dimanche 31 mai 2015

31 mai / Jamais vues



Victor-Hugues et son gardien parlent tous deux d'un absolu résolument contraire et similaire.
– Le deux se rejoignent...
– C'est bien pour cela que je ne peux y croire.
– La porte par où je suis sorti était une autre porte.
– Vous voulez dire que vous êtes vraiment sorti par la porte d'où l'on ne revient pas?
Pendant ce temps les préparatifs du pastiche allaient bon train. Chacun se recueille du mieux qu'il puisse. Que d'efforts partiellement dignes de considération, et les trajets ludiques de la bouche jusqu'aux oreilles se poursuivent.
- Pour la dernière fois, peut-être.
- Si cela était, je mourrais sans avoir jamais vu l'autre côté.
- Comment cela ?
- Je suis aveugle et vous ne vous en êtes jamais aperçu.
- Comment l'aurais-je pu et comment puis-je être sûr que vous l'êtes ?
La force s’incitant elle-même, se vivifie entièrement.
- Vous ne pourrez jamais en être certain. Je m'emploie à cela du mieux que je puisse le faire.
- Et pourquoi cela ?
- Pour mon bien-être et le votre, il vaut mieux que vous ne puissiez être sûr de rien. D'ailleurs, moi-même, je ne le suis point.

samedi 30 mai 2015

30 mai / La profondeur de l'absence




– Nous conversons. Fort bien. Mais imaginez un instant que l'on nous écoute. Il se peut que nos paroles apparaîtraient comme totalement hermétique et quelque peu décousues. Un dialogue de sourds en quelque sorte... Vous me paraissez absent. M'entendez-vous ?

L'irrésistible force de la curiosité, mêlée à celle d'une raison inconnue, s’incite elle-même, se vivifie entièrement jusqu'à ce qu'une décision irrémédiable soit prise.
– J'ai quelque chose à faire qui ne souffre de perdre du temps. Savez-vous que l'on a arrêté un voleur de temps ?
- Oui je le sais. C'est intéressant et cependant, je vous ferais gentiment remarquer que, pour quelqu'un d'attentif, chaque jour jour qui passe fait diminuer régulièrement le temps dont nous disposons... et ce malgré l'arrestation. Il semble que ce ne soit qu'un vulgaire mouton et qu'il n'ait, en conformité avec le caractère de ses congénères, opposé aucune résistance à son arrestation. Il semble même avoir pris
plaisir à ce qu'il considérerait comme un voyage.

La profondeur des propos n'atteint guère la profondeur de l'absence.

vendredi 29 mai 2015

29 mai / Éclectique méditation



– Mais alors, vous n'êtes pas sorti d'ici.
– Je vous dis que si. J'ai visité le domaine interdit. Défini et multiforme.
– Vous avez fait cela et vous n'êtes ni mort, ni blessé, ni puni...
– C'est cela et sans aucun doute, c'est une vraie catastrophe...
– Comment cela? Que voulez-vous dire par là ?
– Je veux dire que dans ce monde apparemment vide on peut si l'on tend suffisamment l'oreille y entendre une sorte de présence.
– Vous plaisantez ? Je suppose. Et puis, quel serait cette catastrophe dont vous me parliez à l'instant ?
– Je ne peux pas vous le dire pour le moment.
Éclectique méditation, résultat de l’emploi incomplet et délictueux de cette si vivante faculté d'empathie :
– J'insiste, qu'en est-il de cette catastrophe dont vous m'avez parlé ?
La réponse fuse d'autant plus qu'elle paraît inadaptée.
– Je comprends mieux pourquoi le roi n'apparaît plus. C'est grande chance que les carottes nous aient été données.
– Je ne comprends presque rien à ce que vous me dîtes et je dois avouer, sauf votre respect, que cela m'excite autant que cela m'irrite.

jeudi 28 mai 2015

28 mai / Le surveillant




Refrain:
Comme chacun, sans trop de décence, la pensée et le discours remontent le cours du temps.
Victor-Hugues évoque en chambre de dégrisement le sombre désir qui nous étreint :
celui du savoir, étrangement mêlé de mystère et de science.
- Comme nous?
- Comme nous.
- N'est-il pas dangereux de dormir quand on sait ce qui se passe dans ce royaume ?


– Je suis peut-être en train de me répéter... Non, il n'y a aucun doute : je me répète...
Automate infini posant question... et guettant réponse.
– Qu'y-a-t-il dans votre regard qui ne puisse être dans le mien ?
– Vous.
Poète brut et intuitif, macrologue mystique.
– Ce n'est pas juste. Moi aussi je me vois, me reflétant dans votre regard.
Stérile répétition de la règle, du même et de la forme fixe.
Le germe de l’union, fraîchement éclos cherche sa voie...
... qui ne demande que terre et labour.
– Vous me l'avez déjà dit il y a peu!
– Je n'en suis pas si sûr. Et si cela était, j'insisterai encore...

– Quelle différence y-a-t-il que je ne puisse voir entre vous et moi ?
– Je vous l'ai dit et répété souvent, tout est dans le regard, ou plus précisément dans l'éclairage.
La règle est la règle. Les pieds bien calés sur le marche-pied du savoir, confortablement assis sur les fondements de l'être, le surveillant fait régner l'ordre et distribue le savoir.
- Un jour, vous aussi, vous le ferez... J'en suis certain. Vous, comme moi...
– Pourquoi cette assurance ?
– Je ne peux vous le dire...
– Et pourquoi ne voulez- vous pas me le dire ?
– Je n'ai pas dit que je ne voulais pas vous le dire, j'ai dit que je ne pouvais pas vous le dire.
– Quelle différence cela fait-il puisque que finalement cela revient au même ?
– Qui vous dit que cela revient au même ?
– Je ne sais pas, mais ne sommes-nous pas pareil ? Vous et moi.





Le germe de l’union vient encore d’éclore...
"L'autre s'arrêtera brusquement quand tous les visages seront allumés."
Cette pensée s'est installée durablement dans l'esprit de Victor-Hugues. Il questionne et se questionne sans aucun retour. Du moins c'est ce qu'il ressent à défaut de croire.
– Que suis-je censé savoir que tu saches et que je ne sache point?
– Tu ne peux... vous ne pouvez le savoir.
Une double mais légère hésitation dans le miroir et le destin s'ouvre comme un brèche dans une faille:
Venu des profondeurs méconnues, le germe de l’union, à nouveau, il le voit cette fois, va éclore...
– Et pourquoi donc, je vous prie ?
– Je ne puis vous le dire...

