dimanche 30 septembre 2018

(30) Entre eux et nous





– À mesure qu'elles nous viennent à les esprits les pensées se développent par elle-même...
– Nous n'y serions pour rien?
– Sans doute ont-elles besoin d'une certaine énergie pour cela. Ce serait pour cette raison qu'elles passent par nos circuits, aussi imparfaits soient-ils...
– Il est probable que c'est un risque qu'elles sont obligées de prendre...
– En est-il aussi ainsi pour les idées de nos maîtres?
– D'après mon propre maître, les idées ne feraient pas la différence entre eux et nous... 

(30) Le vide tient le milieu


 " Il y a autant de différence  entre le néant et l'espace vide qu'entre l'espace vide et les objets  matériels; le vide tient le milieu entre le néant et la matière."

Blaise Pascal




(30) Sans aucune dérision




– Qui êtes-vous?
– Sans aucune dérision?
– C'est la moindre des choses.
– Je dois vous dire qui je suis...
– Je vous en prie...
– Intégralement?
– Si cela est possible...
– Si j'en crois les êtres que nous guidons dans leurs nuits, nous serions plus ou moins, quelque soit notre identité, la cause et non la solution de leurs maux...
– Donc, jusqu'ici du moins, tout-à-fait d'accord avec vous et je vous sais gré de n'avoir pas supposé, du moins en ma présence, que je puisse être d'un autre sentiment que le vôtre malgré les très grandes divergences sur de nombreux autres points... et...
– ... et malgré notre ressemblance, assez frappante... je l'avoue, ce qui sourd au dedans comme au-dehors de moi-même est bien difficile à dire puisque déjà difficile à discerner...
– Il est vrai qu'ils sont difficile à manœuvrer tant ce qu'ils appellent le surnaturel leur est étranger...


(30) Chemin





– Dites-moi...
– Oui...
– Comment se construit un récit?
– La construction d'un récit est une sorte de cheminement...
– Mais ce chemin, où se trouve-t'il?
– Peu importe. Il peut se trouver partout...
– Vous voulez die que partout qu'en cherchant bien, l'on peut trouver une chemin n'importe où?
– Pas tout-à-fait... Ce que je vous dis c'est que partout peut être un chemin.
– Même s'il ne se voit pas?
– Surtout s'il ne se voit pas...
– Vous êtes bien mystérieux.
– Ce n'est point un mystère. Le chemin n'est rien d'autre qu'une trace.
– Et alors?
– Alors une trace n'existe qu'après avoir été tracée...


(30) Toutes ces réalités


« Le barbare, c'est d'abord l'homme qui croit à la barbarie.»

Claude Lévi-Strauss



– Toutes ces réalités qui se cachent sous le couvert de l’imaginaire.
– Tous ces mots qui nous tombent dessus ces liens qui se tissent entre eux, allégeance et dépendance, soumission quelque fois, accords souvent qui en déterminent et modifient le sens profond.

– Serions-nous, comme les mots, tributaires de la définition qu’on attribue aux mots?

samedi 29 septembre 2018

(29) Souffle indicible




Bien loin de là, sur le clavier les doigts se promènent en caressant celles qui, noires et blanches, s'enfoncent, s'essoufflent de manière indicible en libérant leurs chants. Sur les branches, discrètement alanguies, les feuilles vibrent et se mettent au diapason. Le chant d'une seule rejoint celui de toutes. S'entend alors ce qui si souvent s'oublie.

(29) Une occasion en or


« L’histoire de Hans Castorp que nous voulons conter, non pas pour lui (car le lecteur apprendra à le connaître comme un jeune homme simple encore que sympathique), mais pour l’amour de l’histoire qui nous paraît au plus haut degré digne d’être contée (à propos de quoi il conviendrait quand même de rappeler que c’est là son histoire à lui et que n’importe quelle histoire  n’arrive  pas  à  n’importe  qui): cette histoire donc, remonte à un temps très lointain, elle est en quelque sorte déjà toute recouverte d’une précieuse rouille historique, et il faut absolument la raconter sous la forme du passé le plus reculé. Cela pourrait ne pas être un inconvénient pour une histoire, mais plutôt un avantage; car il faut que les histoires soient  passées,  et  plus  elles  sont  passées, pourrait-on dire, mieux elles répondent aux exigences de l’histoire, et c’est tant mieux pour le conteur, évocateur murmurant du prétérit. Mais il en est d’elle comme il en est aujourd’hui des hommes, et pas en dernier lieu des conteurs d’histoires: elle est beaucoup plus âgée que son âge, son ancienneté ne peut se mesurer en jours, ni en révolutions autour du soleil le temps qui pèse sur elle; en un mot, ce n’est  pas  en  réalité  au  Temps  qu’elle  doit  son  degré d’ancienneté, et par cette remarque nous entendons du même coup faire allusion à la double nature, problématique et singulière, de cet élément mystérieux.»

