lundi 31 octobre 2016

31 octobre 2016



Le "Magicien" avait été une grande vedette. En pleine gloire, il avait brusquement disparu de scène, comme un effet indésirable de son propre spectacle. En réalité, mon père l'avait fait enlever pour le prendre à son unique usage. S'il avait su ce qu'il était vraiment capable de faire, il y a fort à parier que sa disparition eût été définitive. Sa tâche consistait à m'embellir la vie. Naturellement sa vision ne rejoignait pas toujours pas celle de mon père, ni, dans une certaine mesure, la mienne... Il était capable de vous déshabiller d'un seul regard...

dimanche 30 octobre 2016

30 octobre 2016



– J'étais bien loin d'être la plus malheureuse des femmes, et pourtant je ne mesurai point le bonheur que j'eus dû éprouver.... En ces circonstances toutes sortes de gens, et non des moindres,  eussent souhaité être à ma place... Comment pouvait-il se faire que je n'en éprouve point plus de félicité? Se pouvait-il que l'arrivée permanente de ces flèches gigantesques me perturbent plus que nécessaire? Je crois aussi que je me demandais constamment ce que je faisais dans cette histoire où rien ne me semblait être à sa place. Cela pouvait aller jusqu'à la limite du supportable et du vraisemblable...Ce n'était pas banal du tout... Mes images ne restaient pas dans leur cadre d'origine, Elles se mélangeaient à ma vie de telle façon qu'il m'était impossible de reconnaître si je vivais dans le passé ou le présent. Quand au futur, je n'étais pas, pour des raisons évidentes que chacun peut comprendre, en mesure de le reconnaître. Quand, ainsi, le "Magicien" surgit sur la plage, je savais qu'il n'avait rien à y faire et j'étais fort inquiète qu'il vint à se faire voir par mon compagnon.

samedi 29 octobre 2016

29 octobre 2016




Soit que ce fut l'effet de cette séparation, soit que l'effet fut celui du frottement de la perle, je me mis à rêver. Non seulement dans mon sommeil, mais à tous moments de la journée. La première image qui me vint était celle de mon arrivée.
Je connaissais la phrase célèbre d'Hippocrate: "Toutes les fonctions du corps ou de l'âme, dans le sommeil, l'âme les accomplit toutes", mais là c'était en plein jour qu'elles s'accomplissaient. Rien de plus banal, me direz-vous ?..

vendredi 28 octobre 2016

28 octobre 2016



Oeil-de-Braise avait à peine fermé les yeux lorsque le petit chien avait montré les crocs. Il s'en était fallu d'un rien pour qu'il ne la morde. Plus que cela, et plus qu'aucun discours, la vision d'un petit être agile et si câlin se transformant en un monstre repoussant pouvait démontrer de brillante façon le mécanisme qui peut transformer l'homme en animal... ou l'inverse... Elle ne le vit pas, mais, comme tant d'autres, il se peut qu'elle ne voulut pas le voir, scellant en son cœur un secret qu'elle se refusait à connaître. Elle ne vit pas non plus ce qu'il fit pendant l'instant de leur dernière étreinte. Il parcourut l'île en tous sens, urinant et déféquant en tous lieux. Il se frottait et se léchait l'arrière train en aboyant de manière obscène.

jeudi 27 octobre 2016

27 octobre 2016




Chaque matin, je faisais le tour de l'île en quête de nouveauté. Je m'interrogeais sur le sens à donner à ces grandes arêtes en forme de flèche que je retrouvais en quantité, au petit matin, dans toutes les parties de l'île. D'où venaient-elles, qu'étaient-elles et où allaient-elles ? Et puis j'aimais beaucoup sentir le vent s'engouffrer dans ma tunique et me donner la sensation que j'allais m'envoler par le même chemin qu'avaient empruntés ces flèches pour arriver jusqu'ici.