Pauvre petit être presque sans cervelle. Il ne sait pas. Ou il ne sait plus.
La tête en feu, l'estomac pas encore brouillé et la mort dans l'âme:
– Puissent les amis que nous fréquentons habituellement réanimer avec soins notre esprit défaillant.
Il entend à nouveau, comme un écho:
– C'est la sagesse même. Cette sagesse qui préserve de la bonne entente et qui vous permet d'attendre sereinement la mort sur son propre chemin.
À nouveau la porte s'ouvre.
Dialogues invisibles... Incertaines et répétitives inconséquences...
– ... Infinies mais uniformes.
– De celle dont on ne revient pas ?
– Je vous dis que non. Cette porte n'existe pas.
– Mais alors de quelle porte parlez-vous?
– De celle dont on dit qu'on ne peut la prendre avec l'espoir de revenir.

mercredi 27 mai 2015

27 mai / Aux origines






Sans la constante conscience de la réalisation : notre seigneur et maître croit même, chantant avec son cher conseiller au plus profond de sa forêt, retourner aux origines de l'être suprême. La pureté de sa parole s'étant défaite de l'impure critique, il ignore l'avènement du réseau des idées qui ferait de l'ensemble de sa pensée artistiques un seul Temps au sein duquel le peuple des élus pourrait traduire à volonté la potentialité infinie, et faire entendre, à travers l'ensemble, l'unité d'une seule et véritable polyphonie, dans laquelle se fondent toutes les autres...
- Chut, faites silence je vous prie, il me semble les entendre... Entendez-vous ce doux murmures et plus loin, presque inaudibles ces rauques piaillements ?

– Quels sont-ils ?
– C'est la voix de la conscience.
– Comment le savez-vous ?
– C'est ce qui se dit ...

mardi 26 mai 2015

26 mai / Courants ascendants



Sans honte et sans haine, l'avenir fait place à un de ces moments rares où l’inattendu se matérialise, instants bénis où, profondément enfouies dans les fondements du mythe, des vérités se révèlent brusquement, transparentes et passe-partout.
– Que se passe-t'il ?
– Rien, pour le moment.
– Que fait notre maître?
– Je vous l'ai déjà dit, malgré que son œil semble ne se fermer jamais, il doit dormir.
– Pourquoi devrait-il dormir ? Est-ce là l'expression d'un devoir qu'il s'impose à soi-même ou de celui qui lui serait imposé ?
– Il veille et assiste pour que chacun de ses sujets puissent aussi dormir.
– Encore une fois, vous ne répondez pas à ma question...
Il semble que l'histoire se répète... mais prenez garde à l'oiseau qui plane, profitant des courants ascendants, il refait sans cesse le même cercle mais prend de la hauteur...
Comme chacun, sans trop de décence, il remonte le cours du temps.
Si par malchance ou par manque de compétence il est attrapé,  il évoquera bientôt en chambre de dégrisement le sombre désir qui nous étreint :
celui du savoir, étrangement mêlé de mystère et de science.
- Comme nous?
- Comme nous.
- N'est-il pas dangereux de dormir quand on sait ce qui se passe dans ce royaume ?

lundi 25 mai 2015

25 mai / L'habitude et le besoin


Ce n’est pas seulement parce que son histoire est incompréhensible et qu’elle coïncide avec les frémissements de la pluie, n'exigeant de ses célébrants aucun sacrifice, que le spectateur, emporté par l'action ne voit rien venir. Lentement, le rideau s'ouvre et son destin est mis à nu.
– Ce n'est pas le monde dans lequel nous vivons.
– et quel est donc ce monde ?
– Une petite part d'inconnu que nous transformons avec allégresse à l'image de ce dont nous avons l'habitude et le besoin...
L’on s’étonne de l’imperfection persistante des pensées sans mots. La belle histoire a autant de résonance que le doux clapotis d'une vague et va d’elle-même trouver son rivage dans la réalité quotidienne.
– Tiens, il pleut! Regardez comme le temps s'écoule.
– Je ne comprends pas, je sens le soleil qui me chauffe.
– Je vous parle du tableau.
– Il pleut dans le tableau?
– Oui.
– Est-ce au sens propre ou au sens figuré ?..

25 mai / De répétitions en répétitions



– Dites-moi, cher Auguste Perroquet, que vous dit votre maître pour vous consoler?
 – Et moi, cher Justin Perroquet, je vous prierai de me dire si le votre nous donnera une autre consolation, afin que demeure éternellement en nous, l'Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, comme me l'a dit mon maître, parce qu'il ne le voit point et ne le connaît point; mais vous, il me semble que vous le connaissez, si je vous ai bien entendu, et il sera en nous si nous le répétons assez souvent.
– Suffit-il de répéter? Je me le demande si souvent. Mais là aussi, je me répète...

dimanche 24 mai 2015

24 mai / Tout à coup il vint du ciel ...



 Le jour de la Pentecôte,
ils étaient tous ensemble dans le même lieu.


Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d'un vent impétueux,
et il remplit toute la maison où ils étaient assis.
Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent,
séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d'eux.
Et ils furent tous remplis du Saint Esprit
et se mirent à parler en d'autres langues,
selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer. » *








* Actes 2:1-4

samedi 23 mai 2015

23 mai / Automate infini posant question




Automate infini posant question :
- Qu'y-a-t-il dans votre regard 
qui ne puisse être dans le mien ?
- Vous.
Poète brut et intuitif, macrologue mystique:
- Ce n'est pas juste.
Moi aussi je me vois,
me reflétant dans votre regard.

Auguste Perroquet et Justin Perroquet, s'ils portent le même patronyme, ne sont nullement apparentés. Le hasard seul les réunit, du moins c'est ce qui se dit. Or, justement, le dire est peut-être affaire, aussi, de perroquet...

– Où étiez-vous tous ces jours?
– Au même endroit que vous...
– Comment le savez-vous?
– Je vous ai entendu...
– Justement, vous tombez bien, si j'ose dire... comprenez-vous ce que nous disons?

Stérile répétition de la règle du même et de la forme fixe.

Pardonnez-moi, cher Auguste Perroquet, mais il faut que je continue l'histoire que l'on me fourre dans la tête...



Victor-Hugues :

 - Il ne faut pas croire à tout ce que l'on nous dit.
- Mais alors, en quoi peut-on croire ?
- À ce qui vient de votre profondeur, je vous le dit.
Auguste ne peut se retenir:
– On dirait l'un de nos dialogues...
Cette interruption fâche Justin. D'un coup de bec bien senti et de quelques mots que nous ne rapporterons pas, il fait taire Auguste et reprend le discours de Victor-Hugues:

– Deux masses absolument contraires commencent à se frôler de diverses façons et se disent qu’entre elles il y a de tout un peu et donc un peu de rien.
Les caprices et les miracle commencent. Partout se lèvent les bornes d'un nouveau monde.
- Je vous l'ai déjà dit, par la porte.
- Comment avez-vous fait ? Possédez-vous la clef ?
- Non ce fut plus simple encore. Elle était ouverte.
- Ce que vous vous voyez n'est pas mon regard, mais la surface de mes yeux, et ce que vous y voyez est à l'envers. De plus ce que je vois en vous vient de l'interaction de ce que vous êtes avec l'interaction de ce que je projette d'être... qui ne se résume pas à ce qui est à l'intérieur de mes
yeux...
- Quelle importance toutes ces choses si compliquées peuvent-elles avoir?
- Tout est dans la profondeur...
- Comment vous en êtes-vous sorti ?

vendredi 22 mai 2015

22 mai / Censé le savoir...



Le germe de l’union vient d’éclore...

Victor_Hugues, légèrement sentencieux :
"L'autre s'arrêtera brusquement quand tous les visages seront allumés."
– Qui est cet autre ? Est-ce ce Frantico dont vous me disiez il y a peu, qu'il avait disparu. A-t'il, lui aussi, passé la porte ?

