mercredi 30 mars 2016

30 mars (82)

Divine providence
 Épisode 82


Le noeud défait, le démarrage fut d'une grande brutalité et c'est alors que je vis ce que j'aurais pu chercher. À chacun de nous un seul passé est donné qui sans cesse ne fait que grandir. Accroché à l'une des côtes, un lambeau de tissus bleu s'effiloche comme un indice tombé du ciel...


"Un chemin étroit ne peut jamais avoir
de proportion avec une conscience large."

Le petit mouvement que je fis pour me saisir du tissus eut des conséquences que je ne soupçonnais pas...


La très véridique histoire du colonel Ortho
Aux éditions "Il n'y a que celui qui sait ce qu'il veut qui se trompe.."*


* Georges Braque

mardi 29 mars 2016

29 mars (81)

Divine providence
 Épisode 81


La plupart du temps
ils ne voient rien de ce qui se passe autour d'eux.
C'est ce qui les protège...

Je m'étais enchaîné à l'image et à la flèche. J'étais le maître de mon destin et j'allais de ce fait me donner la mort. Plus rien ne pouvait être changé... Une pensée d'Henri Bosco fit irruption: "Ce qu'on doit être, on l'est. On l'est avant le fruit, avant la fleur, avant même la graine close." Cette pensée me mit hors de moi. Telle la chair s'affranchissant de la pesanteur des os mon esprit s'échappait. Je tirais sur la corde pour libérer toute la tension...

La très véridique histoire du colonel Ortho
Aux éditions "Ah! que nous avons bien raison de dire que nous passons notre temps! nous le passons véritablement, et nous passons avec lui."*

* Jacques Bossuet

lundi 28 mars 2016

28 mars (80)

Divine providence
 Épisode 80





Semblant encore et toujours  très loin des drames et de toutes les agitations du monde extérieur, le Colonel raconte...

Je ne contrôlais plus rien. La peur me gagnait. Le simple fait de penser que je pouvais ne plus faire partie de quelque chose agitait mes sens au-delà de toute imagination. Le temps passait à une vitesse vertigineuse, me rapprochant pareillement de la mort. À l'opposé mes gestes se faisaient désespérément lents. Je tendis l'arc de mon mieux. Je me mis à prier que l'arc et la flèche rate la cible dont l'image était pour la première fois d'une netteté absolue.

La très véridique histoire du colonel Ortho
Aux éditions
"Toute destinée,
si longue et si compliquée soit-elle,
compte en réalité un seul moment:
celui où l'homme sait une fois pour toutes qui il est."*

* Jorge Luis Borges

dimanche 27 mars 2016

27 mars (79)

Divine providence
 Épisode 79





Semblant encore très loin des drames et de toutes les agitations du monde extérieur, le Colonel raconte...

La situation dans laquelle je me trouvais était plus forte que toutes celles que j'avais vécu. Elle constituait problème insoluble et inévitable. Le temps pressait de plus en plus. En espérant qu'elle atteigne au plus haut point l'expression de mes désirs que je m'imaginais être le coeur de moi-même, je fabriquais une flèche suffisamment longue et sans défaut pour qu'elle puisse supporter un grand poids. M'efforçant au dépouillement tout en travaillant, je me concentrais sur l'art de former des images... 

La très véridique histoire du colonel Ortho
Aux éditions
"Tout art tire son origine d'un défaut exceptionnel."*

* Maurice Blanchot

vendredi 25 mars 2016

25 mars (78)

Divine providence
 Épisode 78




Semblant très loin des drames et de toutes les agitations du monde extérieur, le Colonel raconte...

– Rien ne me permettait plus de faire confiance à ce que j'étais. Seul ce que je pourrais imaginer me sauverait de ce cimetière. Je tendis la corde du mieux que je pus...


