lundi 30 septembre 2019

(30) Recommencement



« Du Latin "theatrum", et venant du grec "theatron", et du verbe "theasthai" signifiant "voir" "être témoin" et du suffixe "tron" ("τρον") dénotant un lieu, un endroit. En grec le mot "thea" ("θεα") est "l'acte de regarder", c'est aussi "un object de contemplation" et est aussi le "théâtre", le "lieu d'où l'on regarde".»




Journal de Candide, extraits

Si le théâtre est le lieu où chaque jour se rejoue ce qui ne cesse de recommencer, il est aussi le lieu des commencements. Ce qui a été n’est plus. Il sera aussi éloigné et passé qu’une parole oubliée: «il va en fait, commencer de façon toujours plus radicale, «s’acheminer» vers une fin de plus en plus définitive, qui consistera à ne laisser qu’un résidu, un ensemble de traces «à lire» mais pour lui-même, absolument supprimées, à avoir épuisé ce qu’il avait lui-même posé de lui-même —ici, dans cette langue, dès son premier mot.»


Philippe Sollers, L’écriture ou l’expérience des limites 

(30) Théâtre


« Pour le fait, pour l’exactitude, pour qu’il soit dit: la vie de celui qui écrit est un interrègne, et le travail apparemment inutile ou le jeu qu’il poursuit sont en rapport avec le futur dont nous savons qu’il est le lieu de tout travail symbolique.»
Philippe Sollers, L’écriture ou l’expérience des limites 




– Qu’est-ce que le théâtre?
– Habillé d’une majesté surannée le verbe est mis en scène.
– Qui le veut ainsi?
–Vous le savez aussi bien que moi...
– Toujours et encore un maître qui se dissimule...
– Peut-il en être autrement?


(30) Ce qui ne se voit


« Il peut avancer parce qu’il va dans le mystère.»

Mallarmé, Igitur



Journal de Candide, extraits 

L’écriture ne se voit pas. Invisible et muette, elle peut tout dire...

Pourtant, tout ne peut se dire et tout ce qui se lit n’est pas dans ce qui est écrit...


dimanche 29 septembre 2019

(29) Monde






Le monde serait un théâtre...
– Un théâtre dans lequel tous, autant que nous sommes...
– Nous autres chiens aussi?
– Tous... naissent et meurent... un théâtre du monde devant lequel les hommes, oubliant qu’ils en font partie, s'extasient en se prenant pour des héros...
– Non...
– Et surtout, ils croient que c’est eux-même qui le mettent en scène.
– Ce faisant le théâtre du monde deviendrait privé, non?
– C’est cela...

(29) Vivante?


Le 28 janvier 1942, à la sortie de Thomas l’Obscur, Thierry Maulnier faisait le commentaire suivant dans sa chronique littéraire: 
« Le premier roman de M. Maurice Blanchot constitue à n’en pas douter une des expériences les plus subtiles et les plus audacieuses qui aient été faites depuis longtemps pour faire dire aux mots plus ou autre chose que ce qu’ils ont coutume de dire dans leur emploi habituel.»

– Sommes nous dans l’espace ?
– C’est une évidence...
– Qu’est-ce qu'une image? 
– Les images inventent captent ou retranscrivent «de l’espace». Il n’existe aucune image qui ne communique, si peu que ce soit, de l’espace.
– Où se trouve cet espace ?
– Il est ou peut être n’importe où...
– Ici ou maintenant ?
– Tout se déroule ici et maintenant
– Dans l’image?
– C’est cela, et peut-être que c’est ici et maintenant...
– Ici et maintenant dans lesquels évoluent des personnages...
– un « ici et maintenant » lequel serait fabriqué en même temps que des personnages... quelquefois par eux... 
– C’est incroyable !
– Et magnifique pour eux...
– Je ressens une légère restriction dans votre admiration...
– Ils ne peuvent vivre en dehors de leur propre image. 
– Cette image est-elle elle vivante?

(29) Entre un miroir et un autre


« Que le théâtre permette des prises de conscience ou d’inconscience, l’essentiel est qu’il transmette le fait que ça passe par des jeux de vie qui dépassent l’oscillation entre s’identifier et se distancier; entre un miroir et un autre.

Daniel Sibony, Le jeu et la Passe



Comment se fait-il que nous puissions avoir de tels trous noirs dans notre mémoire? Une question en entraînant une autre, on devrait en inverser le sens et se demander comment il se fait que nous ayons de la mémoire... et à partir de cette question presque insoluble se demander où et comment elle prend place en notre esprit... si elle y prend place ou si elle ne fait que passer?