– Vous n'êtes pas censé le savoir.
– Que suis-je censé savoir que vous sachiez et que je ne sache point?
- Tu ne peux... vous ne pouvez le savoir.
Une double mais légère hésitation dans le miroir et le destin s'ouvre comme un brèche dans une faille:
Venu des profondeurs méconnues, le germe de l’union va éclore...
- Et pourquoi donc, je vous prie ?
- Je ne puis vous le dire.
Pauvre petit être sans cervelle. Il ne sait pas, mais pense, un peu, tout de même.

– La tête en feu, l'estomac pas encore brouillé et la mort dans l'âme, les amis que nous fréquentons de temps à autre, réanimeront avec soins notre esprit défaillant.

jeudi 21 mai 2015

21 mai /


Tout un monde se cache
derrière des portes presqu'invisibles...
ou du moins des plus banales...

La règle est la règle. Les pieds bien calés sur le marche-pied du savoir, confortablement assis sur les fondements de l'être, le surveillant fait régner l'ordre et distribue le savoir.
– Un jour, vous aussi, vous le ferez... J'en suis certain. Vous, comme moi...

Victor-Hugues, la panse pleine, s'emmêle dans ses histoires qu'il mélange sans scrupules, et souvent sans conscience, avec les quantités d'histoires qui circulent, quelque fois sans son assentiment dans le monde qu'il croit être sien...

Il parle d'une porte secrète qu'il dit avoir franchie bien qu'elle soit interdite...

– M'en direz-vous un peu plus ?
– Je ne le puis...
– Et pourquoi ne voulez- vous pas me le dire ?
– Je n'ai pas dit que je ne voulais pas vous le dire, j'ai dit que je ne pouvais pas vous le dire.
– Quelle différence cela fait-il puisque que finalement cela revient au même ?
– Qui vous dit que cela revient au même ?
– Je ne sais pas, mais ne sommes-nous pas pareil ? Vous et moi.


– Tout comme nous?
– Je vous l'ai déjà dit,
ne mélangez pas ce que nous sommes
avec ce que l'on dit...

mercredi 20 mai 2015

20 mai / Un rare moment de surprise




Victor-Hugues s'imagine lourd et impuissant, manquant de mouvement, enchaîné à sa raison qui s'échappe face à son camarade accoutumé au rythme lent de ses mots et de ses pas.

– Il ne peut y avoir de doute au sujet de ce que vous me disiez hier et les jours précédents. Je ne voudrais ni me tromper, ni le tromper, sans une raison que l'habitude compose vraiment tant bien que mal.
– Croyez-vous aussi, pour changer de point de vue, que l'on puisse nous voir tels que nous nous imaginons?
– Voulez-vous être vu en train de vous cacher ou voulez-vous être vu en train de jouer ?
– Qui voudrais avoir envie de nous voir nous cacher ?
– Je n'en sais rien et vous?
– Moi non plus.
– Je le savais.
– On ne peut rien vous cacher.
– Savez-vous que derrière ce tableau se dissimule une autre salle toute pareille à celle-ci.
Ces moments de surprise sont infiniment rares et durent infiniment peu.
– Comment savez-vous cela?
– J'y suis allé.
– Comment est-ce possible?
– Tout simplement: Je suis sorti par la porte...
– Vous avez fait cela ! Mais c'est interdit !
– Peut-être... et alors.
L'humeur, tamisée, n'était pas interrogative.

C'est la sagesse même, cette sagesse qui préserve de la bonne entente et qui vous permet d'attendre sereinement la mort sur son propre chemin.

– ... Et alors, vous risquez d'être mis à la porte. L'autre porte. Celle d'où l'on ne revient plus. C'est alors que les carottes seront vraiment cuites !
D'ailleurs je vous laisse, j'entends le roulement dans l'écuelle. Les carottes que nous attendions sont servies.
- Venez, allons manger, nous réfléchirons d'autant mieux que notre panse sera pleine!

mardi 19 mai 2015

19 mai / Le vague reflet d'une illusion




Ce n'est pas parce que tout ne peut être dit
que nos héros n'ont pas, comme tout le monde,
une petite part de leur vie
qui soit des plus terre-à-terre...

– Que mangerons-nous aujourd'hui ?
– Des carottes, comme d'habitude.
– Croyez-vous qu'elle seront cuites?
Ce n’est qu’une image, bien sûr, une simple image déjà prête qui vient de s’achever en apothéose.
Le véritable festin n’est pas pour tout de suite…
– Serons-nous servis ou devrons-nous nous servir nous-même ?
– Une part en sera distribuée aux proches voisins. Lesquels, selon la coutume immémoriale, ne chercheront pas à voir celle des autres. L’épopée, une fois digérée, s'avérera n’être qu’une fable, un mythe, une belle histoire, qui ne peut résoudre aucun problème, aussi sensible soit-elle.
– Prends garde à ce que tu dis, à ce que tu fais et surtout à ce que tu penses. Surtout n'aie pas peur, cela ne fait que commencer.
– Savez-vous ce qui se dit ?
– On dit que Frantico* a disparu...



– Vous aussi vous l'avez entendu?
– Croyez-vous que quelqu'un puisse nous entendre ?
Victor-Hugues répondrait volontiers s'il pouvait comprendre le long cheminement des idées qui se déroulent devant lui, mais il ne peut que questionner :
– Voulez-vous dire que vous vous interrogez sur le fait que je puisse entendre de mes oreilles ce que vous dites ou si nous pourrions parvenir à une sorte d'accord plus ou moins parfait du point de vue du
corps et de l'esprit ?
– Votre question est un peu longue et un peu théâtrale, ma foi. Je ne suis pas sûr de pouvoir la suivre.
– Aucun doute à ce sujet non plus. Allez-vous faire une petite sieste?
– Vous savez fort bien que nous n'aspirons pas au repos...
– Alors, voulez-vous faire une partie de cache-cache ?
– Pourquoi voulez-vous vous cacher ?
– Je ne veux pas me cacher, je veux jouer.
Il semble que l'illusion de la parfaite illusion ne soit que le reflet de cette illusion.



* Un nouveau personnage. Encore... Peut-être ne fait -il que passer...

lundi 18 mai 2015

18 mai / Sombre désir



Faut-il pour autant ignorer l'indécence et les doutes que le sommeil influence ?
– On ne sait pas ce qui se passe dans ce royaume et de toutes manières tout peut changer d'un instant à l'autre.
Mots sans pensée, logique sans pesée, chacun s’occupe uniquement du corps mort du savoir.
Tout étrangers qu'ils soient, confortablement pelotonné l'un contre l'autre, les deux êtres plissent les yeux face au soleil caressant.
– Qu'a-t'il choisi aujourd’hui comme apparence?
Sans la constante conscience de la réalisation : notre seigneur et maître croit même, chantant avec son cher conseiller au plus profond de sa forêt, retourner aux origines de l'être suprême. La pureté de sa parole s'étant défaite de l'impure critique, il ignore l'avènement du réseau des idées qui ferait de l'ensemble de sa pensée artistiques un seul Temps au sein duquel le peuple des élus pourrait traduire à volonté la potentialité infinie, et faire entendre, à travers l'ensemble, l'unité d'une seule et véritable polyphonie, dans laquelle se fondent toutes les autres...
– Chut, il me semble les entendre... Comme chacun, sans trop de décence, il remonte le cours du temps.  Il évoque en chambre de dégrisement le sombre désir qui nous étreint : celui du savoir, étrangement mêlé de mystère et de science.
– Comme nous?
– Comme nous.
– N'est-il pas dangereux de dormir quand on sait ce qui se passe dans ce royaume ?

dimanche 17 mai 2015

17 mai / Mécanique de la pensée



"Aux premiers temps de la découverte du jugement,
chaque jugement nouveau était une trouvaille et inversement".
L'idée était séduisante, l'enfant se réveille.
Mais l'enfant ne l'entend pas de cette oreille.
Il comprend : l'enfance réveille.

