imprévisible, virevoltant selon des désirs inconnus.

Réel

 



M. Joyeux aime se promener la nuit. Il emprunte les barques de pêcheurs et se promène sur les eaux noires qui le font frissonner. Quand la lune apparaît il essaie de suivre du regard cette lumière qui danse sur les remoux qu'il provoque en faisant tanguer doucement le bateau. Il tend la main et caresse l'onde froide qui forme des cercles dans lesquels se disloquent son visage et s'éloignent vers le rivage. De temps à autre, il essaie de suivre quelques éclats de lumière dans les profondeurs béantes qui le portent et qui semblent dormir. M. Joyeux n'aime pas dormir. Il dit que ce qu'il voit dans son sommeil et les voix qu'il y entend ne sont pas réels. M. Joyeux aime le réel. Alors il rejoint la berge, amarre soigneusement la barque et reprend son chemin, la tête emplie d'images et de voix nouvelles.

jeudi 14 octobre 2021

Au creux de la main

 


Au creux de sa main une mer s’est posée. D’abord tremblant dans la goutte de rosée, un regard, telle une vague, puissamment s’est levé. Sans l’ombre d’un doute, au plus haut du ciel, une flèche s’est plantée dans la berge. L’océan de lumière est percé.


mercredi 13 octobre 2021

Étonnant

 


Il est étonnant que de simples mots
puissent, l'espace d'un instant, se jouer des certitudes en secouant le temps et ses mystérieux fondements…


En-haut

 Je me suis mis à la rédaction des Vies pour rendre service aux autres; mais si, par la suite, j'y ai persévéré et même avec complaisance, c'était dans mon intérêt. L'histoire me présente, comme en un miroir, les vertus des grands hommes, auxquelles je m'efforce de conformer ma vie pour l'embellir. Accueillir à tour de rôle chacun de ces modèles et lui donner l'hospitalité de l'histoire, n'est-ce pas l'équivalant d'une liaison intime? On peut ainsi contempler leur grandeur et apprécier leurs qualités en prenant dans leur activité, pour arriver à les bien saisir, les traits les plus importants et les plus beaux.

- Hélas, hélas quel sujet plus grand que celui-ci pourrais-tu trouver?
Et aussi, quoi de plus efficace pour redresser le caractère? Car si Démocrite affirme que qu'il nous faut souhaiter d'avoir des images heureuses et de recevoir de l'atmosphère les représentations les mieux adaptées à notre naturel et les meilleures, au lieu de des visions mauvaises et sinistres, la théorie qu'il introduit ainsi dans la philosophie est fausse et conduit à des superstitions infinies; nous, au contraire, par notre commerce avec l'histoire et l'habitude de l'écrire, nous nous rendons capable de recevoir toujours dans notre âme le souvenir des hommes les meilleurs et les plus illustres.

Plutarque, Vie de Timoleon


- Anarchasis, pourquoi sommes-nous ici à converser plutôt que de marcher à la recherche de votre ami?
- De qui parlez-vous?
- De celui que vous recherchez.
- Ce n'est pas mon ami.
- Ah ! Ainsi j'avais raison, vous poursuivez quelqu'un. Qui est-il?
- Un homme illustre et peut-être le meilleur des hommes.
- Pourquoi s'est-il enfui et pourquoi le recherchez-vous?
- Parce que j'aimerai lui poser une question.
- Vous ne répondez qu'à la moitié de la question.
- Il serait plus juste de dire qu'il ne s'agit pas d'une mais de deux questions.
- Alors, la réponse à la deuxième.
- C'est la même.
- D'où venez-vous?
- Qui? Moi ou lui?
- Vous d'abord.
- Je viens de la cité d'En-Haut…



mardi 12 octobre 2021

Miroir

« Nous voyons, à présent, dans un miroir, en énigme, mais alors ce sera face à face. À présent, je connais d'une manière partielle; mais alors je connaîtrai comme je suis connu.» 