La très véridique histoire du colonel Ortho
Aux éditions
""Si le fou persistait dans sa folie,
il deviendrait sage."*

* William Blake


jeudi 24 mars 2016

24 mars (77)

Divine providence
 Épisode 77




Semblant très loin des drames et de toutes les agitations du monde extérieur, le Colonel raconte...
– Jamais l'extérieur et l'intérieur ne m'ont paru si proche. Il est curieux de constater combien ces différences sont inventées de toutes pièces... Dans l'état où je me trouvais depuis quelque temps, il s'agissait de très vite oublier ma tête qui me faisait très mal. Mes poumons étaient écrasés. Il faudrait renoncer à cette lumière qui brillait au loin, trop loin, bien qu'elle fut, j'en était certain, la clef de toute l'énigme.
– Quelle énigme ? 
– L'objet de mon enquête m'échappait. J'avais presque tout oublié depuis que je m'étais présenté devant lui. Seules quelques images apparaissaient par instants, paresseuses et fugitives. Ne pas faire le fier. Se taire. Ne pas se laisser posséder... Mes dernières pensées s'envolaient, traçant leurs incertains chemins comme les bulles contenant mon dernier souffle. Agir, laisser les mains faire ce qu'elles savent faire...



La très véridique histoire du colonel Ortho
Aux éditions
"Il est beau de s'élever au-dessus de la fierté.
Encore faut-il l'atteindre."*

*Georges Bernanos





mercredi 23 mars 2016

23 mars (76)

Divine providence
 Épisode 76




Le Colonel raconte...
– Un coup de vent violent emporta mon chapeau et réveilla mon esprit. La mort était là, tout autour de moi... J'ouvris les bras et, comme un oiseau, m'appuyant avec conviction sur le vide qu'elle créait et, ainsi, j'infléchissais très légèrement la trajectoire de ma chute. Ce qui fut suffisant pour que je m'écrase point sur le sol peu accueillant de cette île, mais sur la surface de l'eau qui, à cette vitesse, ne l'était guère plus...
C'est ainsi que je me retrouvais dans les profondeurs, avec l'impression d'être presque démembré, le corps brûlant de la gigantesque claque que je pris au passage de la frontière du monde des profondeurs.


La très véridique histoire du colonel Ortho
Aux éditions " "Ce que j’appelle «mon présent»,
empiète tout à la fois sur mon passé et sur mon avenir."*

*Henri Bergson



22 mars (75)

Divine providence
 Épisode 75


Le Colonel raconte...
– Je fus très décontenancé quand je rencontrais enfin mon commanditaire. La pièce au fond de laquelle il se tenait debout s'étirait tout en longueur. Cela me surpris beaucoup. J'avais en tête les dimensions extérieures du château, celles de cette salle ne s'y inscrivaient pas. L'explication était simple. En réalité elle s'inscrivait dans la largeur du château mais en utilisant plusieurs étages. C'est pourquoi l'immense escalier qui l'emplissait entièrement pouvait monter si haut. Cependant le plus étonnant n'était pas là. J'avais la plus grande certitude quant au fait que nous étions à l'intérieur du château et pourtant, en très peu de temps, n'était la lune que je voyais à moitié et le vent de la nuit qui me fouettait le visage, j'aurais eu la certitude que j'étais à l'extérieur. Pour la première fois de ma vie je doutais. L'expérience que je vivais me montrait une des limites du concret.




La très véridique histoire du colonel Ortho
Aux éditions "L'intelligence est caractérisée par une incompréhension naturelle de la vie."*


*Henri Bergson



lundi 21 mars 2016

21 mars (74)

Divine providence
 Épisode 74

Le Colonel raconte...
– L'arrivée au château ne fut pas de tout repos. Le ciel et la mer ne nous ménagèrent guère. À mon avis, bien qu'aucun oiseau, et pour cause, ne se voyait à l'horizon qu'on ne voyait guère plus, on eut dit que notre arrivée ne se faisait pas sous les meilleures auspices. Le château lui-même semblait se transformer sous les coups de butoir des vents déchaînés. Quant à nous, heureusement que nous n'avions rien mangé depuis fort longtemps. Nous ne semblions pas être les bienvenus, et pourtant nous arrivions à sa demande...


