mardi 31 janvier 2017

31 janvier 2017

« Winston semblait, non seulement avoir perdu le pouvoir de s’exprimer, mais avoir même oublié ce qu’il avait d’abord eu l’intention de dire. Depuis des semaines, il se préparait à ce moment et il ne lui était jamais venu à l’esprit que ce dont il aurait besoin, c’était de courage. Écrire était facile. Tout ce qu’il avait à faire, c’était transcrire l’interminable monologue ininterrompu
qui, littéralement depuis des années, se poursuivait dans son cerveau. En ce moment, cependant, même le monologue s’était arrêté. Par-dessus le marché, son ulcère variqueux commençait à le démanger d’une façon insupportable. Il n’osait pas le gratter car l’ulcère s’enflammait toujours lorsqu’il y touchait. Les secondes passaient. Winston n’était conscient que du vide de la page qui était devant lui, de la démangeaison de sa peau au-dessus de la cheville, du beuglement de la musique et de la légère ivresse provoquée par le gin.
Il se mit soudain à écrire, dans une véritable panique, imparfaitement conscient de ce qu’il couchait sur le papier. Minuscule quoique enfantine, son écriture montait et descendait sur la page, abandonnant, d’abord les majuscules, finalement même les points. »*


Platon, surgissant de l'eau parle aux petits chiens qui ont l'air eux aussi de naufragés. Juchés sur leurs colonnes ou sur les restes de celles-ci. Plus que jamais ils ne savent ce qu'ils font là.




– Soyons critiques, mes amis ! Ne prenez pas en grippe le mot critique... Pour vivre il faut choisir. Regardez qui arrive encore.
Alors d'où venez-vous Platon? Et d'où tenez-vous ce nom qui est le mien?



*Georges Orwell, 1984, ( 1948 )

lundi 30 janvier 2017

30 janvier 2017

"Ce qui m'étonne le plus est de voir
que tout le monde n'est pas étonné de sa faiblesse."*






"La nature de l'homme n'est pas d'aller toujours; elle a ses allées et venues". Et devine, Damon, qui est revenu?




*33-374 Pascal, Pensées



 

dimanche 29 janvier 2017

29 janvier 2017

On ne sait d'où sort Platon qui s'accroche aux débris flottants. On ne sait si Damon est resté sur le sommet d'une colonne rescapée dont les restes seraient juchées sur les débris constitués en radeau... ou si ces débris sont venus s'échouer sur les côtés d'une colonne, qui, malgré son insolant déséquilibre, serait restée debout et dont la profondeur est inconnue...


– "Il y a déjà quelque temps que je me suis aperçu que, dès mes premières années, j'avais reçu quantité de fausses opinions pour véritables, et que ce que j'ai depuis fondé sur des principes si mal assurés, ne pouvait être que fort douteux et incertain; de façon qu'il me fallait entreprendre sérieusement une fois en ma vie de me défaire de toutes les opinions que j'avais reçues jusques alors en ma créance, et commencer tout de nouveau dès les fondements, si je voulais établir quelque chose de ferme et de constant dans les sciences. Mais cette entreprise me semblant être fort grande, j'ai attendu que j'eusse atteint un âge qui fût si mûr, que je n'en pusse espérer d'autre après lui, auquel je fusse plus propre à l'exécuter; ce qui m'a fait différer si longtemps, que désormais je croirais commettre une faute, si j' employais encore à délibérer le temps qu'il me reste pour agir. Maintenant donc que mon esprit est libre de tous soins, et que je me suis procuré un repos assuré dans une paisible solitude, je m'appliquerai sérieusement et avec liberté à détruire généralement toutes mes anciennes opinions."

samedi 28 janvier 2017

28 janvier 2017


" Il était une abstraction nue, un bloc indivisible, aussi intègre qu'un enfant nouveau-né, sans idée préconçues, ni sur ce monde, ni sur l'autre."

– Je ne sais ce qu'ils en pensent, mais les deux mondes, aussi différents qu'ils puissent être, sont peut-être, en tous cas pour moi, ce qu'il  a de plus difficile à distinguer, se dit Damon.