Desdémona, dans Othello



- Il m'est arrivé de douter que l'objet de nos recherches existât vraiment. Je me sentais bien seul, incapable de discerner le parcours qui nous mènerait vers lui. Ce que je percevais de la réalité du monde m'angoissait. C'est alors que je fis la connaissance de Fides. C'était un chien étrange. Bien sûr il était moins grand que ne le voyaient mes yeux assoiffés de présence. Bien sûr il ne parlait pas. Bien sûr aucune étoile ne brillait dans son regard... Je ne suis plus si fou... Les yeux de Fides sont des miroirs dans lesquels j'apprends à me voir tel que je lui apparais: inconforme à l'image que je me faisais…

lundi 11 octobre 2021

Seuil

 


Au seuil des abysses
La houle se réveille
Timidement, venant des profondeurs
d'autre voix se lèveront
Dans ce silence habité
de larges ombres patientent
endormant le temps et ses porteurs

dimanche 10 octobre 2021

De tous temps

 


 

"De tous temps" ressemble à un infini morcelé  dont la somme dépasserait largement les parties si toutefois il pouvait, d'une manière ou d'une autre être envisagé...

Mots

 



Le pompeux malandrin, par crainte d'être accusé de faiblesse et de pauvreté de langue, tourne mille fois les mots empêtrés dans sa bouche cousue, et, avec la lente gradation naturelle d’un mouvement contraire, dans l'extrême opposé les couchent sur le papier.

samedi 9 octobre 2021

Vaine ascension


"Dans son dernier article de 1954, Solvable and Unsolvable Problems, Turing répète le résultat fondamental de 1936 dans lequel est formulée l’impossibilité de résoudre tout problème algorithmique à l’aide d’une méthode universelle. Il expose ce résultat en le reliant à une notion qui paraît simple et accessible à tous : le jeu. Mais qu’est-ce qui est au juste entendu par cette notion de jeu ? S’agit-il d’un simple objet mathématique ou n’y a-t-il pas ici une notion qui touche à l’ordre du monde dans son ensemble ? N’y a-t-il pas chez Turing l’intuition que la cybernétique transformera le monde en une chose contrôlable et organisable, à l’image d’un grand Jeu ? Dans la mesure où le développement des machines à calculer dépasse le strict cadre des techno-sciences, peut-on voir là le déploiement d’un Jeu dont, nous dit Héraclite, nous serions nous-mêmes les pions?"

Turing et la dimension ontologique du jeu, Nazim Fatès 


« Le temps de notre vie est un enfant qui joue et qui pousse des pions. C’est la royauté d’un enfant.»

Héraclite d’Éphèse




Toutes les lumières se sont éteintes en même temps que les murmures et les toussotements. Chacun, selon son rang tourne la tête vers la scène. Une voix s'élève des profondeurs que chacun croit comprendre.

Jusqu’à ce jour




Ni Pinocchio, l'Autre, ni Nounours, le Jeune, n'avaient, jusqu'à ce jour, pensé avoir démontré de dons particuliers. C'est ce qu'ils croyaient. Comment eussent-ils pu savoir que le mouvement et la vivacité dont ils étaient doués n'étaient pas chose courante?


Ici

 



"L’insomnie est faite de la conscience que cela ne finira jamais, c’est à dire qu’il n’a aucun moyen de se retirer de la vigilance à laquelle on est tenu. Vigilance sans aucun but. Au moment où on y est rivé, on a perdu toute notion de son point de départ ou de son point d’arrivée. Le présent, soudé au passé, est tout entier héritage de ce passé ; il ne renouvelle rien. C’est toujours le même présent ou le même passé qui dure. Un souvenir —ce serait déjà une libération à l’égard de ce passé. Ici le temps ne part de nulle part, rien ne s’éloigne ni de s’estompe. Seuls les bruits extérieurs qui peuvent marquer l’insomnie, introduisent des commencements dans cette situation sans commencement ni fin, dans cette immortalité à laquelle on ne peut pas échapper, toute semblable à l’il y a, à l’existence impersonnelle. Vigilance, sans refuge d’inconscience, sans possibilité de se retirer dans le sommeil comme dans un domaine privé. Cet exister n’est pas un en-soi, lequel est déjà la paix; il est précisément absence de tout soi, un sans-soi." 

vendredi 8 octobre 2021

Vérités

 


"...Quand toutes les lettres en seraient des soleils je ne saurais les voir..."

