dimanche 31 janvier 2016

31 janvier (29)

Divine providence
Épisode 29

*"L'homme cesse d'être lui-même dès qu'il parle pour son propre compte.
Donnez-lui un masque et il vous dira la vérité."

Oscar Wilde 


Rapport du jour qui fait suite au vingt-quatrième

Le Souriant est fort habile de ses dix doigts. Il les manipule fort adroitement. La corde et les nœuds qui se tendent n'ont plus de secrets pour lui. Le Capitaine au long cou plaît beaucoup à ses dames. Il en possède un certain nombre...
– Je leur dois la vie. Sans elles je serais mort depuis longtemps. Je ne calcule jamais mais tout ce qu'elles font est raisonné. Sans elles je ne suis rien et surtout elles m'émeuvent.
Le Souriant sait parfaitement faire passer sa petite taille. Personne n'en parle jamais. Il faut dire qu'il manie la dague aussi bien que les boules ! Gare à l'imprudent qui ne sait tenir sa langue...

Chaque jour au plus profond de la nuit le Souriant lutte en souriant. C'est presque sa nature... Il part à l'assaut des jours invisibles aux abords des petits matins mutins.
– Mutins! Quels bonheurs ! que dis-je ? Quels honneurs que de rendre lame à la lumière sanglante d'une naissance qui chantera mon quotidien! "Que les hommes mettent leurs masques ! Que l'on puisse savoir qui ils sont !"* J'ai déjà le mien...





La très véridique histoire du colonel Ortho
« A cœur saillant, rien d’impossible. »
Aux éditions "Feux, Chimères, mutins et petit matins"

samedi 30 janvier 2016

30 janvier (28)

Divine providence
Épisode 28

"La lumière efface toutes traces de la nuit."
Walid Neill


Rapport du jour qui fait suite au vingt-troisième

 Le Souriant est marin. Capitaine au long cou. Il est un des rares survivants qui ait connu la Grande époque du Colonel.
Il est vrai que je lui dois la vie. Depuis longtemps, ans lui,  je serais mort plusieurs fois déjà. Certes, il ne calcule jamais... mais tout ce qu'il fait est raisonné. C'est aussi lui qui m'a appris à sourire...
Je ne dis pas que ce fut sans douleur, mais au moins c'est durable...
Mais jamais plus je ne serais ce que j'étais.

La très véridique histoire du colonel Ortho
"Sérieux mais souriant"
Aux éditions "Larme & Sourire"

vendredi 29 janvier 2016

29 janvier (27)

Divine providence
Épisode 27

"Il ne faisait que regarder fixement quelque chose qu'il trouvait surprenant..."



Rapport du jour qui fait suite au vingt-deuxième
Le colonel ne manque pas d'un certain humour. D'ailleurs, il se pourrait que cet humour dont il se croyait le maître, ne serait qu'un manifestation, un symptôme, d'une maladie qu'après coup, à la relecture de mes notes, bien des années plus tard, je considérais cela comme bien plus grave que je ne le pensais alors.

– Derrière ma face joyeuse se dissimule un penseur dont la modestie, la diversité et la richesse égalent la profondeur. J'ai fait un rêve, mes amis. Un rêve que vous ne pouvez voir... Dans ce rêve la réalité m'est apparue de façon si lumineuse que n'hésiterais plus à vous en faire part. Cela vous évitera bien des tourments. Vous n'aurez plus à spéculer sur ce que sera votre avenir...
La voix du colonel savait se faire très douce. Il aimait à se promener dans la nature sauvage de son jardin secret. Il parle aux arbres, aux oiseaux et à son chien.

La très véridique histoire du colonel Ortho
"L'image rend visage"
Aux éditions "Logique & tendre sagesse"

jeudi 28 janvier 2016

28 janvier (26)

Divine providence
Épisode 26

"Il ne faisait que regarder fixement quelque chose qu'il ne pouvait voir et qu'il trouvait surprenant..."



Le colonel Ortho est presque aveugle. Cela ne l'empêche nullement de se déplacer seul et avec aisance.
– Plus que tout, ce sont mes oreilles et ma peau qui me guident... Je ressens la lutte de l'ombre et de la lumière. Je peux voir ceux qui y vivent et que les voyants ne savent pas voir. J'ai toujours l'impression de me déplacer dans un monde qui n'existe pas. Je voyage dans les images que j'ai gardé en mémoire. La lumière me porte et quelques fois j'ai l'impression de voler...

Chaque jour le colonel Ortho parcourt la jetée qui le mène jusqu'à l'horizon. Seul, il fait face à la mer et marche longuement.
– Le peu que je perçois de la lumière m'aide à m'orienter. J'aime le contact avec la réalité. Certains croient que je délire, il n'en est rien. Je suis un être rationnel. Je suis parfaitement conscient de ce que je fais et des raisons qui me poussent à le faire...

La très véridique histoire du colonel Ortho
"Le sage rend fou"
Aux éditions "Ombres & Lumières"

mercredi 27 janvier 2016

27 janvier (25)

Divine providence
Épisode 25

"Par un effet de seuil insensible, l'homme bascule dans le présent sans savoir aucunement ce qu'il est..."


Alors que le soleil montait sur l'horizon, le colonel Ortho, qui n'était encore qu'un pauvre pêcheur, se laissait aller avec une certaine bienveillance, à ses souvenirs. Un homme surgi des profondeurs qu'il ne sut voir, était entré en collision avec son bateau.

