jeudi 31 août 2006

Théâtre à la belle étoile (36)


Quand les oiseaux furent repartis, le Grand Fanfaron m'invita à le rejoindre sur la piste. Nous montâmes sur l'estrade où j'eus droit à une leçon magistrale sur la façon de diriger les étoiles.
- Les étoiles sont comme les oiseaux, me dit-il, elles ne font que ce qu'elles désirent. On ne peut rien leu imposer. Il faut juste les diriger selon leurs désirs. Et ce qu'elles aiment par-dessus tout, c'est une certaine sorte de lumière...

La lente initiation de Don Carotte
sous l'emprise des étoiles
et de leurs lumière déroutantes.
Lidane Liwl
Édition "Lettre est son. Pars ! Cours !"

Théâtre à la belle étoile (35)


Je dus m'endormir quelques instants... Ce que je vis lorsque j'ouvris les yeux ne correspondait pas vraiment à ce que mes oreilles entendaient. C'était comme si la bande son du film avait été remplacée par une autre. Ainsi j'entendais une sublime mélodie et je ne savais pas si ce que mes yeux voyaient était une danse ou un combat...

La lente initiation de Don Carotte
au prise à une musique charmante
aux pouvoirs désarmants.
Lidane Liwl
Édition "L'être est son parcours"

mercredi 30 août 2006

Théâtre à la belle étoile (32)


Sans plus de façons, ils enlevèrent leurs capes et s'installèrent sous le chapiteau et, sans se concerter, se mirent immédiatement à jouer. Ceux qui me touchaient le plus étaient un violoncelliste et un accordéoniste qui s'étaient installés au plus haut et se balançaient nonchalamment au rythme de leur propre mélodie... Au milieu de la piste, dans les profondeurs obscures du cirque, surgit une planète sur laquelle tombait un mince filet de lumière. Elle vibrait à l'unisson de la musique...

La lente initiation de Don Carotte
au prise à une musique inconnue
aux pouvoirs délirants.
Lidane Liwl
Édition "L'être hait son double"

Théâtre à la belle étoile (31)


Sans que cela puisse se voir, je sentis confusément que le Grand Fanfaron, sans en avoir l'air, me regardait. La scène qui suivit m'étonna encore plus. Il maniait sa baguette en dansant de telle façon que des oiseaux firent leur apparition. En me concentrant un peu plus, je vis que ceux que je prenais pour des oiseaux ne l'étaient pas...

La lente initiation de Don Carotte
au prise à d'incroyables illusions.
Lidane Liwl
Édition "Les traits sont doubles"

mardi 29 août 2006

Théâtre à la belle étoile (30)


Il m'arriva de surprendre le Grand Fanfaron. Ce que je vis alors me surpris moi-même. C'était bien après la fin du spectacle. Alors que je prenais l'air avant de m'en aller dormir, mon attention avait été attirée par une légère lueur tremblante semblant émaner du chapiteau. Je rappelle que j'étais responsable de l'ordre du matériel. Alors que j'entrebâillais légèrement le rideau m'apparut la scène que vous avez sous les yeux.

La lente initiation de Don Carotte
aux incroyables et multiples manifestations de la lumière.
Lidane Liwl
Édition "L'être est son double"

Théâtre à la belle étoile (29)


L'éducation de Désiré allait bon train. Il avait vaincu sa peur et se mouvait avec aisance dans l'eau qu'il s'amusait à faire tourbillonner. Je pense même qu'il y trouvait un certain plaisir... Il traversait la lumière aussi facilement que le soleil traverse le ciel et surtout il avait accepté le poids de ma présence sur son dos. Certes cette présence et ce poids devenait de jour en jour plus symbolique, étant donné la taille de Désiré qui continuait de grandir. Cependant, il faut le dire, malgré les apparences je grandissais aussi et cela ne pouvait se voir...

La lente progression de Don Carotte,
et de Désiré qui ressemble
de plus en plus à son homonyme.
Lidane Liwl
Édition "L'être et son double"

lundi 28 août 2006

Théâtre à la belle étoile (28)


Un jour, au cours de notre entrée en scène, les choses faillirent mal tourner. Notre vénérable Fanfaron avait-il bu plus que de coutume ? Ou pour toute autre raison, perdit son équilibre. Je le rattrapais du mieux que je le pus, sans me faire voir, avec tout le doigté et la délicatesse dont j'étais capable: un très léger écart et c'était la catastrophe. Le geste était risqué et eu pu servir de prétexte à une mauvaise interprétation. Il m'en su gré. Ce fut la première fois qu'il me parla.
- Tu avances masqué, mon ami. Mais je peux observer le merveilleux et la poussée continuelle de faits irrationnels qui s'inscrivent sur ton visage, comme sur un livre ouvert...

Le très utile coup de main de Don Carotte,
dans l'obscurité de son maître
qu'il commence à aimer.
Lidane Liwl
Edition "Être et profondeur"

dimanche 27 août 2006

Théâtre à la belle étoile (27)


Le "Maître de Fanfare" était le plus ancien de nous tous et avait pour cette raison, et d'autres encore, la délicate "mission" de paraître le premier. C'est ce qu'il accomplissait chaque jour en chevauchant "l'astre nouveau-né dans la nuit". Il faut admettre qu'à ce moment-là il paraissait bien plus jeune qu'il n'était réellement et perdait un peu de son air rugueux et sévère. J'en arrivais même à le trouver sympathique. Il me rappelait un peu mon frère...

Le très utile voyage de Don Carotte,
dans l'ombre de ses maîtres
qu'il commence à aimer.
Lidane Liwl
Edition "Être et disparaître"

Théâtre à la belle étoile (26)


Quand il arrivait au sommet de l'échelle, je devais, sans perdre un instant, contourner le dispositif, grimper au plus haut en restant dans l'ombre pour ne pas être repéré par des spectateurs trop curieux et ainsi l'aider à se hisser en lui tendant la main. Le tout en lui communiquant par signes précis, dans le langage des malentendants, la suite des opérations.

Le peu glorieux mais indispensable voyage de Don Carotte,
dans l'ombre de ses maîtres.
Lidane Liwl
Edition "Être utile"

Théâtre à la belle étoile (25)


Personne n'avait l'air de croire à mon histoire et aux yeux de tous, j'apparaissais comme un enfant. Cependant, mes connaissances en matière de théâtre furent vite mises à profit. En peu de temps j'avais acquis le titre envié de "Maître du Cérémonial". Il faut dire que je ne manquais pas d'idées. La première que je mis en place fut de plonger les spectateurs dans la nuit la plus profonde. Pendant ce temps, ma tâche consistait à faire monter le Grand Fanfaron sur la partie haute du décor, que j'avais conçu et que nous surnommions: l'Olympe.

