samedi 31 juillet 2021

Un simple perroquet

 



– En ce qui vous concerne, dans le fond, qu’avez-vous découvert dans les paroles que nous fait dire notre maître?
– J’y ai découvert que ce nous découvrons dépend de ce que nous cherchons… mais…
– Mais?
– Je n’en suis point certain.
– Pourquoi cette incertitude?
– Parce que je crois, je vous le dis le cœur battant… je crois que c’est précisément ce qu’il cherche à nous faire exprimer.
– À propos de ce que nous trouvons?
– Non, je parle de ce que nous exprimons à propos de ce que nous trouvons… qui dépend de ce que nous cherchons et qui, je le crois, n’est que la répétition de ce que lui-même, notre maître, répète à son tour… bien avant nous…
– Voulez-vous dire que…
– Peut-être…
– Se pourrait-il?
– Il se pourrait…
– Vous pensez la même chose que moi?
– C’est exactement cela… mais plus encore…
– Comment cela?… Comme lui?
– Non… je crois que, plus encore que le fait que nous serions comme lui, qu’il est …
— Qu’il est…
– Depuis un certain temps, en moi l’idée se dessine…
– Dites-moi!
– Qu’il serait comme nous…
– Un simple perroquet! Vous êtes fou?
– Pas plus que vous ou… que lui…



vendredi 30 juillet 2021

 



– Sommes nous capables d’inventions?

– Nous débrouillons où nous choisissons…

– Ce serait tout?

– Je le crains…

Liberté

 

– Dites-moi…

– Oui…

– Sommes-nous libres?

– Tout dépend de ce que vous entendez par liberté…

– Allons, allons… vous me comprenez fort bien…

– Et bien… il semblerait que le simple fait de poser la question… ou de se poser la question, serait le signe que nous ne le sommes point.

– Pourquoi cela?

– Il se pourrait, ce n’est point moi qui le dit,  que la liberté ne se laisse pas atteindre à l’image que l’on s’en fait…

– Dites-moi…

– Oui…

– Sommes-nous libres?

– Il semblerait que le simple fait de poser la question… ou de se poser la question, serait le signe que nous ne le sommes point.

– Pourquoi cela?

– Il se pourrait, ce n’est point moi qui le dit,  que la liberté ne se laisse pas atteindre à l’image que l’on s’en fait…

jeudi 29 juillet 2021

Inatteignable

 



– Croyez-vous que la vérité puisse être partagée?

– Dans quel sens entendez-vous cela?

– Cela me semble évident…

– Voulez-vous parler du fait que la vérité pourrait être partielle ou du fait que nous vivions ensemble cette vérité?

– Dans les deux cas il me semble qu’il y a un problème…

– Comment pourrais je vous faire part de mon approbation si vous ne m’expliquez point?

– Selon moi la vérité est un tout qui ne peut être divisée… et donc, dans le premier cas de figure, elle le serait clairement…

– Et dans le deuxième?

– La vérité pourrait-elle être multiple?

– Pourquoi dites-vous cela?

– Parce que vous avez parlé de cette vérité… en disant cela vous sous-entendez qu’il puisse y en avoir plusieurs… et, selon moi, cela ne se peut…

– Expliquez-moi!

– Comme l’infini, il ne peut y avoir qu’une seule vérité… et…

– Et?

– C’est invérifiable?

– Pourquoi?

– Parce que la vérité comme l’infini est inatteignable…

– Inaccessible… un peu comme vous…

mardi 27 juillet 2021

Intention



– Ce qui compte est ce qui est en-dessous…

– En-dessous de quoi?

– En-dessous de la surface…

– Vous voulez dire des apparences?

– C’est cela, sous les mots, sous les gestes…

– Je suppose que vous parlez des intentions…

– Plus que cela. Des intentions originales et…

– …Et?

– … et les intentions qui naissent dans l’instant… À tous moments les intentions changent, rares sont celles qui arrivent à se maintenir…

– N’est-ce point souhaitable qu’elles fassent preuve de souplesse?

– Souplesse n’est point malléabilité…


lundi 26 juillet 2021

Mieux que rien

 « Oui, messieurs. Il fait mauvais temps et nous attendons qu'il change. Mais il vaut mieux qu'il fasse mauvais temps que rien du tout et que nous attendions au lieu de ne rien attendre.»*


En attendant, loin, très loin, et plus encore...




* Propos rapportés par Bertrand Russel et cités par Enrique Vila-Matas dans son ouvrage intitulé Perdre des théories, Christian Bourgeois Éditeur, et repris par Denis Grozdanovitch en exergue de "Petit éloge du temps comme il va", Folio

vendredi 23 juillet 2021

Ceux qu’ils croyaient être

 


L'intérieur du phare avait bien changé. C'était en tous cas l'avis de Pinocchio, celui qui se disait Autre.