vendredi 27 janvier 2017

27 janvie 2017


 Image

Tout d’abord, enfant au visage étonné, au regard si profond, il faudrait que je te raconte tout ce qui depuis si longtemps est passé. Naturellement, pour quelqu’un comme moi, l’oreille est immédiatement alertée par une petite « anormalité: il eut fallu parler de tout ce qui « s’est passé »… parce que c’est ainsi que cela « se » dit… Quand je dis que  »cela se dit » Cela (encore lui dont on ne sait qui il est et qui est pourtant le sujet de cette phrase…) suppose que l’acte se déroule selon une énergie propre. Se dire, se passer se fait de lui-même. Tout le monde, ou presque, parle de cette manière. Le sujet de l’action est l’action. Ce qui me pose… ce qui à moi, pose un grand problème. Je suis conscient que ce n’est pas ainsi que l’on parle à un enfant de ton âge. Cependant il est des pensées qui précèdent largement les idées du temps et il n’est pas bon pour celui qui les pensent de les dire à haute voix et plus encore de les défendre. Tu vas le constater, enfant, il eut peut-être fallu prolonger ce silence que tu incarnes si bien. L’une de ces idées est que les enfants de ton âge comprenne et enregistrent déjà un langage qu’ils ne sont, que tu n’es, pas censé pouvoir connaître...

jeudi 26 janvier 2017

26 janvier 2017

"Si vous aviez accompagné le capitaine Achab dans sa cabine, après le grain qui s’était levé dans la nuit suivant l’approbation sauvage de son projet par son équipage, vous l’eussiez vu se diriger vers un coffre dans l’étambot, en sortir un grand rouleau froissé de vieilles cartes marines jaunies et les étaler devant lui sur sa table vissée. Puis, s’asseyant, il se mit à étudier avec attention leurs différentes lignes et hachures et à tracer d’un crayon lent et sûr de nouvelles routes dans des zones encore vierges. Parfois il consultait de vieux livres de bord empilés près de lui, où étaient notés les lieux et les saisons, ceux où divers navires avaient, lors de divers voyages, vu ou capturé des cachalots."*




Platon, pas plus qu'hier, ne sait où il est.
– Rien n'est moins sûr, mais au moins je sais que j'y suis. Il n'est point de chemin qui ne puisse se perdre à l'ombre d'une carte... et la réalité peut se montrer facétieuse...



* Moby Dick,  Herman Melville

mercredi 25 janvier 2017

25 janvier 2017

« Toute cette histoire, a repris le juge, c’est d’abord la vôtre. Oui. Bien sûr. La mienne. Mais alors laissez-moi la raconter comme je veux, qu’elle soit comme une rivière sauvage qui sort quelquefois de son lit, parce que je n’ai pas comme vous l’attirail du savoir ni des lois, et parce qu’en la racontant à ma manière, je ne sais pas, ça me fait quelque chose de doux au cœur, comme si je flottais ou quelque chose comme ça, peut-être comme si rien n’était jamais arrivé ou même, ou surtout, comme si là, tant que je parle, tant que je n’ai pas fini de parler, alors oui, voilà, ici même devant vous il ne peut rien m’arriver, comme si pour la première fois je suspendais la cascade de catastrophes qui a l’air de m’être tombée dessus sans relâche, comme des dominos que j’aurais installés moi-même patiemment pendant des années, et qui s’affaisseraient les uns sur les autres sans crier gare. »*



– Je ne me souviens que du fait que Platon m'avait rejoint sur ma colonne en même temps que le grondement des vagues montait des profondeurs du gouffre. Cela avait eu un effet sur le comportement de Platon, je l'ignore. C'est ainsi que nous nous retrouvâmes "flottant au milieu de l'océan. Cependant, nul ne devrait ignorer que les images sont trompeuses. La colonne sur laquelle nous étions juchés, loin de s'être effondrée, sous l’action de l'eau et des tourbillons qui se formaient, s'était, "comme par miracle" remise parfaitement d'aplomb...



*Tanguy Viel, Article 353 du Code pénal


 

mardi 24 janvier 2017

24 janvier 2017

Entre le noyau et le manteau... 
si les faits sont là, ce qui s'est fait peut se défaire
ou se refaire...
--> qui sait si, bientôt, vous verrez que ces histoires,vous les vivrez peut-être à notre place…


La colonne dont je vous parle depuis quelques jours, autour de laquelle nous étions, le petit chien Platon et moi, n'était pas très grande. Mais il nous arrivait, jamais ensemble cependant, qu'elle nous apparaisse comme un territoire sans fin.

– Comment est-ce arrivé?
– Je n'en sais absolument rien... Comment voulez-vous que je le sache? Au moment même ou la colonne sur laquelle je tentais de me tenir en équilibre allait sombrer, subitement, l'eau est montée et je me suis retrouvé là où vous me voyez. La terre vit à son rythme et si nous en faisons partie, la moindre éruption nous dépasse. Nous ne sommes rien... J'imagine que tel un volcan ce qui se passe ici est impossible à gérer. Nous avons beau essayer de comprendre il semblerait qu'en profondeur, il soit impossible de comprendre.

lundi 23 janvier 2017

23 janvier 2017

"Vous ne saurez rien et pourtant, tout est dit..."