La montagne magique, Thomas Mann





Deux-cents-soixante-dixième rapport de Don Carotte

Extrait de l'annexe du Petit Cahier Rouge au Cordon Noir

 

Cher et Illustre ancien

Quelle idée me pris ce jour-là de vous en faire l'aveu:
– Je doutais... et ce doute profond qui m'habitait, je l'avais en moi depuis toujours...
Pour vous c'était une occasion en or. J'avais en moi une faille dans laquelle, au besoin, il suffirait de creuser. Il ne vous fallu pas plus pour faire de moi ce que précisément vous étiez et que je n'étais pas...
Aujourd'hui je n'en ai aucun regret, mais ce moment-là j'étais encore loin de me douter à quel point votre psychisme était dérangé et surtout à quel point le mien pouvait paraître identique... ou opposé...

(29) Avec acuité


"Du badinage plein d'ingéniosité que constituent certains procédés d'évocation artistique à ce qui n'est plus que facétie et truc, à ce qui n'est plus qu'une espièglerie informe, et d'où toute foi en la forme a disparu, il n'y a qu'un pas."

Thomas Mann, La traversée avec Don Quichotte 


 

Deux-cents-soixante-neuvième rapport de Don Carotte

Extrait de l'annexe du Petit Cahier Rouge au Cordon Noir


Cher et Illustre Ancien

J'ai vu comment peu à peu, s’est opéré en vous une sorte de changement. C'était comme si ce qui nous entourait avait disparu... Comme si des rideaux étaient tirés et que la lumière du jour avait disparu... Cela tombe bien, me disiez-vous, je suis là pour ça... Naturellement c'était une perspective tronquée, une espièglerie informe, et aujourd'hui encore, je suis incapable de savoir si vous en étiez conscient ou non. Cela je vous l'avoue, je ne crois pas que vous ayez pu en être conscient... Cependant, dans une certaine mesure, comme le corbeau fabrique un outil, vous utilisiez les effets de ce changements. Effets que vous perceviez  avec acuité quand il s'agissait de votre profit... Pour mon malheur, très relatif, quand même, j'avais été le témoin de ces changements. Je n'étais pas le seul, certes, mais le seul à le constater... Un sorte de chape d'oubli s'était installée. Et puis la chape de plomb en or s'était transformée. Tout était devenu brillant. L'histoire , elle-même se racontait différemment. De là à ce qu'elle devienne vôtre il n'y avait qu'un pas... et vous en fîtes trois...

(29) L'enfant au large





Deux-cents-soixante-huitième rapport de Don Carotte
Extrait de l'annexe du Petit Cahier Rouge au Cordon Noir


 à moins que... vous disais-je... à moins que cette dose de cynisme dont je parlais tout-à-l'heure fut suffisante pour qu'elle soit dans le même temps agissante pour ceux qu'elle vise et n'apparut point à un esprit limité... Dire cela pourrait être bouffée d'orgueil comme il vous plaisait de me le dire... comme pour, en opposition, souligner cette soi-disant humilité, je parle de la vôtre bien entendu, à laquelle vous ne manquiez pas de faire référence...

Au loin, lentement, un de ces légers nuages en forme de mouton se transforme en un long filament d'une blancheur immaculée et rampe mollement au-dessus de l'horizon. L'eau sur la berge murmure. Quelques éclats de voix se réveillent dans les prés. La grenouille chante du mieux qu'elle peut et plonge, yeux grands ouverts et jambes largement écartées. Dans le sillage d'un bateau qui en silence fend l'eau de sa proue, une vague sans cesse renaissante s'étale en ruisselant jusqu'au rivage. L'enfant au large regarde en trahissant ce que ses parents ne voient pas.




 

(29) Illusionnistes


" Ils n'étaient pas précisément les plus grands des artistes, mais c'est eux qui ont médité avec le plus d'intelligence sur l'art et les procédés qui créent l'illusion: la profondeur qui n'est que jeu d'esprit, les abîmes insondables qui ne sont que jeux de miroirs. Et c'est justement parce qu'ils se comportaient en artistes véritables aussi bien dans leur effort créateur que dans leur réflexions esthétiques que la dissolution de la forme dans l'ironie fut pour eux un si grand danger –danger inséparable de toute technique qui fait appel à l’humour pour réaliser l’œuvre d'art, il est bon de ne pas le perdre de vue."