L'irrésistible ascension de Don Carotte,
enfant presque prodige,
au service de l'artifice et du merveilleux.
Lidane Liwl
Edition "Êtres en paraître"

samedi 26 août 2006

Théâtre à la belle étoile (24)


Dans les rares moments où je n'étais pas en piste et où je n'avais aucun travail à effectuer, j'observais. J'observais non seulement les artistes que j'admirais et desquels j'apprenais énormément, mais aussi les spectateurs. Parmi eux, j'en remarquais un certain nombre. Le plus remarquable était celui que vous pouvez observer sur l'image qui accompagne ces quelques mots. Sa douce compréhension, son sens de la poésie et du désintéressement alliés à la rigueur extrême me fascinait. J'avais l'impression de voir deux hommes à la fois. Lorsque je le vis je ne savais pas encore qui il était. Ce ne sera que beaucoup plus tard que je le reconnaîtrais...

La seconde vie de Don Carotte
où l'enfant facétieux grandit,
lié étroitement aux monde qui l'entoure.
Lidane Liwl
Edition "Rêves et conquêtes"

Théâtre à la belle étoile (23)


Sans le savoir, je grandissais... Comme Désiré grandissait plus vite que moi, je ne m'en apercevais pas. La puissance de Désiré dépassait tout ce que l'on pouvait imaginer. C'était un spectacle vraiment impressionnant que de nous voir nous affronter dans la lumière de l'arène. Certes nous poussions au paroxysme certains de nos sentiments, afin que les spectateurs ne puissent retenir les leurs, mais le fait est que, malgré notre complicité, je ressentais quelque chose de véritablement extraordinaire dans ces moments-là...

La seconde vie de Don Carotte
où l'enfant facétieux va découvrir la peur,
liée étroitement aux joies de l'existence.
Lidane Liwl
Edition "Jeunesse & plaisirs"

Théâtre à la belle étoile (22)


Les blessures qui m'étaient advenues, en conséquences de ma chute, n'étaient pas aussi légères que je me plaisais à le croire. Je mis beaucoup de temps pour parvenir à les oublier. Mais lorsque ce fut le cas, cela se fit complètement. J'avais tout oublié, hormis la version qui me convenait: "J'avais passé trois jours aux bons soins de la vache, de l'ânesse et des trois rois mages."
Quelques temps après, on me confia une tâche importante : l'éducation d'un ânon. Un ânon bien plus grand que moi et dont le prénom me fit sursauter. Imaginez ma surprise : il s'appelait Désiré... La raison de sa grande taille était qu'il était né le jour-même de mon arrivée... En réalité trois ans auparavant...

La seconde vie de Don Carotte
où l'enfant facétieux va découvrir avec bonheur
les joies de l'éducation.
Lidane Liwl
Edition "Jeunesse & croyance"

vendredi 25 août 2006

Théâtre à la belle étoile (21)


Grâce aux bons soins de ma nourrice et des pastèques que m'avaient offertes mes amis, j'avais repris du poil de la bête. Au vu de ce qui m'était arrivé, j'avais été engagé par le directeur du cirque. Je le soupçonnais un peu de vouloir en tirer un parti qui ne me semblait guère orthodoxe. Mais j'étais content d'avoir retrouver un cadre de vie qui me plaisait. Je paraissais pour de minuscules instant sur la piste pour assister l'un ou un autre membre de la troupe et pour cela je remettais ma fausse barbe et mon costume de théâtre. Cela me plaisait et cela avait l'air de plaire aux spectateurs. Il en était ainsi depuis un certain temps lorsque, au détour d'un rideau, une sorte de monstre menaçant me fit face.
- C'est moi, n'aie pas peur..!
J'étais tétanisé par la peur et incapable de prononcer un seul mot. Je ne savais pas qui c'était...
- Viens ici p'tite crotte ! C'est moi, Melchior.
Je n'en revenais pas et je n'en croyais pas mes yeux. Cependant la voix de cet homme était bien celle de Melchior que la peur m'avait masquée. Je ne me trompe jamais avec les voix et je reconnaissais aussi le moule à gâteau qu'il portait sur la tête.
- Notre histoire est un peu compliquée, me dit Melchior, qui était celui qui avait le moins de peine à s'exprimer. Nous ne sommes pas ceux que cous croyez que nous soyons. Nous portons de fausses barbes et sous ces barbes un peu tristes se cachent de joyeux lurons... Enfin c'est un peu du passé... Mais de temps en temps, j'aime faire de p'tites faces.
Il voulait dire de petites farces, comme plus tôt, il avait voulu dire carotte. Il aimait manger les mots. Un chose me tracassait tout de même. Melchior et ses deux frères m'avaient semblé être à peine plus grand que moi et là il m'apparaissait tel un géant...

La nouvelle vie de Don Carotte
ainsi que le facétieux dévoilement de trois rois déchus
qui lui offert tout ce qu'ils ont.
Lidane Liwl
Edition "Déclivité"

Théâtre à la belle étoile (20)


Leurs regards, aussi tristes que leurs habits ringards, donnaient pourtant plus envie de sourire que de plaindre. Melchior qui était entré en dernier, cachant ses mains vides derrière les deux autres, prit la parole :
- Je te salue "Rescapé du ciel"! Que l'Histoire te vienne en aide. Mais pour commencer, accepte ces misérables cadeaux... Nous étions autrefois riches et puissants, vois aujourd'hui ce que nous sommes, pour ma part c'est ce que je t'offre : la vision de ce que tu pourrais être un jour...
Je ne pouvais réprimer un petit sourire fort discourtois qui ne leur échappa pas.
- Nous voyons que tu souris, c'est un début encourageant, me dit Balthassar, qui lui n'avait pas les mains vides, il portait, ainsi que Gaspard, une tranche de pastèque...

La renaissance de Don Carotte
ainsi que l'ingénu dévoilement de trois rois déchus
qui lui offrent tout ce qu'ils ont.
Lidane Liwl
Edition "Nativité"

jeudi 24 août 2006

Théâtre à la belle étoile (19)


J'étais, sans le vouloir, devenu l'attraction principale de tous les acteurs du cirque. Chacun voulait voir ce petit homme curieux, ressuscité entre les bras de l'âne et de la vache après être mort en tombant du ciel. Les premiers qui me rendirent visite, après que j'aies repris mes esprits furent Melchior, Balthazar et Gaspar, bouffons et rois de leurs états. Ils venaient fort gentiment m'offrir des cadeaux...