La très véridique histoire du colonel Ortho
"On ne voit la fumée que lorsqu'on a perdu la flamme"
Aux éditions "Désordres et naufrages"

mardi 26 janvier 2016

26 janvier (24)

Divine providence
Épisode 24

"Il ne faisait que regarder fixement quelque chose qu'il trouvait surprenant..."




Rapport du jour qui fait suite au vingtième

Le colonel Ortho se souvient avec nostalgie du temps où il n'était qu'un pauvre pêcheur. C'était juste après la tempête. Les vagues étaient encore bien formée mais le vent était tombé.
- Je suis, tout comme ces vagues, ballotté par un vent que je ne puis plus voir...

La très véridique histoire du colonel Ortho
"Peu m'importe ce qu'elles feront de moi
Ce que je sais sera ma loi"
Aux éditions "Des ordres et des hommes"

lundi 25 janvier 2016

25 janvier

Divine providence
Épisode 23

"Il ne faisait que regarder fixement quelque chose qu'il trouvait surprenant..."




Rapport du jour qui fait suite au dix-neuvième

Il arrive aussi que le colonel Ortho se pose tranquillement sur une branche et se mette à l'écoute de la nuit. Ce qu'il entend ce jour-là le fait frémir.
- Il y aurait une réalité trompeuse et incompréhensible qui serait à l’œuvre sans que je ne ne puisse rien y changer... Tout cela ne peut mener qu'à la confusion et au mystère qui sont les causes profondes du malheur. Il faut que la lumière se lève.

La très véridique histoire du colonel Ortho
"Dans son propre nid le traître construit"
Aux éditions "Ordine del giorno"

dimanche 24 janvier 2016

24 janvier (22)

Divine providence
Épisode 22

"Rien n'est figé dans l'univers et ce que nous voyons n'est  souvent qu'une vérité dissimulée."




Rapport du jour qui fait suite au dix-huitième

Le colonel Ortho aime parcourir la nuit en compagnie de ses drôles d'oiseaux. Ils chassent les étoiles qu'il nomme "déviantes" et prétendent les remettre dans le droit chemin. Ce n'est que lorsque le soleil paraît qu'ils disparaissent. En même temps que les étoiles.

La très véridique histoire du colonel Ortho
"L'émotion est une prison"
Aux éditions "Ordine sempre"

samedi 23 janvier 2016

23 janvier (21)

Divine providence
Épisode 21

Ce qui m'a touché n'est plus le même.

Walid Neill





Rapport du jour qui fait suite au dix-septième

 En privé, le colonel Ortho ne ressemblait en rien à celui qui aimait paraître en public.
– Je suis un homme aimable et joyeux. J'aime les vins et la bonne chaire et je peine à supporter les grincheux. Ces soi-disant penseurs égarés ne savent voir que le mal qui les entoure et les nourrit! Ils sèment le désordre et la confusion. Je me bats pour construire un monde meilleur et, au-delà de mon infinie raison, j'irais jusqu'à peindre le ciel en bleu... chaque matin s'il le fallait... Et si je ne puis l'accomplir seul, je saurais convaincre.
L'ordre du colonel lui semblait universel.
– Dans le fond, seule compte la beauté du geste ! disait-il.
Il aimait alors revêtir l'un ou l'autre de ses costumes et, tel un oiseau paradant, rassemblait à sa façon ceux qu'il nommait avec un plaisir gourmand, les égarés.

La très véridique histoire du colonel Ortho
"Si le ciel est bleu
Alors tout va mieux"
Aux éditions "Dell'ordine"

vendredi 22 janvier 2016

22 janvier (20)

Divine providence
Épisode 20

Ce qui me touche pourrait vous toucher.

Walid Neill




Rapport du jour qui fait suite au quinzième
 
Je m'y perds. Que je m'y perde n'a pas grande importance. Que l'ordre apparent ne soit pas satisfaisant, nous sommes d'accord, moi le premier. Mais ne me dites pas que vous ne faites rien pour que tout soit ainsi, tel que vous le voyez.

..."parce que je les entends quand même, vos questions; je les lis sur vos lèvres fermées, sur la tête que vous faites, même quand vous n'êtes pas là, mais dans ces autres pièces, ou qui sait où, quand vous vous demandez toutes ces choses à mon sujet. je les entends dans mes oreilles, criées, hurlées, répétées, des questions des questions des questions; tout le monde veut tout savoir, faire sortir de la tête d'un pauvre diable tout ce qui est à lui, les pensées, les images, les souvenirs, les faits. Il y a des tas de choses dans la tête, des sourires, des mers, des villes, des ouragans qui sifflent; le vent pénètre en hurlant entre les haubans, il entre dans les circonvolutions du cerveau et ne réussit pas à en sortir, il tourbillonne vertigineusement d'un hémisphère à l'autre"...


Malgré les talents conjugués de centaines de conteurs, certaines histoires restent profondément enfouies dans des tiroirs très secrets. Malheur à celui qui rêve de lumière. Cette dernière, comme un petit enfant refusant de grandir est bien loin de s'imaginer ce qui se trame. Dans le plus grand secret de ce seizième jour, tout près de là, une petite troupe se prépare. Elle franchit allègrement les limites un peu floues de quelques regards. Après moultes hésitations, je décide de noter ce récit qui m'est venus aux oreilles. Certes cela pourrait n'être que divagations dues à la maladie, mais en tant que telles ces divagations en disent long sur cette maladie, mais elles ne parlent pas que de cela. L'homme qui me fit ce récit ne fut jamais rien d'autre qu'une voix dans l'obscurité.