Thomas Mann, La traversée avec Don Quichotte 








Deux-cents-soixante-septième rapport de Don Carotte
Extrait de l'annexe du Petit Cahier Rouge au Cordon Noir


 Chers anciens

Il se peut qu'un jour vous me fassiez l'honneur d’être à la hauteur de nos très anciennes convictions. Combien il est difficile, savez-vous, après tant d'années de soumission, de réveiller chez les individus quelque chose qui ressemble, même de très loin, à ce qui se définit comme étant de l'ordre de la liberté...
– Il y rêvent... et c'est tout...
Il m'arrive, à moi aussi d'y rêver, mais ce que je crois être un rêve ne l'est plus... Je crois que vous aussi, sans être devenus les meilleurs parmi les illusionnistes, vous vous en êtes considérablement approchés... Il ne vous a manqué qu'une certaine dose de cynisme, bien que vous n'en manquiez pas vraiment... mais il faut croire que c'était insuffisant ou alors que ce la vous suffisait... à moins que...

(29) Dans le sillage


" Ce matin, j'ai fait sur le pont une promenade absurde, livré à des forces qui vous retiennent et vous paralysent, puis vous précipitent en avant comme un homme ivre. Tout cela accompagné d'un rire de mépris et d'un hochement de tête, car on demeure enclin à s'attribuer à soi-même, indépendamment des circonstances, un comportement où l'on perd sa dignité, tout comme on s'imagine avoir les pieds «lourds» quand on gravit une rue en pente. Toutefois, je me plais à constater qu'il n'est point d'inconvénient provoqué chez moi par la mer, point d'hyperacidité ni ébranlement du système nerveux qui puisse tant soit peu prévaloir contre les sentiments d'amitié transmis par le sang et par mon enfance à l'égard de l’élément salé. Le malaise physique ne provoque nullement ici la mauvaise humeur, il laisse intact la vie de l'âme, tout comme il laisse intact dans une large mesure l’appétit. De la part de la mer, je ne prends pour ainsi dire rien de travers et je pense bien que, même si l'indisposition physique atteignait une intensité plus grande, ma sympathie y résisterait."

Thomas Mann, La traversée avec Don Quichotte





Deux-cents-soixante-sixième rapport de Don Carotte
Extrait de l'annexe du Petit Cahier Rouge au Cordon Noir



 En cette année-là, ce jour-là, lentement de petits nuages comme de petits moutons paissaient sereinement dans le pré bleu du ciel et celui légèrement verdâtre du miroir de l'eau. Chacun de nous y voyait ce que leurs désirs secrets leur soufflaient. Et de l'air à ce moment-là se fit sentir. Un douce brise rafraîchissante incapable encore de soulever le moindre frémissement sur l'étendue impassible du lac. Nous ne parlions pas, profitant de ces espaces silencieux où la raison est mise en repos. Une libellule en vol stationnaire me regarde dans les yeux. Une guêpe sur mon bras s'est posée qui me fit légèrement trembler sans autre raison qu'une peur nichée dans l'ombre d'un certain souvenir. Un cygne dans son sillage emporte un de ces légers nuages en forme de mouton. 

(29) Suites possibles


" Aussi loin que notre connaissance puisse l'atteindre dans le temps et l'espace, l'homme ressent toujours son destin comme une tension entre deux réalités. L'une lui est familière. Il en vient à bout, tant bien que mal, grâce à son expérience et aux traditions de sa collectivité. L'autre pénètre d'un souffle inquiétant la réalité de ce monde coutumier. Elle n'est pour lui ni accessible, ni maîtrisable de la même façon que l'autre. Insaisissable, elle intervient pourtant profondément dans sa vie."

Le Maître intérieur, Dürckheim




Deux-cents-soixante-cinquième rapport de Don Carotte
Extrait de l'annexe du Petit Cahier Rouge au Cordon Noir

En cette année-là, ni même en ce jour-là dans l'après-midi, juste après la sieste, rien ni personne n'eut pu prévoir en intégralité ce qu'il s'y passa. Le temps qu'il faisait importe peu, bien que nombreux furent les témoignages qui disaient dans leur majorité qu'ils pensaient qu'il y avait de l'orage dans l'air. Aussi nombreux furent les témoignages qui disaient qu'il faisait beau... Les nuages, il est vrai ne donnent pas à voir ce qui va se passer, mais il se peut qu'avec une bonne dose de mémoire et de connaissance, les suites possibles s'y inscrivent mieux encore que les figures que nous nous amusons à reconnaître dans la multiplicité des formes et des possibles.

vendredi 28 septembre 2018

(28) Énigmatique découverte


“ Voilà pourquoi, à présent que je suis entrain de l’écrire pour elle -puisque je n’ai pas pu la lui raconter- j’ai choisi la manière la plus simple et la plus directe possible pour ne pas me risquer dans des chemins, raccourcis et méandres que je ne maîtrise pas, et qu’il ne serait pas non plus recommandé d’emprunter. Fasse le ciel qu’avec mon manque d’habileté ne se perdent pas ici l’enchantement, la fascination douloureuse et pénible de ces amours qui, par nature transitoires et impossibles, ont quelque chose (même infime) de ces légendes jamais épuisées qui nous ont envoûtés durant tant de siècles... Comme ce que je vais vous raconter est quelque chose que j’ai appris de la bouche du héros, je n’ai d’autre alternative que de me lancer pour mon propre compte, et avec mes pauvres moyens, dans la tâche de le consigner. J’aurais aimé que quelqu’un de plus doué le fît; cela n’a pas été possible...”