La renaissance de Don Carotte au cirque
ainsi que l'ingénue apparition de trois rois
qui s'intéressent fort à son histoire.
Lidane Liwl
Edition "Nativité"

Théâtre à la belle étoile (19)


C'est ainsi que je me réveillerais, quelques jours plus tard, confortablement installé dans la crèche de l'âne et du boeuf, qui se révélera être une vache... Ce fut, comme une nouvelle naissance... Ma blessure à la tête s'était refermée sous l'action des langues de mes hôtes...

La renaissance de Don Carotte au cirque
ainsi que l'ingénue apparition d'un nouvel âne
qui s'intéresse fort à son histoire.
Lidane Liwl
Edition "Renaissance"

Théâtre à la belle étoile (18)


En un éclair, je parcourus la distance entre la colline où nous étions et celle, fort éloignée où se trouvait le cirque. Je ne saurais jamais qui, de la force du vent où de celle de Désiré, fut la plus efficace pour ce transport. Toujours est-il que je me retrouvais empêtré et inconscient dans la toile du cirque et que celui-ci, sous le choc, s'était effondré...

L'arrivée angoissante et très brutale,
de Don Carotte au cirque
ainsi que l'ingénue disparition de Désiré
qui tire sa révérence.
Lidane Liwl
Edition "Ressource volante"

mercredi 23 août 2006

Théâtre à la belle étoile (17)


Désiré poussa un grand que l'on entendit résonner loin à la ronde. Dans le même instant, sans m'avoir prévenu, il fit une immense ruade qui m'envoya en l'air... Je pris immédiatement conscience de la grandeur de Désiré, de la hauteur de ma chute, de la force du vent et de ma propre insignifiance.

L'arrivée angoissante, très approximative,
hérétique et angoissée de Don Carotte
et de l'ingénue disparition de Désiré
qui, au propre et au figuré,
tire sa révérence.
Lidane Liwl
Edition "Ressource volante"

Théâtre à la belle étoile (16)


Ce n'est que lorsque nous nous arrêtions que je pouvais observer Désiré. Il devenait de plus en plus nerveux. Depuis un certain temps il ne me parlait plus. Il semblait préoccupé. La dernière chose qu'il m'ait dite était que nous nous rapprochions... J'avais ajouté, comme pour plaisanter, mais à voix basse et sans savoir pourquoi :
- Dangereusement...
Simplement parce que la manière dont il avait parlé, me le fit penser. Il s'était légèrement cabré et effectué un tour complet sur lui-même, les naseaux grands ouverts. C'est alors que nous vîmes au loin, sur une colline toute semblable à celle sur laquelle nous nous trouvions, deux hommes en train d'arrimer une grande tente. Ils attachaient des cordes à de gros rochers ronds, suffisamment lourds pour que le chapiteau ne fut pas emporté par les vents violents soufflant sur le sommet.

La longue approche, de plus en plus approximative,
hérétique et angoissée de l'âne Désiré
et de l'ingénu Don Carotte
qui y prend, au propre et au figuré,
de moins en moins de place.
Lidane Liwl
Edition "Ressource vive"

Théâtre à la belle étoile (15)


Mais je ne m'apercevais pas du fait que Désiré grandissait pareillement. Aussi vite qu'une rivière de montagne pendant l'orage ! Comment est-ce que cela fut possible ? Vous le saurez bientôt... Ce n'est que lorsque nous...

Le long cheminement, de plus en plus solidaire,
de plus en plus hérétique de l'âne Désiré
et de l'ingénu Don Carotte
qui y prend, au propre et au figuré,
de moins en moins de place.
Lidane Liwl
Edition "Ressource naturelle"

mardi 22 août 2006

Théâtre à la belle étoile (14)


Désiré avait changé, lui aussi. Je m'en aperçus lorsque, soudainement, sans aucun avertissement de sa part, il se cabra et poussa un long cri qui me fit froid dans le dos. Je remarquais au passage combien j'avais fait de progrès. Malgré la brusquerie du mouvement et l'effarement intérieur dû au cri, je demeurais stoïque et bien en selle. J'étais devenu, il faut le dire, en peu de temps et au mépris de la modestie, un excellent cavalier... Mais ce qui me surpris le plus, fut la grandeur de Désiré. Il semblait grandir chaque jour un peu plus.

La longue cavalcade, de moins en moins solitaire,
de plus en plus authentique,
pensive et surtout hérétique
de l'ingénu Don Carotte,
et de son âne Désiré
qui y prend, au propre et au figuré,
de plus en plus la place de son frère.
Lidane Liwl
Edition "Ressource pysique"

Théâtre à la belle étoile (13)


Durant nos... ses longues chevauchées, auxquelles il m'avait aimablement convié, Désiré me parlait, l'air de rien, en orientant ses longues oreilles dans toutes les directions. On eut dit qu'il cherchait quelque chose. Ce qui m'amusait et m'empêchait de penser. Plus d'un fois, il me regarda droit dans les yeux et me tint de longs discours. Au début, l'incongruité de la situation me faisait sourire. Ce qui était déjà beaucoup. Puis, de jour en jours, je m'aperçus que ce qu'il disait avait un sens. Et même plusieurs... Un matin, dans l'aube naissante, il me remarquer une étoile un peu plus brillante que les autres.
- Regarde bien cette étoile et veille à ce qu'elle ne te quitte plus...

La longue vie, de moins en moins solitaire,
de plus en plus authentique,
pensive et surtout hérétique
de l'ingénu Don Carotte,
et de son âne Désiré
qui y prend, au propre et au figuré,
de plus en plus de place.
Lidane Liwl
Edition "Ressource psychique"

Théâtre à la belle étoile (12)


La séparation d'avec mon frère fut une épreuve bien plus douloureuse que je ne voulais laisser paraître. Désiré le comprit sur le champ. Je n'arrivais plus à dormir. Il me prit sur son dos. Chose que nous n'avions jamais faite pendant les trois ans de notre périple théâtral.

La longue vie, encore solitaire, authentique,
pensive et quasi hérétique
de l'ingénu Don Carotte,
et de son âne Désiré
qui y prend de plus en plus de place.
Lidane Liwl
Edition "Ressource psychique"

lundi 21 août 2006

Théâtre à la belle étoile (11)


J'avais tort, Désiré, bien que je ne l'aie point désiré, se révélera comme le meilleur des compagnons. Son enthousiasme, son allant en toutes circonstances et son sourire faisait plaisir à voir. Jamais plus je ne le vis tendre sa queue vers le ciel sans que je le lui eus demandé...

