samedi 31 décembre 2016

De tous temps

... cela eut pu se produire plus de mille fois en un seul instant, juste le temps de le dire...
en réalité,  cela s'est produit plus d'une fois...
et se produit encore...




En repensant, bien des années plus tard, à cette rencontre, Platon ne peut s'empêcher de penser à ses origines. À tout ce cheminement qui l'a amené à cet instant si semblable à tous les autres, unique cependant et qui, l'instant d'après va rejoindre tous les autres pour former ce que nous avons l'habitude de considérer comme un tout... Il commence à mettre en place un certain nombre de questionnements qui le fait ressembler à ce qu'il craignait jusqu'alors et qui ne lui avait amené que des ennuis. Du moins c'est ce qu'il pensait.

– Que ne suis-je resté ce petit chien, qui n'était pas grand-chose et que mon maître caressait avec bonté pourvu qu'il restât à ses pieds...

– Rien ne permet de l'affirmer, mais la sensation du temps qui "passe" est quand même une "chose" étrange... et le mot "chose" prend tout son sens et toute son absurdité quand on y réfléchit. Rien n'est plus éloigné de la notion de temps que le mot chose. Le temps peut-il se prendre, comme dans les expressions "prendre son temps", "perdre son temps" où l'on voit que non seulement on pourrait "prendre" le temps, mais aussi on pourrait le faire sien, le posséder ou le perdre! Qu'il y a un temps "bien à soi" et un autre qui est "leur temps" quand on le leur fait perdre.

"De tous temps" ressemble à un infini morcelé  dont la somme dépasserait largement les parties si toutefois il pouvait, d'une manière ou d'une autre être envisagé...

vendredi 30 décembre 2016

Mille et une illusions



Platon découvre avec émerveillement les milles et une illusions produites en permanence par l'univers étrange dans lequel il a pénétré.
– Cela avait commencé comme un jeu d'ombre. Comme il était impossible de situer la source de la lumière qui éclairait ces lieux singuliers, rien ne pouvait plus m'étonner. Je jouais plus que je ne dansais, pensais-je alors... Je ne savais pas encore que c'était la même chose. Et quand l'ombre, sans doute prise au piège du jeu, se mit elle même danser... je veux dire avec une certaine indépendance... je n'y prêtais guère attention, ou intention... Je me laissais simplement absorber par ce grand jeu dans lequel il ne m'avait été attribué aucun rôle et pourtant, il me semblait, sans que je puisse le moins du monde l'expliquer, que sans l'animation qui agissait en moi ou par moi, rien de tout cela n'eut eu lieu.


Lorsque le monde ayant assez tourné pour que ma tête en suive le mouvement sans plus aucun effort conscient ne l'y eut invité, je m'aperçus que, lentement, dans l'ombre un homme était apparu. Une sorte de double de moi-même, mais un peu plus jeune et ne montrant point les signes d'usures qu'immanquablement cette sorte de voyage ne pouvait manquer de susciter. Mais si mon habit faisait pâle figure, la mienne ne manquait point de répondant, même si la jeunesse de celui qui me faisait face était d'autant plus évidente que la mienne portait les mêmes traces que mon habit. 

Cela eut pu se produire plus de mille fois en un seul instant, juste le temps de le dire.


jeudi 29 décembre 2016

29 décembre 2016

La nature est changeante,
ce qui aujourd'hui est en lumière,
dans l'ombre sera demain...


– À l'infini s'étend le chemin des étoiles...
Qui saurait y marcher,
en vain chercherait à se perdre...

Perché sur une roche dont il semble connaitre les contours mais point les détours, perdu dans les ombres mouvantes de la roche, Platon, avec grande surprise, d'un coup reconnait le rocher qui, il y a peu, sur lui s'est refermé. À cette seule pensée, le voilà redevenu chien...

– Certes, ce rocher est-il moins grand et moins impressionnant, mais l'autre, celui dans lequel nous sommes, ne m'avait-il pas fait même impression? Une si petite île perdue au milieu de l'immensité qui aujourd'hui renferme, si ce n'est une totalité, au moins une sorte d'infini dans lequel il est probable que nous puissions nous perdre... Comme les illusions que nous procurent nos sens peuvent être trompeuses...

Se rappelant un peu de ce qu'il était hier encore, Platon s'essaie à deviner ce que demain il sera. Cependant, un peu de raison ayant trouvé logis en son esprit, ce qui en jaillit le surprend:

– Je ne suis et ne serai que bien peu par rapport à ce que j'ai été...

Voilà ce qui, en terme d'énigme ne peut manquer de surprendre et de creuser un chemin à nul autre pareil...

mercredi 28 décembre 2016

Une ivresse légère

"Ma seule Étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le Soleil noir de la Mélancolie."*





Phénomène étrange, sans que rien ne soit issu de sa propre volonté, aussitôt que l'étoile apparait, que se couche ou se lève le soleil, sa peur disparait... C'est en homme, fragile et mélancolique incarnation, qu'il contemple...

– Serait-ce de là que je viens ?

Lui-même est étonné de sa propre ignorance et de cette sorte d'ivresse légère, un peu ridicule, qui s'empare de lui face à l'immensité et dont il ne peut se défaire.


* Gérard de Nerval

28 décembre 2016

À force de sens commun, l'esprit s'amincit.


 – Pourquoi donc ais-je le sentiment bizarre que je suis à la fois dans cette sorte d'être de pierre en même temps que le dehors est là, à l'intérieur.

Avec un rien de solennité, Platon savait qu'il ne servirait à rien de s'accrocher aux parois de l'abîme. Il est presque certain que la peur de l'effrayant monstruosité des dents de la mâchoire géante y était pour quelque chose...  Mais ce savoir était-il le fruit d'un savoir ou un simple état de fait ne nécessitant aucunement une expérience préalable? Il n'en sait rien, d'autant plus qu'il est certain que jamais auparavant il n'en a vu de pareille. C'est pourquoi il s'étonne de se retrouver, sans savoir comment, assis sur une sorte de promontoire, au pied d'une colonne dont il ne connait rien. Ni d'où elle vient , ni ou elle va, et surtout il ne sait ce qu'elle soutient  et ce sur lequel elle a prend son assise.