mercredi 26 octobre 2016

26 octobre 2016



Il s'en était allé sans mot dire, sans un regard, d'un air étrange. Même là, devant nous, on eût dit qu'il était absent. Une sorte de transparence ou se dessinait une longue route. J'avais froid, je tremblais et fermait les yeux. Quand je les rouvris et levait la tête, il n'était plus là. Dans ses mains, celui dont je ne connaissais pas le nom, tenait en sa main une perle.
- À ce moment, raconte l'inconnu, j'écartais ses longs cheveux noirs. Elle était très pâle et très belle. Je lui fis cadeau de cette perle, qu'elle porte à l'oreille.
Cependant elle n'était ni douce, ni naïve, et encore moins obéissante. L'union dans les îles désertes s'environne de bien peu de cérémonies : il y a peu de conséquences funestes pour un homme comme moi d'entreprendre. Elle ne résista pas, et je ne lui donnais jamais aucun sujet de se repentir.

mardi 25 octobre 2016

25 octobre 2016




Lorsque enfin il fut de retour, tout avait changé. À commencer par lui. Ce n'était plus le jeune garçon que j'avais connu. Je le reconnaissais à peine. Il faisait peine à voir et avait acquis une sorte de dureté malsaine qui m'effrayait. Quand je tendis ma main vers lui, son visage se ferma, en même temps que ses yeux. Tout son corps se raidit. Il émit une sorte de grognement. On eût dit un animal blessé. C'était un homme, maintenant. Il allait me le prouver. C'est alors que je découvris la cicatrice. Jamais il ne me racontera ce qui s'était passé.

lundi 24 octobre 2016

24 octobre 2016



Le lendemain, comme à son habitude, mon compagnon avait disparu. J'étais seule avec le nouveau venu. Je décidais de l'interroger sans détour. Je plantais mon regard dans le sien, ce qui je crois le mit mal à l'aise. Il baissa les yeux, stupéfait, je pense, par ma franche présence... Il gesticulait sans cesse, sans doute en proie à un trouble, un combat intérieur que je ne pouvais comprendre...
Quand je lui demandais qui il était, il me répondit, après avoir réfléchit longtemps, ce qui finit par mettre à mon tour, mal à l'aise...
- Je n'en sais rien !
Et il ajouta, sans prendre la peine de réfléchir plus longtemps :
- D'ailleurs, je ne sais rien... 




Mon jeune compagnon ne réapparut pas pendant plusieurs jours. J'étais inquiète. La tempête avait dû faire beaucoup de dégâts. Chaque jour, mon nouveau compagnon et moi-même, découvrions des restes qui ne pouvaient provenir que de naufrages. Je dois à la vérité de dire que je fus surprise par les capacités d'émerveillement et d'adaptation de cet homme. Tout lui était prétexte à étude. Au lieu de parler d'étude, je ferais mieux de parler de jeu. Il regardait chaque chose comme il m'avait regardée et j'avoue qu'il m'arrive d'être troublée quand j'y repense. Puis il la prenait en main, littéralement et physiquement, et savait joyeusement en tirer le meilleur. Je frissonnais... Il ne parlait pas beaucoup, mais ne se gênait nullement. Je pensais que c'était, de loin, et malgré sa dysharmonie apparente, l'homme le plus intelligent que j'eus rencontré... 

dimanche 23 octobre 2016

23 octobre 2016







L'homme, bien que fort rustique, peu élégant et court sur patte, avait l'air aimable. Il souriait mais ne disait rien. 




La rencontre entre mon petit protégé et le nouveau venu fut des plus houleuse. Ce n'était pas du à un dispute, mais au fait que, cette nuit-là, il souffla très violemment. Un vent de tempête qui empêchait toute parole d'atteindre son but et qui menaçait presque d'emporter notre île. Ce ne fut heureusement pas le cas. Mais au matin, plus aucun chemin de sable ne nous reliait au reste du monde. Fallait-il considérer le tout comme un signe du ciel ? Fallait-il considérer les grands gestes menaçants des deux protagonistes comme des éléments d'une bataille ou ne faisaient-il finalement que lutte commune contre les éléments déchaînés ? Et dans ce cas, comment fallait-il interpréter cette colère du ciel ? 

samedi 22 octobre 2016

22 octobre 2016






A midi, avec exactitude, il me revenait... 
Malgré tout ce qui se passa par la suite, jamais je ne pourrais oublier ce temps-là.