– Me permettriez-vous de vous dire quelque chose d'important et de très délicat?

– Je vous en prie cher Nounours, nous nous connaissons depuis si longtemps.

– Eh bien justement... je ne crois pas... ce... n'est pas le cas...

– Comment cela? Ce que vous dites est confus. Expliquez-vous calmement. Nous avons tout le temps, bien que, si j'en crois les lumières que je vois s'allumer et cette ombre que je crois reconnaître, une certaine cérémonie va bientôt commencer.

– Nous n'irons pas...

– Pourquoi dites-vous cela?

– Parce que nous ne sommes pas qui vous croyez.

– Ne croyez-vous pas qu'il serait temps de me dire ce que vous semblez avoir sur le cœur.

– J'y venais... Je ne suis pas le Nounours que vous croyez.

– Mais c'est impossible...



lundi 19 juillet 2021

Perle

 



Au sein de la perle, nimbé de la masse informe de l’oubli, un simple caillou jeté, rejeté, y voyage et se perd.


dimanche 18 juillet 2021

Imaginez

 

Extrait de la quatorzième lettre de Pinocchio, l'Autre, à son créateur

Imaginez, monsieur l'Écrivain

Vous savez mieux que moi la difficulté de faire comprendre ce qui résiste au commun... En un ailleurs, comme dans un miroir masqué que nous ne pourrions situer ni moi... ni vous... malgré votre position de dominant... malgré votre malice et la mienne... la complicité des mots, les vôtres et les miens, sans que nous n’y soyons pour quelque cause, cette malice, inhérente et tentatrice, sise au sein des mots, fit qu’au lieu d'un dialogue nourri de nos contradictions, nous nous mîmes, sans nous en rendre compte, à rejoindre ce commun dont je parlais, en déclamant, univoquement, chacun de notre côté, croyant dire parfaitement la même chose...

Obscurité

 

– Mais où est donc passé Félicien?
– Il est là derrière toi.
– Je ne le vois pas.
– Pourtant il est là.
– Il est toujours là. Toi et lui vous ne formez qu’un...
– Pourquoi dans ce cas ne puis-je le voir?
– Précisément parce que vous ne formez qu’un et puis...
– Et puis ?
– Et puis il est des choses que l’on ne peut voir que si certaines conditions sont réunies...
– Donnez-moi un exemple...
– Par exemple les étoiles dans le ciel. Elles ne peuvent être vues que s’il fait nuit.
– Et alors?
– Alors pour Félicien c’est la même chose sauf qu’il faut que vous compreniez que la nuit n’est pas tout à fait la nuit...
– Qu’est-ce alors?
– Peut-être votre part obscure...

samedi 17 juillet 2021

L’inadvertance et le hasard

 "De prime abord, l’idée que le jeu possède une portée ontologique semble déconcertante. En effet, le jeu ne représente-t-il pas justement ce qui n’engage que de façon limitée et temporaire?"

Turing et la dimension ontologique du jeu, Nazim Fatès




– Comment sommes-nous nés?

– Par le jeu…

– Quel jeu?

– Le jeu subtil de l’inadvertance et du hasard…


Il y a






Sans «il y a» je n’y suis pas et je ne peux y être…
 
Don Carotte  
 
 
 

vendredi 16 juillet 2021

Logique

 


– Tout se tient dans notre histoire, et est fonction d'une logique…

– Je ne la vois pas…

– Il existe de nombreuses sortes de logique, mimétique ou autre,  chacune est bonne à prendre. Si le principe est que le mouvement naît de la confrontation…

– Ça vous pouvez le dire!

– Alors on peut aisément déduire que n'importe quelle rencontre…

– Quelque accident ou incident qu'elle provoque?

– Quelque soit cette rencontre, elle servira de combustible au mouvement... En ce sens, quelle que soit cette logique, qu’elle soit ou non la cause ou la conséquence, peu importe…

– Qu’est-ce qui importe alors?

– Ce qui importe c'est la vie.

Un jeu

 


– Saviez-vous que "les mondes imaginaires sont tout aussi importants pour la survie de l’individu que son modèle du monde réel"?* 

– Mais alors, pour bien comprendre ce que vous dites, il faudrait accepter le fait  que la réalité soit une sorte de modèle... auquel nous nous conformons…

– C’est cela…

– Mais alors qui serait l’auteur de ce modèle?

– Je n’en ai aucune idée… mais il me semble…

– Il vous semble?

– … qu’il ne serait point difficile de l’imaginer…

– Est-ce que vous voulez dire qu'en quelque sorte nous jouerions sans cesse à un jeu?

– C’est cela et ce jeu, pour une grande part, consisterait à en trouver les règles qui le régissent…

– Mais alors...

– Dites-moi.

– Mais alors... serions capable de sortir de ce jeu?