"Pythagore dit que le monde est né de la pensée, et non pas du temps." * Peut-être faudrait-il que je fasse un peu plus de place à cet homme que j'ai rêvé d'être, que je suis devenu... et que j'ai fui au premier frissonnement...


*  Gobry Ivan
   Pythagore ou la naissance de la philosophie 
   Éditions Seghers




 

mardi 27 décembre 2016

En plein midi

"Ceux qui procèdent de Pythagore disent
qu'il y a hors du monde un vide vers lequel
et duquel le monde respire."
 (D'après Plutarque)
 Dans beaucoup de contextes apparaissent des phénomènes qui sont difficiles à appréhender. Dans bien des cas, peut-être que la difficulté pourrait être contournée si l'esprit qui les approche agissait de manière concrète et "terre à terre". Encore que cette dernière expression, si elle n'est pas vraiment un phénomène, pourrait être le meilleur des exemples... pour commencer...
Pour certains, la pesanteur du raisonnement égale au moins la pesanteur de notre état mais ne rend compte de rien... si ce n'est de la pesanteur... Ainsi en est-il de la chute de Platon, qui, si l'on se place du côté de la physique est due, de manière très simple, à la "pesanteur". Sans vouloir être pédant, Platon, notre héros, estime, et l'avis est partagé par d'autres que lui, qu'il ne s'agit pas là d'un phénomène simple, mais commun. Tellement commun en ses qualités, et accepté comme tel par le premier ou le dernier venu. Mais il est évident aussi, qu'il est presque toujours incompris, au moins partiellement. Le plus souvent il est accepté par force sans même que l'analyse ne soit tentée! Elle ne servirait à rien. Nul n'échappe à la chute... c'est ainsi... et il ne peut être question d'y échapper. Dans le cas qui nous concerne, le récit que Platon nous fait à postériori (forcément) nous fait croire qu'il s'agit d'une chute vertigineuse. C'est aussi ce qu'il croit "sur le moment"... Bien que... En y réfléchissant bien, la chute est un peu longue... ou tarde à venir, si l'on change la signification du mot.


Platon, ayant momentanément perdu le sens du haut,
tout autant que celui du bas, découvre les rivages fantomatiques
et dangereux de l'ivresse des profondeurs:

– "Ainsi ces créatures impénétrables, bien qu'environnées de cercles d'épouvante et de consternation, s'abandonnaient librement dans le centre à une sollicitude sans crainte, se livrant sereinement à un délicieux badinage. Ainsi, au cœur de l'ouragan atlantique de mon être, à jamais paisible, en mon centre je m'ébats dans un calme muet, et tandis que les graves planètes d'un malheur croissant refermant autour de moi leur course, dans am profondeur et dans ma largeur, je baigne encore dans l'éternelle douceur de la joie."*


Certes, si l'on s'en réfère au récit et aux images qui l'illustre, on pourrait croire que la chute était vertigineuse. Platon lui-même y croyait ou semblait y croire. Mais, en réalité, l'histoire, aussi confuse soit-elle, nous l'a montré: la grande mâchoire s'ouvre et se ferme lentement. Elle est tellement grande que ce que nous pouvons voir ne peut être que parcellaire. Vue de loin, comme nous l'avons vu, elle ressemble à un petit rocher et dès le moment où nous nous rapprochons assez pour voir le minuscule être qui s'y trouve égaré, nous l'avons, comme vous pouvez le voir,  perdu dans sa totalité. Or justement si au début, par le plus grand des hasards, ou par le phénomène mystérieux de la curiosité, sur lequel il faudra bien revenir à un moment ou à un autre, Platon se trouve au sommet du rocher, qui lui, vient à peine d'effleurer la surface jusque là bien tranquille d'un océan illimité. C'est à partir de ce sommet, en plein midi, qu'une faille s'est ouverte, parfaitement verticale, comme si un fil à plomb eut servi à la tracer. Il se trouve aussi que la chute ayant une certaine durée... presque éternelle... la situation à changé. Changements dus, de manière presque imperceptible, aux mouvements incessants des courants agissants au sein de la mer, à son propre mouvement d'ouverture et de fermeture, ou encore, et surtout  aux vertiges d'un être qui visiblement n'est pas encore arrivé à relier ce qui est épars: les diverses facettes de son être. Toujours est-il que la chute de Platon fut freinée par un simple mouvement d'oscillation de la masse rocheuse. La verticale, par le mouvement du balancier, quel qu’en fût la cause s'infléchit dans le temps et comme un toboggan guidant la course folle de l'enfant le freine puis remonte et l'emporte dans un dernier soubresaut...

* Moby Dick, Melville, chapitre LXXXVII

lundi 26 décembre 2016

26 décembre 2016

Rien ne nous parait nouveau sans que nous ne réveillions quelque peu notre mémoire...


– Chantez, dansez, vous aussi, chante-t-il.

On ne sait à qui il s'adresse et l'on guette le moindre faux-pas. Se pourrait-il qu'il s'adresse aux autres "lui-même"? Et cela constituerai un indice qui pourrait alors mettre en évidence un certain type de comportement à propos desquels nous n'émettrons point de jugement...

Platon, sous sa forme de chien a cette mémoire immédiate qu'il ne suscite pas. Elle est là, tout simplement. C'est ce qui fait que sa chute prend des allures de chorégraphies dont il ne s'inquiète pas le moins du monde. Enfin... c'est ce qu'il croit... Vu sous l'angle de l'homme qu'il est devenu,  il se pourrait qu'il eut constaté que l'absence de peur n'est pas le propre de l'animal... Ne reste alors plus qu'une solution, ce ne serait pas le chien qui tombe, mais le daemon...

dimanche 25 décembre 2016

25 décembre 2016


Un problème technique est survenu... image manquante...