Nous ne fûmes pas autorisé à pénétrer dans le château par la grande porte lumineuse. Nous en fûmes réduit à monter par l'échelle du personnel. Ce qui était déjà, nous l'apprendrons plus tard, une immense faveur que l'on nous faisait.



La très véridique histoire du colonel Ortho
Aux éditions
"C'est au sein du transitoire que l'homme s'accomplit, ou jamais."*



*Simone de Beauvoir

dimanche 20 mars 2016

20 mars (73)

Divine providence
 Épisode 73


Le commissaire M. Aigrelaid a aussi ses petits moments de folie. Folie contrôlée, bien entendu. Folie entièrement au service de la cause. Ce qu'il aime par-dessus tout c'est tirer à l'arc.
– Tirer à l'arc demande une concentration extrême. Le plaisir monte quand le corps tout entier se tend vers le but à atteindre. La "bandaison" ne peut être parfaite que lorsque l'image se fait esprit... Les mots se taisent, les yeux se ferment, un très rare sourire accompagne le plaisir qui monte de la terre.
Quand la flèche est tirée il faut la voir et surtout la suivre. Ce qui n'est pas toujours évident...

La très véridique histoire du colonel Ortho
Aux éditions "L'humanité est un puit à deux seaux. Pendant que l'un descend pour être rempli, l'autre monte pour être vidé."*


*Samuel Beckett

samedi 19 mars 2016

19 mars (72)

Divine providence
 Épisode 72





- Selon que tu regardes d'en haut ou d'en bas, rien ne sera pareil... pense le commissaire M. Aigrelaid. Je ne veux rien laisser au hasard. Il faut que je m'élève jusqu'à lui pour me faire une image plus réelle et juste de la situation.

La très véridique histoire du colonel Ortho
Aux éditions "Hasard! dieu méconnu! 
Les Anciens t'appelaient destin!
Nos gens te donnent un autre nom."*

*Pierre Augustin Caron de Beaumarchais

vendredi 18 mars 2016

18 mars (71)

Divine providence
 Épisode 71





Le Colonel se souvient et raconte...
–  Je ne vous ai pas encore présenté mon compagnon de haut grade. Mon acolyte, que j'ai adopté pour la grande cause. Je l'ai rencontré alors que je traînais  depuis de longs jours aux bords de la Tamise. J'avais eu de légères contrariétés dans ma vie sentimentale.. Dans ces jardins, qui virent jadis errer de grands  princes, je laissais libre cours à des pensées quand je vis entrer mes futurs acolytes, l'Illusion et la Misère. "L'Illusion" porte beau. Il est le seul être en qui je puis avoir une quasi confiance. Il a charge de transport et de veille sur la lumière que nous transportons. "La Misère" n'est guère présentable, elle devrait rester tranquillement à la maison... enfin c'est ce que je pense... et je suis loin d'être le seul... 

Aux éditions "O misère de nous ! Notre vie est si vaine qu'elle n'est qu'un reflet de notre mémoire."*

*Châteaubriand

jeudi 17 mars 2016

17 mars (71)

Divine providence
 Épisode 70





Le Colonel se souvient et raconte...
– C'est du château que me vient ma mission. Quand nous nous y sommes présentés, nous avons entendu une voix venue de très haut. À ce moment-là, dire ce qui était le haut tout comme le bas relevait de la plus pure invention tant les choses se mélangeaient dans mon esprit. Cette voix autoritaire à souhait m'a guidé dans le labyrinthe de tours et de passerelle dans lequel, sans son aide, je me serais assurément perdu.