Alvaro Mutis, Le dernière escale du tramp steamer






Tiré des carnets de l'enfant Lune

Selon des sources récentes, il ressort de ces nouveaux documents, qui m'ont été récemment fournis, que les relations entre Don Carotte et certains de ses anciens amis, dont quelques écrivains se disant libertaires, ne se limitent pas à ses rapports, non plus qu'à un seul  échange épistolaire au sujet d'un énigmatique événement... Quelques traces ont récemment été découvertes qui, pour une part, éclairent certaines pages obscures de ces rapports... et pour l'autre part les rendent plus abscons encore... Ainsi cette citation de Karlfried Graf Dürckheim écrite à la main sur un morceau de ce qui fut une lettre déchirée dont ne subsiste ni le contexte ni, et surtout,  aucune signature qui nous permettrait de l'attribuer à l'une ou l'autre partie...

" La foi vivante est un état spirituel dans lequel le mystère vivant nous parle tant qu'elle n'a pas été soumise au rayon destructeur de la raison..."



(28) Où l'on va...


" Il ne faut point oublier d'où que l'on vient, mais avant tout savoir où l'on va..."

Carpentier, Coincoin et les Z'inhumains



Deux-cents-soixante-quatrième rapport de Don Carotte
Extrait du Petit Cahier Rouge à Cordon Noir
 
 
La nation que nous avions appelé de nos vœux nous a en quelque sorte englouti. Nous avions une nation, ... bien chers frères... Remarquez, au passage, je vous prie, que j'ai rétabli une sorte d'humilité en supprimant cette majuscule qui, selon moi, est à l'origine de notre déviance principale. Cette notion d'appartenance nous fait oublier ce qui n'est pas nous... enfin... vous... aussi... Vous remarquerez aussi que j'essaie de supprimer aussi cette marque de possession qui a envahi notre langage avant de développer dans "nos" cerveaux ces métastases mortelles dont nous ne voulions rien savoir... et que "nous" ne voulions pas voir...


(28) Accueil


" Le désert croît."
 Nietzsche




Le pèlerin, au fond du précipice loue ce qui dans sa chute l'a épargné et rêve d'une chute inversée dans laquelle les nuages l'accueilleraient comme un tapis de mousse.

(28) Sans prétention


" Le villes que l'Europe nous offre sont trop pleines de rumeurs du passé.Une oreille exercée peut y percevoir des bruits d'ailes, une palpitation d'âmes. On y sent le vertige des siècles, des révolutions, de la gloire. On s'y souvient que l'Occident s'est forgé dans les clameurs. Cela ne fait pas assez de silence."

L'été, Albert Camus




Deux-cents-soixante-troisième rapport de Don Carotte
Extrait du Petit Cahier Rouge à Cordon Noir

Ce que nous chantions était une sorte de symphonie macabre, je vous l'avoue, Monsieur, si l'on se tient à l'extérieur, mais, je vous le dis sans prétention, vécue presque sans passion de l'intérieur. De sang froid nous arrivâmes toujours obéissant à ce qui mille fois avant nous s’était perpétué. Nous représentions ce qui ne fait, depuis des temps immémoriaux, qu'invariablement se répéter.




(28) À chacun sa mélodie


" Il n'y a plus de déserts. Il n'y a plus d'îles. Le besoin pourtant s'en fait sentir. Pour comprendre le monde, il faut parfois s'en détourner; pour mieux servir les hommes, les tenir un moment à distance. Mais où trouver la solitude nécessaire à la force, la longue respiration où l’esprit se rassemble et le courage se mesure?"

L'été, Albert Camus
 


Deux-cents-soixante-deuxième rapport de Don Carotte
Extrait du Petit Cahier Rouge à Cordon Noir

Après coup, on pourrait dire... on eu dit que tout cela émanait d’une tradition si vivace que tout se produisait selon un ordre qui me paraît, aujourd’hui encore, comme étant naturel, réglé comme du papier à musique. Chacun de nous a interprété strictement, mais brillamment, je vous prie de le croire, Monsieur, sa partition avec son instrument. Chacun avec sa mélodie, ses notes, ses particularités et pourtant nous ne formions plus qu’un seul cœur.


(28) Limpide


 " Mais toi tu es né pour un jour limpide..."