– Comment cela, une illusion ?
– Tout cela n'est que mécanique de la pensée, pure physiologie du concept :
Le soleil ne bouge guère, ce sont les mondes qui se modifient sous son influence.
– Je croyais que la seule chose stable était notre monde. S'il ne l'est pas, sur quoi pourrions-nous nous appuyer ?
Et vous avez dit tout à l'heure que le soleil avait des devoirs. Un de ceux-là devrait être selon vos dire, de ne pas varier. Cependant chacun peut constater ses fréquents changements !
– À quoi jouerons-nous aujourd'hui ?
– Cela ne dépend pas de nous. Il faudra voir.
– Que devrons-nous voir?
– Ce qui passera. Ou plus précisément : "ce qui se passera", comme si ce qui passera se mouvait par sa propre force, indépendamment, faisant face aux mouvements qui s'imposent,* d'une manière quelque peu poétique quand cela se peut.
- "Aux premiers temps de la découverte du jugement, chaque jugement nouveau était une trouvaille et inversement".
L'idée était séduisante, l'enfant se réveille. Mais l'enfant ne l'entend pas de cette oreille. Il comprend : l'enfance réveille.
– À quoi jouerons-nous aujourd'hui ?
Sans honte et sans haine, l'avenir fait place à un de ces moments rares où l’inattendu se matérialise, instants bénis où, profondément enfouies dans les fondements du mythe, des vérités se révèlent brusquement,
transparentes et passe-partout.
- Que se passe-t'il ?
- Rien, pour le moment.
- Que fait notre maître?
- Malgré que son œil semble ne se fermer jamais, il doit dormir.
- Pourquoi devrait-il dormir ? Est-ce là l'expression d'un devoir qu'il s'impose à soi-même ou de celui qui lui serait imposé ?
- Il veille et assiste pour que chacun de ses sujets puissent aussi dormir.
- Vous ne répondez pas à ma question.






* Le lecteur qui passera par là devrait relever l'importance ou la portance d'une simple virgule à l'air si paisible et si sage et dont la disparition ferait l'effet d'une bombe...

samedi 16 mai 2015

16 mai / Par décret et illusion



Dans une salle discrète de la forteresse enfouie, face à un mur blanc éclairé par une invisible source de lumière feutrée, un immense fauteuil sculpté se nourrit des restes d'un pouvoir déchu. Derrière lui, occupant tout l'espace, un tableau sur lequel la mer s'agite mollement. Un cadre ouvragé et surchargé le borde sur ses quatre côtés et se prolonge sur l'arrondi et la structure du fauteuil. De part et d'autre du fauteuil rouge et or, une plage déserte s'étend jusqu'à l'infini. Sur les bords de son dossier sont sculptés, tels des saints dans l'entrée d'une cathédrale, une sarabande de personnages semblant figés pour l'éternité. Deux êtres nonchalants se prélassent sur le coussin usé de brocart rouge. Ils se
réveillent et s'étirent.
– Cela fait bien longtemps que notre roi ne trône plus dans le conseil... et ne dirige plus, en secret,  que par décret!
– Il doit être bien seul.
– Cela nous rend plus libre.
- Quel temps fait-il?
– La mer est calme, un lourd ciel gris stagne au-dessus d'elle. En face de nous, le soleil doit briller.
– Que voulez-vous dire par : "Il doit briller" et pourquoi "en face de nous"? Est-ce là son devoir ou est-ce une supposition de votre part ?
– C'est sa place et son rôle... Il ne sait rien faire d'autre et ne varie guère, c'est là son devoir: il "nous fait face"...
 – Je ne comprend pas ce que vous insinuez. Ne se déplace-t-il point d’un bout à l’autre du pays, d'un bout à l'autre du monde ?
– Illusion, ce n'est qu'une illusion de notre monde due à notre monde.

16 mai / Une incertaine vision du monde





"Si une expression déplaît à un dictateur, 
il aura vite fait de la supprimer, violemment s’il le faut.
Avis aux récidivistes potentiels :
si vous recommencez, voyez ce qui vous arrivera.
La fois suivante, le tyran ne devra même plus
se donner la peine de censurer les propos ou les images
qu’il ne saurait lire, écouter ou voir.
L’intéressé, terrorisé à l’avance,
s’autocensurera volontiers.
La peur aura gagné."

G.H.


Victor-Hugues, dès lors que sa vision du monde se fait plus précise se sent dans l'obligation d'en faire rapport. Ce n'est pas un rapport qu'il rédige, mais des centaines. Nous vous ferons grâce de l'entier de
ceux-ci et nous nous concentrerons sur certains d'entre eux, les plus à même de rendre comptes de la personnalité complexe de Victor- Hugues. Pour des raisons évidentes de discrétion et de sécurité, il va de soi que l'entier de ces rapports ne peuvent prendre place ici "en entier". Ce sont donc des éléments épars et il appartient au lecteur de les reconstruire "selon l'esprit" qui les anime.
Avec tous les dangers inhérents à ce type d'action...

Septième Rapport annuel

Ce rapport apporte, plus que ses prédécesseurs ne l'ont fait dans le passé, de bonnes et de mauvaises nouvelles. Il fait état de progrès marqués dans l'écoute. Ceci est dû en grande partie grâce à la lente et
patiente transformation de V.-H. O. Néanmoins, il dresse également une liste, qui se veut objective, d'objectifs non réalisés et d'occasions ratées.

vendredi 15 mai 2015

15 mai / Une légère démence fort préjudiciable

Quelles peuvent être les motivations
de ceux qui, dans un certain contexte,
décident de s’autolimiter ?


Victor-Hugues fait face bravement
au changement qui s'opère en lui-même.
Il mélange allègrement le passé et le présent..

– Mes oreilles prenaient formes encourageantes, je devenais très savant de ce que jamais auparavant je n'entendis et qui ne ressemblait pas à des savantes, insociables et inutiles pensées. Ma tête, pleine de ces pensées fausses, approchait de la sage et élégante noblesse des Maîtres anciens: "je comprenais, ainsi que Voltaire, comment la satire, quoique semée de traits charmants, n’est que le caprice d’un être obscur qui n’a de frein ni dans ses mœurs ni dans son style." C’est un des progrès de la raison suprême qu’un être ne soit plus idolâtre de soi-même, et qu’il sache se rendre justice. Qu’il me soit permis d’entrer ici avec vous dans le fondement même de tous les êtres et qu'il me soit aussi permis d'opérer au même lavement salvateur que je me suis administré à moi-même. Tout doute sera emporté dans les flots troubles de la déraison. Il est temps de mettre un terme à cette accumulation malodorante et crispante. C’est ainsi que je pourrai contribuer au progrès de chacun.