Rapport du jour qui fait suite au seizième

Le colonel Ortho était un homme d'une nature foncièrement orgueilleuse, ambitieuse et réfractaire à toute autre autorité que la sienne. Il possédait un penchant particulier pour l'art de la raillerie. Mais personne n'aurait pu lui disputer son sens inné de l'ordre. Il était capable de réunir ses oiseaux en formations dite de" la Grande Toile" qui se compose d'une invraisemblable quantité de figures plus ou moins répertoriées dont il détient, seul, le secret.
"La Patrouille des Haut Vols"est composée de 7 à 18 membres unis par la même discipline, tous volontaires, choisis pour leurs connaissances, leurs compétences mais aussi leurs qualités relationnelles et animales. Chacun devrait rester dans la Patrouille au minimum sept années. Le métier est dangereux. Tous sont issus des différents escadrons de chasse de l’armée privée du Colonel et ont une expérience minimale de 1500 heures de vol sur territoires occupés.
Par force et par nécessité, une partie de l’effectif est renouvelé tous les ans. Il y a beaucoup de candidats, mais peu d’élus. Pour les nouveaux pilotes, leur recrutement dans l’équipe signifie qu’ils ont d’abord passé avec succès les présélections de leur hiérarchie et de l’État-major, en l'occurrence confondu en une seule et même personne. Et qu’enfin, ils ait réussi l’entretien avec les pilotes de la Patrouille des Haut Vols qui les ont choisi selon le principe de la cooptation.
– Ce dernier niveau de sélection a une dimension plus animale, car il prend en compte le caractère et la sociabilité des candidats. Ce critère est primordial car la bonne entente entre les membres de l’équipe est vitale pour la stabilité et la cohérence du groupe.

La très véridique histoire du colonel Ortho
Édition "Dell'ordine"  


* Claudio Magris, À l'aveugle
Édition : L' Arpenteur
 

jeudi 21 janvier 2016

21 janvier (19)

Divine providence
Épisode 19

Ce que vous touchez me touche.

Walid Neill




Rapport du jour qui fait suite au quatorzième
 
Je jouais à cache-cache avec ma mémoire, ou plutôt l'inverse, elle jouait avec moi. Un jeu seulement? Comme tous les jeux, celui-ci n'était qu'un enlacement invisible avec la mort. Dès que je fus conscient de cela la vie repris ses droits. Une minuscule colonne de fumée s'élevait qui recouvrit bientôt les images. 
Nec tecum nec sine te.
Ni avec toi, ni sans toi. Tant que je sais qu'elle n'est pas là, elle est là.

"Oui, il y a des tas de choses dans la tête d'un homme. Enfin, il y avait, parce qu'ils te les enlèvent, ils te vident; ces plaques noires, striées de filaments blancs comme des étoiles filantes dans le ciel nocturne, qui portent mon nom, c'est l'image de l'espace vide et sombre qu'il y a dans ta tête quand pendant toute ta vie ils t'ont tout enlevé. Cette obscurité laiteuse, ces grumeaux qui flottent dans l'infini, c'est moi - et si c'est ça le portrait d'un homme, est-ce qu'on peut raconter son histoire, elle a une histoire, une vie, cette bouillie ? Mais alors Maria, blanche marguerite dans la clairière obscure, ses yeux obliques, tendres, ironiques... ces étoiles obscures, qui luisent dans la nuit..."*

Je suis las, là, aujourd'hui, dans cette clairière qui ne laisse passer ces quelques images qu'en échange de quelques anonymes et lointains regards.

* Claudio Magris, À l'aveugle
Édition : L' Arpenteur
 

mercredi 20 janvier 2016

20 janvier (18)

Divine providence
Épisode 18

Le Gueux rien n'y peut...

Walid Neill




Rapport du jour qui fait suite au treizième

Pourtant je m'en accommodais fort bien et tout eut été pour le mieux s'il n'y avait ces brusques montées de vagues rougeâtres qui envahissaient et troublaient l'image, m'empêchant d'en saisir le sens. Je me retrouvais plongé dans mes pensées. Comme un héros de polar, dont la trame lui échappe, par définition.
"Mais pouvait-il définir une pensée de cette sorte de brouillard confus fait de mots dépourvus de sens et d'images indéfinissables qui parfois lui traversaient la coucourde? Il lui semblait que sa tête était advenue comme quand tu regardes la télévision et que l'écran est traversé d'une traînée sableuse, en zigzag, une espèce de fastidieuse, nébuleuse interférence qui t'empêche de voir avec clarté ce que tu es en train de mater et en même temps te suggère une vision pâlie d'une autre émission contemporaine et tu te retrouves obligé de besogner sur les commandes et les boutons pour comprendre la cause du dérangement et le faire disparaître. Et tout à coup, notre héros ne sut plus où il s'atrouvait, il ne reconnut plus le paysage habituel de la route"...*


*"La patience de l'araignée"
Andrea Camilleri

Fleuve Noir

mardi 19 janvier 2016

19 janvier (17)

Divine providence
Épisode 17

Le Verbe-Roi dépend de son sujet...

Walid Neill



Rapport du jour qui fait suite au douzième

Il m'arrivait de penser que je pouvais réellement toucher ce monde d'images qui m'apparaissait sans pour cela que j'y sois le moins du monde impliqué. J'appartenais à un monde qu'un autre monde visitait sans rien y déranger et sans créer le moindre danger, si il ne comportait un petit risque invisible. Celui de s'y perdre. Une petite part de moi-même se demandait s'il pouvait y avoir un lien entre ces différentes images ? Je me posais la question, alors même que je ne connaissais même plus la raison d'être de ma présence ici. Je m'empressais d'oublier et je passais à l'image suivante. À ce moment-là l'idée d'être malade ne me traversait pas l'esprit. C'était l'esprit même de la maladie qui me faisait penser de la sorte.

lundi 18 janvier 2016

18 janvier (16)

Divine providence
Épisode 16

Les riches vêtements de la phrase 
dissimulent une bien pauvre et pâle nudité...

