samedi 31 janvier 2015

Voyager d'un voyageur à l'autre



Tempêtes et brouillards se succèdent à l'horizon
écrivant une histoire qui ne peut se lire que de près...


– Comment est-ce là-bas?
– Patience, vous le saurez quand vous y serez...
– C'est un bien long voyage...
– Et ce n'est que le premier.
– L'homme que nous voyons approcher est-il l'homme que l'on a vu arriver sur la plage?
– Il se pourrait.
– Comment se fait-il que nous le voyions naviguer alors que nous l'avons déjà vu débarquer?
– Les souvenirs voyagent aussi, mais ils ont d'étranges pouvoirs que nous ne possédons pas. Leur temps n'est pas tout-à-fait semblable au nôtre. Certains organes de perception leurs permettent d'échapper aux multiples dangers qui les menacent.
– Vous dites que la mémoire ou les souvenirs possèderaient des organes de perception? En d'autre termes que les souvenirs auraient un vie propre?
– La mémoire et les souvenirs ne sont de même ordre... mais non, je ne dis rien de tel, ces organes appartiennent à ceux qui les abritent.
– Alors la mémoire ou le souvenirs sont liés... attachés, prisonnièrs de celui qui les abrite ?
– Non, il semble qu'ils puissent passer ou ...voyager d'un voyageur à l'autre.
– Mais alors comment reconnaître ce qui appartient à chacun?
– C'est un exercice bien difficile et souvent périlleux...

Drôle de chantier

"Je cherchais sans succès lorsqu'un infime mouvement
se fit sentir sur une planche...
Mon regard se porta sur elle.
C'est là que je les découvris..."

– De quoi parle-t-il? Qu'y-a-t'il sur cette planche? Quel est ce léger mouvement que je ne vois pas?
– Pas la peine de chercher, certainement vous n'y trouveriez rien. Je soupçonne mon maître d'avoir perdu l'esprit... au moins qu'ils ne soit l'hôte de visiteurs invisibles plus moins incongrus. Certains jours, sa voix n'est pas la sienne...
– Expliquez-moi cet enchantement.
- Ce n'en est pas un, malheureuesement. Moi aussi, au début, je m'extasiais sur les variations extrêmes de la voix de mon maître et m'exerçais des heures durant à les imiter. Ce n'est qu'après beaucoup de peine qu'enfin j'y arrivais.

vendredi 30 janvier 2015

Comédie, passe impair et manque



"Ceux qui condamnent la comedie, parce que
certains peres de l'eglîse l'ont condamnée,
ne sçavent pas qu'il y en a d'autres,
qui nomment les poëtes qui la composent,
des exemples de vertu, dignes d' honneur et de l'oüange :
et que cette diversité d'opinions, qu'on remarque
entre ces grands ânes, vient de la difference des poëmes,
dont les uns meritent une rigoureuse censure,
et les autres une glorieuse aprobation.
Et c'est enquoy ces injustes persecuteurs de la comedie,
font voir qu'ils ignorent esgallement, et ce
qu' elle estoit dans quelques uns des siecles passez,
et ce qu' elle est maintenant dans le nostre. Jamais deux
choses ne furent plus directement opposées ;
puis que l'une n'estoit que medisance et salletez,
et que l' autre n' est que pudeur et modestie.
De sorte, que la premiere estant coupable, et la seconde
innocente, il seroit injuste de les confondre, et de rendre
le chatiment commun, puis que le crime ne l'est pas."  

Extrait de “L'Apologie du théâtre “
oeuvre de Georges de Scudéry, publiée en 1639
(dont un seul mot a été modifié)


Auguste Perroquet le répète à l'infini, il déteste le jeu.
– C'est la signature de celui que le jeu attire et qui fait qu'il le repousse.
– Comment cela?
– Il y a ceux qui passent et ceux qui dépassent la moitié...
– Laquelle ?
– Peu importe, c'est une question d'équilibre. Je reprends ou je redonne, il y a ceux qui passent et ceux qui dépassent la moitié... et ceux à qui il manque la moitié...
– Et alors...
– Alors... c'est contradictoire...
– C'est d'une très grande évidence...
– C'est le jeu... C'est réservé aux initiés... L'êtes-vous, cher Justin Perroquet ?
– Quoi donc ? Joueur ?
– ...
– Comme tout le monde, je suppose...