La longue vie solitaire, authentique,
pensive et quasi hérétique
de l'ingénu Don Carotte,
et de son âne Désiré
qui n'ont guère plus de vingt ans et pourtant,
déjà, une longue histoire qui commence.
Lidane Liwl
Edition "Source bondissante"

Théâtre à la belle étoile (10)


- Tu ne seras pas seul. Je serais magnanime. Nous partagerons le peu qu'il nous reste. Désiré t'accompagnera...
Je n'écoutais plus. Je ne savais comment faire pour me soustraire à son influence. J'avais en tête une quantité de souvenir qui ne voulaient pas s'endormir. C'est le petit chien "Sans nom" que je désirais comme compagnon, pas cet âne idiot qui ne savait que montrer le ciel avec sa queue. Il n'y eut rien à faire. Nos chemins se séparèrent...
Nous avions à peine fait quelques pas que "Désiré" me glissa à l'oreille en fermant les yeux :
- Je vais t'apprendre à trier consciencieusement l'important de l'accessoire. Tu vois, "ici", dans notre théâtre, ce n'est pas tant ce que nous disons ou ce que nous paraissons qui est important, mais notre présence réelle..." Il ne finit pas sa phrase, emportée par un éclat de rire un peu bruyant, mais sincère... Et puis il se mit à chanter...

La longue vie solitaire, authentique,
pensive et quasi hérétique
de l'ingénu Don Carotte, de son frère Sancho,
et de son âne Désiré
qui n'ont guère plus de vingt ans et pourtant,
déjà, une longue histoire devant eux.
Lidane Liwl
Edition "Source hennissante"

Théâtre à la belle étoile (9)


Mon frère vint vers moi pour me tenir ce discours:
- Mon frère, jusqu'à ce jour j'ai supporté seul le poids de tes inerties. C'en est fini de ce théâtre. Je pose cet habit pour en prendre un autre. Ma vie sera désormais réglée par le grand livre...
- De quel livre parles-tu mon frère ?
- De celui-là même que nous découvrîmes ensemble, sur la montagne...
Je le compris vite. Il me faudrait redescendre de mon petit nuage. Celui qui était mon frère avait changé. Nous n'étions plus fait dans le même moule. Ce changement fut la cause du mien. Cette nouvelle chute n'était pas moins vertigineuse que la précédente. Et cette fois je serais seul.
- Non mon frère, tu ne seras pas seul...

La longue vie solitaire, fragmentaire,
pensive et quasi lyrique
de l'ingénu Don Carotte et de son frère Sancho,
qui n'ont guère plus de vingt ans et pourtant,
déjà, une longue histoire derrière eux.
Lidane Liwl
Edition "Source renaissante"

dimanche 20 août 2006

Théâtre à la belle étoile (8)


Pendant que je méditais à propos de tout et de la queue de l'âne, mon frère se livrait à d'étranges pratiques. Il se penchait dangereusement sur les bords de notre planète jusqu'à être complètement à l'horizontale, ce qui, normalement eut du le faire chuter dans les basses profondeurs du néant. Il n'en était rien. Il semblait aspiré par la clarté de la lune vers qui il se tendait de tout son corps. Les bras ouverts, les yeux fermés et la bouche ouverte, il s'offrait au firmament... Soudainement, son corps était traversé d'une énergie quasi électrique qui le faisait trembler de la tête aux pieds...
- Plus jamais je ne serais celui que j'ai été ! me dit-il, après s'être relevé.

La vie lunatique, mélodramatique,
pensive et quasi mystique
de l'ingénu Don Carotte et de son frère Sancho,
qui furent longtemps sans esprit.
Lidane Liwl
Edition "Source illuminée"

Théâtre à la belle étoile (6)


Je ne sais pas comment nous nous en sommes sortis, je ne le saurais jamais. Toujours est-il que nous nous retrouvâmes dans une position familière que je me surpris à ne pas supporter du tout. Mon frère était devenu pesant et lui-même semblait penser la même à mon propos. La première chose qu'il me dit fut celle-là:
- Ce n'est pas ce que tu penses que les spectateurs entendent, mais ce que tu sembles penser. Ils sont attachés à l'apparence, c'est pourquoi ils nous ont attaqué !
Il me mettait la faute sur le dos. C'était probablement ce poids-là qui m'était insupportable... De plus il ajouta, non sans un certain paradoxe:
- Nous avons manqué d'esprit et nous ne sommes pas assez à la portée de ces gens qui nous voient comme des exemples...
Je ne comprenais, je l'avoue, pas grand-chose à ce qu'il avait voulu dire. Ce qu'il comprit. Alors il joignit le geste à la parole. Avec sa main, il me montra la lune qui était là devant nous:
- Regarde bien et "l'Esprit t'apparaîtra"!
Bien sûr, tout comme "Désiré", mon frère avait vu la mort en face... mais tout de même. C'était comme si, me faisant voir l'esprit, il avait perdu le sien...

La vie lunatique, mélodramatique,
pensive et quelquefois insupportable
de l'ingénu Don Carotte et de son frère Sancho,
qui furent sans esprit, bien que désormais sans théâtre.
Lidane Liwl
Edition "Source dans la lune"

samedi 19 août 2006

Théâtre à la belle étoile (7)


Une fois que nous eûmes pieds à terre, sur les conseils pressants de mon frère qui avait repris quelque ascendant, nous nous mîmes à réfléchir. Chacun de son côté, nous avions enlevé nos costumes sans savoir que ce serait pour la dernière fois. Je pris place au sommet d'un arbre et me mis à penser intensément. Je n'étais pas encore prêt à enlever ma fausse barbe, tout occupé que j'étais à vouloir comprendre pourquoi elle "rebiquait" à la moindre humidité alors que la queue de "Désiré" se dressait si bien vers le ciel...

La vie théâtrale, mélodramatique,
pensive et quelquefois superficielle
de l'ingénu Don Carotte et de son frère Sancho,
qui furent comédiens, bien que désormais sans théâtre.
Lidane Liwl
Edition "Source sur le rocher"

vendredi 18 août 2006

Théâtre à la belle étoile (5)


.... En attendant... Dans l'urgence et les cahots, nous avions revêtu nos lourds manteaux d'hiver pour nous protéger des chocs violents. Nous laissâmes entrer notre brave âne "Désiré" quand il eut vu la mort en face. Jamais il n'était monté sur la scène. C'était la première et la dernière fois qu'il entrait. Quand les éléments se furent calmés nous nous mîmes à réfléchir. Il était temps de faire preuve de sens pratique. Nous enlevâmes nos manteaux et c'est en costume de scène que je pris les choses en main. Mon frère se hissa tant bien que mal sur mes pieds et tentait de garder son équilibre grâce à des mouvements de bras que je lui enseignais rapidement et qui rappelaient ceux des oiseaux. Je ne pouvais les porter tous les trois. "Désiré" prit place sur le dos de mon frère pour me ménager, et accepta de mauvais gré de prendre notre petit chien sur le sien... À peine furent-ils installés que notre théâtre, privé de soutien, commença sa longue et vertigineuse chute...