Walid Neill



Rapport du jour qui fait suite au onzième

J'avais bien en tête que ces images n'étaient que le fruit du mariage de ma mémoire et de mon imagination, mais je n'arrivais pas à y mettre ou à en extraire un sens. J'étais comme un musicien devant un piano mécanique dont les rengaines convenues en rondes défilent sans d'autres moteur que la main qui tourne la manivelle...
Quand, plus tard je parlerais de ces visions avec certaines de mes connaissances, ils me diront, non sans une certaine surprise, qu'ils reconnaissaient très nettement des scènes réalistes à tel point que le doute n'était pas permis : je revoyais, peut-être légèrement déformés par mon imagination, des événements bien réels qui s'étaient vraiment passés et que d'autres avaient déjà relatés.
J'étais surpris, car moi, je ne voyais que des nuages caressés et chassés par le vent.
J'eus bientôt l'impression d'être, à mon tour l'objet de regards insistants...
Je reconnaissais ce regard... de géant...
Il ne me restait plus qu'un espoir, celui qu'il ne puisse me voir de la même manière que moi. 

dimanche 17 janvier 2016

17 janvier (15) Bavardage

Divine providence
Épisode 15

Un sourd grésillement écorche ses oreilles
Tandis que de légers flottements emportent ses regards

Walid Neill, Tristes regards



Rapport du jour qui fait suite au dixième
Pendant que j'assemblais mes cailloux, me revenaient en mémoire certaines images dont je n'arrivais pas à reconnaître le sens. Une aube flamboyante et profonde fait carrière dans le secret de la forêt. Des sortes de rêves éveillés dont la raison d'être et la signification m'échappaient. On a beau dire, le moindre désordre peut signifier quelque chose de difficilement identifiable et dont l'ennemi serait le bavardage.

samedi 16 janvier 2016

16 janvier (14)

Divine providence
Épisode 14

Ce que nous tenons à distance
Entre le banal et l'ennui
Ce si fragile vernis d'humanité 
Qui nous fait croire au bien
Sans penser à mal

Walid Neill, Tristes regards



Rapport du jour qui fait suite au neuvième
Pendant que j'assemblais mes cailloux, me revenaient en mémoire certaines images dont je n'arrivais pas à reconnaître le sens. Des sortes de rêves éveillés dont la raison d'être et la signification m'échappait. .

vendredi 15 janvier 2016

15 janvier (13)

Divine providence
Épisode 13




Rapport du jour qui fait suite au huitième
J'étais obsédé par une image. L'image des pyramides que je vis lorsque je me remettais lentement de cet état bizarre qui suivit mon saut dans le vide et dont je parle dans mon rapport du sixième jour.. Persuadé de leurs présences, je m'imaginais qu'elles avaient dû s'effondrer et je tentais assez vainement de les reconstituer. Je recherchais tous les cailloux qui ressemblaient à des pierres taillées et je les rassemblais. Ce qui me pris un temps considérable.

jeudi 14 janvier 2016

14 janvier (12)

Divine providence
Épisode 12

« Dans la clarté s’est cachée une obscurité qui ne peut être décelée… »
Walid Neill



Rapport du jour qui fait suite au septième
Il m'arrivait souvent de ressentir quelque troubles visuels de telle nature que je me croyais transporté dans une autre réalité, qui bien que moins colorée, était bien plus complexe que celle qui est habituellement mienne.

mercredi 13 janvier 2016

13 janvier (11)

Divine providence
Épisode 11


« Il est de fortes et tragiques natures, nées pour affronter le malheur.
Le combat qu'elles mènent contre lui n'a jamais d'issue décisive :
prêtes à céder à l'abîme, les voici qui changent le vertige
en acte de connaissance désespérée. »

Pierre Emmanuel 
Discours du Cinquantenaire de la mort de Baudelaire




Rapport du jour qui fait suite au sixième
Lorsque l'image fut revenue, je vis enfin le monde tel que je le voyais avant, ce fut pour constater avec stupeur qu'il avait changé. Je ne savais plus où j'étais.

mardi 12 janvier 2016

12 janvier (11)

Divine providence
Épisode 10


« Depuis vingt ans, un brouillard rouge s’étale,
Il couvre tout et en barreaux se changent;
Moi, je vous sortirai de ces rouges étoiles,
Je m’en vais vous absoudre de ce magma étrange. »


Piotr Bednarski

Les neiges bleues



Une réalité peut se révéler identique à une autre tout en restant invisible... Au moment où elle apparaît elle nous montre un décalage. Le décalage dans lequel nous sommes et non le décalage où elle serait. Ainsi nous ne pouvons qu'imaginer ce que représente la perte d'une partie du présent. Nous avons quelques difficultés à comprendre ce que cette perte signifie.

Aussi nettement que puissent apparaître les malades, les médecin se doivent de remplir leur devoir dans ce combat. Si l'issue est prévue par la statistique, elle est plus favorable pour les malades traités dans les hôpitaux que pour les malades soignés dans les maisons particulières. Tout doit être mis en œuvre, même si ce "tout" nous est méconnu.