La sentence était lourde de sens, mais, selon elle-même, elle disait vrai. Damon ne comprenait plus rien. Il avait beau "avoir lu" le livre, en avoir été émerveillé et porter en lui une somme de connaissances dont peu de temps auparavant il ne connaissait même pas l'existence, il se rendait à l'évidence: il n'en savait pas plus. En plein déséquilibre, dont il ne pouvait savoir s'il était dû à son état ou à celui de la colonne où malgré lui, il s'était réfugié. 

– De toutes manières je n'ai pas le choix, cette colonne va s’effondrer et m'engloutir avec elle. Il vaudrait mieux que je prenne le risque de sauter avant. Au pire je subirai le même sort que celui qui m'attend de toutes façons si je reste là... 

C'est justement le moment que choisi le petit chien Platon pour réapparaître... à moins qu'il ait été là et  que Damon n'ait pas su le voir.

dimanche 22 janvier 2017

22 janvier 2017

Lorsque nous sommes face à un visage, nous le voyons comme un tout  grâce à un processus d'intégration des parties  qui se déroule , selon la compréhension qu'en ont certains scientifiques et médecins, dans les nerfs optiques bien avant  qu'une transmission n'atteigne  le cerveau. L'abondance, par ailleurs étourdissante d'informations qui frappe la rétine est distillée dans ce réseau de fibres  derrière l’œil sous la forme d'un signe que notre intelligence peut appréhender.*

Au bout de très peu de temps Damon n'eut plus besoin du livre pour découvrir les secrets  qui s'y trouvaient enfermés... En principe, ses yeux étant fermés, il n'aurait rien dû voir, mais, sans avoir rien à faire, bien à l'abri de toute volonté et sans qu'aucune pensée ne lui vint à l'esprit, il voyait absolument tout... enfin, c'est ce qu'il disait.



– De mémoire en mémoire, c'est tout le livre qui se réécrit en permanence... Il m'avait suffit de fermer les yeux pour que la voûte du ciel s'ouvre et que tout m'apparaisse comme nouveau et infini.


* À la lumière de ce que nous savons
Zia Haider Rahman
Christian Bourgeois éditeur




samedi 21 janvier 2017

21 janvier 2017




Platon, lassé d'attendre avait entrepris l'exploration plus poussée de la grotte dans laquelle ils étaient. Pendant ce temps, il était presque impossible de dire, à moins de passer beaucoup de temps à l'observer, si Damon, c'est ainsi que le nom de "P'tit Daemon" avait évolué, enfin... c'est ainsi qu'il l'avait exigé..., si Damon dormait, lisait, ou réfléchissait... En tous cas, lui disait qu'il faisait les trois ensemble et que c'était exactement pareil. Non pas que les trois se valaient, pas du tout, mais qu'ensemble ces trois activités constituaient une sorte de tout auquel chacune contribuaient à sa façon. Lui-même, parfaitement concentré à la réalisation de ce qu'il appelait sa tâche, ne prêtait aucune attention à la disparition de son maître et au fait que les fumerolles, quasi permanents, quoique d'intensités très variables, semblaient provenir tantôt du dedans et tantôt du dehors...

vendredi 20 janvier 2017

20 janvier 2017

La colonne de fumée captait au moins autant l'attention du petit daemon... que le livre que lui avait offert Platon. Une sorte d'aller et retour presque permanent avait lieu entre ces deux choses bien différentes et pourtant c'était comme si elles ne formaient qu'une seule et même entité...



– Lire est une fonction bien étrange. Vous êtes tranquillement installés sur votre colonne, certes, étrangement intranquille mais relativement stable et d'un coup votre esprit s'envole littéralement et vous vous retrouvez dans un autre espace, parfaitement différent de celui dans lequel on pourrait dire que vous êtes vraiment et qui, par une sorte de grâce, vous est devenu indifférent. Et tout cela s’effectue grâce aux interactions qui ont lieu dans votre cerveau et dont nous ne connaissons presque rien si ce n'est de vagues notions, spéculations ou croyances soumises aux aux injonctions d'un ordre social si ce n'est moral...
Qui sait ce qui se passe dans la tête de celui qui lit?

jeudi 19 janvier 2017

19 janvier 2017

Si, par le plus surprenant des hasards, vous eussiez pu vous approcher de ce couple improbable, alors il se pourrait que vous eussiez pu remarquer le regard du petit daemon. On eut dit qu'il était fasciné par le livre, mais un examen plus approfondi vous aurait certainement suggéré de constater qu'il fut possible que la colonne de fumée captait au moins autant son attention...