Il peut arriver de drôles de choses à des moments imprévus. Ainsi, oubliés et oublieux des affaire du monde, nous étions parfaitement heureux. Nous ne sous sommes guère inquiété lorsqu'est arrivé sur notre île un petit bonhomme barbu, rondouillard et dansant, enveloppé dans une grande toge blanche flottant au vent.

vendredi 21 octobre 2016

21 octobre 2016




Malgré le fait que j'étais encore très jeune à cette époque là, j'avais déjà une longue expérience de la vie... et si j'étais arrivée là par hasard.
Plus tard, beaucoup plus tard, et je ne le savais pas encore, comme vous pouvez aisément vous l'imaginer, ce ne sera pas pour les mêmes raisons que je reviendrai. 



Je le regardais partir, chaque jour à minuit très précisément. Toujours avec son compagnon, qu'en secret je jalousais et qui me le rendait avec dédain, ils partaient au loin, semblant ne pas me voir. 


jeudi 20 octobre 2016

20 octobre 2016





J'ai connu le colonel alors qu'il n'était encore qu'un jeune et pauvre pêcheur. Presque un enfant. Dans l'insouciance de sa jeunesse et du fait que l'île sur laquelle il habitait était, si l'on exceptait sa famille, quasi déserte, il se promenait entièrement nu. Ce jour-là, il ramenait une pêche quasi miraculeuse. Mon arrivée dans sa vie s'était déroulée sous les meilleures hospices. 



Au moment de tirer sa barque trop légère hors de l'eau, il me lança un seul regard. C'était tout. Le monde que j'avais devant moi serait désormais mon seul  univers. Quand je pensais cela, je ne pouvais me douter à quel point ce serait vrai. 

mercredi 19 octobre 2016

19 octobre 2016




Oeil-de-braise se souvenait avec émotion du temps où le colonel, encore jeune, ne s'intéressait pas encore aux uniformes, mais aux miennes.

mardi 18 octobre 2016

18 octobre






La garde secrète du colonel ne le sera plus très longtemps. Le mystère des poupées d'Illusion sera bientôt levé... 



Un calme pesant règne dans le château du colonel Ortho. Oubliée dans une chambre de la tour du midi, Oeil-de-Braise se consume. Que ne ferait-elle pas en échange d'un regard ?
- Tout ce temps perdu que je ne peux savourer !..

lundi 17 octobre 2016

17 octobre 2016



 Ainsi, quand nous eûmes à faire face à celle que nous appelions Myrâme, nous fîmes assez bonne figure pour faire illusion. Comme je le pensais, ils furent fascinés par la boule. 






Quelque chose ne fonctionnait pas très bien. J'avais quelques doutes sur la manière dont les choses s'étaient passées. Logiquement, le roi eut dû reconnaître la princesse. Soit il n'en fut rien, soit il n'en dit rien. Après leur départ, je la regardais avec autant de curiosité que la petite sphère qui l'intriguait, elle aussi. Je fus surpris de constater à quel point elle m'échappait. Je me mis à douter. Était-ce vraiment cette beauté sauvage qui me soignait et qui m'avait fait perdre la tête ? Certes nous n'avions jamais réussi à communiquer verbalement, mais nous nous entendions bien. Je ne dis pas qu'elle était moins belle, mais cette nouvelle apparence m'obligeait à me tenir à distance. Maintenant qu'elle s'éloignait, je voyais physiquement combien elle avait changé. Ses cheveux avaient poussés, son tain s'était éclairci et elle ne se promenait plus complètement nue comme autrefois.