Hölderlin
 


Deux-cents-soixante-et-unième rapport de Don Carotte
Extrait du Petit Cahier Rouge au Cordon Noir


Dans la mort de notre Vénéré Maître le secret tant désiré gît maintenant et à jamais...
Personne parmi nous n’a jamais su et personne parmi vous ne saura de qui serait venu l’ordre de mission à laquelle nous n'avons fait qu'obéir. La confirmation de l'échec de notre mission, à condition que c'en fût une... aussi brutale qu’elle fut eu dû du me convaincre de la nécessité de croire... mais ce fut le contraire qui se produisit. Quelque chose me dit que nous avions joué notre rôle à la perfection.

jeudi 27 septembre 2018

(27) Promesses et résolutions


" Pendant ce temps, la tempête faisait rage et la mer, qui n'avait jamais été auparavant, bouclait beaucoup, mais rien comparé à ce que j'ai vu d'autres fois depuis lors; non, pas avec ce que j'ai vu quelques jours plus tard. Cependant, c'était assez pour me faire peur, parce que j'étais à peine un jeune navigateur qui n'avait jamais rien vu de tel auparavant. À chaque vague, je m'attendais à ce que la mer nous engloutisse et chaque fois que le bateau tombait sur ce qui me semblait être le fond de la mer, je pensais qu'il ne reviendrait pas à flot. Dans cette agonie physique et mentale, j'ai fait beaucoup de promesses et de résolutions."



Deux-cents-cinquante-sixième rapport de don Carotte
Extrait du Grand Cahier Noir

Pourquoi, dans le fond, aviez-vous si peur de toutes ces réalités qui se cachent sous le couvert de l’imaginaire? Je dis bien "dans le fond" car pour pour le principe vous étiez parfaitement d'accord avec moi. C'était quand la chose vous touchait, même légèrement, que le temps se mettait brusquement à couvert...
Tous ces mots qui nous tombent dessus ces liens qui se tissent entre eux, allégeance et dépendance, soumission quelque fois, accords souvent qui en déterminent et modifient le sens profond. 

– Serions-nous, comme les mots, tributaires de la définition qu’on attribue aux mots?
Bien avant que je ne vous pose la question, je connaissais la réponse et la sublime complication à géométrie variable que vous étiez capable d'évoquer... ou d'invoquer... Je vous avoue qu'en ces cas-là, nonobstant le désespoir intellectuel devant tant de bêtise, j'avais de l'admiration pour cette création...

(27) Un tout





Je venais d'entendre une voix, une voix venue de je ne sais où:

– Tout est là, reprit-elle, mais que peut savoir qui le sait et qui peut se définir soi-même?

Que de questions pour une seule voix à laquelle, à l'insu de ma présence, répondait une autre voix ressemblant aussi à la mienne:

– C’est ce tout qui vous étouffe... C’est ce tout qui est désir... c’est ce tout qui dans le sang s’écoule... et c’est ce tout qui est là sous vos yeux...

(27) Faute de mieux


" Et c'est ce jour-là qu'a commencé cette période dans l'escalier. Où aller? Je devais rester à l'usine, à n'importe quel endroit pour être vue, pour faire acte de présence; sinon, on aurait pu prétendre que je n'étais pas à l'usine. Le bureau de mon amie était tout en haut: je posais mes dictionnaires e mes cahiers dans l'escalier, entre deux étages, faute de mieux, puis je me mettais à côté. Détail important, je m'asseyais sur mon mouchoir, car l'escalier était en béton froid et sale. Et invariablement, je m'installais tous les jours sur mon mouchoir, comme si ç'avait été un espace circonscrit. L'endroit délimité par le mouchoir était une sorte de parcelle, de terrain privé. Je n'étais plus dehors, je me trouvais à l'intérieur de l'escalier, mais comme dans mon propre bureau. Peut-être était-il à l'intérieur de moi-même, ce bureau mouchoir de poche."

Herta Müller


Deux-cents-cinquantième rapport de Don Carotte
Extrait du Premier Grans Cahier Violet

C'est ainsi, monsieur le Juge que, fuyant les mots qui invariablement me dénonçaient comme récalcitrant à la doctrine, je me mis, faute de mieux, à dessiner. J'espérais que je pourrais y découvrir et pénétrer cet espace que vous me refusiez.



(27) Étranger à soi-même


Ce qui nous dénature nous rend étranger à nous même.
 

Deux-cents-quarante-quatrième rapport de Don Carotte
Extrait du Premier Grand Cahier Violet

À tout instant, en tout lieu, lors de tout moment de sa vie, qui peut savoir ce qui se passe dans sa propre tête? Ce qui s'est passé l'instant d'avant? Ce qui va se passer celui d'après? Et si ces chaînes de causes ont pour toujours les mêmes effets. Ceux, pure supposition, d'un Ordre Juste et Parfait, établi depuis toujours et à jamais? On peut tenter… juste tenter de répondre... à cette insidieuse question.

mercredi 26 septembre 2018

(26) Territoire solitaire



Deux-cents-cinquante-et-unième rapport de Don Carotte
Extrait du premier Grand Cahier Violet

Pendant longtemps je pensais que, mieux que personne, il me semble, j'avais repéré certains événements ne correspondant point à ce que vous appeliez la doctrine.
Je vous signalais avec tact les très légères déviances morales que, par pudeur, j'évitais alors de  relier intimement aux troubles psychiques dont je supposais qu'ils vous faisaient souffrir depuis bien longtemps déjà... En vain. Vous n'écoutiez pas. Comme c'est bien souvent le cas, la moindre des remarques se retourne contre son auteur... C'est pourtant cette relation terre à terre qui me révéla l'étonnante incohérence de vos emportements dont vous me fîtes l'unique témoin... Perverse manœuvre... imprécations de dément lumineux. Pour fuir les tourments de votre esprit, il fallut que je je fasse repli sur moi-même. Territoire solitaire...
 