La vie théâtrale, mélodramatique,
déséquilibrée et quelquefois cosmique
de l'ingénu Don Carotte et de son frère Sancho,
qui furent comédiens, bien que désormais sans théâtre.
Lidane Liwl
Edition "Source sur le rocher"

jeudi 17 août 2006

Théâtre à la belle étoile (4)


... la pente fut, pour un temps, notre alliée... Elle mettait de la distance avec les objets de la fureur des spectateurs. Nous dévalions la pente à une vitesse prodigieuse. Il nous semblait que jamais nous nous arrêterions. Lorsque le théâtre, ou ce qu'il en restait, se mit à remonter la pente, l'espoir se fit renaissant. La pente fut, pour un nouveau temps, encore une fois notre alliée, quand, dans un mouvement inverse au premier temps, elle freina la vitesse de notre équipage. Au moment où il s'immobilisa, nous sûmes que nous étions sauvés. Nous jetâmes un regard derrière le rideau. C'était un pur miracle. Le théâtre était en équilibre sur une seule roue. Juste au moment où elle se libéra de son axe, je parvins à mettre mon doigt de telle manière que l'édifice ne s'écroula pas. Nous étions posés sur un énorme rocher, lui-même en équilibre sur une immense colonne de pierre, telle qu'on en trouve en Capadocce et qui est le résultat de l'usure des temps. Nous ne pouvions descendre. De plus il fallut coordonner nos gestes pour ne pas compromettre l'équilibre général de notre monde qui s'avérait, pour ce moment seulement, espérions-nous, bien précaire.... En attendant...

La vie théâtrale, mélodramatique,
désespérée et quelquefois comique
de l'ingénu Don Carotte et de son frère Sancho,
qui furent comédiens, bien que fuyants.
Lidane Liwl
Edition "Source sur le rocher"

mercredi 16 août 2006

Théâtre à la belle étoile (3)


Je pris le petit renard tremblant entre mes bras. Il avait froid. Il faut dire que sur les planètes où nous étions relégués, condamnés solitaires, suite à une intrigue que je vous dévoilerais une autre fois, nous n'avions aucun abri. Je le réchauffais du mieux que je pus. Il semblait aussi affamé que moi. Il me regardait avec beaucoup d'intensité... Quant il fut suffisamment chaud, je le soulevais délicatement par la queue. Prenant bien soin de ne pas le regarder dans les yeux, je me préparais à savourer mon premier repas depuis fort longtemps. C'est alors que j'entendis la clameur et que je sentis les premiers projectiles qui fusaient sur la scène de notre petit théâtre... Ce jour-là, il y avait foule. Quarante personnes au moins, ce qui constituait une sorte de record pour notre misérable entreprise. Le public, comme un seul homme, n'avait rien compris à l'histoire. Ce n'était pourtant qu'une pantomime, un mélodrame comique, une réalité d'artifice à laquelle chacun s'était mis à croire...
... Au loin, l'étoile file. Nous n'eûmes pas le temps de réunir nos affaires. Instantanément mon frère, flairant le danger, avait désserré le frein à main. Nous étions installés sur une colline, la pente fut, pour un temps, notre alliée...

La vie théâtrale, mélodramatique,
amoureuse et quelquefois comique
de l'ingénu Don Carotte et de son frère Sancho,
à ce moment comédien, bien que fuyant.
Lidane Liwl
Edition "Source sur la colline"

mardi 15 août 2006

Théâtre à la belle étoile (2)


Le petit renard n'était pas facile à approcher. Au vu de sa grandeur, sa petite planète était plus maniable que la mienne. C'était lui qui choisissait. Heureusement, j'avais ma guitare. Je lui jouais une petite mélodie, maladroitement, mais pleine de sentiment, ce qui semblait lui plaire. Une minuscule étoile, comme un espoir de terre nouvelle, attira son attention. Les yeux grands ouverts, le museau pointé en ma direction, il s'approcha lentement en frétillant de la queue. Il ne semblait pas conscient du grave danger qui nous guettait... Je ne pus m'empêcher de penser aux vers du poête :
"...un animal, une bête muette
lève vers nous les yeux,
et nous transperce calmement de son regard.
C'est cela que l'on nomme le destin*..."


La vie théâtrale, mélancolique,
amoureuse et quelquefois cruelle
de l'ingénu Don Carotte et de son frère Sancho,
à ce moment comédien, bien qu'invisible.
Lidane Liwl
Edition "Source planétaire"

*Rainer Maria Rilke, "Huitième Élégie de Duino"

lundi 14 août 2006

Théâtre à la belle étoile (1)


À la vue de cette image (voir message précédent), le malaise de mon père ne faisait aucun doute. Il refusa de m'en dire plus. Aussi je ne fus pas surpris de le voir brusquement en sortir une autre, très différente, sur laquelle il figurait. Il me répéta combien les images sont trompeuses :
- Tu vois, là, sur celle-ci, il semble que je sois sur une autre planète. Il n'en est rien. Ce n'est qu'une scène de théâtre. Celui que nous avions construit de nos mains, mon frère Sancho et moi. Je crois que ce fût la meilleure part de mon existence. La plus légère et la plus profonde... Certes les petites histoires que nous inventions n'étaient pas toujours du meilleur goût, mais elles faisaient sourire certains, et cela nous suffisait. Ainsi, le petit renard de cette image...

La vie hasardeuse, mélancolique,
amoureuse et quelquefois mensongière
de l'ingénu Don Carotte et de son frère Sancho,
autrefois comédien surnommé Don Cabosse.
Lidane Liwl
Edition "Source étoilée"