« Supposez quelqu’un qui ne vous soit pas radicalement autre, qui vous soit entièrement transparent, constitué en quelque sorte de vos propres rayons du monde  […].
Vous ne pourriez l’aimer ni le haïr parce que,
faute de résistance et d’opacité,
vous le traverserez sans rencontrer personne;
il ne serait pas. »*

Ainsi Platon est-il une sorte de miroir transparent... Cependant, d'une manière qu'il ne connait pas, il sait la présence de l'autre qui est en lui. Et plus encore il sait en jouer... et dans sa chute vertigineuse il n'oublie pas de chanter:

– Riez, chantez, soyez heureux, vous aussi, mais n'oubliez pas qu'une part de vous-même pourrait ne pas être connue de vous...


* H. Maldiney, Penser la folie

samedi 24 décembre 2016

24 décembre 2016

« Cela se passait il y a cent quatre-vingts ans,
du temps que les hommes étaient un peu plus des loups
qu'ils ne sont aujourd'hui. »*





Pendant que Platon poursuit sa chute... enfin, quand je dis qu'il la poursuit c'est une image, car, vous l'admettrez , il est bien difficile de dire qui poursuit qui en ces cas là...
Bien ou mal, en tous cas l'histoire depuis, est chantée et c'est toute l'histoire...

 [ image manquante ]
 
– Mon âme, si elle existe devrait s'élever par la connaissance...
Si j'en juge par le mouvement qui m'agite, ce serait plutôt le contraire...













* L'homme qui rit, Victor Hugo

vendredi 23 décembre 2016

Libre penseur?

Homme ! libre penseur - te crois-tu seul pensant
Dans ce monde où la vie éclate en toute chose :
Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l'univers est absent.

Respecte dans la bête un esprit agissant : ...
Chaque fleur est une âme à la Nature éclose ;
Un mystère d'amour dans le métal repose :
"Tout est sensible ! " - Et tout sur ton être est puissant !

Crains dans le mur aveugle un regard qui t'épie
A la matière même un verbe est attaché ...
Ne la fais pas servir à quelque usage impie !

Souvent dans l'être obscur habite un Dieu caché ;
Et comme un œil naissant couvert par ses paupières,
Un pur esprit s'accroît sous l'écorce des pierres !

Gérard de Nerval, Vers dorés



– L'homme impermanent que je suis aujourd'hui, je l'espère, ne sera pas cet homme sûr de son pouvoir sur la création.

En attendant et au vu de la situation, Platon ne croit pas si bien dire, à peine est-il devenu pensant qu'il est redevenu chien...

Si je veux avoir une petite chance de m'en sortir c'est ainsi que je préfère affronter cette chute...



jeudi 22 décembre 2016

L'ivresse des profondeurs

De la négation des vertus aux vertus de la négation,
comment s'y plonger sans se perdre soi-même...
Voilà que Platon, ignorant le règne du temps,
se laisse porter par de vagues réminiscences
d'un monde qu'il croit primitif...

"Penser sa vie et vivre ses pensées"


 

– Le pire n'est pas avenir. Tout est possible et n'est que légèreté que la pensée alourdit!

Platon se sent léger. Il oublie sa propre actualité: il est en train de tomber et la suspension de sa mémoire et de ses pensées n'arrête le temps que par pure imagination. L'illusion est totale. L’ivresse de la chute est semblable à l'ivresse du plongeur, tous deux cessent de penser et c'est hilares qu'ils ouvrent les bras à celle qu'ils ont quittés depuis longtemps et qui va les accueillir...

mercredi 21 décembre 2016

Comment le saisir?

"Le démon qui est dans les êtres, n'est-ce pas, comment le saisir ?
C'est ça qui fait l'intérêt de la vie, au fond...
autrement ce n'est qu'un dialogue de fantoche..."*


– Je me sens l'âme légère.
Platon délire... un peu...
Sa mémoire lui joue quelques détours.

– Je suis né dans des montagnes peuplées de bergers que j'aimais énormément. C'était il y a longtemps, bien loin de cette plaine désertique où je n'ai su su trouver que ces îlots rocheux qui m'ont accueilli et qui maintenant m'absorbent. Qui sait s'il n'existe un chemin secret, inscrit dans ces profondeurs et qui me relierait au lieu de ma naissance.

La chute de Platon eu dû le saisir d'étonnement, ce qu'elle fit d'une certaine manière, mais elle eu dû aussi le saisir d’effarement, ce qu'elle ne fit pas. Il eut été dangereux d'essayer de s'accrocher aux arêtes tranchantes de la paroi. La tentation était bien grande, et pourtant ce ne fut point le cas. Quiconque eut pu voir sa tête lors de sa chute aurait constater qu'à aucun moment il ne perdit le sourire. Ce n'était pas là une marque de mépris ou de désinvolture... Non, c'était la conséquence du fait qu'il ne perdit pas un seul instant la conscience de vivre un moment exceptionnel qui ne se reproduirait pas de si tôt. Lui revint en mémoire ce qu'il avait entendu quelques temps auparavant:

« Il y eut un grand grondement, et il lui sembla qu'il tombait dans un escalier monumental, sans fin. Et tout en bas des marches, c'était la chute dans les ténèbres. Cela, il le savait. Il avait coulé dans les ténèbres. Et à l'instant où il le sut, il cessa de le savoir. »**

– La grande différence avec ma chute, c'est que la en-bas, dans les ténèbres qui y règnent maintenant, j'y ai vu de mes yeux une lumière en tous points semblables à celles que je puis voir dans le ciel... 

Cependant, lui aussi, sans le savoir était en train de perdre un certain savoir.



*Voix d'Emil Cioran
France culture
Les nouveaux chemins de la connaissance
(Emil Cioran 1/4) 19.12.2016

** Martin Eden, Jack London
 

mardi 20 décembre 2016

La porte basse

L'empire des uns ne coexistent pas toujours avec l'empire des autres avant qu'un"plus puissant impose bientôt le sien à une toute autre échelle".