Il s'ouvre en nous une petite fissure



"Car le sommeil signifie se mettre en rapport avec le monde qui vient."

Rabbi Nahman de Braslav

– Un monde s'en vient, un monde s'en va... C'est comme ce que dit mon maître...


– Pensez à ce qui se passe lorsque vous lisez. Si le sens habituel prend de la distance ou de l’altitude, il s'ouvre en nous une petite fissure par laquelle quelque chose de nouveau, un possible qui réveille l'homme ou le perroquet figé...
– Le problème, assez évident, est que je ne sais rien du fait d'écrire ou de lire. Je ne sais rien, ni l'un, ni l'autre. Enfin presque puisque vous aviez commencé de me l'expliquer mais de telle façon que rien en moi n'a germé.

Quelque chose dans le ciel, comme un regard, prend forme et passe...


Quelque chose dans le ciel, comme un regard, prend forme et passe...


– Si le désastre a eu lieu, serait-ce bien ici ?
Auguste n'a que faire du désespoir.
– "Vivre est un métier". Il se pourrait que cela ouvre la voie à quelque chose de nouveau...

jeudi 29 janvier 2015

Mais à son passé, il est, et sera toujours, rattaché...


Au fond, tu écris pour être comme mort,
pour parler du dehors du temps,
pour faire de toi un souvenir pour tous.

Cesare Pavese
Le métier de vivre

 – L'homme seul est bien vulnérable...
– C'est vrai... mais il ne risque guère d'être trahi.



– C'est vrai, mais à son passé il est et sera toujours rattaché...
– Vous ne croyez pas si bien dire... c'est là que nous en étions hier.
– Mais que s'est-il passé alors, vous ne me l'avez jamais raconté.
– Nous avons, il est vrai acquis une certaine facilité dans ce que les hommes appellent "l''art de parler", mais nous avons encore quelques difficultés dans l'art "d'écouter".
– Je vois...
– C'est là le problème...
– Qui est cet homme qui débarquait?
– Je ne le sais et Auguste... pas plus que moi. Sûrement... Quoique...
– Quoique quoi?
– Il se pourrait qu'Auguste le sache...

Ce à quoi Auguste reste attaché sur son gros rocher


... ce à quoi Auguste reste attaché sur son gros rocher...


– À ce jour, Auguste, votre maître, sait-il à quel point il est enrôlé?
– De quel jeu parlez-vous?
– Du jeu subtil du jour et de la nuit.
– Drôle de jeu...
– Normalement, personne ne devrait être dupe...
– C'est justement ce que me disait mon maître lors de notre dernière entrevue...
– Je n'entends pas ce que vous dites ! Parlez plus fort...
– Seriez vous en train de devenir sourd ..?

mercredi 28 janvier 2015

C'est ainsi que nous avançons

"C'est ainsi que nous avançons,
barque luttant contre un courant
qui nous rejette sans cesse vers le passé."

Gatsby le Magnifique
Francis Scott Fitzgerald


 – Tu n'es pas des nôtres...
Combien de fois Auguste a du prouver son appartenance par des signes, des gages ou encore mis en demeure de payer de sa personne... Réchauffant à chaque fois, par habitude, de vieilles et pénibles coutumes semblant apporter un équilibre stupéfiant, dans le fond et dans la forme, à des croyances enivrantes ou des phénomènes dont le moins que l'on puisse dire est que nous ne sommes guère capable de les penser par la moindre des raisons.


L'esprit subtil navigue dans les méandres de l'esprit...



L'esprit subtil navigue dans les méandres de l'esprit...

C'est au moment où les tournesols baissent la tête* que seront semés les fruits de la lumière.