"J’aimerais mieux prononcer devant vous un discours utile qu’un discours éloquent":

Une étude, rapidement menée auprès d'un nombre important de volontaires et dirigée par moi-même, tendrait à démontrer que l’ablation des oreilles et d'une certaine part du cerveau augmente le risque de développer une brusque et définitive surdité. Les résultats de l'étude laisseraient aussi croire que plus le ou la patiente est jeune lors de l’opération, plus l’accroissement du risque est important. Je crois
très sincèrement que ce phénomène est peut-être dû à la diminution progressive du taux de participation active d’un certains nombre de neurones contaminés par les mauvaises pensées qui résultent de cette étude. Des substances inconnues contribuant entre autres à protéger le cerveau contre la démence apparaissent et mettent en péril un nombre croissant de spécialistes réputés dont la diète est riche en gras saturés. Leur nombre, très élevé, et en constante augmentation, constitue un
risque supplémentaire de développer un trouble cognitif, voire une démence fort préjudiciable à l'ensemble de notre communauté, ânes, moutons, chiens, bergers et loups confondus.
– Peu à peu apparaissait ce que j'avais toujours désiré, cette lente et progressive évolution... Il suffisait, je le pense, que quelqu'un prononce ces mots pour que "cela" se fasse.
Et "cela" se fit...

jeudi 14 mai 2015

14 mai / Une lente et progressive évolution



Victor-Hugues, sans pouvoir démêler la raison de ses émotions, parle. L'ordonnance de ses
pensées essaie de faire raisonner ses idées au delà de ses propres capacités.
Il s’enivre littéralement et, comme un habit trop grand, se laisse emporter par des échos inconnus :

"La situation où je me trouve me semble ne me laisser le choix qu'entre deux états, une indolente résiliation et la révolte par les mots.
Je n'aurais songé au premier que pour obtenir la paix de l'esprit, mais la difficulté de se satisfaire d'un esprit au repos dans une démarche épineuse, et surtout la longueur de la démarche studieuse qui mène à l'éveil, il ne faut pas moins de 7 ans pour obtenir d'être reçu en cette faculté, m'en ont promptement détourné. Par la pensée endormie, nous resterions encore trop longtemps sans aller plus avant."
*

– Monsieur Victor-Hugues, le nom glorieux que vous portez ne vous autorise en aucune façon à détourner de façons grossières les discours glorieux de vos aînés. C'est en grande partie pour cela que vous paraissez devant nous.
Victor-Hugues ne se doutant pas le moins du monde qu'il amenait farine mal dégrossie au moulin de sa propre destinée qui, manège infatigable, se met à couiner, répondant sans réfléchir jusqu'à ce que sa mémoire lui joue un tour déformant de plus à la manière et sur le dos de Voltaire :

"La difficulté surmontée, dans quelque genre que ce puisse être, fait une grande partie du mérite. Point de grandes choses sans de grandes peines: et il n’y a point de peuple au monde chez lequel il soit plus difficile que chez le nôtre de rendre une véritable vie à la nature sauvage. Les premiers poètes formèrent le génie de notre langue; les loups et les chiens employèrent d’abord leur nature à peindre de rouge sang les objets sensibles de toute la nature. Ils expriment tout ce qui frappe les yeux: nous autres, membres du peuple moutonnier, qui n’ont guère commencé à perfectionner notre grande nature qu’au théâtre de la pensée, n’avons pu exprimer alors que ce qui peut toucher l’âne. "

Une lente et progressive évolution s'est mise en marche.




*lettre du 20 mai

mercredi 13 mai 2015

Bienveillance réciproque

Comme le dit si bien Aristote :
"Quant aux gens qui se font mutuellement un bon accueil, mais qui ne vivent pas habituellement ensemble, on peut les classer plutôt parmi les hommes unis d'une bienveillance réciproque que dans les amis proprement dits. Ce qui caractérise davantage des amis, c'est la vie commune. Quand on est dans le besoin, on désire cette communauté pour l'utilité qu'on y trouve..."
– Ne serait-ce pas là l'exacte motivation de votre présence ici ?

13 mai / Quand on arrange les choses...



Victor-Hugues, au gré de ses métamorphoses, se demande souvent à quel degré de souche se fera son prochain héritage. Sera-t'il considéré comme descendant de lui-même ?
– C'est probablement pour cette sorte de raison que je suis ici de mon plein gré, bien que d'une certaine manière, j'y ai été amené...
Son esprit se dilue dans les mouvements discrets du temps qui passe et ses mains triturent la lettre qu'il garde dans sa poche et que de temps à autre il ne peut s'empêcher de porter à ses yeux:

Monsieur Victor-Hugues,
Veuillez agréer ces quelques instants comme un hommage de très respectueuse fraternité.
Ces instants précieux, pour vous autant que pour nous, nous avons longuement hésité à vous les offrir, parce que nous savons combien le temps semble vous manquer ainsi qu'à nous-même; cependant nous veillerons à ce que tout vous soit compté très précisément. C'est précisément l'un des objets de cette lettre.
L'autre objet dont nous avons à vous parler est ce qui est écrit dans le journal de votre vie, qui nous est parvenu et auquel nous n'avons rien changé pas même les dates. Nous trouvons, comme Pierre Loti que, "quand on arrange les choses, on les dérange toujours beaucoup".

Victor-Hugues semblait prendre intérêt au discours invisible et poli qui se cache sous les mots , les postures et les tournures. Il n'eût pas lu, écouté même, avec autant de confiance, si sa propre intention n'avait été de faire face à ces instants. Mais cet affrontement, pourtant bien arrêté dans sa tête, l'inquiétait profondément. Ce qui est, dans le fond, la nature même de l'acte. Il s'exposait plus qu'il n'était exposé. Par ennui ou par solitude, il étais venu peu à peu à imaginer et à désirer
cette rencontre. Ceux qui le cherchaient était ceux là même qu'il recherchait.

- J'entends le chien et j'ai peur. Quelque soit sa grandeur, il m'effraie. Jamais encore il ne m'a mordu, mais... Est-il vraiment celui qui nous protège comme le dit mon bon berger, notre bon maître, que je
respecte et que j'aime, ou bien est-il l'héritier de l'immonde bête qui dit agir selon sa nature en respectant le rôle qu'on lui attribue quand sa dent déchire l'un d'entre nous...

 L’interrogatoire reprend :
– Si l'on admet que "personne ne va passer ses jours avec quelqu'un qui lui est désagréable, ou qui ne lui fait pas plaisir; et la nature de l'homme, c'est surtout de fuir ce qui lui est pénible et de rechercher ce qui lui plaît"*, nous nous demandons et vous demandons:
-Qu'est-ce qui a pu vous pousser à venir ici de votre plein gré ?
- Je ne peux être sûr de mon plein gré. Quand je relie les fils qui semblent constituer ce que certains s'obstinent à appeler destins, je ne peux guère être certain d'une seule chose, non que je n'y comprenne rien, mais que tout change constamment, ce qui revient peut-être au même...