La lumière du haut n'empêche nullement celle du bas.
Mais, qui pourrait savoir ce qu'elles ont en commun?

On sent que le doute ou le scepticisme de Platon, enfermé dans la gueule du monstre, en un instant, lui a fait complètement perdre pied. La porte du haut s'est refermée.
– Il ne me parait guère possible de ressortir par la porte du haut, mais il ne reste que celle du bas. De toutes façons il n'a pas le choix.
Il ne voit des deux lumières que des petits fragments se détachant sur les reliefs sombres et acérés. Le petit coussin d'algues roses s'est effondré. Au plus profond de la gorge il a disparu laissant Platon admirer son ombre qui jusqu'à lui est montée. Avant de tomber dans cet instant, comme suspendu, Platon n'a guère le temps de s'attarder sur la sublime structure de la roche entièrement veinée de structures impossibles à suivre et dans lesquelles, il le sait est inscrit une grande partie de ce qu'il désire savoir.

– Tout va trop vite, se dit-il. Qui sait si un jour au delà de cette chute je pourrai revenir ici contempler "ce vaste firmament du front, sillonné d'énigmes"*.


* Moby Dick, chapitre LXXIX

Comme une pierre...




Comme une pierre tombant du ciel...
Le coussin rose sur lequel s'était posé Platon quand la mâchoire s'était de curieuse façon refermée, sans que cela fut le moins du monde prévisible, brusquement se mit à tomber, laissant presque en apesanteur Platon et sans lui laisser le temps de penser au gouffre profond dans lequel il n'allait pas tarder, lui aussi, de visiter.

lundi 19 décembre 2016

Qui pourrait voir...

« Pourquoi ne pouvons-nous demeurer enfermés en nous? Pourquoi poursuivons-nous l’expression et la forme, cherchant à nous vider de tout contenu, à organiser un processus chaotique et rebelle? Ne serait-il pas plus fécond de nous abandonner à notre fluidité intérieure, sans souci d’objectivation, nous bornant à jouir de tous nos bouillonnements, de toutes nos agitations intimes ? Des vécus multiples et différenciés fusionneraient ainsi pour engendrer une effervescence des plus fécondes, semblable à un raz de marée ou un paroxysme musical. Être plein de soi, non dans le sens de l’orgueil, mais de la richesse, être travaillé par une infinité intérieure et une tension extrême, cela signifie vivre intensément, jusqu’à se sentir mourir de vivre. Si rare est ce sentiment, et si étrange, que nous devrions le vivre avec des cris. Je sens que je devrais mourir de vivre et me demande s’il y a un sens à en rechercher l’explication. Lorsque le passé de l’âme palpite en vous dans une tension infinie, lorsqu’une présence totale actualise des expériences enfouies, qu’un rythme perd son équilibre et son uniformité, alors la mort vous arrache des cimes de la vie, sans qu’on éprouve devant elle cette terreur qui en accompagne la douloureuse obsession. Sentiment analogue à celui des amants lorsque, au comble du bonheur, surgit devant eux, fugitivement mais intensément, l’image de la mort, ou lorsque, aux moments d’incertitude, émerge, dans un amour naissant, la prémonition de la fin ou de l’abandon.» 

Emil Cioran, Sur les cimes du désespoir
1934, trad. André Vornicrevue par Christiane Frémont, dans Œuvres, (Quarto Gallimard, 1995) p.19


La roche se fissure, s'écartèle, se décompose
et se reforme, à la merci des vagues
suspendues en anathèmes
à l'assaut des temps immémoriaux
et, en plein déséquilibre, cèdent le plus souvent à la tentation d'exister
avant de se retourner contre elles-mêmes,
faisant face au secret des origines...


Qui pourrait voir... et même savoir... que Platon vit à l'intérieur chaotique d'une mâchoire de pierre qui ressemble à s'y méprendre à la gueule d'une baleine. Il est fort curieux, ce que Platon ne peut savoir, qu'a certains moments, un halo de lumière provienne de l'intérieur de cette caverne à demi entrouverte par moments.
S'il le savait, pas plus que quiconque, il ne saurait dire d'où elle provient. Loin d'être gagné par le désespoir, cependant, il n'est pas à la fête et en lui grandit l'envie de redevenir le daemon qu'il était et plus encore le petit chien insouciant qu'il était.

– Comment saisir le sens de ces transformations? Je ne suis guère outillé pour comprendre ces "dialogues de fantoches". Il faudrait de longues et ardues études pour y accéder et je n'y suis guère préparé. Tant pis, cela restera donc une sorte d'intérêt qui ne coute pas grand chose puisque "cela se fait" tout seul.

.

dimanche 18 décembre 2016

Platon délire



– "On dit que les murs ont des oreilles, maintenant ils ont aussi une voix."*


Pour la première fois de sa vie d'homme, dans un jardin qu'il croit secret, Platon se sent perdu... un peu, quand même. Recroquevillé sur lui-même, il joint les deux mains, et, "malgré les remontrances de sa raison, il se décida à rentrer en lui comme il en était sorti"**. Pénétrant en lui-même, comme pour la première fois, il écoute le son lointain d'une voix. Cette étrange faculté, qui, jusque là, semblait ne répondre à aucune de ses aspirations, ne laissa pas de le contrarier un peu:

– Peu importe que je sois regardé ou entendu. Peu importe ce qu'ils penseront, avant que la porte ne se ferme  je veux en moi fixer ce regard venu de si loin. J'en suis sûr, c'est de lui que viendra le salut dont je ne fais que rêver... Combien de fois déjà suis-je passé sans que jamais il ne fut éclairé?

On peut s'en douter, Platon délire. Était-ce la voix de l'étoile ou la sienne? Personne ne peut le dire... Était-ce le résultat précoce d'un très récent surmenage? Il y a peu, de tels mots n'eussent pu être déclamés sans qu'un éclat de rire, ou du moins un sourire, en certains cas presque par inadvertance, n'en fasse éclater le doucereux glacis du miroir de la mort.