La très véridique histoire du colonel Ortho

Aux éditions "Aux qualités qu'on exige d'un chien,
connaissez-vous beaucoup de maîtres
qui soient dignes d'être adoptés?"

mercredi 16 mars 2016

16 mars (70)

Divine providence
 Épisode 70




Il est grand temps que quelqu'un de censé intervienne dans cette histoire.
- Je m'appelle Aigrelaid, commissaire Aigrelaid. Et plus précisément commissaire M. Aigrelaid. Je suis un homme tout ce qu'il y a de plus banal, sans complaisance, ascétique même, tournant le dos à l'anecdote et voué à l'essentiel. Sans trêve et sans fin je ne recherche que l'ordre. Vous vous doutez bien que mon intervention n'a rien de littéraire. S'il ne tenait qu'à moi, ces ânes mourraient de faim. L'important, et rien que l'important, compte pour moi. Et l'important, c'est la vérité et la justice... Hors cette histoire est truffée, farcie de stupidité. Cela ne serait pas grave en soi si elle ne se fondait sur des faits bien plus graves...

La très véridique histoire du colonel Ortho

Aux éditions "La banalité est faite d'un mystère qui n'a pas jugé utile de se dénoncer."*

*Maurice Blanchot

mardi 15 mars 2016

15 mars (69)

Divine providence
 Épisode 69



Il faudrait être un peu simplet pour croire que l'apparition des ânes sur une île déserte soit le résultat d'un processus créateur de longue haleine. Elle n'est pas non plus le résultat d'un voyage où l'âne-héro en quête d'aventures, se sent pousser des ailes. Elle n'est pas non plus une création spontanée issue de l'esprit d'un créateur tout puissant en quête de créatures qui pourraient le magnifier. Non, la réalité est bien plus prosaïque. L'âne "insolaire" est un fugitif. La collision entre un navire et un récif lui donna ce que le hasard tardait à lui donner...

La très véridique histoire du colonel Ortho

Aux éditions "Quand les ailes poussent à la fourmi, c'est pour sa perte."

lundi 14 mars 2016

14 mars ( 69)

Divine providence
 Épisode 69


Mis à part le fait d'être des insulaires et de se gaver de citations, une des particularité des ânes "insolaires" est , comme son nom l'indique partiellement, qu'ils ne supportent pas la lumière du soleil. En très peu de temps ils commencent par rosir puis rougissent violemment, ce qui les met très vite dans une colère noire qui , à son tour, les fait disparaître de leurs champs de vision. Dans la nuit ou la pénombre ils sont d'un caractère très affable, agréable et discret. À une exception près, les jours de pleine lune. Ces jours-là ils perdent la raison et se mettent en tête les rêves les plus fous.

La très véridique histoire du colonel Ortho

Aux éditions "Le trop de quelque chose est un manque..."

dimanche 13 mars 2016

13 mars (68)

Divine providence
 Épisode 68



Non loin de là, sur une île préservée de la curiosité malsaine et des opiniâtres découvreurs de vérités enfouies...




... Bien à l'abri des regards et des idées toutes faites, les ânes "insolaires" vivent du subtile mélange composé d'air du large, de lumière et d'une certaine forme de rosée. Bien entendu cela n'est pas suffisant. Le petit archipel d'îles sur lesquelles ils se sont adaptés ne leur apporte qu'une très maigre nourriture qu'ils se partagent tant bien que mal. Pour pallier a ce manque, ils ont développé , en plus d'une organisation sociale très développée et complexe, un organe très spécial : le "citaphore". Cet organe leur permet de repérer les citations à des distances qu'un homme qualifierait d'impossible. Aussi bizarre que cela puisse paraître, ils s'en nourrissent pour autant qu'elles soient à leurs goûts. Pour cela ils apparaissent momentanément à l'endroit même où ils les ont repérées. Pour s'en faire une opinion, ils se mêlent alors discrètement à l'histoire, sans que personne n'en soit surpris...

La très véridique histoire du colonel Ortho

Aux éditions

"Les sentences ressemblent aux papillons;
on en attrape quelques-unes,
certaines nous échappent
et les autres s'abattent sur nous"

samedi 12 mars 2016

12 mars (67)

Divine providence
 Épisode 67



- Le monde et son origine ne changent guère. Chaque jour rompt la chaîne infinie de la nuit. Ceux qui, comme nous,  l'habitent changent, me dit mon fidèle compagnon.
- Jamais nous n'en serons les maîtres...
- Nous sommes bien au-dessus de tout cela...