(29) Le jeu


« (...) voyez la peinture: le peintre vous y montre comment il y a mené son jeu, avec sa toile et ses couleurs. Il vous apporte lui aussi sa mise en scène, cadrée et parfois insondable. Or son jeu a eu beau être puissant, violent, étourdissant, il l’a délégué à sa toile, il n’est plus là, pour le partager avec vous. Nous sommes là, et notre fresque, nous la produisons devant vous. Nous partageons avec vous sa naissance (le naissance du jeu), son passage, son éclipse. Nous la consumons avec vous à mesure qu’elle se produit; nous nous consumons avec.»

Daniel Sibony


samedi 28 septembre 2019

(28) On est...


« On est forcé de reconnaître à l’homme une essence qui est hors et par-delà le monde: comment pourrait-il seul de toutes les créatures remonter la longue route des évolutions du présent jusqu’à la profonde nuit du passé, s’élever seul jusqu’au commencement des choses, s’il n’y avait en lui une essence du commencement des temps?»

Schelling, Die Weltalter, Uhrfassung








(28) En vacances...




En vacances... pour quelques jours...


vendredi 27 septembre 2019

(27) Le temps pèse ses mots




Plus tard, beaucoup plus tard, tel un scribe inspiré, du moins l'espère-t'il, Candide s'est mis à coucher ses visions sur le papier.
– Ce que je fus, je ne le suis plus, mais j'essaie encore de comprendre. Cela va m'aider à mettre de l'ordre dans ce désordre. Et par la même occasion, par de secrets indices, je pourrais me séparer de ces mots qui font partie d'une autre histoire et qui me poursuivent.
«...D'ici-bas il m'a semblé que ses yeux étaient deux pleines lunes...»*
 

Du coup, Candide se met à chanter:
... Je ne sais pas pourquoi
La roue ne revient pas
Le temps ne finit pas
Où va le temps des roses
Qui n’ont plus de chagrin...

Puis il se remet à écrire. L'homme, d'instinct, sait que jamais il ne pourra devenir maître de lui même sans devoir renoncer, en partie en tous cas, à sa nature sauvage, devenant ainsi l'image même de celui qu'il lui arrive d'abhorrer...

*Le roi Lear

(27) Espoir


« La plupart des très nombreuses et très disparates utopies urbaines imaginées depuis l’antiquité revendiquent une certaine justice sociale combinant diversement égalité, équité et liberté. Cependant les moyens inventés pour y parvenir établissent des règles du jeu plus ou moins contraignantes, détaillées parfois jusqu’à l’absurde, au sujet du cadre urbain et des comportements des individus. Ces règles du jeu sont supposées suffisantes pour réaliser l’idéal utopique. Mais elles reposent en fait sur des axiomes implicites concernant les caractéristiques des individus et leur adhésion aux règles et modes de vie proposés. Ainsi, derrière le masque de l’idéal utopique, se dissimule en fait l’injustice sociale.»
Jean-Marie Huriot, Lise Bourdeau-Lepage, Utopie, égalité et liberté: l’impossible idéal



Dans l'esprit de Candide une sorte d'espoir s'était installé. Celui d'être un homme. Il se demandait comment cet espoir avait pu s'installer... comment il y avait adhéré et surtout pourquoi y était-il attaché... 

jeudi 26 septembre 2019

(26) Alors...


« Il lisait énormément, très vite et très mal. (...)
Lisant comme il faisait, même un manuel d'arithmétique, ou du François Coppée, devenait une nébuleuse. Et s'il se mettait à lire lentement, voulant retenir: néant! C'était comme s'il regardait des pages blanches. Mais il pouvait très bien relire, du moment que ce fût vite. On conçoit cela aisément. Il formait ainsi une nouvelle, une autre nébuleuse. Et la sympathie venant du souvenir agréable le soutenait aussitôt.»


Henri Michaux, Portrait de A.



– Quand craquèlera le vernis de la raison il sera trop tard. Dans les méandres lents des profondeur, le travail de sape sera déjà bien avancé et le cerveau en son centre, fuyant les souvenirs embusqués, par nuée et fin bruissement vers le ciel s’envolera. Alors... on sait.
– Que sait-on?
– On sait que l'on va mourir...