*    Le passe muraille, film de Dante Desarthe adapté de la nouvelle de Marcel Aymé
**  Le passe muraille, Marcel Aymé

samedi 17 décembre 2016

Comme une étoile dans le ciel



– C'est quand il s'agit de s'en sortir
qu'il faut parfois savoir y entrer...

Le doute a fait son chemin dans l'esprit tout neuf de Platon, seul face aux éléments contre lesquels il ne peut rien, il regrette un peu le temps ou il n'était qu'un petit chien, une sorte de démon – ou de daemon – dont la signification ne le préoccupait point le moins du monde. Comment et pourquoi s'interroger sur le sens des mots au moment même où il va disparaitre?
Et pourtant ce fut plus fort que lui. La vision d'une seule étoile lui sembla beaucoup plus vivante que cette gueule béante et grinçante se refermant sur lui, fit rejaillir toute une mémoire. C'était comme si, en lui, une mémoire inconnue était profondément enfouie.

– Au moment même où j'allais mourir s'était produit comme une nouvelle naissance.

Jamais Platon n'avait franchi aussi allègrement le mur épais de ses émotions. Ce n'était plus une vague psalmodie ou un vacillant discours qu'il s’adressait à lui-même, non, c'était une claire et distincte voix que jusque là il n'avait jamais entendue.


– "Parle, ô grande et vénérable tête... si tu ne portes pas de barbe, tu parais ça et là blanchie de mousse, parle, puissante tête et livre-nous le secret qui est en toi!"*

 L'exaltation n'était pas encore à son comble, mais elle était déjà suffisante pour qu'un monde nouveau, encore un, s'établisse dans la tête de Platon. Personne n'aurait pu dire s'il s'adressait à la tête de pierre qui maintenant le retenait prisonnier ou à l'étoile qui lui paraissait semblable à un œil ouvert dans l'immensité d'un ciel dont il ne pouvait percevoir que la plus  infime des parties.



* Moby Dick, Melville, chapitre LXX

17 décembre 2016




Le doute, quant au fait qu'il s'agissait d'une mâchoire gigantesque, se faisait toujours plus petit... et bientôt disparu... en même temps que Platon dans la gueule du monstre de pierre... en même temps que le peu de raison qu'il avait acquis en si peu de temps depuis qu'il était devenu un homme. Enfin, c'est ce qu'il croyait.

– Je ne peux pas disparaître ainsi. Il faut, pour que le temps ne s'arrête pas ainsi brusquement, que je fasse quelque chose.

Que pourrait-il faire ? Embarrassé par un physique qu'il ne connait guère, il regrette un peu le temps à quatre pattes où sa réaction eut été plus rapide et où sûrement il se serait échappé avant que la gueule se referme.

– Ainsi sont faites nos vies. Il est des situations où réfléchir ne sert à rien. Qui pourrait en vouloir aux éléments qui eux aussi sont soumis à quelque chose qui les dépasse et auquel il ne peuvent échapper... Ainsi cette cathédrale de pierre... comment peut-elle avoir échoué ici en plein désert. Jusqu'à quelle profondeur ces murs, eux-mêmes engloutis, vont-ils m'engloutir à leur tour, avant qu'à la mer ils me rejettent sans que jamais plus je ne revoie la voûte étoilée que je  vois encore par intermittence entre leurs dents acérées?

vendredi 16 décembre 2016

16 décembre 2016




Les parois de ce qui avait été une île et qui ressemblait de plus en plus à une ruine bougeaient ostensiblement. Cela eut dû inquiéter Platon, mais il semblait que cet état lui procurait un certain plaisir. Le plaisir de mettre ses sens en éveil. De plus, il l'avait remarqué par les échos qui lui parvenaient, les vagues semblaient être devenues de plus en plus grandes et violentes et pourtant elles ne pénétraient absolument pas à l'intérieur de la faille où il se trouvait. C'était parfait en désaccord avec les lois de la physique telles qu'il les avaient observées jusqu'alors. Une brèche, semble-t-il s'était aussi ouverte dans un certain nombre de ses croyances.

jeudi 15 décembre 2016

15 décembre 2016

Il y a fort à parier que...


– Sur la mer le moindre rocher qui apparait laisse présager qu'au dessous de lui subsiste un hypothétique champ de ruine. Nos pensées et nos beaux discours sont à l'image de ces rochers
que le temps se charge de polir et de disperser.




mercredi 14 décembre 2016

14 décembre 2016

 "Personne n’a jamais réussi à jeter sur le papier
ce qu’il avait primitivement l’intention de dire :
la création originale, qui est continue,
que l’on écrive ou non,
participe du flux élémentaire :
elle s’inscrit hors de toutes dimensions,
de toutes formes, de toutes durées."*




– Que je sois chien, daemon ou démon ou encore homme, peu importe... Ce qui m'importe est de savoir d'où me vient cette voix qui semble être mienne mais qui, je le sais, viens de bien plus loin et ne fait, au mieux, que me traverser.


"Un jour viendra où il sera au pouvoir de quiconque de rêver éveillé. Mais bien avant ce jour, les livres auront cessé d’exister, car lorsque la plupart des hommes connaîtront l’art d’être parfaitement éveillé et de rêver, leur pouvoir de communier (entre eux comme avec l’esprit qui meut l’humanité) se trouvera si renforcé que l’art d’écrire n’aura alors pas plus de sens que les grognements inarticulés et rauques d’un idiot."*
   

* Henri Miller, Sexus
 


 

mardi 13 décembre 2016

13 décembre 2016

Qu'est-ce qui, dans une histoire ou dans un dessin, "se donne à voir"? Si on analyse, aussi peu soit-il, le sens de cette question, on voit que ce qui "actionne" le verbe voir : le sujet, n'est pas celui qui voit , mais celui qui se donne à voir. Ainsi, en certaines circonstances, le sujet n'est pas toujours celui que le conteur propose. Quelque chose est à l’œuvre qui n'est pas la propriété de l'auteur...
Mais, n'en est-il pas toujours ainsi?