dimanche 16 octobre 2016

16 octobre 2016






– Pourquoi les appelle-t'on des yeux?
– Je suppose parce qu'ils ressemble à un œil...
– Oui, c'est cela,mais aussi beaucoup plus. Il ne ressemble pas à un œil, ils sont des yeux.
– Comment cela?
– Quand l'arbre grandit il de développe en projetant des branches dans son environnement. Toutes proportions gardées, ils avancent ses bras dans le ciel à la recherche de la lumière. Les jeunes pousses ultrasensibles, captent leur environnement et l'arbre se fait une idée du monde, limitée certes mais nos images ne le sont-elles pas, elles aussi? Ainsi l'arbre se promène dans le monde et interagit avec lui, un peu comme un aveugle dont la canne n'est pas sans rappeler les jeunes branches d'un arbre... Et lorsque ces branches sont coupées pour faire ces poteaux sur lesquels nous sommes, l’œil se "retourne" et nous permet de voir à l'intérieur de l'arbre dont il fait partie...
– Dont il "faisait" partie...
– Non, selon moi, il continue d'en faire partie.
– Mais, il est mort, on devrait en parler au passé!
– Ce n'est vrai que lorsque l'esprit est obnubilé par une certaine façon de voir. 

samedi 15 octobre 2016

15 octobre 2016



Regarde en bas et tu verras ce qui dans bien des années se produira... 
– Là! sous nos yeux?
– Oui, là, sous nos yeux se déroule ce qui inlassablement se déroule et s'enroule dans nos mémoires.
– Mais la mémoire n'est pas quelque chose qui se déroule ailleurs qu'en nous-même...
– ...c'est pourquoi, on peut dire dire que ce que nous sommes censé voir "ailleurs", n'est pas autre chose que nous-même.
– Je ne comprends rien à ce que tu dis.
– Il n'est pas nécessaire que tu y croies pour que cela soit vrai. Regarde aussi ces "traces" qui sont inscrites dans ces poteaux...
– Je vois bien...
– Comment ou pourquoi les appelle-t-on des yeux?

vendredi 14 octobre 2016

14 octobre 2016





Ainsi, regarde les troncs sur lesquels nous sommes assis...
– Qu'ont-ils de spécial?
– Rien, si ce n'est qu'ils sont des objets de mémoire.
– Tu veux dire qu'ils contiennent de la mémoire?
– Non, ils sont la mémoire. Il n'existe pas de différence entre l'objet et ce que nous appelons la mémoire. L'un est l'autre forment un tout qui ne devrait pas être séparé.
– Pourquoi me parles-tu de ces poutres et de leur mémoire? 
– Parce que elles et nous ne formons qu'un seul ensemble et que cet ensemble nous dépasse largement. Regarde en bas et tu verras ce qui dans bien des années...

jeudi 13 octobre 2016

13 octobre 2016




 Thomas et son ami, appelons le comme cela puisqu'il dit ne pas avoir de nom, sont entrés, sans savoir comment, dans le monde du cirque.

– Je ne connaissais pas ce genre d'endroit.
– C'est normal, nous n'y sommes encore jamais allé.
– Que se passe-t-il ici, tu le sais?
– Non, je ne le sais pas vraiment, mais j'ai le sentiment que je le connais ou plutôt qu'une part de moi-même le connait.
– Combien d'entre nous hallucinent le monde qu'ils voudraient fuir? Ainsi, regarde les troncs sur lesquels nous sommes assis...

mercredi 12 octobre 2016

12 octobre 2016




– Ainsi nous serions des "sortes de saboteurs"...
– Ce n'était qu'une façon de parler.
– Où sommes-nous?
– Dans un cirque.
– C'est quoi ça? 
– Une révolution qui a eu lieu il y a bien longtemps de cela... 
– Comment cela?
– Impossible de le dire.
– Curieuse réponse.
– Il est "des choses" qui ne s'expliquent point. Il faut les vivre pour les comprendre.
– Et c'est pour cela que nous sommes venus?
– Pas tout-à-fait. Je dirai même que c'est l'inverse...
– Je n'y comprends rien.
– Ne t'inquiète pas, tu vas comprendre. Cela va t'apparaître su clairement qu'il ne sera point nécessaire d'un immense labeur de l'esprit ni de méditations savantes pour que devant toi se montre sans fard un "nouveau système du monde"...
– Rien que cela! 
– Oui et tu le verras, si c'est le soleil ou la terre qui tournent en rond dans l'univers, peu importe, ce qui compte, malgré les apparences, c'est que ce sont les hommes qui tournent autour de la terre...
– ... et autour du pot... de terre! 
– De cette simple constatation, tu le verras aussi, on peut élaborer une quantité formidable de constructions...
– Je ne peux pas en douter un seul instant... et je m'imagine que cela pourrait susciter quelques conséquences et que, sans aucun doute, tu vas qualifier de "philosophique", mais, dis-moi, où cela va-t-il nous mener? Ne serait-il point temps de remettre les pieds sur terre?
– C'est bien là la question. Cela fait "belle lurette", en tous cas de l'avis des plus illustres lettrés, que la terre n'est plus le centre de l'univers! 