Rapport du sixième jour  ( qui pourrait ne correspondre à aucune réalité connue )
– Bien que n'ayant plus d'accès à aucun moyen de communication, à peine réveillé de mon saut dans le vide, je continue à noter tout ce qui pourra être analysé plus tard. Je suis sans mémoire de ce qui s'est passé du moment où je me suis jeté dans le vide au moment où je vous parle. L'objet que je tiens dans ma main m'est totalement inconnu. Il en est de même de l'endroit où je me trouve. Je me sens curieusement frais et dispos. Je crois bien que mon bain, que je suppose avoir pris, au vu de ce qui le précédait et de l'état de mes habits, m'a fait beaucoup de bien. Je ne ressens plus ces horribles brûlures et ma peau est redevenue ce qu'elle était.

lundi 11 janvier 2016

11 janvier (9)

Divine providence
Épisode 9


« Voilà l’état où les hommes sont aujourd’hui.
Il leur reste quelque instinct impuissant du bonheur de leur première nature,
et ils sont plongés dans les misères de leur aveuglement
et de leur concupiscence qui est devenue leur seconde nature. »

Pascal

Pensées



Le refroidissement de la surface externe du corps entraîne inexorablement la faiblesse, puis l'insensibilité progressive. Arrivés à cette période, une partie des malades reviennent à la vie, une autre fraction succombe à l'oubli, et une dernière tombe dans un état particulièrement fiévreux et exalté, fort dangereux, et qui peut se prolonger longtemps. Chacun sait qu'au commencement d'une épidémie tous les remèdes dits éprouvés sont inactifs. En particulier lors de l'apparition d'une sorte de maladie nouvelle. À la fin de cette épidémie les moyens et les médications les plus variés opèrent quelques miracles. Cela signifie que la maladie, une fois déclarée, suit sa marche fatale, et enlève, d'une manière ou d'une autre, en dépit de toute intervention médicale, si rationnelle qu'elle soit, plus de la moitié des personnes frappées.

Rapport du cinquième jour
– Progressivement, ma peau se mit à brûler. Ce n'était pas seulement une sensation que je ressentais de l'intérieur mais mes propres yeux ne me laissaient pas le choix de l'interprétation. Je brûlais. Dès lors je n'avais qu'une solution, je me jetais à l'eau, espérant par ce geste mettre fin à ces brûlures insupportables. J'avais conscience de l'ambiguïté de mon geste. Je ne sais si je cherchais à mettre fin à mes douleurs ou à ma vie. Naturellement, il m'est plus facile aujourd'hui d'essayer de mettre de l'ordre dans l'enchevêtrement de mes pensées et de mes actions.

dimanche 10 janvier 2016

10 janvier (8)

Divine providence
Épisode 8

"... car la série de nœuds était si compacte que

ni la réflexion ni la vue ne permettaient de saisir
d'où partait cet entrelacement et où il se dérobait."

 Quinte-Curce
Histoires, IV



Un monde rouge et brûlant où flottent des nuages rosés à l'odeur prenante : âcre et sucrée. À ce stade pourtant, le malade a froid. Souffrant d'évacuations abondantes et de toutes sortes, qui prennent bientôt un caractère suspect, deviennent blanches comme de l'eau de riz et inodores. Il perd la notion du temps et se laisse porter par son imagination. La conséquence de cette perte de sucs est la soif ardente et une perte sévère de poids, qui associé à la disparition du pouls, la faiblesse de la voix et les crampes douloureuses dans le système musculaire, en particulier dans les mollets, le font se laisser porter par la moindre brise. Il s'envole littéralement.
Rapport du quatrième jour :
- J'avais basculé dans le vide. Cependant contrairement à ce que j'imaginais, je ne tombais pas à pic. Je flottais. De longs fils nuageux m'entraînaient dans leurs sillages odorants. J'avais l'impression de retomber en enfance. La véritable odeur de ces nuages était une odeur de barbe-à-papa.
Je sentais vaguement, malgré mon indolence, un regard qui pesait sur moi.

samedi 9 janvier 2016

9 janvier (7)

Divine providence
Épisode 7

"Certaines choses appartiennent à l'histoire

et l'histoire, elle, nous appartient..."
 
Walid Neill

Mémoires et miroirs



Rien ne peut être moins utile qu'une dissertation médicale sur la maladie qui s'approche de nos frontières .
L'homme inquiet peut la voit surgir de partout comme l'insouciant de nulle part. Partout ou la maladie apparait réellement, elle se présente sous des traits si indiscutables que chacun la peut reconnaitre sans hésitation. Le malade souffre de troubles de l'équilibre. Sa température monte très rapidement et provoque une coloration de la peau du visage et des extrémités d'un rouge intense. Le malade est alors persuadé que le monde entier est à son image.

vendredi 8 janvier 2016

8 janvier (6)

Divine providence
Épisode 6

"Au-delà des zones culturelles et géographiques,

on peut noter la présence, certes un peu floue,
de vastes étendues de nature inconnue."
 
Walid Neill

Mémoires et miroirs



Rapport du troisième jour :
– Au petit jour, alors que je montais une fois encore au sommet du rocher, le ciel, soudainement se mit à rougir. Je ne sais ce qui en fut la cause, mais je sentis aussitôt mes yeux et ma tête s'échauffer. Je sentis que je perdais pied...

jeudi 7 janvier 2016

7 janvier (5) Avec la même attention

Divine providence
Épisode 5

"Toutefois, bien que l'on prétende le contraire,

le temps est le meilleur allié de l'homme. Et le plus fidèle.
Que nous le voulions ou non, il nous guide toujours vers notre but;
s'il nous précipite dans le tourment, il nous en sort aussi;
sans cesse il nous blesse et soigne nos blessures."
 