(26) Les reflux de la mémoire






Deux-cents-quarante-cinquième rapport de Don Carotte
Extrait du Premier Grand Cahier Violet

Devant cette petite table bancale, à la lumière tremblante de sa bougie dont je parlais dans un précédent rapport, je pouvais réfléchir à mon tour à propos de l’une des image qui figurait sur votre pupitre parmi vos dossiers où je reconnus le mien, Monsieur. Son souvenir, à lui seul me donnait accès à beaucoup d'autres et sans tenter d'y mettre de l'ordre, acceptant cette sorte de chaos que forme la mémoire, je me laissais emporter et désajuster par ce que l'on nomme l'imagination. 

C'est alors que je l'entendis, comme pour la première fois:
– Chaque jour, sur la mousse verte et glissante du glacis, face aux montagnes se reflétant dans le miroir aveuglant du lac, les yeux plissés, face brulée, comme le reflux des vagues et des saisons, je refaisais le même cauchemar.

(26) En toute Modestie




Deux-cents-cinquante-huitième rapport de Don Carotte
Extrait du Grand Cahier Rose

Ne vous rendiez vous point compte, Monsieur, combien était fausse l’expression de vos idées. Combien ce qui vivait dans l’expression, indépendamment des mots et de leurs significations, sonnaient faux... Vous dites que de votre point de vue c’est faux et que je serais le seul à l’entendre ainsi... Vous avez beau jeu de le dire, sûr que vous êtes de ne pas être contrarié par un autre que moi... et certain de l'appui de l'immense majorité qui vous est acquise...

Il se trouve, niché à l'intérieur des Grandes Archives, force documents attestant de l'Usage de la Majuscule inventé, ritualisé par Le Grand Tartarin. Il se pourrait même que le passage de la minuscule au rand Majuscule se fit lors de cérémonies de plus en plus fastueuses d'un certain point de Vue, celui sur le Fond, le Front ou la Forme de Sa Grandeur... en toute Modestie et Bienveillance.

(26) À l'envers parfois


 Trop tard ou trop tôt, bien avant l'aube, de somptueux rochers dressent le cadastre d'un temps passé.





Deux cents-quarante-deuxième rapport de Don Carotte
Extrait du Grand Cahier Rose

Dans un commencement, l’œil effaré s'ouvre sur ce qui le voit, un monde qui le voit de l'intérieur et qui contient une infinité de monde avec leurs enclaves discrètes dans les anfractuosités sauvages de la pierre taillée du sous-sol des palais... bâtis de toutes pièces par des dieux exigeants pour abriter leurs cours.

Une noblesse qui rythme ses pas et sa respiration sur celle de son Maître et créateur Bien-Aimé, tel était son désir qu'il appelait de ses vœux... Bienheureux soit celui qui, sur le chemin de l'écriture, marche et se perd. La mort, déjà, était là sous mes yeux. 
Il arrive, cela est vrai, que l'on croie avec honnêteté à certaines permanences...
Ce qui s'est passé, ce jour-là, n'est pas simplement ce qui pouvait se passer. Cela a été. Cela s'est réalisé. Cela ne va pas de soi. La porte a été franchie et, chacun le sait, le passage d'une porte est une entrée dans un sens et une sortie dans l'autre... ou l'inverse... L'Histoire a un sens que n'ont pas les histoires. Sans le savoir l’enfant apprend de celles-ci et de toutes manières, à l'envers parfois, ce qu’il ne veut ou ne peut transmettre

mardi 25 septembre 2018

(25) Jeux d'âmes


" Je vous l’ai dit, que je n’ai plus ma langue, ce n’est pas une raison pour que vous persistiez, pour que vous vous obstiniez dans la langue. Allons, je serai compris dans dix ans par les gens qui feront aujourd’hui ce que vous faites. Alors on connaîtra mes geysers, on verra mes glaces, on aura appris à dénaturer mes poisons, on décèlera mes jeux d’âmes."

Antonin Artaud




(25) En vous-même


« [...] et si vous voulez mieux connaître l'amour que je vous porte, assurez-vous qu'autant vous avez en vous, autant vous méritez, autant je vous aime, et pas davantage.»