Il arrive à Platon, pour sa plus grande surprise, qu'il se voie comme un homme... qui n'a pas entièrement perdu le goût du jeu...
Cependant, qu'il joue ou non, sa situation, qui ne semble pas le préoccuper, ne semble pas vouloir s'améliorer. La mâchoire des rocher s'ouvre. Très lentement, certes, mais sûrement.


Ainsi, Platon est-il au prise avec un problème de taille. Non seulement, il ne sait s'il est un daemon (peut-être un démon) ou un chien, mais encore faut-il qu'il se prenne pour un homme... à moins qu'il ne s'agisse du contraire...
Lui, s'amuse du fait qu'il puisse apparaître, du moins à ses yeux, sous des formes si diverses.

lundi 12 décembre 2016

12 décembre 2016

Suite à de circonstances où Platon n'est en rien le maître, il se retrouve perché sur un rocher, parfaitement indépendant des deux parois dans lesquels il était inséré, légèrement en déséquilibre et de lui même très glissant, étant recouvert d'une sorte d'algue humide, spongieuse et rose ce qui fait de la situation de Platon une sorte de jeu. Ce qui n'est pas pour lui déplaire.



Platon se souvient à haute voix:
– "Il est des moments et des circonstances dans cette affaire étrange et trouble que nous appelons la vie où l'univers apparaît à l'homme comme une farce monstrueuse dont il ne devinerait que confusément l'esprit fait à ses dépens et à ceux de nul autre. Pourtant, rien ne l'abat, comme rien ne lui paraît valoir la peine de combattre." *

* Moby Dick, Melville

dimanche 11 décembre 2016

11 novembre 2016

Platon entame une descente dont il dira plus tard qu'elle ne fut pas la plus sage...



À peine eut-il avancé de quelques petits pas qu'une vague, venue d'il ne sait où eut dû l'avertir que quelque chose d'étrange se passait...
À tort ou à raison, ou alors il n'avait rien vu venir... toujours est-il que la vague, au lieu de venir s'écraser lourdement sur les rochers, vint presque calmement mourir à ses pieds.



Platon, en fâcheux déséquilibre ne dû son salut qu'à...


... l'apparition soudaine, dont la cause la plus probable, selon Platon, fut la baisse du niveau de l'eau, d'un rocher bienvenu. Entre les deux parois de la crevasse de plus en plus profonde dans laquelle il était bien imprudemment descendu, c'était comme si ce petit rocher de granit rose lui offrait, si ce n'est l'hospitalité, du moins un léger temps de repos.

samedi 10 décembre 2016

10 décembre 2016

Platon observe avec grand intérêt comment la fissure descend vers les profondeurs et s'écarte lentement tandis que la tête du rocher s'élève vers la voûte céleste qui, au delà de l'image qui nous parait immuable, "change à une vitesse prodigieuse, où les étoiles et les galaxies meurent tandis que des trous noirs se nourrissent de la matière interstellaire"*...




Pour l'instant, si j'en crois ce que je peux voir et ressentir, c'est de moi que ce rocher va se nourrir...



* A la recherche de  l'univers invisible, David Elbaz, Odile Jacob

vendredi 9 décembre 2016

9 décembre 2016



Platon est peut un petit démon, ou daemon, mais il est surtout un peu cabot...

 

–  « On ne doit pas perdre de vue que, malgré mes singularités évidentes, je suis bien loin d’avoir renié ma race. C’est une chose étrange quand j’y réfléchis et j’ai pour y réfléchir tout le loisir, le goût et les capacités nécessaires. C’est une chose bien étrange que la société canine. Il existe, en dehors de nous autres chiens, toutes sorte de créatures à la ronde, de pauvres êtres insignifiants, muets, réduits à certains cris. Beaucoup, parmi nous autres chiens, les étudient, leurs ont donné des noms, cherchent à les aider, à les étudier, à les cultiver et ainsi de suite. Pour ma part, ils me sont indifférents, sauf si par exemple ils essaient de me gêner ou s’ils peuvent, à l’occasion, me procurer un bon morceau à me mettre sous la dent, ce qui arrive rarement dans nos régions, je les confonds les uns avec les autres, je ne m’intéresse pas à eux. Une chose cependant est trop frappante pour m’avoir échappé c’est, en comparaison avec nous autres chiens, leur manque de solidarité… On les voit passer les uns à côté des autres, étrangers les uns aux autres, muets et avec une sorte d’hostilité. Seul l’intérêt le plus vulgaire est extérieurement capable de les réunir un peu. Encore cet intérêt provoque-t-il souvent la haine et le conflit. » *

* Recherches d'un chien, Franz Kafka 1922

Presque tous les chiens...




 
« Jusqu’ici je n’ai pas noté les choses décisives,
le fleuve que je suis forme encore deux bras.
Le travail qui m’attend est énorme. »*


" J'aime beaucoup les chiens. Presque tous les chiens. Je ne regrette qu'une chose: qu'il leur manque la parole. Aussi comprendrez-vous que la rencontre d'un chien miraculeusement doté de cette faculté me marquât d'une impression ineffaçable. J'y pensais tout le temps. Aussi comprendrez-vous que la rencontre d'un chien miraculeusement doté de cette faculté me marquât d'une impression ineffaçable. J'y pensais tout le temps.
Cela m'intrigua d'autant que ce chien qui semblait ignorer les humains, ne parlait en fait que d'eux, comme s'il était habité de l'un d'entre eux. Je réalisais plus tard que c'était bien le cas et que cet humain s'appelait Franz Kafka.
Mais là tout n'est pas dit.
Kafka s'était-il déguisé en chien pour mieux se dévoiler ?
Le chien se servait-il de Kafka pour nous entretenir de sa vie de chien ?
La chose restait indémêlable.
D'un côté le chien, savant, chercheur, penseur, autodidacte et questionneur incorrigible, a place entière dans cette affaire. Sa façon de vivre, ses habitudes, ses mœurs, et surtout son indépendance d'esprit canin, de jugement canin s'impose. D'un autre côté, force est de reconnaître que c'est tout de même un humain qui est à la manœuvre.
Finalement l'un nous parle de la «condition humaine» en nous parlant de «la condition canine», et vice-versa.
Porte ouverte à un foisonnement d'idées, de fantasmagories, d'images, d'aventures, telles qu'il n'en existe que dans les rêves. Et nous savons bien qu'au fond des rêves se cache ce que l'on ne dit pas."**







* Franz Kafka, 10 novembre 1917

** Betty Raffaellià propos de "La recherche d'un chien" De Franz Kafka



jeudi 8 décembre 2016

8 décembre 2016

Platon médite longuement sur son île, mais son esprit est accaparé presque entièrement par une petite fissure qui se forme là, juste sous ses yeux.