Piotr Bednarski

Les neiges bleues


– La temporalité des uns n'est pas toujours celle des autres...
Il arrive cependant qu'elles se chevauchent avec ardeur.

– Cher Justin Perroquet, il me semble que vous peinez quelque peu... Serait-ce que vous manquez de sommeil ou que quelque chose vous trotte dans la tête?

Chaque jour, du mieux qu'il le pouvait, mon maître se remémorait le but de sa mission.
– Au vu et au su de la confuse situation que je suis chargé d'établir, notre Confrérie est chargée de prescrire les mesures de désinfection conformes à l'état actuel de l'expérience et de la science. Elle le fait de la façon la plus précise et la plus juste possible. Elle possède en outre dans la personne du référendaire sanitaire, moi-même pour le moment et d'autres après moi, un organe propre à surveiller et à encourager les mesures morales. Mais il est évident que cet organe ne peut être tout puissant, l'autorité exécutive ne lui est pas conférée d'une manière qui puisse suffire indéfiniment. De là, l'intervention de notre commissariat d'Éthique appliquée, qui a jugé utile de charger un de ses membres, moi-même, de l'élaboration d'un résumé succinct des mesures propres à prévenir l'introduction de cette épidémie en nos contrées. Pour cela et pour d'autres raisons tenues secrètes, je suis actuellement en train d'observer les régions les plus sauvages et les moins connues de notre monde.
Mais il me semble, sans que personne ne s'en doute, au même instant, peut-être pour des raisons similaires aux miennes, qu'une autre confrérie surveille tout cela avec la même attention.

mercredi 6 janvier 2016

6 janvier (4)

Divine providence
Épisode 4

"Faites attention à l'imposture que l'Histoire se charge d'écrire."

Chateaubriand 

Mémoires d'outre-tombe




Indépendamment des observations et des conclusions que pourrait tirer notre envoyé chargé de mission sur le terrain :
10 mars 007
- À noter la présence de nuages allongés ne correspondant pas, de par leurs couleurs et surtout leur odeur, âcre et sucrée, au canon déjà observés en cette matière. Malgré le calme apparent et la désertification bien réelle de cette région, je ressens une accélération du flux du temps et une présence qui pourrait bien être à l'origine de ce que je ressens. Je sais bien que ce que je viens d'écrire contient une sorte de simplicité qui confine avec la bêtise et je crains fort que le pressentiment suivant représente une suite suite logique et concrète à ce que nous pressentions.
Conclusion légèrement restreinte: ressentir n'est pas une conclusion.

Indépendamment, donc, nous possédons contre les invasion de cette sorte un plan de mobilisation soigneusement étudié, dont la non observation serait un délit de haute trahison. Les principes généraux nous ont été dictés par la loi dites de Troyes, sur les épidémies. De leur côté, les autorités concernées ont établi, avec une intelligence digne d'éloges, les détails d'exécution à chaque endroit déterminé.

mardi 5 janvier 2016

5 janvier (3) Pas de conclusions hâtives

Divine providence
Épisode 3



"C’est une sotte présomption d’aller dédaignant et condamnant pour faux ce qui ne nous semble pas vraisemblable."

Michel de Montaigne 



– L'effort n'est pas à faire là...
– Mais alors où doit-il se faire?
– Écoutez plutôt et vous allez comprendre, comme m'en avait fait le récit mon maître et comme je vous le disais avant-hier:
"Notre pays est encore, jusqu'ici, pour un certain temps, épargnée du fléau qui sévit alentours. Il menace de se répandre avec la rapidité que permettent les moyens de transport actuels. Il peut faire son apparition chez nous, et nous devons grâces à la Providence si nous restons épargnés. Pas moins ne devons-nous nous croiser les bras, et nous flatter de posséder l'immunité contre cette calamité. De vastes et lugubres taches rouges appelées "âniomes stellaires"* sont récemment apparues dans notre ciel."
Immédiatement, me disait-il, nous avons envoyé notre meilleur spécialiste sur place, avec mission d'observer avec une exactitude sans limites, le fonctionnement, le comportement et les effets de ces "âniomes" sur la personne humaine. Nous vous tiendrons informés, jour après jour de l'état de sa mission.
9 mars 007
- Long voyage cette nuit. Peu dormi. Aujourd'hui, juste après mon réveil, les "âniomes" se sont dispersés. Juste eu le temps d'escalader un rocher et de les voir disparaître à l'aube.
Conclusion : ne pas faire de conclusions hâtives.



* qu'il ne faut pas confondre avec les "angiomes stellaires"

lundi 4 janvier 2016

4 janvier (2) Les matériaux amassés

Divine providence
Épisode 2



– La folle du logis... vous connaissez?
– Elle décompose le connu pour fabriquer du connu...
– En partant de rien?
– Elle part de tout, au contraire... le nouveau n'est rien d'autre que tout ce qui surgit. Un réel qui ne pouvait se voir.
– Ce que l'on a sous les yeux et que l'on ne voit pas...
– Ou ce que l'entend de manière nouvelle...
– Oui. ce nous passe par les oreilles sans que nous en saisissions le moindre sens.
– Un peu comme nous...
– N’exagérez pas... nous nous améliorons...
– Presque sans effort...
– L'effort n'est pas à faire là...

dimanche 3 janvier 2016

3 janvier (1) Divine providence

Épisode 1

C’est une sotte présomption d’aller dédaignant et condamnant pour
faux ce qui ne nous semble pas vraisemblable.
Michel de Montaigne