Roi Lear


– Avez-vous seulement idée de ce que je suis… De qui vous êtes devrais-je dire….
– Je sais pour ma part qui cous êtes. Mais cette connaissance est imparfaite puisque je vous regarde comme si j’étais un autre et que cet autre je ne sais qui il est. La part d’étrange, la part d’étranger que je vois en vous et, d’une certaine manière assez similaire à cette part d’étrange ou d’étranger que je peux observer en moi-même.

 

(25) Une géométrie sans espace


" Alors tous mes cheveux seront coulés dans la chaux, toutes mes veines mentales, alors on percevra mon bestiaire, et ma mystique sera devenue un chapeau. Alors on verra fumer les jointures des pierres, et d’arborescents bouquets d’yeux mentaux se cristalliseront en glossaires, alors on verra choir des aérolithes de pierre, alors on verra des cordes, alors on comprendra la géométrie sans espaces, et on apprendra ce que c’est que la configuration de l’esprit, et on comprendra comment j’ai perdu l’esprit."

Antonin Artaud

 

Après quelques instants une troisième voix s'était faite entendre, à peine différente des deux premières, mais avec une présence que n'avait pas les deux autres:

– Aussi loin que je m’en souvienne, Monsieur, je ne me souviens pas de quelqu’un tentant, ou doutant, de comprendre ce qu’était cette présence. Nous étions trois, Monsieur, trois compagnons plein d’enthousiasme et prêts à tout. Parler ne va pas de soi, Monsieur, alors écrire ou lire, vous pensez! Aujourd'hui je m'y essaie comme hier je fis ce que je vous dis... Le plus souvent nous ne formions qu’un et aujourd’hui nous ne sommes plus rien, Monsieur. Pourtant nous avions fermement réglé nos pas sur ceux de nos Maîtres. À partir du moment où, stimulé par le désir secret que nous voyions briller dans leurs yeux, nous décidâmes qu’il était temps, plus rien n’aurait pu nous arrêter. Ce qui nous était apparu comme notre salut était devenu une obsession.

(25) Presque par hasard







Deux cent-trente-septième rapport de Don Carotte
Extrait du Grand Cahier Rose


Depuis quelques années certaines îles, autrefois un peu oubliées, riches pourtant en histoires de toutes sortes vivent des événements parfaitement inattendus. Il suffit qu'apparaisse le moindre embryon d'institutions politiques pour que naisse à la périphérie de celles-ci des frontières. Ceux qui ne font pas partie de ces institutions deviennent des étrangers. Plus que tout autre territoire, une île pour autant qu'elle soit petite, assez pour que le regard puisse, en quelques mouvements, s'en faire une idée si ce n'est le tour, le montre sans ambiguïté.
Pourtant l'étranger n'est point quelque chose qui existe par nature...







lundi 24 septembre 2018

(24) Impermanent




Deux- cents-quarante-quatrième rapport de Don Carotte
Extrait du premier Grand Cahier Violet

Le temps m’étant conté, je ne reviendrais pas sur l’entier de ce jour dont je sais que vous avez souvenir. Je me contenterais de raconter un court instant. Celui où, dissimulé derrière les bosquets, les architecture et les voies d'eau, entre terre et ciel, du sommet des montagnes aux gouffres les plus profonds, de la source claire aux lacs souterrains, face au miroir de la petite chambre obscure où vous m'aviez enfermé, dans l'obscure clarté de la bougie posée sur la table bancale, je jetais, par le regard du dedans et celui du dehors, un pont entre soi et soi, en plusieurs aller-retours impertinents le plus souvent, impermanents sûrement.

(24) L'immobile fantôme






Et là, vois ce Grimpion, affidé ensanglanté, sur le versant oublié d’un sommet trop escarpé qu’il ne gravira jamais! Il tente vainement d'escalader, marche après marche, homme ou montagne. Longtemps la main sur l’arrête s’est accrochée. Une main tendue vers rien. La prise sans fin s’est figée en un regard, sommet voilé. Au creux de sa main, comme une ombre que pénètre un soleil, l'immobile fantôme dissout ce qui, dans l'oreille, ruisselle sans bruit

(24) Cela ne se fit point


" Alors on comprendra pourquoi mon esprit n’est pas là, alors on verra toutes les langues tarir, tous les esprits se dessécher, toutes les langues se racornir, les figures humaines s’aplatiront, se dégonfleront, comme aspirées par des ventouses desséchantes, et cette lubrifiante membrane continuera à flotter dans l’air, cette membrane lubrifiante et caustique, cette membrane à deux épaisseurs, à multiples degrés, à un infini de lézardes, cette mélancolique et vitreuse membrane, mais si sensible, si pertinente elle aussi, si capable de se multiplier, de se dédoubler, de se retourner avec son miroitement de lézardes, de sens, de stupéfiants, d’irrigations pénétrantes et vireuses, alors tout ceci sera trouvé bien, et je n’aurai plus besoin de parler."