Cependant, à intervalles réguliers, la voix de Platon prononçant les mots du livre, le ramenait à ce qu'il appelait la réalité.

– De fait, il ne s'agit que de la réalité du livre, pensait le petit daemon.
– Le livre est une réalité comme une autre... pensait à son tour Platon, comme s'il eut entendu la pensée du daemon. Et ce dernier faisait de même, si bien qu'il s'agissait, dans ces moments, pour un esprit non averti, d'un véritable dialogue de sourds...

















mercredi 18 janvier 2017

18 janvier 2017

Léonard de Vinci, un jour, griffonna sur un bout de papier une sorte de dicton sur la manière dont une œuvre voilée s'adresse à celui qui la regarde :

« Ne découvre pas si la liberté t'est chère, mon visage est prison d'amour. »*



– "La vie, voyez-vous, ça n'est jamais
si bon ni si mauvais qu'on croit."**

– Dites toujours...
– En ce moment même, la même scène...
– Que celle d'hier?
– ... en tous points semblable, se produit... 
– Comme l'inlassable répétition des jours et des nuits... Mais où cela?
– Dans ce monde, ailleurs...
– Voilà qui n'est pas plus précis que ce que hier vous m'aviez dit et vous ne m'avez point totalement répondu...
– C'est écrit.
– C'était écrit, je m'en souviens, mais où était-ce écrit?
Et, je répète ma question, n'y aurait-il point quelques doutes de nature à soumettre cette affirmation à la question... 
– C'était écrit dans ce petit livre-ci...



* Cité dans "Théorie de l'acte d'image2
Horst Bredekamp 

Maupassant, Une vie.

mardi 17 janvier 2017

17 janvier 2017

Sur l'autre rive du monde les lumière, les unes après les autres, lentement comme un cortège dans le lointain, perdaient de leur intensité, vacillaient, puis disparaissaient cependant qu'ici, elles arrivaient...




– Tu ne me croiras...

– Dites toujours...
– En ce moment même, la même scène...
– Jusqu'à quel point?
– ... en tous points semblable, se produit... 
– Où cela?
– Dans ce monde, ailleurs...
– Voilà qui n'est pas des plus précis et comment le savez-vous?
– C'est écrit.
– N'y aurait-il point quelques doutes de nature à soumettre cette affirmation à la question?

lundi 16 janvier 2017

16 janvier 2017

Loin, très loin de là, sur une colonne presque en tous points semblables, deux chiens, ressemblants à s'y méprendre à nos héros, se demandent, tout comme eux, ce qu'ils font ici. Un ici qu'ils ne peuvent situer, rejoignant en cela l'humanité toute entière, qui, si elle sait à peu près se situer sur le caillou au cœur de feu sur lequel ils vivent, en oublient presque totalement que cet endroit n'est  rien à l'échelle de l'univers auquel, malgré eux, ils appartiennent...




– Où sont-ils?

– De qui parlez-vous?
– De ceux dont nous entendions les voix il y a quelques instants.
– Je n'ai rien entendu, ou alors... Je crois que ce dont vous parlez est cela même que vous disiez... en d'autres termes c'est de votre voix qu'il s'agit.

dimanche 15 janvier 2017

15 janvier 2017



– Où sont-ils passés?

– Passé ou passés, passé... que voulez-vous dire par là?
Et cessez de vous approcher du bord, ne voyez-vous pas que, quelqu'en soit le sens, nous sommes en plein déséquilibre ?

samedi 14 janvier 2017

14 janvier 2017

"Il suffisait que mon regard se pose sur ces pages  pour que mes yeux se remplissent de larmes tellement certaines images  me remplissaient d'aspiration , D'autres me laissaient indifférent. C'était là mon seul critère en matière de beaux-arts, l'émotion qu'elles suscitaient. Le sentiment d'infini. Le sentiment de beauté. Le sentiment de beauté."*


– Dites-moi, cher Platon, est-ce dû aux effets du vertige ou est-ce que réellement nous sommes en train d'être aspiré sur cet amoncellement douteux qui ressemble à une colonne ou alors est l'horizon qui descende en même temps que la nuit nous montre ce qui de jour ne peut être vu? Se peut-il que de si nombreux détails se forment et se défont en si peu de temps  et comment se fait-il qu'en de si profondes gorges le ciel soit encore présent?


* Karl Ove Knausgaard
La mort d'un père

vendredi 13 janvier 2017

13 janvier 2017



 – Dites-moi Platon, maintenant que mon esprit s'élève en direction du votre, dites-moi ce qu'est une opinion...