– Comme le disait mon maître qui l'avait lu dans un livre:
 “Ce n'est point soudainement
que les épidémies frappent les hommes,
elles n'éclatent avec intensité
qu'après s'être lentement préparées.”
*
 

– Pourquoi me rapportez-vous cela?
– Parce que cela me revient en mémoire.
– Et pourquoi maintenant?
– Peut-être en raison de son absence.
– Il vous manque?
 – Un peu oui... mais...
– Mais...
– Ce sont surtout ses histoires qui me manquent...
- Ce n'est pas très gentil...
– Je n'en suis pas sûr... Vous ne vous doutez peut-être pas mais... au fond, c'est par elle qu'il me parlait le mieux. Tenez, vous me demandiez, il y a de cela quelques jours, comment je l'avais rencontré. Avez-vous oublié?
– Je ne m'en souviens pas vraiment, mais cela m'intéresse...
– Eh bien écoutez donc ce qu'il m'a raconté lors de notre première rencontre. Il faut vous dire, tout d'abord, que je ne comprenais rien à ce qu'il disait. C'était normal, je n'étais encore qu'une sorte de bouillie indistincte à l'intérieur d'une coquille... Mais malgré l'impossibilité raisonnable, ce qu'il disait formait une sorte de musique dans laquelle ou de laquelle émanaient une sorte de suite d'images qui dans lesquelles je me reconnaissais malgré le fait évident que je n'y comprenais rien du tout... J'imaginais un monde dans lequel... mais écoutez plutôt ce qu'il disait:



"Notre pays est encore, jusqu'ici, pour un certain temps, épargnée du fléau qui sévit alentours. Il menace de se répandre avec la rapidité que permettent les moyens de transport actuels. Il peut faire son apparition chez nous, et nous devons grâces à la Providence si nous restons épargnés. Pas moins ne devons-nous nous croiser les bras, et nous flatter de posséder l'immunité contre cette calamité. De vastes et lugubres taches rouges appelées "âniomes stellaires"* sont récemment apparues dans notre ciel." 



* HIPPOCRATE 



samedi 2 janvier 2016

2 janvier (159) Des mots, rien que des mots...

Épisode 159

L'homme en feu est en perpétuelle combustion...
Caliginosus


– Comment se fait-il que tout recommence sans cesse...
– Cela n'a pas l'air d'une question...
– Ce n'en est pas une, en effet. C'est une triste constatation.
– Alors que tout le monde s'accorde pour dire à son prochain tout l'amour dont il est capable...
– C'est justement là que se trouve le vrai problème que personne ne veut voir.
– Et quel est-il selon vous?
– Ils ne s'agit que de mots... rien que des mots, et non de gestes véritables...
– Vous me semblez... bien pessimiste. Est-ce là la conséquence de vos blessures dont je puis voir les cicatrices?
– Ce ne sont que des commentaires sur un contresens*... Si je ne suis des plus heureux,
c'est que je ne puis me réjouir de la privation d'autrui...


– Hier encore, vous parliez d'amour, si je puis dire...
– C'est cela... Comme vous pouvez l'imaginer, ce n'est pas une chose  facile et nous devrions tout d'abord éclairer certains points. Comment se fait-il qu'après tant d'années et de vœux régulièrement et sincèrement souhaités, les hommes en sont, à peu près, au même point? Se pourrait-il que les hommes ne savent s'examiner eux-mêmes. Ils savent, ou croient savoir, tout de nous autres qui ne sommes pas des êtres humains... mais que savent-ils d'eux-mêmes. La plupart su savoir de ceux qui "s'y connaissent" a été lu dans des livres... C'est peu dire que c'est pauvre... Mon maître lui-même me disait combien il avait appris dans tout ce qu'il avait lu...
– Êtes-vous en traine de me dire qu'il avait tout lu?
– Vous devriez déjà savoir que c'est absolument impossible... Il y en a tant qu'une vie entière n'y suffirait.
– Mais enfin, comme vous le dites, ils ne font pas que lire, ils écrivent, dorment, parlent, mangent, marchent... Est-ce qu'en faisant cela ils apprennent quelque chose? 
– Bien sûr, mais nous nous éloignons de notre sujet..
– Pas tout-à-fait. Il me semble qu'à certains moments ils disent aimer faire tout cela...  
– Certes, mais vous confondez, s'ils aiment c'est parce que cela leur plait...
– Est-ce un mal?
– Non, mais... comment dire... J'essaie de me souvenir des paroles de mon maître... Voilà, ils ne comprennent que partiellement ce qui leur plait... Cela leur plait, alors s'éloigne toute volonté. Ce n'est pas ce que je dis, je vous le répète...
– Mais, vous, cher Auguste Perroquet, cela vous plait-il de répéter? 
– Laissons cela pour l'instant et reprenons notre sujet. Il y a des hommes qui veulent comprendre le "tout" de de leur existence, pour en "faire quelque chose". Eh bien, mon maître, répétant ce qu'il avait entendu de son maître à lui, disait que c'était un blocage...
– Pourquoi cela? 
– Il semblerait que le fait de vouloir agir sur ce "tout" empêche la recherche sur soi-même... 
– Vous parlez de ces hommes qui, comme mon maître, se dévouent pour "une bonne cause"... du moins c'est ce qu'ils disent...
– Nous y reviendrons peut-être. Toujours est-il qu'en certains cas il vaudrait mieux se taire et partir...  c'est précisément ce qu'a fait fait mon maître. Mais cela n'a pas été possible. Rien ne s'est passé comme il l'avait prévu. 