Antonin Artaud




Deux-cents-cinquantième rapport de Don Carotte
Extrait du Premier Grand Cahier Violet

J'avais recueilli les témoignages de qui vous savez, Monsieur le Juge. Vous les connaissiez, je crois.
 
– Nous nous mîmes en route sans même nous être concertés. Chacun pour soi. Dans une coordination parfaite nous mîmes à profit tout ce que nous avions appris. Ne croyez pas que la haine à aucun moment fut convoquée, pas du tout... La haine nous ne connaissions point. Seule la soif activait notre pas, nos bras, et nos mains sans que jamais nous n’ayons eu la moindre sensation ou le sentiment que nous aurions perdu la tête et encore moins la raison. Cela eut dû se faire, mais cela ne se fit point.






(24) Incohérent voyageur


" Ah ! ces états qu’on ne nomme jamais, ces situations éminentes d’âme, ah ! ces intervalles d’esprit, ah ! ces minuscules ratées qui sont le pain quotidien de mes heures, ah ! ce peuple fourmillant de données, — ce sont toujours les mêmes mots qui me servent et vraiment je n’ai pas l’air de beaucoup bouger dans ma pensée, mais j’y bouge plus que vous en réalité, barbes d’ânes, cochons pertinents, maîtres du faux verbe, trousseurs de portraits, feuilletonistes, rez-de-chaussée, herbagistes, entomologistes, plaie de ma langue."

Antonin Artaud



Deux-cents-quarante-deuxième rapport de Don Carotte
Extrait du Grand Cahier Rose

Le recul vers une période passée est -elle un voyage? Que de fois me suis-je posé la question?

Vous me dénonciez comme un pessimiste et un paranoïaque, obsédé par une vision tragique de l'histoire et du futur, tant vous fûtes si certains, incohérents voyageurs, que j'avais été marqué dans ma jeunesse par un quelconque destin qu'il eut suffi de bouter hors de moi par un magnifique et salutaire coup de pied au cul! Je vous laisse, aujourd'hui encore, libre de vos propos, mais je doute fortement et estime peu probable que vous aurez un jour la possibilité de corriger votre point de vue au sujet de leur pure bêtise... Là n'est pas l'essentiel.

dimanche 23 septembre 2018

(23) Ce n'était qu'un miroir


" On dit qu'il y a un énorme trou noir au centre de notre galaxie et qu’il y en a d’innombrables autres dans l’univers. On explique que lorsqu’on entre dans un trou noir, le temps se transforme en espace et l’espace se transforme en temps, ce qui doit créer une drôle d’ambiance. On raconte également que, contrairement à ce qu’indique leur appellation, les trous noirs sont vraisemblablement des phares à leur façon, au sens où ils rayonnent eux aussi de la lumière. C’est du moins ce que suggèrent les calculs quand on injecte un peu de physique quantique dans la façon de les décrire…" 




À la suite d'événements dont je ne percevais qu'une vague brume sur l'horizon et dont je ne connaissais point entièrement les causes, j'étais venu m'installer sur une île que je découvris  presque par hasard. Comme il peut arriver selon les lois de la nature, je fis naufrage. Ce naufrage ne fit que refléter ma situation sociale du moment. Je venais de quitter des institutions dans lesquelles, loin d'occuper les plus hautes fonctions, j'étais pourtant écouté et mes avis, à défaut de faire autorité étaient influents. Je ne me rendais pas complètement comptes de la grogne qui était née dans l'esprit de ceux à qui je ne présentais pourtant qu'un miroir. 

(23) Sur mon île


" Et n’espérez pas que je vous nomme ce tout, en combien de parties il se divise, que je vous dise son poids, que je marche, que je me mette à discuter sur ce tout, et que, discutant, je me perde et que je me mette ainsi sans le savoir à penser, — et qu’il s’éclaire, qu’il vive, qu’il se pare d’une multitude de mots, tous bien frottés de sens, tous divers, et capables de bien mettre au jour toutes les attitudes, toutes le nuances d’une très sensible et pénétrante pensée."

Antonin Artaud




Deux cent-quarante-et-unième rapport de Don Carotte
Extrait du Grand Cahier Rose


Sur mon île... Je remarque au passage, c'est-à-dire au moment d'écrire que , sans l'ombre d'une pensée qui aille en ce sens, je me l'étais appropriée. Je venais de le dire et de l'entendre en écrivant. Cependant ma main ne l'avait pas inventé. Il fallait donc que cette pensée précède quelque peu, si peu que ce soit, l'acte d'écrire. Comment ce sentiment, cette pensée et cette action, avaient elle pris place en moi?

– Hélas, dans quels pays, dans quelles contrées de l'esprit, suis-je donc venu? Au-delà desquelles celui qui y vit est un étranger.