dimanche 13 août 2006

Image trompeuse


Je m'effondrais lorsque je vis ce document pour la première fois. Je reconnus immédiatement mon père et ma mère. Je ne pouvais imaginer ce qu'ils faisaient là. L'imagination est l'enfer pour celui qui cherche la vérité. J'allais de ce pas auprès de mon père pour obtenir des explications. Je savais bien que je mettais les pieds sur un chemin qui n'était pas le mien. Cependant je préférais la vérité à l'enfer...
Son explication fut à la hauteur de mes hésitations.
- Mon fils, les images sont trompeuses. Elles s'arrêtent à la surface des choses... Ce qui est intéressant est ce qui est derrière le voile...
Puis, avec lenteur, en cherchant ses mots, il m'expliqua qu'en ce temps-là, le cirque pour lequel il travaillait était supporté par deux très hautes colonnes de bois. Leurs hauteurs et leurs calibres gigantesques empêchait quiconque d'y grimper facilement. Or justement, ce jour-là, juste avant qu'il n'entre en scène, ce qui explique la présence de son fouet en sa main gauche, le petit perroquet avec lequel il faisait son apparition en scène s'était réfugié au sommet de cette colonne et refusait obstinément d'en redescendre.
- L'heure approchait et mon dépit touchait au désespoir, lorsqu'arriva la nouvelle acrobate. Je ne l'avais aperçue que de très loin. Elle s'inquiéta aimablement de mon chagrin et se proposa immédiatement à tenter de récupérer mon petit compagnon. Elle me demanda de me tourner afin qu'elle puisse prendre ses aises et monter sans entraves. Utilisant ses rubans comme des cordes, elle commença l'ascension. C'est à ce moment que se produisit un événement inattendu. Les rideaux se soulevèrent et les colonnes se mirent à trembler. Un coup de vent d'une violence inouïe avait emporté une grande part des vêtements de la belle et déchiré une partie du chapiteau laissant entrevoir la lune à son zénith. C'est cet éclairage qui fit que la scène prit cet aspect particulier.
- Naturellement, me dit-il, je ne pouvais rester immobile. Au premier "feulement" du vent, habitué à me tenir sur mes gardes, je m'étais retourné pour faire face au danger... C'est alors que le voile se déchira et que je la vis comme toi tu la vois aujourd'hui...

La vie hasardeuse, édifiante,
amoureuse et quelquefois piquante
de l'ingénu Don Carotte et de son frère Sancho,
mystique surnommé Don Cabosse.
Lidane Liwl
Edition "Source confuse"

samedi 12 août 2006

Un si bref instant


En regardant cette image, Don Cabosse se souvient du jour où il fut admis dans sa congrégation avec une sorte de nostalgie mêlée à une incertitude qui le taraude depuis longtemps.
- Il était encore jeune. Nous étions si jeunes...
C'était peu de temps après le mariage de Don Carosse.
- Se doutait-il de ce qui s'y était passé ? Toujours est-il que son visage changea en un éclair. Tout-à-coup, il s'assombrit et s'approcha du mien. À cette époque, il travaillait dans un cirque. Il était un peu marginal et peu présentable, mais il était souriant et aimable. Son regard, ou peut-être était-ce seulement le changement, me fit peur. On eut dit un aliéné. Il semblait qu'il avait vieilli de vingt ans. Il me regarda avec une profondeur que je ne lui connaissais pas. Son visage était figé dans une sorte d'interrogation. L'instant d'après, il redevint pareil à lui-même... Avait-il découvert notre secret ? Le doute qui me ronge s'ajoute à la honte et au plaisir de ce qui se passa quelque temps plus tôt et qui reste, aujourd'hui encore, plus brillant que les étoiles que je poursuis. Ce pourrait-il que cet instant soit en réalité bien mort et qu'il n'en subsiste qu'une lumière vagabonde dont je serais le seul à percevoir le halo ?

La vie hasardeuse, édifiante,
amoureuse et quelquefois immorale
de l'ingénu Don Carotte et de son frère Sancho,
mystique surnommé Don Cabosse.
Lidane Liwl
Edition "Source pas très claire"

La bosse de Don Cabosse


Don Cabosse avait roulé sa bosse aux quatre coins des mondes dont il était devenu un véritable connaisseur. Il connaissait par coeur le trajet de centaines d'étoiles. Il pouvait en un instant vous les faire voir. Mais sa bosse le préoccupait davantage. Pour cela il s'habillait de façon ample, à la manière des anciens, et plus particulièrement à la manière de ceux représentés par le Titien, ce qui pouvait faire penser qu'il était gros. Il n'en était rien. Il était aussi maigre que son frère Don Carotte. Sa redoutable bosse n'avait pas poussé dans son dos, mais poussait à l'improviste devant lui... Jamais il ne pouvait deviner quand cela se produirait...
- C'est à l'image de toute ma vie ! soupirait-il. Des hauts et des bas, enchaînés à n'en plus finir, à l'image de la chaîne que je porte constamment et qui est secrètement le symbole de cette inconstance...

La vie hasardeuse, facétieuse,
amoureuse et quelquefois immontrable
de l'ingénu Don Carotte et de son frère Sancho,
appelé Don Cabosse
Lidane Liwl
Edition "Source sombre"

vendredi 11 août 2006

Nocturne


M. Joyeux aime se promener la nuit. Il emprunte les barques de pêcheurs et se promène sur les eaux noires qui le font frissonner. Quand la lune apparaît il essaie de suivre du regard cette lumière qui danse sur les remoux qu'il provoque en faisant tanguer doucement le bateau. Il tend la main et caresse l'onde froide qui forme des cercles qui disloquent son visage et s'éloignent vers le rivage. De temps à autre, il essaie de suivre quelques éclats de lumière dans les profondeurs béantes qui le portent et qui semblent dormir. M. Joyeux n'aime pas dormir. Il dit que ce qu'il voit dans son sommeil et les voix qu'il y entend ne sont pas réels. M. Joyeux aime le réel. Alors il rejoint la berge, amarre soigneusement la barque et reprend son chemin, la tête emplie d'images et de voix nouvelles.

Des tristes aventures aux rêves héroïques de M. Joyeux
Pierre Devil

jeudi 10 août 2006

Mutisme


Depuis qu'il a changé de prénom, M. Joyeux se sent mieux. Secrètement, au fond de sa nuit, la terre lui parle et il tire son énergie des rayons d'un soleil qu'il braconne sans remords.
- Ils disent que le mutisme est une infirmité qu'aucun raisonnement n'est capable de guérir. Et pourtant je parle... Je parle avec la terre qui me porte et puis... je me parle à moi-même... sans qu'aucune raison ne soit nécessaire... Un jour, c'est sûr, ils apprendront qui je suis...

Des tristes aventures aux rêves héroïques de M. Joyeux
Pierre Devil

mardi 8 août 2006

Éléments de cosmographie


...
La cosmographie des ânes arboricoles parvient de cette manière à transcender son propre système pour inspirer d’autres sociétés, qui n’ont pourtant pas les mêmes références : la communauté des hommes n'a, à priori, rien d'ânesque. C’est donc que la croyance principale de la cosmographie ânesque touche profondément aux valeurs universelles sur lesquelles se retrouvent aussi cette civilisation. Ce terrain commun est l’universalisme solaire et lunatique : une organisation du monde qui fait des points d’origines les centre d’une création en perpétuelle expansion. Ainsi en est-il du Grand Héliophante sur lequel nnous reviendrons. Que l’on veuille parler de principe fédérateur, agglutinant, centrifuge, — quelle qu'en soit l’appelation —, ce système, par sa nature même, pose la difficile question de l’altérité : à partir de quand l’autre, si on admet qu'il existe, devient-il étranger? Que regardaient les ânes arboricoles au-delà de leurs frontières en constantes mutations? D’autres soi-même, relevant d’une même relation à des créateurs, exprimée de façon différente sans doute, mais, finalement, analogue ? Et puis la question se pose, en pays arboricole, la notion de l'au-delà et de sa possible frontière existe-t-elle ? Et si oui, avec qui ? La Tradition des ânes arboricoles est une tradition vivante qui a une actualité de fécondation, dans la mesure où elle contribue à réaliser un renouveau ou un discernement, ce qui apparaît nettement au moment des migrations, lorsque la taille des ailes leur permet de passer de l'inspiration à l'aspiration et ainsi de prendre leur envol. Cela n'a évidemment pas son pareil dans la société des hommes éternellement attachés à leur terre. C'est en raison de cela que pendant longtemps les ânes ne prirent pas en compte les développements possibles de l'âme humaine. Ce qui sera cause de leur perte...