mardi 11 octobre 2016

11 octobre 2016




– Le sens du temps est un concept bien étrange...
– Peut-être, mais il semble bien qu'il n'y ait rien à comprendre de plus qu'il se "déroule" pour tous dans la même direction. En tous cas nul ne semble pouvoir y échapper.
– Ce serait là notre véritable maison... 
– Ou notre prison... Viens, on va essayer quelque chose! Laissons là ceux que nous serons...
– Mais... 
– Je suis très curieux de voir si nous ne pourrions pas nous échapper de tout ce à quoi nous nous sommes habitué à considérer comme incontournable. Il suffit de si peu de chose pour enrayer un mécanisme.
– Mais alors, nous serions, en quelque sorte des terroristes!  
– Oulah! Tout de suite de biens grands mots. Juste de quoi enrayer une machine... pas plus. Quand à la notion même de terroriste, il n'est point besoin de faire un grand discours pour établir combien la notion est à géométrie variable. Mais bon, puisque vous le désirez, nous allons dire que nous sommes des sortes de saboteurs

lundi 10 octobre 2016

10 octobre 2016




– Suffirait-il que nous rompions ce fil qui nous lient à l'avenir pour que se produise quelque chose d'impensable pour ceux que nous sommes devenus? Pour l'instant, par le plus grand des hasards, les deux Thomas et leurs compagnons donnent l'impression de cheminer ensemble... et pourtant... chacun pour soi a peut-être l'impression que c'est lui qui mène la barque. Difficile de faire la part des choses.
Qui de l'enfant ou de l'homme âgé dirige ce qui de toutes manières n'aurait qu'un sens?
Celui du temps. 

dimanche 9 octobre 2016

9 octobre 2016

"Cette improvisation permanente... intensifie l'importance de l'instant, le rend extrêmement vivant dans la mesure où rien ne va plus de soi, et si, en plus l'existence nous semble légère, ce que bien sûr elle est aussi, alors notre présence est forte et notre joie d'autant plus intense. Oh que nous sommes radieux dans ces moments-là! Tous les enfants sont naturellement plein de vie et aspirent à la joie, et pour peu qu'on ait l'énergie de les prendre du bon côté, ils oublient en quelques minutes caprices et colère." *




Difficile de ne pas faire la part des choses et de les taire sans les déformer. 
– Comment se faire à 'idée que tout recommence sans cesse et que l'énergie qui en est l'origine nous échappe pour toujours... et pourtant nous maintient prisonnier d'elle-même?
– Se pourrait-il que, par jeu,  nous puissions la doubler?
 

* Karl Ove Knausgaard
La mort d'un père
Folio, p.49

samedi 8 octobre 2016

8 octobre 2016

"C'est aussi une sentiment étrange, quand  on a passé tant de tant à vivre parfaitement relié à ses origines, que de s'en séparer pour observer ce qui pourrait advenir ou être changé." *




Ils s'étaient arrêtés de parler et sans que leurs yeux ne se ferment, on pouvait sentir que ce qu'ils voyaient n'était pas alentours.
Les deux enfants, du haut de leur innocence, pensent encore très librement... Il se peut que l'image qu'ils se font des temps futurs ne leur appartienne pas, mais ils s'en moquent et le gouffre profond qui s'ouvre constamment sous leurs pieds ne les inquiètent nullement. Sans même qu'ils aient à penser ils voyagent d'un temps vers un autre sans que rien ne puisse les empêcher.