Perdu dans ses pensées, le Colonel Ortho se laisse surprendre. D'un seul coup, sans crier gare, un regard, et un geste plein de délicatesse, de précision et de tendresse, le firent sourire... La nature, selon son exigence, compose à l'infini une ribambelle de visages... C'était à l'identique de ce que lui-même, autrefois... Ce n'était certes qu'un souvenir mais celui-ci se vivait comme un présent... Tout ce que nous perdrions serait tour-à-tour donné et repris...


– Maître, quelques jours encore et vous ne serez plus que l'ombre de vous-même, reprenez-vous... La folie quelquefois n'est que passagère... elle peut passer. Laissez-la filer.

La très véridique histoire du colonel Ortho
Aux éditions "Nec pluribus impar"

vendredi 11 mars 2016

11 mars (66)

Divine providence
 Épisode 66

– Je me souviens de mes tout premiers pas. Des geste tendres de mon guide m'initiant aux mystères de l'équilibre. Que le monde était vaste alors... et comment en étais-je arrivé là? Au point que ma créature était devenue mon propre créateur...

La très véridique histoire du colonel Ortho

Aux éditions "Mundasti ignito"

jeudi 10 mars 2016

10 mars (65)

Divine providence
 Épisode 65




Près du couchant, a discussion entre le Colonel et son chien pouvait reprendre de plus belle.
– Il y a une chose que je n'ai pas très bien saisi. Tu as dit qu'il t'avait créé à l'image de celui qui l'avait créé. Ne m'as-tu pas dit, si ma mémoire est bonne, que c'était toi qui de fait ou... d'une certaine manière... tu l'avais créé et, cependant, tu ne lui ressemble guère...
– C'est un mystère que je ne m'explique pas encore...
Ce n'était pas tout-à-fait exact mais le Colonel préférait sans doute se réfugier dans le passé. Sa mémoire comportait de larges trous noirs dans lesquels il lui était impossible d'accéder sans y être "invité" de manière définitive. Il ne le savait pas certes pas cependant, comment se fait-il qu'il n'y soit, par accident, jamais tombé?
– Je me souviens... mal, mais quand même... La moindre parcelle prend les allures du tout et celui qui s'y perd voyage pour l'infini... peut-être...

"D'un temps si précieux quel compte puis-je rendre ?
Où sont ces jours heureux que je faisais attendre ?
Quels pleurs ai-je séchés ? Dans quels yeux satisfaits
Ai-je déjà goûté le fruit de mes bienfaits ?
L'univers a-t-il vu changer ses destinées ?
Sais-je combien le ciel m'a compté de journées ?
Et de ce peu de jours si longtemps attendus,
Ah ! malheureux, combien j'en ai déjà perdus !"*

La très véridique histoire du colonel Ortho
Aux éditions "Diem perdidi"
*Racine, Bérénice (acte IV, scène IV)

mercredi 9 mars 2016

9 mars (64)

Divine providence
 Épisode 64



- Mais alors tu ne serais qu'une marionnette... pense le chien qui voit un petit chemin se profiler dans son petit monde...
- Ne te réjouis pas trop mon fidèle compagnon. Il se peut que sans moi tu n'aies guère plus de réalité que cette lumière que tu vois là-haut...



Tout cela fut dit sur un ton badin. Cela ne fut pas entendu de la même manière. Un furtif tremblement de crinière accompagné d'un très léger glapissement montrèrent que l'ordre avait été rétabli. Au bord de la falaise, les deux amis se retrouvent.
– Ainsi nous ne sommes que peu de chose l'un sans l'autre.
Les deux amis avaient parlé d'une seule et même voix.