Dans la vraie vie, Platon est sans vergogne et plutôt malin...
– “Je cite Marx sans le dire, sans mettre de guillemets, et comme ils ne sont pas capables de reconnaître les textes de Marx, je passe pour être celui qui ne cite pas Marx. Est-ce qu’un physicien, quand il fait de la physique, éprouve le besoin de citer Newton ou Einstein? Il les utilise, mais il n’a pas besoin de guillemets, de note en bas de pages ou d’approbation élogieuse qui prouve à quel point il est fidèle à la pensée du maître.” Et en disant cela je cite avec jubilation Michel Foucault...

Mais le plus important n'est pas là. Il le sait mais ne peut se résoudre à le dire. Pourtant le fait est là, Platon n'est pas Platon...

Certes je ne suis certes pas un chien, mais je ne suis pas un homme. Ce que je suis alors? 

Au-delà des désastres et de certaines constructions que l'on ne peut qu'imaginer, Platon, sans être autrement démuni, se lance:
– Je suis un démon... un tout petit démon, mais un démon quand même... Oh certes, je pourrais contester l'orthographe du mot et vous dire avec affectation, je ne suis qu'un daemon mal nommé. Mais tout cela est bien vain... et revient quasiment au même. Et puis, "on" le dit, le daemon que je suis serait celui de Socrate... Il se pourrait alors que j'aie, non seulement un maître, mais deux... C'est peu dire que mes espoirs de liberté sont pures vanités... et c'est pourquoi l'écrivain, l'artiste, s'accomplit seul sans que le moindre maître puisse y ajouter ou retrancher quoi que ce soit. Longtemps je me suis contenté de mon état. Un certain jour, comme un moment de vérité, tout cela s'est écroulé en même qu'une transcendance et quelques fragments, en mon esprit émietté se sont posés. 

mercredi 7 décembre 2016

7 décembre 2016

"Les cavales qui m’emportent au gré de mes désirs, se sont élancées sur la route fameuse..."*

  – Comme cette fissure au sommet de ce rocher, 
il y a dans mon cerveau quelque chose qui y ressemble. 

Une intense activité régnait dans le cerveau de Platon. Plusieurs voix s’y faisaient entendre. La plupart du temps elles le faisaient dans un certain ordre qui parvenait aisément à couvrir le brouhaha incessant de la vie. Mais depuis un certain temps, la cohabitation était devenue pour le moins problématique. Chacune revendiquait la prédominance absolue de son antériorité. Il en résultait le brouhaha dont je viens de parler. Cela n’était pas le plus grave, car tout cela Platon ordinairement, s’en amusait. Je ne suis pas celui que vous croyez, et pas plus celui en qui vous croyez.

– Je ne suis qu’un petit chien doté d’un cerveau qui ne lui appartient pas…


Imaginez un instant que ces mots aient été prononcé de nos jours. Vous frémiriez à l’idée de tous les médicaments et de tous les traitements que cela inspirerait à nos « autorités ».



"Dans les moyeux, l’essieu chauffe et jette son cri strident
sous le double effort des roues qui tournoient de chaque côté,
cédant à l’élan de la course impétueuse.
Voici la porte des chemins du jour et de la nuit,
avec son linteau, son seuil de pierre,
et fermés sur l’éther ses larges battants,
dont la Justice vengeresse tient les
clefs pour ouvrir et fermer."*

* Le Poème de Parménide 

mardi 6 décembre 2016

6 décembre 2016


Ne sachant pas quelle serait son humeur, Platon se refermait sur lui-même,
pensant qu'ainsi il serait à l'abri de ces instants de confusion
dans lequel il ne savait plus qui il était.


C'est ainsi qu'il passait l'essentiel de son temps. Enfin, pas tout-à-fait. Sa mémoire, si elle aimait à lui jouer des tours, l'aidait aussi à se "réveiller". Le plus surprenant et presque impossible à croire, c'est que ces instants de réveil se produisaient aussi pendant son sommeil... Et cela dura longtemps jusqu'à ce que...

lundi 5 décembre 2016

5 décembre 2016

 Platon, pour de bien mauvaises raisons, refuse de se soumettre à la raison, presque malgré lui cependant. Ayant "en mémoire" deux temps n'ayant presque rien à à voir l'un avec l'autre, une sorte de confusion s'est fait une place considérable dans l'un comme dans l'autre. C'est précisément là, dans cet entre-deux, que se trouve l'origine de sa confusion. Il eut suffi qu'elle ne s'installe que dans l'un, peu importe lequel, pour l'autre fut à même de tout équilibrer.


– Je suis à l'image de cette lune,
la lumière qui m'éclaire n'est pas la mienne,
pas plus qu'elle n'est la sienne.

C'était une journée de novembre froide et claire. Les horloges ne sonnaient plus depuis quelques jours. Platon, le menton rentré dans le cou, s'efforçait d'éviter le vent mauvais. Il passa rapidement en revue tout ce qu'il avait écrit et pensé jusque là, pas assez rapidement cependant pour empêcher que s'engouffre en même temps que lui un tourbillon de poussière et de sable.*



* fortement inspiré du début de 1984 de Georges Orwell

dimanche 4 décembre 2016

4 décembre2016

Il semble de plus en plus improbable que Platon soit celui que vous croyez... Pendant bien longtemps,
il a cru tout ce qui parvenait à ses oreille, mais il a fallu encore bien plus pour qu'un beau jour il fasse cette étrange découverte, une voix se faisait entendre qui ne venait pas de l'extérieur...