*Aristote, Éthique à Nicomaque


mardi 12 mai 2015

12 mai / L'Ultime et DocteThéâtre



Si la foi de Victor survit aujourd'hui encore aux professions de foi doctrinaires, c'est que, frisant l'inconscience, il fait, de son mieux, face aux puissants. Le courage inouï de cet homme pourrait rester exemplaire pour plusieurs générations si l'Histoire, fidèle à sa propre tradition, ne s'intéressait qu'au succès. Victor-Hugues, en dépit de tous les avertissements des docte et des savants, en appelle à sa propre et lacunaire connaissance, ce faisant, il prend des risques qu'il ne mesure pas toujours. Il est convoqué, bien avant l'heure, sur l'ordre des Hauts dignitaires de la très savante caste des Lions, sur la scène de l'Ultime Théâtre de l'Imposante Cité.

lundi 11 mai 2015

11 mai / Certificat



Victor-Hugues écoute les voix qui se mêlent avec bonheur aux quintes de vents et aux odeurs qui l'accompagnent. Il marche allègrement. Il écoute avec un certain plaisir:

"Valère :
- Mademoiselle, je suis au désespoir de vous apporter de si méchantes nouvelles; mais aussi bien les auriez-vous apprises de quelque autre: et puisque votre frère est fort malade.

Angélique :
- Monsieur, ne m'en dites pas davantage; je suis votre servante, et vous rends grâces de la peine que vous avez prise.

Le Barbouillé :
– Ma foi, sans aller chez le notaire, voilà le certificat de mon cocuage.

– Ha! ha! Madame la carogne, je vous trouve avec un homme, après toutes les défenses que je vous ai faites, et vous me voulez envoyer de Gemini en Capricorne !

Angélique :
– Hé bien! faut-il gronder pour cela? Ce Monsieur vient de m'apprendre que mon frère est bien malade: où est le sujet de querelles ?"

Arrivé face au Grand Portail, Victor Hugues s'interroge :
– Comment en suis-je arrivé là ? Quelle sorte d'histoire me porte ? Il m'arrive bien souvent de penser que ce sont de telles questions qui voyagent dans mon esprit et non le contraire.

dimanche 10 mai 2015

10 mai /


Victor-Hugues se substituant à un autre,
prend place dans un ailleurs
qui ne lui appartient pas,
il se sent plus léger.


Victor-Hugues:
- Où que je sois, où que je paraisse, où que l'on dise que je pourrais être, dans une histoire ou dans une autre, je ne fais que passer. Je ne m'approprie rien et finalement, d'une manière ou d'une autre, ces histoires me font vivre tout autant que je les fais vivre.
Je distrais autant qu'ils me distraient.
Oubliant le ridicule de sa propre situation, il dialogue avec son propre chapeau, bien à l'abri de l'ombre qu'il lui procure...
– Cher Chapeau, tout se passe comme si la présence d'un être était liée à son appartenance.
– Comme le chapeau a la tête de celui qui le porte...

Pendant longtemps on n' entendit guère parler de lui. Ce fut comme s'il n'existait plus.

samedi 9 mai 2015

9 mai / Méprise



Victor -Hugues s'est trompé...
Le Docteur s'est éclipsé...

Victor-Hugues :
– "Ma foi, je m'y suis mépris: à cause qu'il est vêtu comme un médecin, j'ai cru qu'il lui fallait parler d'argent; mais puisqu'il n'en veut point, il n'y a rien de plus aisé que de le contenter. Je m'en vais courir après lui."
Victor-Hugues, tout en marchant, est transporté par ses souvenirs, ce qui fait que tout en marchant vers un inconnu lointain, c'est vers ce qu'il connaît qu'il se rapproche le plus. À la source claire d'une
fontaine, Angélique, douce brebis, lui fait perdre la tête.

"Angélique :
- Monsieur, je vous assure que vous m'obligez beaucoup de me tenir quelquefois compagnie: mon mari est si mal bâti, si débauché, si ivrogne, que ce m'est un supplice d'être avec lui, et je vous laisse à
penser quelle satisfaction on peut avoir d'un rustre comme lui. Victor-Hugues, n'ignorant rien de ses propres défaillances se substitue allégrement à Valère :
- Mademoiselle, vous me faites trop d'honneur de me vouloir souffrir, et je vous promets de contribuer de tout mon pouvoir à votre divertissement; et que, puisque vous témoignez que ma compagnie ne vous est point désagréable, je vous ferai connaître combien j'ai de joie de la bonne nouvelle que vous m'apprenez, par mes empressements."

vendredi 8 mai 2015

8 mai / L'argent ferait tout faire...




Reprenons notre récit,
le Docteur donne enfin
la dixième raison de l'appeler "Docteur"...

Le Docteur :
–"10° parce que, comme on ne peut passer le nombre de dix sans faire une répétition des autres nombres, et qu'il est le nombre universel, aussi, aussi, quand on m'a trouvé, on a trouvé le docteur universel: je contiens en moi tous les autres docteurs. Ainsi tu vois par des raisons plausibles, vraies, démonstratives et convaincantes, que je suis une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, et dix fois docteur."

Victor-Hugues de prend au jeu et fait sien le dialogue de Molière. Par ce geste, son allure change, il prend l'assurance et même un peu de hardiesse...



Victor-Hugues:
– "Que diable est ceci ? je croyais trouver un homme bien savant, qui me donnerait un bon conseil, et je trouve un ramoneur de cheminée qui, au lieu de me parler, s'amuse à jouer à la mourre. Un, deux, trois, quatre, ha, ha, ha! - Oh bien! ce n'est pas cela: c'est que je vous prie de m'écouter, et croyez que je ne suis pas un homme à vous faire perdre vos peines, et que si vous me satisfaisiez sur ce que je veux de vous, je vous donnerai ce que vous voudrez; de l'argent, si vous en voulez.

Le Docteur :
- Hé! de l'argent."

Victor :
"- Oui, de l'argent, et toute autre chose que vous pourriez demander.



Le Docteur, troussant sa robe derrière son cul montre un nouveau visage, ses oreilles ont poussés dans de grande proportions :
- Tu me prends donc pour un homme à qui l'argent fait tout faire, pour un homme attaché à l'intérêt, pour une âme mercenaire? Sache, mon ami, que quand tu me donnerais une bourse pleine de pistoles, et que cette bourse serait dans une riche boîte, cette boîte dans un étui précieux, cet étui dans un coffret admirable, ce coffret dans un cabinet curieux, ce cabinet dans une chambre magnifique, cette chambre dans un appartement agréable, cet appartement dans un château pompeux, ce château dans une citadelle incomparable, cette citadelle dans une ville célèbre, cette ville dans une île fertile, cette île dans une province opulente, cette province dans une monarchie florissante, cette monarchie dans tout le monde; et que tu me donnerais le monde où serait cette monarchie florissante, où serait cette province opulente, où serait cette île fertile, où serait cette ville célèbre, où serait cette citadelle incomparable, où serait ce château pompeux, où serait cet appartement agréable, où serait cette chambre magnifique, où serait ce cabinet curieux, où serait ce coffret admirable, où serait cet étui
précieux, où serait cette riche boîte dans laquelle serait enfermée la bourse pleine de pistoles, que je me soucierais aussi peu de ton argent et de toi que de cela."

jeudi 7 mai 2015

7 mai / Entre dénuement et dédoublement



– Vous savez, cher Justin Perroquet, comme le disait Don Penul, "la vie d'un homme ne tient pas entièrement dans les images qu'il laisse traîner derrière lui. De ces quelques dessins et photos éparses, une part d'inconnu se projette sans pudeur dans le premier regard qui la caresse et la fait sienne aussitôt. La moindre des pensées fera surgir de ces ruines de la mémoire des arrangements imprévus, une sorte d'esquisse de vie possible, une espèce de mariage amoureux entre le dénuement et un dédoublement jubilatoire".