– N'as-tu pas l'impression que nous soyons embarqués sur un bateau que le temps porte plus qu'il ne l'emporte? C'est bizarre tout de même...
– Qu'est-ce qui est bizarre?
– Le verbe porter me paraît bien étrange. N'as-tu pas remarqué qu'il porte, si je puis dire, un double sens?
– Ne voudrais-tu pas simplifier quelque peu.
– Le verbe porter porte le mot porte et nous emporte on ne sait où... tout comme je porte le nom de Thomas sans que je n'y puisse rien.
 – Suffirait-il que nous rompions ce fil qui nous lient à l'avenir pour que se produise quelque chose d'impensable pour ceux que nous sommes devenus?
– As-tu seulement une idée de ce que nous deviendrons?
Pour l'instant, par le plus grand des hasards, les deux enfants donnent l'impression de cheminer ensemble... et pourtant... chacun pour soi a peut-être l'impression que c'est lui qui mène la barque. Difficile de faire la part des choses et de les dire sans les déformer.

* Wallid Neil 
Les limbes de la pensée macaronique
ou l'insolence des petits prêcheurs 

Bibl. nat. fonds en déshérence,
(Les introuvables: n°404-infini)

vendredi 7 octobre 2016

7 octobre 2016

"C'est une expérience étrange, quand  on a passé tant de tant à vivre séparé de ses origines, que d'y retourner pour y observer si rien n'y peut être changé." *





À mon tour, cher Thomas de te renvoyer la question:
– Ce monde qualifié d'"ailleurs" ou d'"irréel", est-il quelque chose d’imaginaire ou bien est-ce le nôtre qui le serait?
– Comme le disent si bien ces enfants...
– Ces enfant qu'il semble bien que nous ayons été...
– Oui, imagine-toi que nous ayons été et que nous soyons encore...
– En corps, voilà qui est cohérent...
– Oui, encore et en corps comme de vraies marionnettes... mais tu me fais perdre le fil...
– Oulalah, serait-ce le début d'une libération?
– Oui c'est cela, imagine-toi que nous soyons de vraies marionnettes, dont nous tirerions nous-mêmes les fils. Des fils innombrables et complexes qui, au lieu de tomber du ciel, nous viendraient de l’intérieur. Nous serions alors des êtres moins vulnérables. Nous pourrions alors nous projeter à travers le voile de la réalité en de magnifiques espaces dans lesquels, comme des enfants, nous serions nos propres héros...


* Wallid Neil 
Les limbes de la pensée macaronique
ou l'insolence des petits prêcheurs 

Bibl. nat. fonds en déshérence,
(Les introuvables: n°404-infini)

6 octobre 2016

"C'est une expérience étrange, quand  on a passé tant de tant à vivre séparé de ses origines, que d'y retourner pour y observer si rien n'y peut être changé." *



– Imagine-toi que nous soyons de vraies marionnettes, dont nous tirerions nous-mêmes les fils. Des fils innombrables et complexes qui, au lieu de tomber du ciel, nous viendraient de l’intérieur. Nous serions alors des êtres moins vulnérables. Nous pourrions alors nous projeter à travers le voile de la réalité en de magnifiques espaces dans lesquels, comme des enfants, nous serions nos propres héros...

* Wallid Neil 
Les limbes de la pensée macaronique
ou l'insolence des petits prêcheurs 

Bibl. nat. fonds en déshérence,
(Les introuvables: n°404-infini)

mercredi 5 octobre 2016

5 octobre 2016





... ces enfants que nous devrons bien appeler par un nom...
– Je m'appelle Thomas et toi?
– Je ne le sais pas.
– Ton papa et ta maman t'ont bien donné un nom?
– Je ne sais pas...
– Forcément... 
– Forcément, c'est cela. C'est justement de cela qu'il s'agit. De la force...
La plupart du temps les enfants ne voient rien de ce qui se passe autour d'eux. C'est ce qui les protège... Enfin c'est ce que l'on dit. Et rien n'est moins sûr et même s'ils savent, sans avoir appris, se construire un monde dont très vite on dira qu'il est à part. Sans lien direct avec la réalité. Un monde dont ils ont la possibilité d'être les auteurs en même temps qu'ils en seraient les acteurs. Un monde dont ils capteraient les "forces" pour en faire "autre chose",  dont l'erreur serait de croire qu'il est "ailleurs" ou "irréel".