– « La  science,  dans  son  besoin  d'achèvement  comme  dans  son  principe,  s'oppose absolument à l'opinion.  S'il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l'opinion, c'est pour d'autres raisons que celles qui fondent l'opinion; de sorte que l'opinion a, en droit,  toujours  tort.  L'opinion pense mal;  elle  ne pense pas :  elle traduit des  besoins en  connaissances.  En  désignant  les  objets  par  leur  utilité,  elle  s'interdit  de  les  connaître. On ne peut rien fonder sur l'opinion: il faut d'abord la détruire. Elle est le premier  obstacle  à  surmonter.  Il  ne  suffirait  pas,  par  exemple,  de  la  rectifier  sur  des points  particuliers,  en  maintenant,  comme  une  sorte  de  morale  provisoire,  une connaissance   vulgaire   provisoire.   L'esprit   scientifique   nous   interdit   d'avoir   une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons  pas  formuler  clairement.  Avant  tout,  il  faut  savoir  poser  des  problèmes.  Et quoi qu'on dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d'eux-mêmes. C'est  précisément  ce sens  du  problème qui  donne  la  marque  du véritable  esprit scientifique.  Pour  un  esprit  scientifique,  toute connaissance est  une réponse  à  une question.  S'il  n'y  a  pas  eu  de  question,  il  ne  peut  y  avoir connaissance  scientifique. Rien ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est construit.»*

– Eh bien! Si j'ai bien compris, nous voilà réduit au silence...



* Gaston Bachelard
La formation de l’esprit scientifique

jeudi 12 janvier 2017

12 janvier 2017

La vérité ne s'inscrit pas au même endroit que l'opinion.
Elle pourrait bien être son envers.


Platon , le daemon, essaie d'expliquer à Platon le petit chien, quelle pourrait être ce qui les différencie. Naturellement chacun sait que cette différence supposée est d'autant plus infime qu'il se pourrait qu'elle puisse être réduite jusqu'à sa propre disparition...



– Voyez-vous cher Platon, le sujet passionne certains êtres humains depuis des temps immémoriaux. Il faut dire que les hommes, et ceux dont je parle  en particulier, ont du monde une vision essentiellement humaniste. C'est-à-dire qu'ils pensent que le monde tourne autour d'eux comme jadis ils pensaient que le soleil tournait autour du monde...

mercredi 11 janvier 2017

En vérité...

 Le Platon dont il est question ici, dans cette histoire est bien loin du Platon des origines. S'il porte le nom de Platon, c'est à la manière des ânes qui transportent ce qu'on leur met sur le dos...
Ainsi sur le dos de Platon, vivent un certain nombre d'idées que ses parents, s'il en a, ont déposé sur ses frêles épaules... à moins qu'elles ne s'y soient installées là par hasard... au gré du vent et des rencontres. C'est parfaitement vrai et dans le même temps, c'est parfaitement faux. L'imbécile, quelque soit son humeur, qui voudrait tracer la ligne de démarcation entre ces deux mondes courrait le risque de tomber aussi sûrement que Platon dans ces failles profondes où lézardent d'innombrables mémoires. Mais, il se pourrait que cela soit sans la grâce de celui-ci.


 
– « Demandez-moi ce que vous voulez
et je vous répondrai le plus justement possible.
Mais je ne dirai jamais la vérité... ».

– Et pourquoi donc?
– Pour la plus simple des raisons : elle n'existe pas. 
Le petit chien Platon, ne pensant nullement à fanfaronner, tarde à remettre les pieds sur terre et à se diriger selon ce qu'il sait faire avec son nez.



Mais, d'un autre côté, il progresse dans le domaine du daemon et peut-être même dans le domaine leur maître et c'est presque stupéfait qu'il s'entend dire: 
– Vous me parlez de disparition de la vérité... mais ne serait-ce pas là une forme d'excès qui frôle le délire... Une forme de langage dégénéré à la poursuite de chimères intellectuelle et qui trouve en lui-même ce qui va le faire chavirer dans le non-sens...

mardi 10 janvier 2017

10 janvier 2017

"Pour un cœur, la vie est une chose simple : il bat aussi longtemps qu'il peut , puis il s'arrête. Un jour ou l'autre, ce mouvement scandé cesse de lui-même et le sang commence de refluer vers le point le plus bas du corps où il s'accumule en une petite flaque visible de l'extérieur, comme une tache molle et sombre sur la peau de plus e plus blanche, en même temps que la température baisse, que les membres se raidissent et que les intestins se vident. Ces transformations des premières heures se font si lentement et avec une telle assurance qu'elles ont quelque chose de rituel en elles comme si la vie capitulait selon des règles précises, un genre d'accord tacite auquel même les agents de la mort se soumettent avant d'entamer leur invasion du territoire qui, elle, est irrévocable. Rien ne peut arrêter les hordes de bactéries qui commencent à se disséminer à l'intérieur du corps. Si elles avaient essayé, ne serait-ce que quelques heures plus tôt, elles auraient été combattues immédiatement, mais là, tout est calme"...*