* ... ou qu'elle est retournée

Le pire des cauchemars

– Qui parle à travers moi... au-delà de ce qui se répète... 
 Ce qui s’est dit n’est pas ce qui s’y fit.


Qui veut se connaître s'oublie...

Au comble du solipsisme, perdu dans un autre temps, Auguste en a oublié les mouvements du monde qui, lui, ne l'a pas oublié. La réalité quotidiennement réajustée ne veut de l'oubli que pour ses propres méfaits, non ceux de ses sujets. La disparition de Justin et de Rosa, dûment constatée, ne peut rester non élucidée.
L'humilité ne sert qu'à servir.  Encore faut-il faire le choix : qui servir ?
– Asservir, tel est le pâle destin de l'uniforme réalité, pense pompeusement Auguste. Si le verbe est tout, comment pourrais-je le servir? Le pire des cauchemars n'est après tout que de l'image et celle qui vient à moi ne me dit rien...
– Bonjour!
Et il ajoute, après un silence quelque peu troublant:
– Auguste ? 
Les mots se perdent. Auguste semble ne rien entendre, mais de fait un combat intérieur fait rage. Auguste ne se reconnait plus dans le nom qui le poursuit. Il se souvient du temps qu'il le portait mais peine à le reprendre. La porte s'est presque fermée. Il est devenu un autre, mais pareil à lui-même dans un domaine ou presque rien devient très vite presque tout. Ainsi en est-il du visiteur.
– De presque rien dans le lointain, en s'approchant il devient presque tout. Que cache cet homme dans son dos? 

Ce qui derrière nous pousse en avant... Cette tiède maxime craint le moindre coup de vent. L'homme qui est là est bien amarré et n'est pas muet...
– Il doit bien rester chez vous quelques parts de mémoire et de convenance que vous pourriez me faire partager...

mardi 27 janvier 2015

Auguste, c'est surprenant, chante...


Il faut être profond dans l’art de l’échange 
et laisser au hasard les rênes du plaisir.

– Auguste imaginait son île, non comme un centre intérêt mais comme un carrefour mystérieux ou personne ne croiserait jamais personne.
La croisée des chemins le trouble, il idéalise et prend peur.
La proue est cassée sur le bas côté de la plage.
– Comme il me l'a dit sans penser au fait que je sois ce que tu sais:
" Le noyau de ma tristesse et de mon angoisse est la mère d’un temps perdu. Elle est le seul être qui corresponde à mes rêves tant de fois répétés en une lecture aussi peu abstraite qui puisse être faite. "
Laissons cela. Menace pourtant permanente. Épreuve de l’existence, forte présence, crédule et cédule d’une morale trop rigide, le fait de chanter le sauve d’une censure trop tranquille pour être honnête.
Auguste a peur, mais, c'est surprenant, il chante... 

Les puissances du rêve

– Vous me parliez de chaîne, mais je ne vois rien de tel...
– Dites plutôt que vous ne voulez rien voir... N'avez-vous point remarqué à quel point nous sommes rivés à notre branche ?
– Mais enfin, il m'arrive de vous et de nous voir voler... de sentir dans mes plumes le vent passer...
– Il me semble que vous confondez allègrement rêve et réalité, mais il est vrai que la puissance des rêves et l’illusion de nos sens forcent l'admiration.

Auguste, lui aussi est enchaîné à son passé.
Il ne parle jamais de lui
si ce n’est par la bouche des personnages
qu’il croit inventer.
Aujourd'hui, sur la plage
 un témoin s'est échoué.
Un barque vide
dénonce une présence...

 




lundi 26 janvier 2015

Les conflits dans le monde sont peut-être un miroir...

"Les conflits dans le monde sont le miroir de nos conflits intérieurs non résolus." 

Eckard Tolle, Nouvelle terre, Ariane Ed., 2005

– Dites-moi Auguste, est-il préférable de vivre ignorant en plein ciel ou posément installé, admiré et nourri sur la plus haute branche?
– Quelle différence cela pourrait-il faire? Dans les deux cas...
– Dois-je vous rappeler que nous sommes bagués et que voler n'est plus qu'un vague souvenir..?
– N'est-ce pas pour notre bien? 
– Et qu'en est-il aussi de cette chaîne qui nous unit ?..