 

mercredi 25 septembre 2019

(25) Un léger tremblement


« Dans la clarté est cachée une obscurité qui ne peut être décelée… »

Walid Neill





– Voilà, nous avons fait ce que nous pouvions pour l’histoire... à lui de faire avec ces images, au sens de territoires, et le mystère dont nous espérons qu'elles se parent.
– ... avec une intelligence pleine et entière.
– Ainsi qu'il est...
– ...aussi intelligent qu'il puisse être...
– ... et seul de surcroit, il ne pourrait pas...
– ... mais il ne le sait pas encore!
– Il le saura bientôt!
– Il tremble, me semble-t'il.
– À sa place, qui ne tremblerait pas?



(25) Bon signe


« Voilà l’état où les hommes sont aujourd’hui. Il leur reste quelque instinct impuissant du bonheur de leur première nature, et ils sont plongés dans les misères de leur aveuglement et de leur concupiscence qui est devenue leur seconde nature. »

Pascal, Pensées



– Il me semblait qu'il avait fait le signe?
– Je n'en suis pas certain...
– Il le regard introspectif... c'est aussi, et quand même, un bon signe...
– Et il est attentif à ne pas mettre les pieds n'importe où... Il nous faut l'encourager.



mardi 24 septembre 2019

(24) "Héros"





– Alors, le petit Candide, futur "héros" est-il prêt? Levez la main droite et faites silence si vous acquiescez!

lundi 23 septembre 2019

(23) Ressemblance


« Tout à coup, comme des mécanismes subtils qui s'enclenchent, les séquences de ce film se mettent en place, dans son esprit, dans le désordre apparent d'une progression qui n'est pas chronologique, dont la rigueur se situe à un autre niveau, celui du temps tragique.»

Jorge Semprun, La deuxième mort de Ramon Mercader, Gallimard




– N'ayez crainte, Monsieur Nounours, ce n'est que notre Pinocchio, le Petit. Celui dont je vous parlais. Il est accompagné par notre chantre. Vous me sembliez si fort et vous voilà tout effrayé. Que se passe-t'il?
– Tout dépend des circonstances... c'est mon côté enfantin... mais surtout je suis effrayé, comme vous disiez, et surtout effaré de la ressemblance, inquiétante pour tout dire... entre mon maître et ce petit Pinocchio! Pour un peu je me serais laissé prendre... Et puis...
– Et puis? 

(23) Tellement stable


  « J'écris pour moi-même et pour des inconnus. Je ne puis faire autrement. Chaque être a pour moi une certaine réalité, chaque être pour moi est un inconnu. Ceux que je connais ne veulent pas savoir ce que j'ai à dire, aussi j'écris pour moi et pour des inconnus.»

Gertrude Stein




 – Notre pensée, enfin... nos pensées, cher Monsieur Nounours, nous ne cessons de nous le répéter, semblent procéder par à coups et nous peinons à les relier.
– Le monde nous parait tellement stable...
– ... que nous oublions à chaque instant combien le vide nous entoure...
– Pourtant, comme les branches et les aiguilles du pin, tout se construit lentement...
– ... et se dissimule faute d’être perçu...
– ... dans la patine et les méandres de l’ombre qui révèle nos limites.
– Voyez combien nous pouvons nous entendre...



dimanche 22 septembre 2019

(22) La nuit tombée


« C'est dans le vide de la pensée que s'inscrit le mal.»
Hannah Arendt 


– Bienvenue, Monsieur Nounours, je présume. Si la discrétion est de mise ici, permettez-moi quand même de vous poser une question.
– Je vous en prie...
– Que faites-vous sur la corde du silence alors que la nuit est tombée, que le vide se crée et que les pensées s'y précipitent?
– Je cherche mon maître.
– Qui est-il?
– Son nom est Pinocchio. Pinocchio l'Autre. Je l'ai perdu...
– Mes condoléances.
– Non, non, je ne voulais pas dire cela... et d'une certaine façon, plus vraisemblable, c'est lui qui m'a perdu et je sais que sans moi il est malheureux...
– Ici nous ne connaissons qu'un seul Pinocchio: Pinocchio le Petit. Seraient-ils apparentés?
– Je n'en sais rien... Je ne sais presque rien de choses de...
– Je vous proposerai bien d'entrer, mais notre établissement ne tolère point les a... enfin, comment dire... pour que nous puissions vous accueillir, il vous faudrait accepter quelque légères modifications... En attendant suivez-moi...

(22) Dans quel but


C'était un petit chemin bordé de champignons et recouvert par endroits de petits cailloux blancs.