– Je crois que c'est pure illusion.



jeudi 15 juillet 2021

Dialogues incessants

 Elle est là qui marche, jour après jours, nuit après nuits, cheminant à nos côtés…

Comme des dialogues incessants, sur la lagune, les Pinocchio se multiplient et se mélangent. 

– On dit que comprendre le passé aide à comprendre le présent. 

– Les courants résiduels se prélassent sans violence….

– Malheur à qui le pied s'y égare...

– Le temps de fermer, ne serait-ce qu'un œil, et le changement, le vrai, le grand, opérerait.

– Une douce brise régulière porte le vol des oiseaux de passage et rafraîchit les pèlerins.

– Ce courant modéré est un vrai trésor.

– Il permet d'observer le gros du troupeau en temps de paix, dans sa banalité édifiante, comme l'écrira, beaucoup plus tard, l'enfant Lune dans son ouvrage «Les Illuminés». Le blanc fantôme, invisible pour eux, passe et repasse. Et pendant ce temps, l’aveugle timidement demande son nom au nouvel arrivant et celui-ci répond :

– Aussi loin qu'il m'en souvienne, on m'appelle Hasard.



mercredi 14 juillet 2021

Pensées

 

 


– Toutes ces pensées...
– Ce ne sont point les nôtres...
– Pas toutes... sûrement.
– Jour après jours, elles me font sourire, mais d'où viennent-elles?
– Peut-être sont-elles le produit ou l'origine d'une sorte de corruption...
– Peut-être commencent-elles très lentement à empoisonner l'idée que nous nous faisons de nous-même...
– Empoisonner… c’est peut-être un peu fort… 
– Je dirai contaminer, tout au plus…
– …ou influencer, cela me parait plus juste…

 

 

mardi 13 juillet 2021

Ailleurs

 

« Je laisse aux géographes, et à ceux qui ne voyagent que par curiosité, le soin de donner au public la description des pays qu’ils ont parcourus. L’histoire que j’écris n’est composée que d’actions et de sentiments. J’entreprends de rapporter ce que j’ai fait, et non ce que j’ai  vu. Les cœurs sensibles, les esprits raisonnables, tous ceux, en un mot, qui, sans suivre une  philosophie trop sévère, ont du goût pour la vertu, la sagesse et la vérité, pourront trouver quelque plaisir dans la lecture de cet ouvrage. C’est pour eux seulement que j’écris.»

Prévost, Mémoires et aventures d’un homme de qualité qui s’est retiré du monde


– Où sommes-nous?

– Dans cet ailleurs qui n'existerait point sans qu'on le constitue…



dimanche 11 juillet 2021

Battements

 

« Tout est rempli de dieux », disait Talès, à l'aube de la philosophie ;  à l'autre bout, à ce crépuscule où nous sommes parvenus, nous pouvons proclamer, non  seulement par besoin de symétrie, mais encore  par respect de l'évidence, que « tout est vide de dieux».

Cioran, De l'inconvénient d'être né 

– Quel était cet oiseau qui m'emmenait en me prenant manifestement pour un autre? Où m'emmenait-il? Le rythme des battements d'ailes me paraissait d'une lenteur extrême, mais, de fait, il se laissait porter par quelque chose de bien présent mais invisible, et de battements il n'y avait point. Seuls ceux de mon cœur me parvenaient maintenant. À peine en ais-je eu conscience que ceux du cœur de l'oiseau curieusement me parvenaient et les deux rythmes, pourtant fort différents se mirent à se rejoindre. Non pas qu'ils s'accordèrent pour battre ensemble, mais leurs rythmes s'accordaient au point que leurs accords faisaient croire à un ensemble... Ils se dilataient, puis accéléraient comme deux instruments en accord. Ainsi le temps, je devrais dire les temps propres à chacun ne faisait plus qu'un dans lequel, cependant, on pouvait encore faire la différence... 


samedi 10 juillet 2021

Ce ne sont que des mots

 

 


– Je dis les mots sans les comprendre toujours...

– Cela ne vaut-il pas mieux!

– Cela vaudrait mieux si je ne le savais point...

– Et vous le savez?

– Il  m'arrive d'en douter...

– D'en douter ou... de vous en douter...

– Les deux, tour à tour...

– Quels sont ces mots?