– Chantez mes amis! comme me le disait mon maître... notre maître... La musique est le chemin du retour. Écoutez comment du fonds des gouffres montent une musique en tous points semblables à celle venue du ciel...
 – Obéissez, mes chers amis, ne soyez pas inquiets, selon la loi de la Raison et de la Gravité, la chute, de la naissance à la mort est chose inéluctable !
Pensez-y pendant qu'il est encore temps, profitez de ce long vol plané et regardez monter des profondeurs ces sublimes constructions qui sont le fait d'une sorte d'architecte aussi génial que méconnu...

On peut deviner le léger cynisme contenu dans le discours comme le mystère subsiste sous les manteaux...





*Karl Ove Knausgaard, La mort d'un père

lundi 9 janvier 2017

9 janvier 2017

"Que de misère potentielle sous le plus affable des sourires...
Le fait est que notre réalité est plus ou moins représentable. Le fait est que ces images qui nous gouvernent et que nous produisons en permanence, ne sont que le plus pâle des reflets du creuset en éternelle fusion de cette autre réalité, toute aussi in-montrable, qui siège et déborde de ce que nous appelons nos esprits. Quelles qu'en soient les raisons, rien ne peut arrêter la chute..."*


Juste avant que Platon ne découvre se qui se cachait encore sous le manteau, soit que ce fut l'effet d'une maladresse ou acte volontaire, la main qui les tenaient s'est ouverte en même temps que le gouffre dans lequel tout le monde va être précipité...


* Walid Neil, La statue intérieure

dimanche 8 janvier 2017

Sous les replis du manteau






Pendant que le petit Platon, cherche encore sous le replis de son manteau, ce qui gigote et le démange encore... Platon le petit chien et Platon le daemon, l'air de rien, poursuivent un dialogue sous le couvert du silence...

– Le saviez-vous, cher Daemon, vous permettez que je t'appelles comme cela, que, selon Humes, "la philosophie morale, ou science de la nature humaine, peut se traiter de deux manières différentes; chacune d'elles a son mérite propre et peut contribuer au divertissement  et à la réforme de l'humanité".*

– Heureusement qu'ils ne t'entendent pas...

– Pourquoi donc faites-vous usage du pluriel? Est-ce là un exemple de ce qui s'appelle un pluriel de majesté dont nous devrions faire usage à l'égard de notre maître? 

Est-ce bien nécessaire qu'un petit animal comme toi se laisse aller à cette sorte d'humeur dont rien ne peut prouver qu'elle puisse être une vraie nécessité. Il est vrai que rien de tout cela n'est entièrement vrai...

... ni entièrement faux...

– Laisse-moi finir et ne m'interromps plus. Chacun de nous est sujet de sa propre nature. C'est une base à laquelle nous ne saurions échapper. Mais cette base, en elle-même, a des frontières on ne peut plus floues que nulle savante périphrase ne saurait délimiter clairement sans commettre d'abus. Et aussi petit que soit cet abus il serait un abus à part entière... Pour revenir à tes questions, il faut que tu saches que notre maître, que je connais bien, puisque je suis une part de son être, n’étant pas son propre maître, il n'est, par conséquence, pas le nôtre...

8 janvier 2017



– À quoi peut bien servir notre mémoire?

– À quoi peut bien servir notre mémoire? demande le petit chien Platon à son compère le daemon?
– Peut-être vaudrait-il la peine de se poser, comme bien souvent, la question inverse...
– Mais enfin quelle que soit cette mémoire, elle doit bien avoir un commencement dans lequel l'être qui la possède ou commence à la posséder, si toutefois il s'agisse bien d'une possession... à moins que, comme tu le préconisais à l’instant, il se pourrait , en inversant les choses, que ce soit cette mémoire qui nous possède...
– Bravo jeune chien, voilà qui est de bonne augure! Il se pourrait que la réponse à ta première question soit toute proche...

Il va sans dire que ce dialogue n'est pas audible... Il se passe dans une sorte d'intérieur auquel les êtres humains non éduqués n'ont pas accès... Au-delà de ce dialogue, il est encore bien des détails auxquels il sera bien difficile d'accorder quelque vraisemblance... et pourtant...

samedi 7 janvier 2017

Il y a daemon et démon...

Grands ou petits, il y a daemon et démon...