– Auguste, lui aussi est au sommet. Et lui aussi s'interroge...

Si clair devant ses yeux


"Éphémère immortel si clair devant mes yeux"

Paul Valéry, Charmes 

Le délire de l’émerveillement attire et séduit. Loin de tout, Auguste oublie tout ce qui est superflu, mais la moindre étincelle éveille et surtout réveille les plus subtils embrasements.
– Qu'est-ce que ce feu? De quoi est-il fait?

Le chant de l'enfant perdu


"Une saveur exquise dans l'azur se fait mime
Aspire et respire ses volutes sublimes
Elle irradie dans un cœur à moitié reclus
Auquel, battu par avance, elle livre bataille,
Le chant de l'enfant perdu
Habitant de ses entrailles"

Walid Neill


Loin des tréteaux, dans un silence, ce qui, de rien, ne saurait être l'écho, glisse sans un bruit...


dimanche 25 janvier 2015

L'impossible nécessité d'en être le maître

"Entre les derniers feux d’un soleil encore imprégné
par l’esprit d’une  farce joyeuse ou macabre,
et une prodigieuse éclaircie de lumière, 
installe les tréteaux de la comédie humaine. "

– Que me disiez-vous ?
– C'est sans importance...
– Le fait est que votre ne me semblait point plein d'un vigueur extrême...
– Justement, il a beaucoup fait...
– Fait pour quoi ?
– Pour la cause...
– Pour notre cause...
– Laquelle?
– Il me semble que vous ne valez guère mieux que lui et que tout cela n'est que passager.
- Passager ? Sans aucun doute... Tout n'est que passage...
– Comme les lieux communs...

"C'était, plus encore...
que l’impossible capacité d'en être prisonnier,
la nécessité de ne pas en être le maître.."

Walid Neill

– Rien de tout cela ne compte. Un mot chasse celui qui est venu chasser le précédent comme une note s'unit à celle qu'il chasse... en chantant... de sombres et borgnes mélodies, boîte à clichés sans commentaire associé...
Marcher dans le ciel n'es pas un discours qui puisse se répandre et moins encore s'entendre. La seule chose qui puisse s'entendre est l'âpre cri du vent. Je crois que c'est, en ce moment, la seule chose que mon maître entend.
– Voulez-vous dire qu'il marche sur un fil que lui seul connait?
– C'est ce que je crois.
– Il me semble, pour la première fois, que ce que vous me dites n'est pas seulement le reflet de ce que vous disait mon maître.
– « Riez ! car la vérité est trop triste... »

samedi 24 janvier 2015

Défauts et faiblesse


"Tous ceux qui sont habitués au succès
sont plein d'astuces pour présenter leurs défauts et leurs faiblesses
comme de la force apparente :
c'est pourquoi ils doivent les connaître
particulièrement bien."

Friedrich Nietzsche

– Qui ne manquent pas de... quoi, de défauts ou de faiblesses ?
– Il arrive...
– Qui arrive?
– Votre maître.
– Comme il a changé...

"Les anges eux-mêmes
– qui se renouvellent, innombrables à chaque instant –
sont créés pour, après avoir chanté devant le créateur,
cesser de chanter et disparaître dans le néant."

– Est-il est malade ?
– Non, il traverse une petite crise...
– Va-t'il s'en sortir ?
– Certainement pas tout seul... Il faudrait que vous le raisonniez.
– Moi? Mais c'est mon maître...

La croyance est-elle un savoir comme un autre?

 – Vous croyez…
La croyance est-elle un savoir comme un autre?