Extrait du Roi Lear, William Shakespeare




L'homme s'efforce d'être vivant,
Auprès de lui accourent et s'éloignent aussitôt
ce qu'il croit être des vérités.



jeudi 7 octobre 2021


«Sous le ciel, au sein d’une cascade, deux gouttes d'eau, perdues dans l'immensité de leurs semblables, dans le silence et le tumulte du courant, conversent et philosophent à voix basse.»



- Regardez! Il est là.
- Qui est là?
- Celui dont nous parlons.
- Où cela?
- Juste à côté de nous, un peu en contrebas…
- Je ne vois rien qui ne soit très ordinaire.
- Je vous dit que c'est lui. Je le reconnais…



Doute



« ... il n'est pas facile de se déterminer uniquement par des concepts; le caractère le mieux trempé n'est pas sans ressentir l'action puissante du monde extérieur, qui l'entoure avec toute sa réalité intuitive. Seulement, c'est précisément en tenant cette influence en échec, en comptant pour rien la fantasmagorie du monde, que l'esprit humain fait éclater sa grandeur et sa dignité.. Ainsi lorsque l'attrait du plaisir et de la jouissance le laisse indifférent, lorsqu'il n'est ébranlé ni par les menaces ni par la rage d'ennemis en fureur, que les supplications d'amis abusés ne l'ébranlent point dans sa résolution, que tous les fantômes trompeurs, dont l'entoure l'intrigue la mieux concertée, ne sauraient l'émouvoir, que les insultes des sots et de la foule ne le font point sortir de son calme et ne lui donne point le change sur sa propre valeur; – alors.. »

Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation


- À quoi vous sert-il de poser tant de questions et à quoi vous servent les quelques réponses que je tente, un peu vainement, de vous proposer ?
- Elles servent à la même chose que la question que vous me posez à l'instant.
- N'est-ce pas un peu enfantin de vous servir de ma question comme d’un miroir ?
- Pas plus que vous ne le faites en éludant la question à propos de cet être dont vous parlez – que vous dites avoir vu – que vous semblez entendre – que je n'ai jamais vu ni entendu et à propos de l’existence duquel, je vous l'avoue, j'ai des doutes.
- C'est bien.
- Qu'est-ce qui est bien ?
- Que vous ayez des doutes.
- Je ne comprend pas.
- C'est normal.
- Qu'est-ce qui est normal ?


mercredi 6 octobre 2021

Un seul instant


« Sous le ciel, deux gouttes d'eau, perdues dans l'immensité de leurs semblables, dans le silence du courant, conversent et philosophent à voix basse. »



« Il nous faut d'abord exposer les raisonnements par lesquels les hommes ont tâché de se faire une béatitude parmi les misères de cette vie; il nous apparaîtra plus nettement combien notre espérance diffère de leurs chimères. »

Saint Augustin, De civit. Dei, XIX, c. I


- Vous souvenez-vous de ce dont vous me parliez il y a un certain temps déjà ? Nous étions bien jeune et nous en étions encore à dévaler cette chute vertigineuse.
- Je m'en souviens très bien.
- Croyez-vous qu'il soit encore là ?
- Certainement.
- Pourtant je ne peux m'imaginer qu'il soit en permanence là à nous observer et peut-être même à nous écouter.
- Je n'en ai aucun doute.
- Mais n'a-t-il rien d'autres à faire ?
- Le temps de notre vie n'est rien pour lui.
- Comment cela ?
- Le temps que nous mettons à parcourir un de nos cycles, de la source à la chute, ne représente pour lui qu'un seul instant, presque négligeable… pour lui.
- Comment savez-vous cela ?