mardi 4 octobre 2016

4 octobre 2016





Comment ces enfants pourraient-ils s'imaginer être un jour, très loin de là, à regarder ce qu'eux-mêmes ont peine à voir ce qu'ils croient, à ce moment-là, avoir sous les yeux.  La mémoire et l'imagination sont si intimement liées qu'il est bien difficile de les séparer. Bien malin sera celui qui saura le faire...
Thomas en est persuadé, il croit reconnaître les deux  enfants qui "sont" dans les images qu'on lui présente et qu'il a prises en main. Il ne croit pas si bien dire... en utilisant les deux verbes qui lui posent de sacrés problèmes: le verbe croire et le verbe reconnaître...
– De quelles formes sommes-nous les prisonniers? se demande en jouant, le premier enfant. 
– Pour comprendre cela, lui répond le second, il faut commencer par savoir ce que nous entendons par "forme"...
Ce qui fait que dès l'amorce du dialogue on comprendra aisément qu ceci n'est pas un dialogue pour enfant.
– Cela ne fait rien, nous jouons, répond en souriant le premier de ces enfants que nous devrons bien appeler par un nom...

lundi 3 octobre 2016

3 octobre 2016


"Quand notre connaissance du monde s'étend, non seulement la douleur qu'il occasionne diminue mais aussi son sens. Comprendre le monde, c'est avoir une certaine distance par rapport à lui. Ce qui est trop petit à voir à l’œil nu comme les molécules et les atomes, nous l'agrandissons, ce qui est trop grand comme les formations nuageuses, les deltas, les constellations, nous les rapetissons. Nous ne pouvons fixer les choses qu'après avoir mises à la portée de nos sens et ce que nous avons fixé s'appelle la connaissance."

Karl Ove Knausgaard 
La mort d'un père
Folio


- Les deux enfants parlent entre eux. C'est une sensation étrange que de ne plus savoir qui de nous ou d'eux sont en train de parler ou de penser. C'était comme si parler ou penser était la même chose. Une voix qui n'est pas la vôtre se fait entendre à l'intérieur de vous-même... encore que...
– Encore que quoi ? 
– Encore que là aussi c'est étrange... L'extérieur et l'intérieur n’existent plus, ou alors ils forment un ensemble indissociable sans qu'il n'y ait plus aucune pesanteur.

Jamais ces deux enfants n'imaginent qu'ils pourront un jour, se voir comme nous les voyons aujourd'hui...
Ils ont déjà bien assez à faire avec ce qu'ils ont sous les yeux. 

– Regardez et admirez comment ils sont, de fait, plus des acteurs que des spectateurs! Ne dirait-on pas que les images interagissent avec eux?

dimanche 2 octobre 2016

2 octobre 2016





Naturellement, ces deux enfants ne me disaient rien... Non pas qu'il n'y eut rien à dire...mais ce qui se disait n'était pas de cette sorte de parole qui demande à être entendue au sens extérieur mais qui résonnait et rayonnait de son plein essor intérieur. Une petite idée, cependant traçait un chemin dans l'obscurité de mon esprit... Se pourrait-il que ces enfants ?..

samedi 1 octobre 2016

1 octobre 2016



Je ne comprenais rien à ce type. Il me montrait des images que j'avais peine à reconnaître. Je ne me sentais pas bien et j'avais l'impression que c'était ces images qui agissaient... non pas sur moi mais à l'intérieur de moi... J'avais l'impression que quelqu'un entrait dans ma vie sans que je ne puisse rien y faire ni rien comprendre.
Je perdis patience et j'insistais sans plus me maîtriser, avec une vulgarité qui m’effrayait, je le confesse :
– Qui es-tu, bordel de merde ?
– Ah ! C'est bien, me répondit-il. Tu commences à apparaître... tel que tu es vraiment...
En même temps il me tendit l'image de deux enfants. c'était à n'y rien comprendre. Pas un seul indice ne me guidait sur la moindre piste. Les travers du temps, plus que son usure, exerçaient leurs toutes puissances. À tel point que, lorsque je retrouvais mes esprits, sans qu'il ne se passât rien de spécial, je n'étais plus dans le temps où nous conversions, mais dans l'image même...