La très véridique histoire du colonel Ortho
Aux éditions "Donec eris felix multos numerabis amicos
Tempora si fuerint nubila solus eris"




mardi 8 mars 2016

8 mars (63)

Divine providence
 Épisode 63




Depuis sa remontée le Colonel n'était plus le même.
Souvent il avait le regard absent.
Ce genre de regards qu'ont les enfants quand ils sont seuls.
Les discussions qu'il avait avec son chien
appartenaient à un temps qui ne compte pas.
– Pourquoi est-ce que tu obéis à ton maître ?
– Parce que sans lui je ne serais rien.
– Tu n'as jamais penser à t'enfuir ?
– Oui , j'y pense souvent, mais que serais-je sans lui ?
– Tu serais ce que tu es au plus profond de toi-même....
– Mais ce que je serais...  je le suis déjà...

- Comment peux-tu être aussi attaché à ton maître qui tant et tant te maltraite et auquel tu ne ressemble guère ?
- C'est parce qu'il n'est pas mon maître. Il est bien plus que cela, c'est mon créateur. Il m'a conçu de toutes pièces. Si je ne lui ressemble guère, c'est parce qu'il m'a créé à l'image de celui qui l'a créé... 
La seule chose qu'il ignore, c'est que j'étais déjà vivant...
avant qu'avec son couteau il ne me taille.

La très véridique histoire du colonel Ortho
Aux éditions "Donec eris felix multos numerabis amicos"

lundi 7 mars 2016

7 mars (62)

Divine providence
 Épisode 62




Ranimer le Colonel...
– Que le mot est bien choisi ! Ô combien il correspond à la réalité !
Pense le Souriant.
Qui eut pu croire un seul instant
que le Colonel n'e fut qu'une marionnette
façonnée amoureusement de mes propres mains et
qu'elle l'est encore!
Comme toutes les créatures elle m'a échappé un instant,
se dit le Souriant, insouciant, comme le poète qu'il plagie...
et cet instant pourrait bien avoir été leur véritable vie...
Le Souriant interroge le Colonel.
– Raconte-moi. D'où vient cette lumière qui semble t'habiter
au point qu'elle irradie ton visage?

La très véridique histoire du colonel Ortho
Aux éditions "Dolus an virtus quis in hoste requirat"

dimanche 6 mars 2016

6 mars (62)

Divine providence
 Épisode 61



Une luminescente surprise attendait le Souriant.
Beau joueur, celui-ci redouble de sourire
et tente le tout pour le tout :
ranimer le Colonel
et lui arracher son secret.

La très véridique histoire du colonel Ortho
Aux éditions "Dolus an virtus"

5 mars (61)

Divine providence
 Épisode 61




Pendant ce temps, à l'autre bout de la corde...

La très véridique histoire du colonel Ortho
Aux éditions "Debellare superbos"



La très véridique histoire du colonel Ortho
Éditions 
"Decipimur specie recti"


vendredi 4 mars 2016

4 mars (60)

Divine providence
 Épisode 60



Le Colonel s'inquiète. Ce qui avait commencé comme une "passionnante aventure" virait au cauchemar.
- Il faut que je redevienne ce que j'ai toujours été, celui que j'étais au début...
Le dernier mot prononcé, une vague de lumière sortie de l'horizon, fond sur lui. Des milliards de lucioles !


Brusquement, tout s'éclaircit jusque dans les moindres détails. Toutes les réponses à ses question flottaient et se mouvaient dans le flot diffus qui s'approchait d'un mouvement lent mais sans faiblesse. Sans réfléchir, d'une main il eut le réflexe de s'accrocher à la corde qui flottait pendant que l'autre main se tendait vers...
– Trop tard, fut sa dernière pensée.
Son souffle s'éloigne, une boule lui monte de l'estomac, son corps s'affaisse, sa bouche s'ouvre. Sa tête résonne. Qu'est-ce qui bat si fort contre ses parois ? Le corps n'a pas soif mais prend l'eau, toute l'eau. La tête se brouille. Elle se met à flotter. Le souffle s'inverse. À ce point précis le corps entier flotte, libéré. Les images reviennent comme un écho lointain. Blondine est là qui émerge... Il lui parle...
– Elle m'appelle !
Son talon touche le fond. Aspiré vers la lumière son corps libéré ondule.