– Qui est ce Don Penul ?
– Je ne peux vous le dire maintenant...
Pas avant que vous ne nous ayez fini
de nous raconter l'histoire de Victor-Hugues
que vous a raconté votre maître dont, 
finalement nous peinons à cerner les contours...

mercredi 6 mai 2015

6 mai / Une route qui semble se perdre

illustration à venir


Victor-Hugues, tout à la recherche de Kleobis, peine à retrouver une route que par ailleurs il ne reconnaît pas. C'est d'une oreille un peu distraite qu'il écoute:

Le Docteur :
– 5° Parce qu'il y a cinq universelles: le genre, l'espèce, la différence, le propre et l'accident, sans la connaissance desquels il est impossible de faire aucun bon raisonnement; et comme je m'en sers avec avantage, et que j'en connais l'utilité, je suis cinq fois docteur.

Victor-Hugues :

- Il faut que j'aie bonne patience.

Le Docteur :
– 6° Parce que le nombre de six est le nombre du travail; et comme je travaille incessamment pour ma gloire, je suis six fois docteur.

Victor-Hugues :
– Ho! Parle tant que tu voudras".
 Le discours du docteur est comme le moteur de ma démarche, il vrombit et me fatigue, je ne l'écoute guère mais c'est lui qui me fait avancer et sans lui je me sens seul, note Victor dans son journal.

"Le Docteur:
– " 7° Parce que le nombre de sept est le nombre de la félicité; et comme je possède une parfaite connaissance de tout ce qui peut rendre heureux, et que je le suis en effet par mes talents, je me sens obligé de dire de moi-même: O ter quatuorque beatum!
8° Parce que le nombre de huit est le nombre de la justice, à cause de l'égalité qui se rencontre en lui, et que la justice et la prudence avec laquelle je mesure et pèse toutes mes actions me rendent huit fois
docteur.
9° parce qu'il y a neuf muses, et que je suis également chéri d'elles."*



* Molière
La Jalousie du Barbouillé (Légèrement adapté...)

mardi 5 mai 2015

5 mai / Sourire

 illustration à venir


Le Docteur :
"3° Parce que le nombre de trois est celui de la perfection, selon Aristote; et comme je suis parfait, et que toutes mes productions le sont aussi, je suis trois fois docteur. Prenez la peine, désormais de me nommer par ce titre !
 4° Parce que la philosophie a quatre parties: la logique, la morale, la physique et la métaphysique; et comme je les possède toutes quatre, et que je suis parfaitement versé en icelles, je suis quatre fois docteur."*

Victor-Hugues:

- Que diable ! je n'en doute pas. Écoutez-moi donc.

Victor-Hugues, escorté par ceux qui l'avait emmené, reprend la route, mais il ne cesse d'entendre la voix du Docteur.* Ne pouvant dire, il écrit. Dès lors ce n'est plus un jeune et fringant contradicteur éconduit, mais un docte vieillard exilé en son esprit qu'il espère encore bienveillant sinon vaillant.
Dans son esprit les âges se mélangent. Il se souvient que, étant encore très jeune, il lui venait à l'idée que ses pensées était comme "teintées de la sagesse d'un vieux sage". Cela le faisait sourire et, encore aujourd'hui, il souriait... Maigre réconfort...

Victor-Hugues tente désespérément de sortir de ses pensées, de placer un mot dans la réalité. De répondre à celui qui commence à l'agacer mais dont il est visiblement prisonnier :

- D'accord. C'est que.. Hé bien! ... Docteur.

Victor-Hugues reprend ses esprits et perd pieds dans la réalité.
Il note dans son journal :
– J'avais quelques doutes à propos de l'identité de celui qui s'était présenté. Je l'avais vu très grand, comme surmontant les montagnes et puis très vite il sembla avoir disparu. Il semblait jouer avec la lumière du soleil, jouer encore avec l'obscurité de mes pensées et puis se fondre dans la végétation. Je ne savais pas si c'était un homme ou une femme. J'en arrivais même à douter de sa présence réelle.

– Peu importe qui je suis, lui répondit Kléobis. Sache qu'avant toutes choses, bien avant de savoir si je suis un homme ou une femme...

Il avait la nette impression qu'il avait déjà entendu cela... Une sorte de boucle voyageant dans sa tête s'était formée à son insu.







* Molière
La Jalousie du Barbouillé

lundi 4 mai 2015

4 mai / Le Docteur serait Galant Homme

 illustration à venir

Victor :
– Ma foi, excusez-moi: c'est que j'ai un esprit tourmenté qui a tendance à s'échapper, je ne songeais guère à ce que je faisais; mais je sais bien que vous êtes galant homme.

Kleobis :
– Sais-tu bien d'où vient le mot de galant homme?

Victor:
– Qu'il vienne de ce monde ou d'un autre, je ne m'en soucie guère...

Kleobis :

– Sache que le mot de galant homme vient d'élégant; prenant le g et le a, cela fait ga, et puis ainsi de suite, ajoutant et acoquinant les lettres, cela fait galant, et puis ajoutant homme, cela fait galant homme. Mais encore pour qui me prends-tu ?

Victor :
– Je vous prends pour ce que vous allez être. Or çà, parlons un peu de
l'affaire que je vous veux proposer. Il faut que vous sachiez...

Victor-Hugues a noté dans son journal :
– J'avais quelques doutes à propos de l'identité de celui qui s'était présenté. Je l'avais vu très grand comme surmontant les montagnes et puis très vite il sembla avoir disparu.
Il semblait jouer avec la lumière du soleil puis se fondre dans la végétation.
Je ne savais pas si c'était un homme ou une femme. J'en arrivais même à douter de sa présence réelle.
– "Peu importe qui je suis, lui répondit Kléobis.
"Sache qu'avant toutes choses, bien avant de savoir si je suis un homme ou une femme, que je ne suis pas seulement un docteur, mais que je suis une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, et dix fois docteur :
1° Parce que, comme l'unité est la base, le fondement, et le premier de tous les nombres, aussi, moi, je suis le premier de tous les docteurs, le docte des doctes.
2° Parce qu'il y a deux facultés nécessaires pour la parfaite connaissance de toutes choses: le sens et l'entendement; et comme je suis tout sens et tout entendement, je suis deux fois docteur."
*

Victor est un peu désemparé, il cherche se mots.