Si l'on eut dit qu'une sorte de mouvement perpétuel agitait les esprits de chacun, le mystère, dans son entier, n'était pas encore à portée de main et si celles de Platon lui semblaient familières...


– Dans les plis et les replis de toutes choses se cachent et se dévoilent les mystères du monde.

7 janvier 2017

Comme si le nombre n’était pas encore atteint, une nouvelle surprise attendait tout ce petit monde. Sous le manteau, une autre bosse, aussi agitée que la première, ne cessait de danser et ainsi de faire danser le monde... Impossible de voir ce mystère et rester immobile. On eut dit qu'une sorte de mouvement perpétuel agitait les esprits de chacun.

vendredi 6 janvier 2017

6 janvier 2017

Nous croyions que nous pourrions
changer le cours du monde,
nous le faisons, mais si peu...

Pour que la lumière,
nécessaire et malheureusement
insuffisante, encore, soit faite...
un tant soit peu, sur cette histoire,
il est heureux que le mystère
de la petite boule dansante
soit sobrement dévoilé.
– Bonjour, petit daemon,
soyez le bienvenu
dans notre compagnie!

La bonne volonté et l'incessant travail de découverte ne suffit pas toujours. Le dos du bossu se trémousse encore...


jeudi 5 janvier 2017

5 janvier 2017

"C'est quand le fil de la tradition se rompt que peut s'ouvrir un certain accès au passé..."*


 Platon avait devant les yeux, entre ce qu'il pensait être ses deux mains, un autre lui-même visiblement agité. Il semblait danser, ce qui le mettait en joie. Il lui montrait toutes sortes de directions dans lesquelles lui même ne voyait rien. Il se dit qu'il lui manquait quelque chose qui tenait de la perception. Il lui paru normal qu'un être si petit lui parlât avec une force égale à sa grandeur, ce qui lui fit fermer les yeux et tendre l'oreille. Il mit toute son attention à ce qu'il entendait. Cela lui mit "la puce à l'oreille", et nous verrons qu'il ne s'agissait pas vraiment d'une image... C'est cela aussi qui lui fit ouvrir les yeux, et son regard, rendu plus aigu et plus attentif lui fit voir une sorte de bosse dans le dos de cet autre, bonhomme étrange ressemblant à une marionnette dont les fils eussent été escamotés... une bosse mouvante qui s'agitait au même rythme...



* Cf. Annah Arendt



mercredi 4 janvier 2017

4 janvier 2017



– Voilà donc la clé du mystère avec qui, sans le savoir, je dialoguais depuis quelques jours ou beaucoup plus longtemps encore...

Vif et rapide, d'un geste surprenant, Platon rattrape ce petit être qui lui rappelle quelqu'un. Laissant son regard descendre dans ses propres profondeurs, il comprit qu'entre ses mains se dressait, le contemplant avec une sorte de joyeuse autorité, une curieuse réplique de lui-même... Elle tendait la main vers celle qu'il tendait. 


mardi 3 janvier 2017

3 janvier 2017

"Les recherches insensées sont parentes
de découvertes inconnues"*


 À la façon des gouttes de mercure qui s’écoulent, les idées suivent des chemins difficiles à anticiper. Qu’elles aient ou non des visées d’emblée pratiques, elles se répandent, se fragmentent, se retrouvent pour former de nouvelles confluences ce qui rend leurs destins imprévisibles.**




– Savez ce qui m'est arrivé?
– Comme le port voit arriver le bateau... Non, je ne vois pas.
– Il n'était point passé plus d'une demi-nuit que nous avions passé à converser le plus sagement qu’il fut possible, quand il nous advint quelque chose que ne ne parvenais point à m’expliquer. Nous étions là assis et je n’avais pas le moins du monde le sentiment de m’être mal gouverné ni que nous ayons prononcés quelques mots inconvenants, même pas de "subtiles arrogances", mais je sentais que les événements de cet instant ne seraient pas sans conséquences… J'entendis comme un claquement de doigt puis une longue plainte rauque et profonde, tout à la fois, presque imperceptible et dont l'écho semblait ralentir les rythmes rocailleux et fugitifs apparaissant et disparaissant sans que pour autant elle paraisse moins présentes. C’est alors que, sans que nous l'ayons souhaité, la roche, à nouveau, exactement comme en cet instant, s’ouvrit sous nos pieds… J’essayai en vain d'y échapper... La seule chose qui disparu fut l'ensemble de mes pensées. Ne subsistait que mes sensations et la joie qu'elles me procuraient...