– Une personne censée sait bien qu'il ne peut pas y avoir de confusion entre savoir et croire.
– Et pourtant cette équivalence me semble envisageable dès le moment où croire ne vise pas à être considéré autrement que comme un moyen de partager: croire serait une sorte de savoir. C'est ce que font les athées ou les agnostiques quand ils disent ne pas croire en Dieu. Mais qu'en est-il de leurs croyances quand ils disent croire en l'humanité et au progrès de celle-ci? Qu’en est-il de la croyance en la réalisation d’un commun accord?
– Il me semble, mon cher Justin, que tout ceci relève plus du monde des hommes que du nôtre...
– Pour le moment du moins. Peut-être que cela pourrait changer. Après tout.
– Après tout... La formule est bien choisie. Mais nous ne sommes que des perroquets...
– Oui, mais des perroquets qui ne manquent pas de...


vendredi 23 janvier 2015

Une vie parfaitement instantanée


– Il est certains discours, que j'ai entendu de la bouche de mon maître qui, lui-même l'a entendu d'une manière particulière, non de la bouche même de ses propres maître mais de leurs mains, qui méritent toute notre attention...
– Et d'autant plus s'il s'avérait que nous n'y comprendrions rien... et qu'en est-il de ce langage par les mains ?


– Veuillez ne plus m'interrompre, je vous prie. La mémoire est un phénomène très sensible aux effets que procurent les émotions... Toutes les émotions...
Ainsi, comme je vous le disais, mon maître me disait que, selon Walter Benjamin:
"... il manque si souvent (aux récits) ce qui donne à l'art une vie parfaitement instantanée et définitive, c'est-à-dire la forme."
– Je n'y comprends rien... une fois de plus...
– Patientez, je vous prie. Certaines choses demandent du temps et de la réflexion.
Nous avons pris l'habitude de parler. C'est devenu une chose presque naturelle pour nous. Mais, de fait, nous oublions qu'il n'en a pas toujours été ainsi... Ce n'est que parce que nous fréquentons des hommes que leur langage nous est venu.
– Comment cela? Il me semble que notre voix nous vient de l'intérieur...
– Vous oubliez une chose.
– Laquelle ?
– Nous ne serions rien sans le modèle qui nous a inspiré...
- Ouhlàlàààà... je ne sais pas où vous mettez les pieds mais je ne sais pas comment vous allez vous en sortir!




jeudi 22 janvier 2015

Constatation assez ébouriffante


– Reprenons la question en suspens, je vous en prie...

– Je vous l'ai dit je vais m'en tenir à ce que me disait mon maître:
Depuis quelque jours, voulant vérifier si la réciproque de nos apparences, vous de perroquets et nous de bipèdes pensants, un peu... selon nos dires, ne serait qu'une pauvre histoire de miroir.  Nous avons introduit dans notre parler les images, des groupes de lettres sans queue ni plumes ne correspondant pas à la continuité de nos sens.
Aujourd’hui seulement, nous sommes arrivés à la constatation assez ébouriffante, pour moi,  que nous en sommes arrivé à l'abstraction !
Que sont les mots ? Pour nous, et surtout pour vous perroquets, sans vouloir vous offenser, ce que nous en savons est bien limité. Tout au plus est-ce une sorte de musique qui, dans le fond, ne se distingue en rien des cris que nous poussons et que vous poussez sans trop vous préoccupez de l'effet qu'ils produisent...
– À cela je lui répliquais assez vertement que... si les goûts et les couleurs ne se discutaient pas, cela ne pouvait vouloir dire que les gouts et les couleurs n'avaient aucune importance... n'est-ce pas pas ! Et qu'à la fin, ... à la fin...

En toute objectivité

– Dans un commencement,
l’heureux joueur tend la main
et balaie pour un tour
ce qui suffirait pour un jour.

– Sans la dialectique quelques fois un peu "tordue" de la raison, on pourrait dire pour commencer, mon cher Auguste que nous ne parlons pas vraiment puisque nous ne ferions que répéter... mais tout de même, aux yeux de tous et surtout à leurs oreilles, il me semble, sans orgueil et en toute objectivité, que nous avons quelque peu dépassé ce stade... mai en ce qui concerne l'écriture à propos de laquelle vous me questionniez hier ou avant-hier, je ne puis vous répondre qu'en citant mon maître...