"Du visible à l'invisible" ou
"La mutation des espèces"
Dave Hill
Partie prenante et extraits de l'"Encyclopédie des ânes et des bienheureux"
A paraître aux éditions "Être en je

lundi 7 août 2006

Haute fonction


Bien plus que cela. Je fus élevé aux plus hautes fonctions de notre civilisation: "l'Organe suprême". Après avoir, de longues années, reçu la dictée de toutes ces voix qui parvenaient à mes oreilles, brusquement, le mécanisme s'inversa. Je me retrouvais, un beau jour, dans la position de celui qui dicte... J'avais dans les mains, non plus la douce plume qui écrit et caresse le papier, mais une règle lisse et dure qui édicte et corrige... Une phalange de scribes entièrement dévouée à sa tache me suivait jour et nuit, attentive à chacun de mes mots. Pas une syllabe ne devait être égarée. En cas de manquement, la punition était "juste et sévère". Telle était la règle. Personne ne lui échappait. Je l'avais spécialement conçue à cet usage: taillée en deux exemplaires indissociables dans un bloc en bois d'acacias, dures, droites, identiques, incompressibles et imputrescibles... Elles étaient comme le prolongement de mes membres. Je ne faisais plus un seul pas sans elles. Mieux, ils avaient pris une ampleur que jamais je n'eus espéré.

Double-vies, moeurs, éducation, hautes destinées
et déchéances spirituelles des baudets redevenus sauvages
ainsi que de leurs pauvres compagnons de fortune
A l'usage des riches et de ceux qui ne le sont guère,
mais qui voudraient se reconnaître tout-de-même.
Maître Desvilles
Publication interne de l'Académie:
"Découverte presqu'ultime"

dimanche 6 août 2006

Enluminure


L'opération avait pleinement réussi. La cicatrice commençait à peine à disparaître...
- Regardez l’équilibre extraordinaire auquel il parvient avec mes préceptes... Je lui ai demandé de repeindre le plafond de ma chappelle. Une petite fantaisie, à l’image de Versailles, que je me suis offerte pour faire plaisir à ma fille...

Les Enluminés de Venise
D. Will

Pensée


M. Joyeux n'est pas heureux. Le matin dans son miroir, il ne peut se regarder en face sans avoir envie de pleurer. C'est à peine s'il ose se jeter un regard de côté.
- Quelque chose cloche, se dit-il. J'ai la tête comme un dessin d'enfant triste dans un ciel sans étoiles. Ce doit être le nom que je porte. Il ne me concerne pas. J'ai beau y penser constamment, je ne sais d'où il vient. Il faut que cela change. Je vais changer de nom. Il faudra que je réfléchisse mieux pour que mon nouveau nom soit bien porté. Après quelques mois d'hésitations, après s'en être allé sur les chemins à la recherche d'un nouveau nom, il prit sa décision.
- Si je change tout d'un coup, je risque de me perdre. Je commencerais donc par mon prénom.
- Désormais je m'appellerais Pensée!
Rien que d'y penser, cela le réjouit. Il lève la tête. Un petit sourire commence lentement à se dessiner sur ses lèvres figées. Du coup, son nom lui paraît un peu moins lourd à porter...

Des tristes aventures aux rêves héroïques de M. Joyeux
Pierre Devil

samedi 5 août 2006

Facétie


Don Carosse semblait agir tel un être facétieux. C'est ainsi qu'il se fit prendre en image en août 1945 à Potsdam, subtilisant une veste et un pantalon qui avaient manifestement été oubliée dans les bras d'un fauteuil. En coulisse cette image fit scandale. Le proptiétaire des habits, dont nous tairons le nom, par discrétion et crainte des représailles, n'aima pas du tout. Il la fit promptement éliminer, mais l'image lui plaisait. Il se mit simplement à sa place et l'image fut refaite. Do Carotte écrira plus tard que le principale objet de la colère du "Petit Père" était justement cette petitesse qui le faisait apparaître comme ayant le bras moins long que le sien. Il dit qu'il avait conservé cette image et qu'il la regardait souvent. Heureusement pour lui, il disparut aussitôt et personne n'en entendit plus parler...C'est pur miracle que l'original réapparaisse aujourd'hui.

La vie intemporelle, facétieuse, amoureuse et inconnue
de l'ingénu Don Carotte et de son frère "Ô Sang Chaud"
Lidane Liwl
Edition "Source spirituelle"

vendredi 4 août 2006

Personne


Je le compris en un instant. J'étais devenu celui qui entend. Je recevais la mission de transmettre ces voix que j'entendais. Pourquoi toutes ces fadaises, toutes ces élucubrations et autres divagations m'avaient-elles choisi ? Peu importe, je n'avais pas à juger, mais à transmettre. Comment ? C'était à moi de de le trouver. J'étais "Personne" *! Désormais je devrais renoncer au trône et à la couronne, je ne serais plus qu'un masque, un roi nu... Serais-je cet être vide où résonnerait la parole de l'autre...

*Par le son.

Double-vies secrètes, moeurs, théâtre, basses destinées
et élucubrations intellectuelles des baudets sauvages
ainsi que de leurs fidèles compagnons d'infortune.
À l'usage ambigu des sages et de ceux qui ne le sont plus guère,
mais qui voudraient se reconnaître quand-même.
Maître Desvilles
Publication interne de l'Académie:
"Découverte au-delà de tout et plus encore, si affinités"

jeudi 3 août 2006

La fugue


Ce que j'appris ce jour-là me fit fit un drôle d'effet. Une sorte de choc qui agit en deux sens. Dans le premier, je ne pouvais me résoudre à croire ce qui manifestement était issu d'un esprit dérangé, et dans le deuxième, nettement le plus prononcé, je ne pouvais me résoudre à constater que tout ce dont il parlait m'était étrangement familier...
-Dès ce jour, rien ne serait plus comme avant, pensais-je alors. Je me trompais. C'est précisément par le fait de ce changement que les jours ressemblent aux précédents... Telle une fugue aux perpétuels changements...