* Gilles Sand de l'académie française qui disait: "Que de livres qui ne sont que des commentaires sur un contresens."

vendredi 1 janvier 2016

1 janvier (158) Ce qui serait souhaitable

Prudens futuri temporis exitum
Caliginosa nocte premit Deus...

”Un Dieu prudent cache tout ce qui
est futur sous une nuit ténébreuse...”
Horace

 
– Voyez-vous , cher Auguste Perroquet, mon maître est un être étrange. Le dernier message qu'il me fit porter au votre était des plus succinct. Le voici en entier:

Cher Justin
Bonnes nouvelles. Vous ne pouviez souhaiter mieux. J'ai pris de bonnes résolutions pour l'année nouvelle: je ne vous écrirais plus. 
Portez-vous du mieux que vous le pourrez. C'est ainsi que de mon côté je ferais. La vérité n'a nul besoin de nous pour paraitre. Et si votre poursuite continue, ce dont je n'ai aucun doute, elle se fera sans mon aide désormais... cela vous ne le souhaitiez pas, j'en suis bien conscient, mais il est aussi des vœux que nous pouvons nous faire à nous même...

– J'étais, cher Auguste, un peu... emprunté... de devoir livrer un tel message...
– Je ne comprend pas bien, vous avez dû, à de multiples reprises lui dire des choses bien plus dures...
– C'est vrai, mais aucune de ces choses, que je ne faisais que transmettre, n'avait débouché sur une rupture aussi polie...
– Vous regrettez cette politesse?
– Ce n'est pas la politesse que je regrette, mais ce qu'elle recouvre. Mais oublions cela mon cher Auguste, nos maîtres ne pas pas le monde... en entier. Je voudrais vous faire part de mes vœux les plus sincères et vous dire ce qui, de mon avis que je sais dénué d'humilité, serait souhaitable.
– Je suis bien surpris de vous entendre parler de votre manque d'humilité...
– Ne vous y trompez pas. Si je le sais c'est que je n'ai pas un orgueil suffisant pour y prétendre... Il y a dans le monde des humains une quantité innombrables de messages qui circulent, ainsi j'ai pensé que je pourrais y ajouter le mien... Je le sais bien, mon cher Auguste, je ne suis qu'un perroquet qui n'a acquis cette extraordinaire faculté qu'est le fait de parler que depuis peu. Notez que j'en suis tout-à-fait reconnaissant à mon maître, croyez-moi. Mais cela dit, cette reconnaissance fait-elle de moi son esclave à tout jamais? Devrais-je répéter à l'infini ce en quoi je ne puis croire? C'est précisément le premier vœu que je vous adresse, mon ami, celui, non pas de douter de tout ce que vous êtes chargé de répéter, mais d'entendre ce qui y est véritablement contenu. Ensuite seulement...
– Ensuite seulement..?
– Eh bien, ensuite, c'est une sorte de secret...
– Je brûle de l'entendre...
– Vous allez trop vite et avez mis le doigt, si j'ose dire, sur une des particularités les plus dangereuses de ce secret. 
– Je suis tout ouïe!
– Vous saviez, bien avant de savoir parler, que le monde n'est pas composé de mots?
– Tout le monde sait cela! Il n'est point besoin d'avoir fait de longues études pour cela...
– Vous croyez?
– Oui, mais un petit doute m'est venu par le ton que vous utilisez...
– Et vous avez raison encore une fois. Le ton que nous mettons à dire les choses est un autre secret, bien plus léger que l'autre cependant... À preuve: vous venez de l'exprimer. Mais ce que je veux dire... c'est qu'avant de le savoir, vous ne saviez pas que vous ne le saviez pas...
– Cela m'apparaît comme une évidence!
– Eh bien, ce ne l'est pas du tout. Celui qui ne sait pas qu'il passe à côté de quelque chose continue son chemin sans qu'il pense qu'il ne lui manque rien... tandis que celui qui ne voit rien, mais sait qu'il passe à côté de quelque chose... celui-là sait qu'il lui manque ce "quelque chose"... qu'il ne peut connaître... puisqu'il ne la voit ni ne l'entend...
– Mais alors comment se fait-il qu'il puisse savoir qu'il passe à côté?
– En voilà une belle question... Et de plus elle est pleinement d'actualité, comme disent nos maîtres... C'est précisément l'objet de la plupart des vœux qui circulent...  et du souvenir de leur brièveté...
– Et de quoi s'agit-il, plus précisément?
– Il s'agit d'amour...
– Qu'est cela? 
– Eh bien, j'aimerai vous dire que c'est une chose simple "qui va de soi", mais, malheureusement, ce n'en n'est pas une... et de bien loin...
– Vous m'intriguez. Parlez-moi de cet "amour"... et de ce secret dont vous me parliez à l'instant et que vous semblez avoir oublié...
– Je n'en sais par moi-même pas grand-chose, il est vrai... Enfin, bien peu... Et ce petit peu entre dans le secret que je n'ai point oublié, je vous assure.
– Dites toujours!
– ...  Innocente folie au départ... ce qui entre en nous lorsque nous parlons est une sorte de jeu secret. Je dis secret parce que nous ne le savons pas toujours. Nous y sommes tellement habitué que nous n'y prenons presque jamais garde et ainsi nous finissons par l'oublier. Ainsi nous, perroquets, somme les mieux placés pour le reconnaître. Je fatigue, cher Auguste, mais si vous le voulez, je reprendrais demain...