 Le fou possède une géographie irrégulière
que ne possède pas l'homme au chapeau rond.
Avec la question du sensible
immédiatement arrive le soupçon de l'invisible.

– Prenez l'exemple du chien bleu qui semble aujourd'hui accompagner mon maître.Il est dans la neige qui, peu à peu, a recouvert l'entier du paysage, le rendant presque méconnaissable. Il trace dans la neige un ensemble de signes que nous pouvons sans conteste interpréter comme une sorte d'histoire qui s'inscrit dans une autre histoire. Nous savons avec certitude qu'un homme ou un animal est passé là où ce chien passe à son tour. Nous pouvons aussi déduire que d'après la forme de ces signes, la direction du passage allait dans telle direction. Celle du soleil par exemple.
– Même si  du fait qu'il neige on ne le voit pas?
– Il nous suffit de regarder l'ombre du chien et des petits cratères creusés dans la neige.

mercredi 21 janvier 2015

Les jeux infinis de la mémoire


 

 




Jeu de miroir

– Dites-moi si j’ai bien compris, je me verrais quand je vous regarde, puisque vous dites que nous serions des miroirs. N’est-ce pas là un idée démesurée?
– Pas tout-à-fait, c’est plus subtil que cela. Nous avons tous des identités changeantes et rien n’est plus facile que de transformer son image dans le miroir. Quand je vous regarde ou quand je regarde-n’importe qui, je peux voir ce que potentiellement je puis être et non ce que je suis en ce moment...
– Vous ne m'avez pas encore répondu à propos de l'écriture...

Traces

– Dites-moi, cher Auguste,
je suis un peu gêné de dire cela, mais,
mon ignorance étant ce qu'elle est,
il me semble que c'est le moment de vous le dire.
Non seulement je ne sais pas lire,
mais je ne sais même pas en quoi cela consiste,
ni même à quelle matière cela se rapporte...
excepté peut-être que cela devrait être en rapport avec la parole...
Ne voudriez-vous pas éclairer ma petite lanterne?

– D’où vient ce carnet que vous avez entre les mains et qui ressemble tant au mien?
– Je l’ai trouvé sur ce banc il y a de cela quelques jours...
Seules trois pages étaient remplies de quelques dessins et quelques lignes d’une écriture presque illisible. Il me fallut plusieurs jours pour le déchiffrer et aujourd’hui encore je ne suis pas sûr que ma transcription soit conforme à ce qui y est présenté. Je l’ai trouvé intéressant. Je savais que je pénétrais dans l’intimité de quelqu’un, mais, en le lisant, je ne pouvais m’empêcher de penser que les pensées qui s’y trouvaient ressemblaient aux
miennes.. Ou plutôt que ces pensées auraient pu être miennes... Et puis, petite merveille, quand je les lisais me venaient d’autres pensées tout-à-fait différentes de celles qui y figuraient et qui étaient comme une continuation de celles-ci. Je m’enhardis et profitais du fait que de nombreuses pages étaient restées vierges pour, à mon tour, griffonner quelques mots jusqu’à ce que le carnet fut presque plein.

mardi 20 janvier 2015

Le meilleur de l’art d’écrire


La Poésie n’était au premier âge
qu’une théologie allégorique,
pour faire entrer au cerveau des hommes grossiers
par fables plaisantes et colorées
les secrets qu’ils ne pouvaient comprendre.

Pierre de Ronsard

 –  Y-en-a qui savent écrire,
nous, on ne sait que parler...
et encore, je devrais dire répéter...