* Paul Valéry

** Etienne Klein, la Conversation scientifique, France Culture, 31 décembre 2016 

lundi 2 janvier 2017

2 janvier 2017

"Dans ce monde où la vie éclate en toutes chose"*...

Pendant qu'il est encore temps, Platon, indifférent aux fêlures qui se forment sur le socle rocheux de toutes vies et à ce curieux calendrier qui dicte le rythme de nos vies, profitant des forces obscures venues des profondeurs, continue joyeusement et vaillamment son voyage.
D'ailleurs, a-t'il vraiment le choix?

– Le temps n'est pas chose facile à comprendre
et la plupart d'entre nous ne cherche rien de ce genre...


 – Pour chacun d’entre-nous, les faits montrent qu'il nous est facile de se passer de cette compréhension... Quelle que soit celle-ci, le temps passe. Nous sommes de penser comme il nous plaira et il en est de même pour quiconque déciderait de penser... Ainsi le temps serait animé d'un mouvement qui nous échappe... et pourtant, si j'en crois le discours le plus banal, nous pourrions "prendre" le temps... comme si le temps était un vulgaire objet que nous pourrions
"prendre" en mains...
Et nous pourrions alors, aussi bien, le "perdre"...

– Je comprend cela mais il me semble pourtant que ce n'est pas ce qu'ils montrent, à leur insu peut-être...
– Qui sont "ils" et que veux-tu dire?
– "Ils" sont le monde... en tous cas celui dont ils sont conscients et je veux dire que c'est aussi une chose bien particulière que cette habitude... disons un peu ridicule... de dire qu'à une certaine date une année commence... et naturellement qu'une autre finit. Nous savons tous deux que le temps n'est pas cela. Nous le savons, mais nous ne savons pas comment il fonctionne et comme tout le monde nous espérons qu'il fasse une sorte de pause, peut-être une cassure pendant laquelle nous pourrions agir en dehors de ce temps...  et de là, formuler ces vœux qui dans le temps seraient impossibles ou presque…


* Homme ! libre penseur - te crois-tu seul pensant

Dans ce monde où la vie éclate en toute chose :

Des forces que tu tiens ta liberté dispose,

Mais de tous tes conseils l'univers est absent.



Respecte dans la bête un esprit agissant : 
...
Chaque fleur est une âme à la Nature éclose ;

Un mystère d'amour dans le métal repose :

"Tout est sensible ! " - Et tout sur ton être est puissant !



Crains dans le mur aveugle un regard qui t'épie

A la matière même un verbe est attaché ...

Ne la fais pas servir à quelque usage impie !



Souvent dans l'être obscur habite un Dieu caché ;

Et comme un œil naissant couvert par ses paupières,

Un pur esprit s'accroît sous l'écorce des pierres !

Gérard de Nerval, Vers dorés

dimanche 1 janvier 2017

1er janvier 2016

En ce temps-là, sur le chemin des jours et des nuits...

En ces temps-là, sur le chemin des jours et des nuits, nous étions déjà bien au-delà de ce futur qui, à ce moment-là, nous donnait la furtive impression d'être si lointain...
Si nous lisions avec ce que nous pensions être nos propres sensations, le plus souvent, elles se confondaient avec celles de l'auteur, ou du moins avec celles qu'il invente ou construit avec les images de ses mots. À bien y réfléchir, elles pourraient ne pas être les siennes, ou celles de ses personnages, et, simplement, être celles du lecteur, les vôtres, les miennes. Ces idées, tout comme les voix qui les portent, il les entend ou peut-être les imagine comme des alliances, qu'il aurait en tête de susciter. Comment ces idées ou ces voix passent d'une tête à une autre? Voilà bien une question digne d’être posée par un enfant. Par un de ces enfants qui, en un instant s'allient, jouent, s'affrontent et croient à ce jeu qui se joue du temps comme ces objets qui passent de mains en mains, de têtes en têtes, sans arrêt jusqu'à maintenant. Pas à pas... jusqu'ici... Juste ici, au delà des images qui s'offrent aux regards. Du haut du ciel jusqu'à terre, les fils sont retombés. Une infime et infinie  présence en laquelle le trouble, au coeur des choses, comme un miroir s'est installé. La roue tourne. Le sablier se retourne. L'inversion du temps et de l'espace peut opérer. Le haut est devenu le bas. L'homme aux habits rapiécés et aux liens déliés, autrefois mendiant, sans cesser de sourire  marche sur les mains, salue et honore Danaé en déversant une pluie que Zeus lui-même ne saurait dédaigner. L'opéra qui se déroule et se raconte alors appartient à chacun.

 Dans ce même temps-là, sur le chemin des jours et des nuits...

Mailleurs voeux pour l'année 2017
Daniel Will