– Je rêvais d'un ciel où nageaient d'étranges oiseaux. Ils longeaient de sombres et étroits promontoires aériens formés d'hommes agglutinés qui chantaient. Ce chant maintenait l'ensemble. Ça et là il arrivait que l'un d'eux, ou plusieurs, reprenant son souffle, tomba, aussitôt rattrapé et gobé par les oiseaux. Alors l'oiseau lesté de souffle mort plongeait dans les entrailles de la terre et ne ressortait que bien plus tard complètement transformé. Je ne les voyais plus du même œil et je n'arrive pas à me souvenir quelles formes


ils avaient, mais je savais qu'eux aussi, tout comme moi, ils rêvaient et se mettaient à chanter. Chose étrange, j'étais là mais je ne chantais pas...

vendredi 9 juillet 2021

Allégeance et dépendance

 

Nec cesso, nec erro

Ne cessez pas de donner, ni d'errer

  


– Ah! Tous ces mots qui nous tombent dessus…

– Ces liens étranges qui se tissent entre eux…

– Allégeance et dépendance,…

– … soumission quelque fois…

– Accords souvent…

– …qui en déterminent et modifient le sens profond. 

– Serions-nous, comme les mots?

– Tributaires de la définition qu’on attribue aux mots?

– Bien avant que je ne vous pose la question, je connaissais la réponse et la sublime complication à géométrie variable que vous étiez capable d'évoquer... ou d'invoquer... Je vous avoue qu'en ces moments-là, nonobstant le désespoir intellectuel, devant tant de fluctuances et quelquefois, oui... de bêtise, j'avais quand même de l'admiration pour cette création...

– De qui parlez-vous?


jeudi 8 juillet 2021

La mousse où le pèlerin

 



Le pèlerin, au fond du précipice loue ce qui dans sa chute l'a épargné et rêve d'une chute inversée dans laquelle les nuages l'accueilleraient comme un tapis de mousse.

lundi 5 juillet 2021

Attente

 «Les mortels ne connaissaient d’autres rivages que ceux qui les avaient vus naître.»


Ovide, Métamorphoses



Le paysage, profitant de la brume, bien avant elle, s’était dissipé. Il ne restait, devant les yeux de l’Enfant Lune, qu’une sorte de construction sauvage et chaotique dans laquelle il peine à se retrouver si tant est qu’il puisse imaginer qu’il se trouvait  là l’instant d’avant… 

– Que fait l’Enfant Lune?

– Il attend.

– Qu’attend-il?

– Il attend que le vent se lève…

dimanche 4 juillet 2021

Désir

 


– Où l’Enfant Lune désire-t’il nous conduire?

– Tout au long de sa vie, l’enfant de l’homme désire...

– Quels sont ces désirs?

– Il en ont beaucoup...

– Dites m'en quelques uns... surtout ceux que je puisse comprendre...

– Cela en réduit le nombre mais il en reste beaucoup...

– Comme?

– Comme le désir de puissance...

– Encore une chose qui, j'en suis sûr, stimule votre jactance...

– Je... vous trouve légèrement… enfin... légèrement n'est pas vraiment le mot... mais il est vrai que le concept de puissance peut être appréhendé de bien des manières. Cela dit je ne vous apprend rien.

– Je comprend le principe mais ce que je me demande c'est ce que l'Enfant Lune espère une fois qu'il aurait assouvi ce désir d'être puissant.

– Le problème véritable, c'est qu'il n'a pour ainsi aucune chance d'y accéder...

– Pourquoi cela?

– Parce que, selon moi, c'est une impossibilité.

– Cela ne me dit pas pourquoi.

– Parce que l'objet de ses désirs, sans qu'il le sache, est toujours hors d'atteinte.

– Le désir et son objet ne serait point... 

– Ce n’est pas cela. Je vais vous surprendre...

– Surprenez-moi!

– L'Enfant Lune est libre de tout désir...

– Pourquoi cela?

– Car il ne sait ce que c'est…

– Il ne comprend pas!

– Si… il comprend le concept de désir… mais il agit…

– Tout cela est bien confus!

– Il agit inconsciemment… comme s’il en était dépourvu… Je veux dire, pour être plus clair, qu’il comprend ce qu’est le désir quand il s’agit des autres…

– Des autres désirs?

– Mais non, les désirs des autres personnes… mais pour lui-même… cela ne lui vient pas à l’esprit.

– Comment cela se fait-il?


samedi 3 juillet 2021

Naissance

 


– Le fait que vous ne soyez pas nés comme les autres vous pose-t’il un problème…

– Que veut-il dire?

– Il nous parle du fait que nous n’avons pas eu à casser la coquille de notre œuf…

– Qu’est-ce là?

– Vous ne le savez pas?

– Non…

– Les perroquets naissent dans des œufs?


jeudi 1 juillet 2021

Que faire d’autre




– Devons-nous faire nôtres toutes les pensées qui nous passent par la tête?

– Par la tête… quelques fois… par les oreilles… sûrement…

– Quelle différence faites-vous?

– Ce qui nous passe par les oreilles ne fait point toujours le détour par la pensée… Le plus souvent cela passe sans être réfléchi…

– Que pourrions-nous faire d’autre?

– Je vous l’ai dit… ce que nous faisons en cet instant…

– Y réfléchir?

– C’est cela…

– À quoi cela servira-t’il?