La très véridique histoire du colonel Ortho
Éditions
"Decipimur specie recti"



jeudi 3 mars 2016

3 mars (59)

Divine providence
 Épisode 59



Je perdais patience. Les brusques sautes d'humeur de mon vis-à-vis me mettait hors de moi. Entremêlant nos ombres et nos corps sans jamais nous toucher, nos mouvements désordonnés, loin de les rendre flous, les rendait, par toutes petites touches, nettement plus lisibles. Tout se passait comme si son visage se démultipliait dans une sorte de transe. Alors le comédien rigoureux qui me faisait faces laissait échapper furtivement et malgré lui une expression qu'il semblait s'interdire le moment d'avant ou d'après. À nos pieds, sans que nous y prenions garde et malgré les apparences, la lumière faiblissait...



Sans même que nous nous soyons concerté, nous nous sommes éloigné, chacun de notre côté. J'étais fatigué et un peu perdu. La lumière n'était plus assez présente pour me permettre de me projeter vers un ailleurs, une sortie ou une entrée. Seul me parvenait les oscillations périclitante de la luciole. D'où venait-elle ? Par où était-elle entrée ?
– Tout à notre fol espoir de possession, chacun de notre côté, nous ne sous sommes pas posé la question...
Perdu dans mes pensées et suivant mon inspiration, je ne m'étais pas aperçu que je parlais à haute voix. Du moins c'est ce que je pensais.
– ... C'est parce qu'elle va disparaître que nous nous interrogeons...
Une voix qu'il me semblait connaître murmurait dans mon dos.
– "La lime aiguise ses dents sur la scie mordante"*...
Je frissonnais. Quelqu'un était appuyé contre moi, son dos contre mon dos.


La très véridique histoire du colonel Ortho
Éditions "Qualis ab incepto processerit, et sibi constet"



mercredi 2 mars 2016

2 mars (58)

Divine providence
 Épisode 58



Une barrière infranchissable s'était dressée entre nous. Nous devions ressentir, chacun de notre côté, sans qu'aucune parole ne soit prononcée, que l'importance de notre rencontre avait à voir avec cette misérable lumière qui gisait à nos pieds. Lentement, comme deux lutteurs guettant l'ouverture, nous nous baissâmes pour la ramasser. Je m'étais aperçu que se manifestait un léger décalage entre mes gestes et les siens. Les visages que nous croyions si semblables différaient par certains détails infimes...
Ces légers décalages s'amplifièrent par la suite. Comme pour une langue qui nous serait totalement inconnue, il me restait à comprendre ce qui les faisait varier.
– Si je le comprends avant lui je pourrais m'emparer de la lumière.


Chacun de nous essaya d'être le plus malin. Ce fut une succession sans fin d'essais, de feintes et positions de toutes sortes. Nous avions beau nous cacher, revenir sans bruit le long des parois rougeoyantes, rien n'y fit. Au moment même où notre main se tendait vers la luciole, l'autre main était là... non qu'elle soit, à proprement parler, véritablement autre... Au contraire...
D'une certaine manière, une hypothèse faisait son chemin et se mit à me parler comme si j'avais été pour elle un interlocuteur en qui elle avait toute confiance. Cela me surprit. Comment ne pas penser qu'elle s'était égarée et que je n'étais qu'un moyen efficace pour elle de retrouver une place qu'elle n'aurait jamais du quitter.
– Pourquoi donc ce cerveau, le mien, devait-il être l'hôte de ce type d'aliénation?
Tant que le jeu reste un jeu...
Sur le moment, comme un enfant, le Colonel ne prétendait à rien d'autre qu'à jouer. Or, il avait la désagréable sensation que l'on se jouait de lui...

La très véridique histoire du colonel Ortho
Éditions "De te fabula narratur "