« [La carte] invite son lecteur à se projeter dans la représentation, à la focaliser et à en être non seulement le spectateur passif, mais aussi l’architecte, le constructeur. Elle annihile en fait l’écart constitutif de la représentation, en projetant le spectateur à l’intérieur même de ce qui est représenté, sous la forme d’un investissement imaginaire, d’un regard et d’une mobilité incorporels. Elle instaure une réalité qui est de l’ordre du simulacre et de la simulation, et invite à vivre une vie, des passions, des émotions et des désirs par procuration.»
 C. Jacobs, L'empire des cartes, Albin Michel 


– Vous l'avez entendu?
– Qui donc?
– Le petit Pinocchio...
– Je me disais justement...
– Je ne vous demande pas ce que vous vous disiez mais ce que disait le petit Pinocchio à propos de la voix qu'il entend!
– La voix de notre Maître? Il se peut qu'elle me parvienne mais je ne l’entend plus, ou du moins je n’y fais point attention...
– Se peut il que ce soit son intention ?
– Que voulez-vous dire?
– Je dis qu’il se pourrait qu’il fasse en sorte de se faire oublier.
– Dans quel but agirait il ainsi?
– Toujours le même...
– C’est-à-dire?
– Pour vous observer... et ainsi s’observer lui-même... mais avec votre présence... et votre voix... qui s’est écartée de la sienne. Faiblement, oui, mais subtilement aussi... Regardez comme il fait avec le petit Pinocchio!
– Avez-vous aussi remarqué qu’il avait laissé tomber les fils qui nous reliaient à lui?

(22) Ça marche


« Le chemin de la pensée ne se fait pas sans de bien longues et hautes marches.»

Don Carotte

 Il est de lointains mystères dont la présence est l'outil même de leur découverte... Il faut longuement marcher pour les trouver. Marcher pourtant ne suffit pas, il faut d'abord trouver les mots et tout se trouve être dans la manière.
– Dans la manière?
– Dans la forme, dans la manière de marcher et surtout dans le silence...
– En effet, c'est bien mystérieux... et puisque vous parlez de silence, vous arrive-t'il, à vous aussi, d'entendre encore la voix de notre maître?

samedi 21 septembre 2019

(21) Au contraire

NOUS SOMMES DÉSOLÉS, NOUS NE TROUVONS PAS LA PAGE QUE VOUS CHERCHEZ...

Soit la page a été dépubliée car son contenu était obsolète, soit nous avons déplacé le fichier un peu brutalement, soit vous avez fait une erreur en tapant son url,  soit il s'agit d'un problème technique...

(21) Lieu commun

NOUS SOMMES DÉSOLÉS, NOUS NE TROUVONS PAS LA PAGE QUE VOUS CHERCHEZ...


Soit la page a été dépubliée car son contenu était obsolète, soit nous avons déplacé le fichier un peu brutalement, soit vous avez fait une erreur en tapant son url,  soit il s'agit d'un problème technique...

vendredi 20 septembre 2019

(20) Instant après instant


« J'essaye d'entrer dans un texte, non pas en ayant une vue de surplomb, mais en me disant "je ne sais rien", et en essayant de comprendre le texte instant après instant.»
                             
Alain Françon



– Ah mais je ne suis point un être humain et ne tend point à cela!
– C’est nouveau! Il me semble que vous êtes bien jeune pour penser comme cela...
– C’est cela... c’est nouveau.
– Pourtant vous parlez comme un être humain!

– C’est bien pour cela.
– C’est bien pour cela que quoi?
– Que je ne tends point à devenir comme eux. Je suis ce que je suis... et cela me suffit.


(20) Un certain morcellement


« Il n’y a plus pour moi de question des origines, ni de limites, ni de séries d’événements allant vers cause première, mais un seul éclatement d’Être qui est à jamais.»