"Le meilleur de l’art d’écrire, ce n’est pas le mal réel qu’on se donne pour accoler le mot au mot, pour entasser, brique sur brique; ce sont les préliminaires, le travail à la bêche que l’on fait en silence en toutes circonstances, que ce soit dans le rêve ou à l’état de veille. Bref, la période de gestation. Personne n’a jamais réussi à jeter sur le papier ce qu’il avait primitivement l’intention de dire : la création originale, qui est continue, que l’on écrive ou non, participe du flux élémentaire : elle s’inscrit hors de toutes dimensions, de toutes formes, de toutes durées. Dans cet état préliminaire, qui est création et non naissance, les éléments qui sont appelés à disparaître ne sont pas détruits pour autant ; un principe qui se trouvait déjà être présent, marqué du sceau de l’impérissable, par exemple la mémoire, la matière, Dieu, surgit à l’appel et l’être s'y précipite comme le fétu de paille dans le torrent. Mots, phrases, idées, si subtils et ingénieux soient-ils, coups d’ailes les plus forcenés de la poésie, rêves les plus profonds, visions les plus hallucinantes, ne sont que des hiéroglyphes grossiers gravés par la douleur et la souffrance en commémoration d’un événement qui demeure intransmissible. Dans un monde suffisamment ordonné, il serait inutile de faire l’effort déraisonnable de notre de tels hasards miraculeux. Cela n’aurait à vrai dire aucun sens. Si l’humanité prenait le temps de se rendre compte des choses, qui saurait se contenter d’une contrefaçon, quand il n’est que de tendre la main pour saisir le réel ? Qui aurait envie de tourner le bouton de la radio pour écouter Beethoven, par exemple, quand il lui suffirait de se tourner vers lui-même pour vivre les extases harmoniques que Beethoven a désespérément tenté d’enregistrer ? Toute grande œuvre d’art, si elle atteint la perfection, sert à nous rappeler, mieux : à nous faire rêver l’intangible éphémère – c’est à dire l’univers. Elle ne jaillit pas de l’entendement – on l’y admet ou on l’en rejette. Admise, elle instille une vie nouvelle. Rejetée, nous en sommes diminués d’autant. Quel que soit son objet, elle ne l’atteint jamais : elle contient toujours un plus dont le dernier mot ne sera jamais dit. Et ce plus, c’est ce que nous lui ajoutons dans notre appétit terrible de ce dont chaque jour qui s’écoule est la négation. Si nous nous admettions nous même aussi complètement que nous admettons l’œuvre d’art, l’univers entier de l’art périrait de carence alimentaire. Il n’est pas de jour ou n’importe quel pauvre type ne voyage immobile, à tout le moins durant les quelques heures où son corps repose, les yeux clos. Un jour viendra où il sera au pouvoir de quiconque de rêver éveillé. Mais bien avant ce jour, les livres auront cessé d’exister, car lorsque la plupart des hommes connaîtront l’art d’être parfaitement éveillé et de rêver, leur pouvoir de communier (entre eux comme avec l’esprit qui meut l’humanité) se trouvera si renforcé que l’art d’écrire n’aura alors pas plus de sens que les grognements inarticulés et rauques d’un idiot."

Henri Miller Sexus 


 "C'est lorsqu'on se trouve au milieu de gens grossiers
que l'on apprend à faire cas des gens trop délicats
et qui ont des manières recherchées. "
Johann Paul Friedrich Richter dit Jean-Paul








Les points de vue se renversent...


«Je dis que les choses envoient de leur surface des effigies, formes tenues d'elles-mêmes,
des membranes en quelque sorte ou des écorces,
puisque l'image revêt l'aspect, la forme exacte
de n'importe quel corps dont, vagabonde, elle émane.»

Lucrèce, De la nature

– L'idée que le temps passe est largement répandue.
– L'avez-vous déjà vu passer ?
– Non mais j'en comprend le principe.
– Croyez-vous que nous en soyons partie prenante ou même agissante ?

De même que les points de vue se renversent... quand...

lundi 19 janvier 2015

Au sommet

 Auguste, enfin  sans frein et sans fin se souvient

"Au sommet des branches sans fin, un arbre flotte sur des vagues de fleurs lumineuses. Une couronne d'épines danse dans le sombre voile de minces nuages ​​blancs dérivant comme les vagues de la mer. La lumière tourne à ciel ouvert dans la nuit. Laissez dériver vos esprits fugitifs, nageurs sans crainte, et que s'éloignent dans le tourbillon sombre vos alertes pensées." 

Walid Neill