* Molière
La Jalousie du Barbouillé

dimanche 3 mai 2015

3 mai / Sous certains angles


Victor-Hugues
"À d'autres moments, je ne sais si je parvenais à faire abstraction de leurs présences ou s'ils me laissaient libre de mes déplacements mais j'avais l'impression d'être seul au monde. Même lui n'apparaissait plus."
"La neige se mit à tomber effaçant toutes traces de notre passage."
C'est aussi la mémoire que recouvre la neige. Notre héros,bien malgré lui, se sent bien seul. Il laisse monter en lui un dialogue qu'il sait ne pas être entièrement produit par lui.

"– Il faut avouer que je ne suis pas le plus malheureux de tous les hommes, mais J'ai une âme qui me fait enrager: au lieu de me donner du soulagement et de faire les choses à mon souhait, elle me fait donner au diable vingt fois le jour; au lieu de se tenir en raison, elle aime la promenade, la bonne chère, et fréquente je ne sais quelle sorte de gens. Ah! pauvre barbouillé, que tu es misérable! Il faut pourtant la punir. Si je la tuais. L'invention ne vaut rien, car toi aussi tu serais puni. Si tu la faisais mettre en prison, la carogne en sortirait avec son passe-partout. Que diable faire donc ? Je n'aime guère ces mots qui m'envahissent et qui ne sont de moi."*

Sous le manteau de neige, loin des regards béats la mémoire se transforme, transforme ce qu'elle met à jour, déforme et, sous certains angles, finit par trahir.

Victor cherche une issue à l'enfermement de son âme. Sortie de la brume, surgie du passé une autre créature lui apparaît dont il reconnaît une sorte de vague ressemblance avec les siens. Luttant contre son instinct et faisant confiance à son sourire, il s'approche de Kleobis.

Victor :
- Si vous n'étiez apparu, je m'en serais allé à votre recherche pour vous faire une prière sur une chose qui m'est d'importance.

Kleobis :

- "Il faut que tu sois bien mal appris, bien lourdaud, et bien mal morigéné, mon ami, puisque tu m'abordes sans ôter ta pelure, sans observer rationem loci, temporis et personae. Quoi ? débuter d'abord par un discours mal digéré, au lieu de dire: Salve, vel salvus sis, Doctor, Doctorum eruditissime ! Hé ! pour qui me prends-tu, mon ami ?" *

* Molière
 La Jalousie du Barbouillé
(légèrement adapté, certains diront: barbouillé...)

samedi 2 mai 2015

2 mai / Destination inconnue

Résumé de la situation

Auguste Perroquet raconte l'histoire de Victor-Hugues, que son maître Auguste lui a raconté, quand, lui-même était encore un enfant. Naturellement, il se peut qu’il y ait un certain nombre de différences avec l'histoire originale.


– Ces différences nées de très légers "mouvements de mémoire",
modifient les histoires de telle manière que,
de plus en plus elles ressemblent à ce qu'elles racontent,
me disait mon maître Auguste !
Ce qui me donnait à penser et me fatiguait un peu, je vous l'avoue.
Il est vrai que je n’avais guère d'accoutumance
à cette sorte de "manière de vivre".

"À d'autres moments, je ne sais si je parvenais à faire abstraction de leurs présences ou s'ils me laissaient libre de mes déplacements mais j'avais l'impression d'être seul au monde. Même lui n'apparaissait plus."

– Pardonnez-moi de vous interrompre, cher Auguste Perroquet, mais je ne vois pas de qui vous parlez...
– Ne vous inquiétez pas, cher Justin Perroquet, cela viendra plus tard...

Auguste Perroquet lit et raconte. Mais il sent bien que Justin ne parvient pas à suivre le fil de l'histoire qu'il raconte. Il ne s'en étonne guère, lui même ne comprend pas entièrement ce qu'il lit (d'une certaine manière). Manifestement, à lui aussi, il manque quelques éléments... qu'il essaie vainement de compenser en faisant appel à sa mémoire. Il se souvient fort bien de l'instant où Auguste, son maître, lui racontait cette histoire. Du reste, il possède encore, comme un trésor les quelques feuillets, presque illisibles, qu'il a reçu "en dépôt".

..."Ce matin, ils sont venus me chercher. Sans un mot, nous sommes partis. La marche fut longue... Pas moyen de faire le moindre faux pas. À peine avais-je pu, par ruse, fausser compagnie à mes gardes que, sans que je puisse comprendre comment, surgissant de nulle part, il était là."
Ainsi écrivit-il dans son journal ce qui se passa alors :
"Le jour qui a suivi, je reçus une lettre. Elle m'était envoyée par un certain M. Cornuz. Je ne connaissais qu'un vieux bouc bourru nommé ainsi et il m'étonnait que celui-ci fut capable d'écrire une lettre ou quoique ce soit d'autre"... Et pourtant, c'était bien lui.
Très étroitement surveillé et largement encadré, Victor est emmené. Sa destination lui est inconnue. Il n'a pour tout horizon que ceux qui l'encadrent. Il ne peut faire autrement que de suivre. Tout au plus peut-il lever la tête et regarder le ciel. Il voit les montagnes se rapprocher.

vendredi 1 mai 2015

1er mai / À Huis Clos



Victor, seul, face à son âne, relit ses classiques pour tromper son inquiétude.
Les grandes instances sont réunies et délibèrent sur "son cas".
Que vont-ils décider ?
Pour lui, comme pour tant d'autres les mots de Stefan Zweig qu'il est en train de lire, résonnent comme s'ils avaient été écrit pour lui...

"Toujours, quand les idéaux d'une génération ont perdu leurs couleurs, leur feu, il suffit qu'un homme doué d'une certaine puissance de suggestion se lève et déclare péremptoirement qu'il a trouvé ou inventé la formule grâce à laquelle le monde pourra se sauver pour que des milliers et des milliers d'hommes lui apportent immédiatement leur confiance; et il est de règle constante qu'une idéologie nouvelle - c'est sans doute en cela que réside son sens métaphysique - crée tout d'abord un idéalisme nouveau. Car celui qui apporte aux hommes une nouvelle illusion d'unité et de pureté commence par tirer d'eux les forces les plus sacrées: l'enthousiasme, l'esprit de sacrifice. Des millions d'individus sont prêts, comme par enchantement, à se laisser prendre, féconder, et même violenter, et plus ce rédempteur exige d'eux, plus ils sont prêts à lui accorder. Ce qui, hier encore, avait été leur bonheur suprême, la liberté, ils l'abandonnent par amour pour lui, pour se laisser conduire passivement; le "ruere in servitium" de Tacite se vérifie une fois de plus: une véritable ivresse de solidarité les fait se précipiter dans la servitude et on les voit même vanter les verges avec lesquelles on les flagelle."*




C'est tout naturellement, face à une telle hardiesse de langage, tant dans sa forme que dans sa profondeur, que le Haut Conseil du Paisible Peuple des Brouteurs s'est réuni à huis clos. Les hautes barrières ont été érigées et les guetteurs en grande tenue sont sommés de retenir le moindre courant d'air, d'où qu'ils vienne. Rien ne doit entrer ni sortir. Même filtré.
L'instant est grave. Sous la montagne, les femmes et les enfants sont mis à couvert. Au sommet, sous le grand Dôme de verre, seuls les Grands Cornus des plus Hauts Grades ont la parole sous la haute autorité du Trois Fois Grand Biscornu.









* Stefan Zweig
Conscience contre violence
Le Castor astral