Maurice Merleau-Ponty



– Les œufs peuvent tout entendre, ne comprennent rien, mais à la fin leur coquille se brise...
– C'est pareil pour moi!
– À quelle distance du toucher est l'horizon le plus proche?
– Il est des formes très diverses de l’imagination des hommes. Il en est ainsi des distances!
– Peut-on concevoir une de ces formes (d'imagination) qui ne soit pas humaine?
– Pas du point de vue des hommes... en tous cas de la plupart d'entre eux... mais, si vous le désirez, je vais essayer de vous décrire quelques  formes actives en certaines circonstances.
– Je veux bien.
– Par des moyens fort peu conventionnels, nous tenterons de rendre crédibles ces comparaisons, nous nous efforcerons  d'en présenter  la nature mouvante, et certaines de leurs raisons d'être ainsi.
– Je m'en réjouis.
– Le morcellement de l’étendue est l’une des caractéristiques de la façon de penser des êtres humains. Cette manière de penser s’oppose aux croyances innombrables, je parle bien des croyances humaines, qui peuplent les esprits fort crédules. Les hommes ont une nette tendance à vouloir généraliser leur façon de voir le monde et se battre contre quiconque ne la partagerait point.

jeudi 19 septembre 2019

(19) Haut parleur



– L'inconscient n’est pas le non-dit...
– Il impense...
– Cela ne se dit pas… Tout au plus est-il figure de l’impensé...
– L’impensé?
– L’inconnu... mais actif...
– Peut-être... mais connais pas...
– Il y a le mystère de la chose...

– Comme en chaque chose!
– Et c'est ce mystère qui est la chose… en elle-même.
– Tout cela peut-il être surmonté… enfin maîtrisé?
– Candide l’a fait!

– Vous connaissez Candide?
– Un peu...
– Comment l'avez-vous connu?
– Cela serait un peu long... vous disiez?
– À combien se montait le prix de sa transformation?
– Au prix qu’on lui demandé, il se décida. Et il l'a fait.

– Et qu'est-il devenu?
– Il est devenu le haut parleur.
– Et son discours est vérité.
– Je n’en suis pas certain.
– Il l’est…




(19) Comme dans un miroir



– Certes, je vous en ai déjà parlé, il saisissait...
– Qui ça?
– Mon maître saisissait les nuances de ma voix... qui étaient absentes de la sienne.
– C'est extraordinaire!
– Quoi donc?
– Nous aussi!
– ... mais... par un curieux effet...
– Je parie qu'il s'agit d'une sorte d'effet tel que l'on trouve dans un miroir!
– C'est cela! Il s’en attribuait tout le mérite et les considérait comme sa propre création. Tout comme il me considérait, moi aussi, dans mon entier, comme sa créature...
– C'est exactement comme nous!
– Voyez-vous comment se passe cette sorte de transformation?
– Elle est double... 
– Comme dans le miroir!
– C'est vrai. Mais je vous parle de ma transformation et de la sienne.... qui sont deux choses bien séparées et qui pourtant forment un ensemble dont nous ne sommes...
– ... paradoxalement...
– ... ni lui ou moi...
– Ni nous!
–  Dont nous ne sommes ni responsables, ni victimes... 


(19) Patience



– Soyez patient. Écoutez-moi. Je vous en ai déjà parlé, il s'agit de saisir les nuances de ma voix...

mercredi 18 septembre 2019

(18) Qu’un miroir


« Si espérance il y a, elle ne nous laisse pas privés de ce regard critique sans lequel la pensée ne serait qu’une attente vague.»

Michel Haar




Longtemps, par jeu, je laissais paraître ce qui jusqu’alors n’était qu’un jeu auquel jouait notre maître. Car moi aussi, malheureusement j'avais un maître... Se doutait il du changement? Longtemps je l’ai espéré. Mais il fallut que je me rende à l’évidence. Il ne se rendait compte de rien du tout. Pour lui je n’étais qu’un miroir... Un miroir dans lequel je n'existais point et dont le rôle n'était que de lui rendre agréable l'image qu'il voulait que l'on donne de lui-même...


(18) Une vue plus précise


« L'indulgence de mes auditeurs et de mes lecteurs doit être grande, car le sujet est vraiment immense, et je ne pourrai, dans ces cinquante-cinq minutes, que vous donner un idée de la façon de le traiter. Il ne s'agit de rien de moins que de vous expliquer comment une des catégories de l'esprit humain, -une de ces idées que nous croyons innées,- est bien lentement née et grandie au cours de long siècles et à travers de nombreuses vicissitudes, tellement qu'elle est encore, aujourd'hui même, flottante, délicate, précieuse, et à élaborer davantage. C'est l'idée de «personne», l'idée du «moi». Tout le monde la trouve naturelle, précise au fond de sa conscience, tout équipée au fond de la morale qui s'en déduit. Il s'agit de substituer à cette naïve vue de son histoire, et de son actuelle valeur une vue plus précise.»