– La pensée n'est pas chose simple... 
D’ailleurs, les choses,
comme cette lumière qui flotte dans le ciel,
 existent-elles sans une une pensée
qui les animent...


Platon, perché sur son rocher, pense à ce qu'il est devenu. À la manière d'un homme qui se penche sur son passé, il lève la tête vers son avenir. Il ne faudrait pas comprendre qu'il s'agit là d'une sorte d'imagination ou d'anticipation. Non, le piège est de croire qu'il est là sur son île... Non, s'il y a imagination, c'est dans ce que vous pouvez voir: cette île est le fait de son imagination et non ce futur qui a déjà eu lieu et dans lequel il est bien installé.

samedi 3 décembre 2016

3 décembre 2016


"Le réel ne se laisse lire, décrire ou envisager,
qu'en fonction d'une dose, d'une mesure de fiction
avec laquelle construire un point de vue
sur ce que l'on qualifie de réalité,
à partir de laquelle
exercer un regard."*



Platon, lui même, ne sait pas vraiment quelle est la nature de ce qu'il appelle "sa métamorphose". Il doute à la fois du fond et de la forme et de plus il ne sait rien de ce qu'il est aux yeux de ceux qu'il fréquente.

– Je ne suis plus le même... c'est une évidence. Mais ne croyez pas qu'il s'agisse uniquement des effets du vieillissement pas plus qu'il ne s'agit d'un changement d'apparence, comme quelqu'un qui changerait d'image en changeant de style, d'allure, de genre ou de coupe de cheveux. Non, le changement, je l'ai dit, est bien plus profond et il y a maintenant bien longtemps que je ne me sens plus un chien à part entière... 


– Il me semble qu'il en est de même pour tout ce que nous avons sous les yeux. Nous croyons à cette stabilité apparente et un beau jour, sans que nous nous y soyons préparé, quelque soit l'heure, qu'il pleuve ou qu'il vente, un petit détail inattendu attire notre attention et d'un coup tout semble changé. Brièvement une porte s'est ouverte laissant libre un passage...

* Marcher, créer. Thierry Davila /Éditions Regard

 


vendredi 2 décembre 2016

2 décembre 2016



 Celui que vous voyez n'est pas ce que je suis...
Au mieux cela pourrait être ce que vous désirez voir,
au pire ce que vous ne pourriez
vous empêcher de voir...

Bien loin de refouler tous ses sentiments, Platon ferme les yeux et tente de mettre un peu d'ordre. Il s'efforce, selon lui, de ne pas entretenir ses éventuels lecteurs de sa personne. Mais il ne peut passer sous silence un certain nombre de fait peu habituels.

– À combien d'entre nous est-il arrivé de changer? Quand je dis changer, c'est un mot bien léger. De fait c'est bien d'une transformation radicale qu'il s'agit... Comment le dire sans pour cela s’appesantir sur les souvenirs que cela me procure? Et je ne parle même pas de ce que cela suscite en moi qui n'est pas du domaine de la mémoire... en tous cas pour ce qui est de sa définition la plus courante... Nos espérances, nos craintes et nos tristesses ont ceci de commun qu'elles toutes s'appliquent à un temps qui n'est pas présent. Que cela soit hier ou demain, finalement, ne change pas grand-chose au problème qui se pose. Comment faire pour se contenter de ce qui est là entre nos mains? Ne serait-il point temps d'oublier une partie du moins de ce qui nous semble acquis?
Quand, par la force de cette mémoire qui m'encombre un peu, je me retrouve dans le passé, qui suis-je alors? Celui d'aujourd'hui qui visite le passé ou celui d'hier qui reçoit la visite de celui qui vient du futur et qui est pourtant présent?..

jeudi 1 décembre 2016

1 décembre 2016


 
Platon, face à l'horizon lit dans ses pensées. Il n'est plus, depuis longtemps, le petit chien de l'histoire que j'essaie de raconter. Les va-et-viens continuels du passage du temps, aussi difficiles à saisir que le passage du vent, constitue pourtant l'essentiel de toutes nos vies. Platon lit et pense dans le même temps. C'est-à-dire qu'il mêle ses pensées à ceux qui avant lui, ont eu d'autres pensées. Justement cela lui fait penser à K.*:

– Je ne puis pas m'étudier de façon abstraite puisque je ne suis pas une entité abstraite. Je devrais donc m'"étudier" dans l'actualité de ce que je suis, non en fonction de ce que je souhaiterai être...



Les sens du chemin et les directions que l'on a prises ou fuies, pourraient bien être plus que des métaphores. Dans tous voyages il y a sans cesse des croisement. Ceux qui sont visibles et ceux qui ne peuvent être distingués. Ainsi en est-il du chemin du petit chien Platon. D’où vient-il et où va-t’il? Personne ne le sait. Cependant tout être vivant est doué de mémoire. Ainsi en est-il de Platon. Aussi, même s’il est difficile de faire la part des choses dans tout ce qu’il dit, il est plus que vraisemblable qu’une petite part de vrai puisse être accessible celui qui, loin de se contenter de la première impression, irait puiser dans les sources diverses de son histoire.



Platon raconte: 
On ne voyait rien d'autre qu'une immense étendue d'eau...
... et puis est apparu quelque chose...
et puis est apparue une deuxième chose...



.. et puis ces choses se sont mises à grandir...
Je n'avais aucune idée de là où je me trouvais.
J'étais là. C'est tout.
Aujourd'hui, il n'en est  plus de même.
Je ne puis m'empêcher
de me poser la question,
qu'alors je refusais:
où étais-je
lorsque le monde
m'est apparu?