Double-vies, moeurs, éducation, hautes destinées
et libérations intellectuelles des baudets sauvages
ainsi que de leurs soi-disants compagnons d'infortune
À l'usage des sages et de ceux qui ne le sont plus guère,
mais qui voudraient se connaître quand-même
Maître Desvilles
Publication interne de l'Académie:
"Découverte au-delà de tout et plus encore: à venir"

mercredi 2 août 2006

Le secret


Cette voix ne s'arrêta pas là, mon fils. Mais ce qu'elle nous dit alors sera la cause de telles catastrophes que nous décidâmes, d'un commun accord, de ne pas le divulguer. Nous nous contentâmes d'en graver quelques extraits sur la roche où nous étions assis. Nous seuls connaissions cet endroit et longtemps, bien longtemps après que nos chemins se soient séparés, il est arrivé que nous nous y rencontrions. Nous restions assis en silence. Comme si nous écoutions la voix de ce temps-là. Longtemps le secret fut bien gardé...

Double-vies, moeurs, éducation, hautes destinées
et révélations spirituelles des baudets sauvages
ainsi que de leurs compagnons d'infortune
À l'usage des sages et de ceux qui ne le sont guère,
mais qui voudraient se connaître quand-même.
Maître Desvilles
Publication interne de l'Académie:
"Découverte au-delà de tout et plus encore"

mardi 1 août 2006

Lettre ouverte


Lettre ouverte à Yvan Perrin
Par Jacques Neirynck

Monsieur,

Lors de l'émission Forums du 30 juin, nous avons eu une brève explication sur un sujet, qui mérite de plus amples éclaircissements. Il s'agit des pénalités à infliger aux citoyens suisses qui assistent des étrangers en situation illégale. Manifestement, vous ne m'avez pas compris, tandis que je crains de ne vous comprendre que trop bien.

Le 24 septembre, nous serons amenés à voter sur la nouvelle loi sur les étrangers, datant du 16 décembre 2005 et attaquée en référendum. Arrêtons-nous sur le seul article 116. Il prescrit une peine de cinq ans de réclusion et une amende d'un demi-million au plus pour ceux qui facilitent l'entrée ou le séjour illégal d'un étranger, qu'il s'agisse, soit de passeurs qui exploitent la misère des réfugiés, soit de tout groupe de personnes formé afin d'aider ces étrangers.

Personne ne s'offusquera de la lourdeur des pénalités dans le premier cas. Mais dans le second, on vise les organisations d'aide et en particulier les paroisses qui ont déjà servi de refuge à des étrangers menacés d'expulsion. Ainsi, on crée une base légale pour justifier la condamnation de prêtres, de pasteurs ou de militants laïcs. On les mélange avec d'authentiques criminels, selon une méthode déjà utilisée au Golgotha.
Les peines sont exorbitantes, surtout si on les compare avec ce qu'elles étaient auparavant. Ainsi la loi de 1931, celle qui a servi à envoyer à la mort des milliers de Juifs et à condamner Paul Grüninger, ne prévoyait que 10000 francs d'amende et six mois de prison. Et encore, ces pénalités n'étaient pas applicables si les mobiles du citoyen suisse étaient «honorables». Dans la nouvelle loi, cette mention de mobiles honorables a été supprimée. Selon la majorité parlementaire qui a voté cette nouvelle loi,il n'y a plus de motifs honorables.

Dès lors, il sera toujours déshonorant d'assister un étranger en situation illégale.
Il s'agit d'un basculement de civilisation. Du reste vous l'avez hardiment pris à votre compte lors de l'émission. Pour vous, une fois qu'une loi est votée, tous les citoyens doivent y obéir sans aucune exception et ceux qui la transgressent méritent les plus lourds châtiments, qu'il faut donc aggraver. Vous ne concevez pas qu'il puisse y avoir des conflits de conscience et que certains obéissent à une loi de Dieu plutôt qu'à celle des hommes. Même hors de tout contexte religieux, ce conflit existe. Il a été mis en scène voici 25 siècles dans la tragédie d'Antigone, qui obéit à une loi non écrite plutôt qu'à celle de sa ville d'Athènes. Ainsi vous avez tracé une frontière entre deux catégories de citoyens suisses: ceux qui ont une conscience et ceux qui la remplacent par l'obéissance aveugle aux lois. Ceux pour qui la qualité d'être humain prime toute autre considération et ceux qui appartiennent à une tribu en guerre avec le reste du monde. Ceux pour qui l'accueil de l'étranger est inscrit dans la tradition de l'humanité et ceux qui considèrent cette coutume comme débile.

Mais au fond pourquoi s'arrêter à cinq ans de prison? Durant la Seconde Guerre en Europe occupée, ceux qui aidaient les Juifs étaient envoyés dans des camps de concentration. Cette idée vous tenterait-elle?
Cependant, même sous cette menace, il y eut des gens pour aider les Juifs, pour accepter de risquer et de perdre leur vie. Il faudrait donc que vous essayiez de comprendre que la conscience existe. Dans ce cas, cette lettre n'aura pas été écrite en vain.

Vous avez tracé une frontière entre deux catégories de citoyens suisses: ceux qui ont une conscience et ceux qui la remplacent par l'obéissance aveugle aux lois. Ceux pour qui la qualité d'être humain prime toute autre considération et ceux qui appartiennent à une tribu en guerre avec le reste du monde.

© L'Hebdo, 2006-07-13 / page 13 / No 28 / Opinion

Bourdonnement


Chacun de nous pensait avec émotion, lui à sa "Haute Tour" et moi à mon arbre. Une sorte de communion d'esprit qui fut à son apogée lorsque nous entendîmes simultanément :
" On eût dit le bourdonnement d'une infinité de voix enfantines, mais ce n'était pas un vrai bourdonnement, c'était le chant de voix lointaines, de voix extrêmement lointaines, on eut dit que ces milliers de voix s'unissaient d'impossible façon pour former une seule voix, aiguë mais forte, et qui frappait le tympan comme si elle eût demandé à pénétrer quelque chose de plus profond qu'une pauvre oreille."*
Comprenez-bien ! Ce n'était pas le chant de ces voix lointaines que nous entendions. C'était vraiment une voix claire et distincte qui prononçait ces mots, tels que vous venez de les entendre...

Double-vies, moeurs, éducation, haute destinée
et aventures spirituelles des baudets sauvages
ainsi que de leurs compagnons d'infortune
A l'usage des sages et de ceux qui le sont moins,
mais qui voudraient les connaître quand-même
Maître Desvilles
Publication interne de l'Académie "Découverte au-delà de tout"

*Le Château de Kafka