Marcel Mauss, sociologie et anthropologie 





– Voulez vous que je vous dise?
– Cela dépend de ce que vous allez me dire...
– Je vais donc vous le dire...
– Vous trichez...
– Je ne triche jamais...
– Alors pourquoi mon nez se met-il à grandir?



mardi 17 septembre 2019

(17) Lointain mystère


« [La carte] invite son lecteur à se projeter dans la représentation, à la focaliser et à en être non seulement le spectateur passif, mais aussi l’architecte, le constructeur. Elle annihile en fait l’écart constitutif de la représentation, en projetant le spectateur à l’intérieur même de ce qui est représenté, sous la forme d’un investissement imaginaire, d’un regard et d’une mobilité incorporels. Elle instaure une réalité qui est de l’ordre du simulacre et de la simulation, et invite à vivre une vie, des passions, des émotions et des désirs par procuration.»

Christian Jacob



– Avez-vous encore un petit espoir de comprendre et connaître ce qu’est cette énigmatique voix fantôme qui compose au moins la moitié de ce que vous entendez et presque l'entier de vos mouvements?
– Ce n'est qu'un lointain mystère, mais ce mystère pourrait être l'outil même de sa découverte...
– En effet, c'est bien mystérieux...

(17) Ce n’était plus sa voix



« Rien de plus inélégant et de plus inefficace qu'un art conçu dans la forme d'un autre.»

Robert Bresson, Notes sur le cinématographe, Gallimard



De très légers changements en très légers tremblements, la voix de mon maître, celle qui, au début, en quelque sorte, fut aussi un peu la mienne, celle que je m'étais efforcé de reproduire, s’était transformée. Ce n'était pas une évidence pour tout le monde... Pour moi, oui. C’était encore ses mots que je répétais, mais pour moi, et pour moi seulement, je le savais, ce n’était plus sa voix.

(17) Hors




Pendant la nuit, tout peut se faire, cela va sans dire. Tout se raconte et se déroule. Tout y est affaire de démesure. La voix se confond avec les voix sans que l'on puisse les rattacher à leurs sources. Elles jouissent du malin plaisir que procure la liberté ultime... hors l'ordre suprême... hors du chaos primordial... Vouloir la mesurer est sans commune mesure avec le commun des doctrines.

(17) En un même temps


« Selon Ricœur (1983), mimésis et récit renvoient aux constructions des subjectivités pour réduire le caractère chaotique et discordant des expériences vécues. Selon Jacques Rancière, en outre, la chronique renvoie à la passivité des êtres humains, soumis à l’emprise sans surprise des vies quotidiennes. La fiction renvoie, elle, à l’activité des êtres humains dotés d’une capacité de projection associée à un temps qualifié de libre, soit une possibilité de penser et de se ressaisir de manière autonome des conditions d’une vie. La fiction permet éventuellement de créer ce temps égalitaire d’une coexistence entre des événements aux temporalités déchirées.»

Nathalie Blanc, Chronotopies ou temps unique?



Extrait des cahiers de Pinocchio, l'Autre

Hors de toute instrumentalisation idéologique ou simplement du divertissement, il est des images dans lesquelles nous apparaissons, en divers endroits et en même temps qu'un certain ordre des choses dans lequel nous ne serions, ni sans raison... ni vendeur ni acheteur, simplement acteur.

lundi 16 septembre 2019

(16) À demi


"Ce qui est vécu sans être dit n'est qu'à demi vécu."
Georges Haldas


Extrait des cahiers de Pinocchio, l'Autre

Dans la réalité, nous croyons que l’œil et le cerveau choisissent ce qu'il veulent voir... mais ce qui se cache derrière tout cela est bien plus influent encore... Ce en quoi nous croyons... nous fait croire en lui... Il est des rapports secrets qui s'établissent entre certains êtres entre eux ou avec certains phénomènes. On ne sait pas toujours pourquoi et surtout comment. Puis vient le temps des infidélités... Puis celui de la trahison... Toujours. Il suffit d'attendre.
– Moi non plus, quand j'y pense, jamais je ne réfléchis vraiment... enfin c'est rare. Cela m'arrive quand je ne comprends pas ce que j'ai sous les yeux... ou ce que j'entends et que cela me perturbe... ce qui n'est pas toujours le cas. C'est comme si tous les éléments d'une image étaient là, posés n'importe comment, de manière irréaliste et incohérente.
– Il se peut que cela soit pareil pour vous. On peut s'interroger: que seraient les images sans les mots qui les décrivent? Encore une fois que seraient les images si les mots en étaient parfaitement absents?