dimanche 31 mars 2019

(31) Intention



«  J’ai l’intention de ne rien faire pour “L’amour harcelant”, rien qui ne comporte un engagement public de ma personne. J’en ai déjà assez fait pour cette longue nouvelle: je l’ai écrite; si elle a une quelconque valeur, cela devrait suffire. Je ne participerai ni aux débats ni aux colloques auxquels je serai invitée. Je n’irai pas retirer les prix que l’on jugera bon de m’attribuer. Je ne ferai jamais la promotion de ce livre, surtout pas à la télévision, ni en Italie ni éventuellement à l’étranger. Je n’interviendrai qu’à travers l’écriture, en me limitant, là aussi, au minimum indispensable. Je me suis définitivement engagée auprès de ma famille et de ma propre personne. J’espère ne pas être obligée de me raviser. »

Elena Ferrante, Frantumaglia, Gallimard

(31) un certain ordre




– Croyez-vous qu’un jour notre maître fasse l’effort de publier le livre qui raconte ce qui est notre vie?
– Encore faudrait-il qu’il y y mette un certain ordre...





samedi 30 mars 2019

(30) Déménagement




– Que fait notre maître? Pourquoi ne s’occupe-t’il pas de nous?
– Il déménage...
– Où va-t-il?
– Au Portugal...
– Va-t-il nous emmener avec lui?
– Il ne peut faire autrement...




– C’est là que nous sommes... enfermés dans ce petit camion ?
– C’est cela... mais ce n’est pas un petit camion...
– Pourquoi dites-vous qu’il ne peut faire autrement ?
– Parce que... n’avez-vous pas encore compris?
– Qu’aurais-je dû comprendre?
– Que nous sommes, en quelque sorte, une petite part de lui-même...

vendredi 29 mars 2019

(29) Pas de prix




« Dans le règne des fins tout à un prix ou une dignité. Ce qui a un prix peut aussi bien être remplacé par quelque chose d’a, à titre d’equiva ; au contraire, ce qui est supérieur, à tout prix, ce qui par suite n’admet pas d’équivalent, c’est ce qui a une dignité. »
Kant

(29) Contre vents et marées





« Car l’écrivain qui ne vend pas son âme au Diable, qui ne renonce pas à écrire et qui ne s’exile pas non plus corporellement ou spirituellement, n’a d’autre solution que de devenir quelque chose comme un croisé ou un apôtre. Je parle, bien sûr, du créateur, pour qui la littérature constitue non pas une activité de plus mais la plus obligatoire, la plus fatidique des nécessités vitales, de l’homme chez qui la vocation littéraire est, comme disait Flaubert, « une fonction presque physique, une manière d’exister qui embrasse tout l’individu.»

Mario Vargas Llosa, Contre vents et marées 

jeudi 28 mars 2019

(28) Ciel




« La peinture atteint à son essence chaque fois qu’une œuvre se relie à son ciel en soi. »


(28) Contenance




À l’art lui-même on demande une contenance.






(28) Avec enthousiasme




Le feu, sans cesse et avec un enthousiasme délirant, se projette dans l’obscur duquel il est issu emportant avec lui sa propre disparition...



(28) Implacable






« Les héros irascibles des romans de chevalerie rendaient les honneurs au vaillant adversaire qu’ils tuaient en un bon ou mauvais combat et qu’ils avaient jusqu’alors combattu sans faiblir. Homme ou dragon, Maure ou chrétien, plébéien ou de haute lignée, l’ennemi valeureux était pleuré, rappelé, glorifié par les vainqueurs. Vivant, ils le traquaient implacablement et afin de le détruire recouraient à Dieu ou au diable –à la force physique, aux intrigues, aux armes, aux poisons, aux sortilèges; mort, ils défendaient son nom, l’installaient dans la mémoire comme un familier ou un ami cher et ils allaient, dans leurs aventures de par le monde, proclamant aux quatre vents ses mérites et prouesses. Cette coutume, curieuse et assez atroce, est pratiquée aussi de nos jours, quoique de façon plus dissimulée: les vainqueurs versatiles sont la bourgeoisie, les victimes réhabilitées après leur mort sont les écrivains. Humiliés, ignorés, poursuivis ou  à grand peine tolérés, certains poètes, certains romanciers sont ensuite, désormais inoffensifs dans leurs tombes, transformés en personnages historiques et en motifs d’orgueil national. Tout ce qui chez eux apparaissait comme réprouvable ou ridicule est plus tard excusé, voire célébré par les anciens censeurs.»


Mario Vargas Llosa, Contre vents et marées, p.163, Arcades, Gallimard

mercredi 27 mars 2019

(27) Ivresse




L’ivresse, en soi, n’est point connaissance de l’autre...

(27) Avec constance




L’école, avec constance et non sans violence, élague en puissance  toute l’ardeur et la curiosité de l’enfant jusqu’à ce que, de lui-même, il se mette à penser en conformité avec ses enseignants et surtout avec l’idéologie dominante.




(27) Lentement




Notre pensée semble procèder par à coups et nous peinons à les relier. Pourtant, comme les branches et les aiguilles du pin, tout se construit lentement... et se dissimule faute d’être perçu, dans la patine et les méandres de l’ombre qui révèle nos limites.

« Des branchages 
Assemblez et les nouez
Voici une hutte
Dénouez les vous aurez 
La plaine comme devant »


(27) L’argent




«  L’argent, observe Simone Weil, détruit les racines partout où il pénètre, en remplaçant tous les mobiles par le désir de gagner. Il l’emporte sans peine sur les autres mobiles parce qu’il demande un effort d’attention tellement moins grand. Rien n’est aussi clair et si simple qu’un chiffre.»

mardi 26 mars 2019

(26) Un brin d’herbe





«  (...) Un geste naît à partir de rien qui lui soit préalable, même pas le vide, en tous cas aucune forme de représentation, c’est la plus belle, la plus inouïe des inventions. Et ce geste peut être évidemment un geste de parole, ou un geste pictural, en tous cas un geste qui comme point de surgissement n’est pas aussi monumental qu’une montagne  mais plutôt aussi infime que le fait de nouer un brin d’herbe.»

Daniel Dobbels


(26) Attention





Les véritables événements sont rares... mais il en est des quantités, à première vue  banaux, qui pourraient se révéler signifiants si l’on y prêtait attention...

(26) Espace



La notion d’espace nous est tellement naturelle que rarement nous nous interrogeons à propos de sa signification et combien elle demande un engagement de notre part pour signifier.




(26) Présence





«  La présence a lieu dans une contradiction essentielle (...): se tenir à l’avant de soi... en soi plus avant. (...) Être présent, c’est être auprès de soi de l’autre côté de soi. »

(26) Horizon




Il n’est d’horizon que lorsque le regard est limité...

lundi 25 mars 2019

(25) Le propre du regard






«  Le propre du regard et de la perception esthétique est de n’avoir d’autre structure que la structure de l’œuvre en fonctionnement.» 
Henri Maldiney 

(25) Mobilisation


Certaines présences sont si furtives qu’elles semblent éclater quand on en prend conscience...



« L’élan d’un rocher où le bondissement d’une cascade, mobilise la même lumière que le monde tout entier.»
Henri Maldiney 

(25) Presque imperceptible




Certains événements dépassent les mots, les débordent et pourtant demeurent presque imperceptibles.


(25) Bouleversement




«  Un bouleversement est celui qui déstabilise sans retour cet  ancrage. Celui qu’il atteint ne peut plus reprendre fond.»

Henri Maldiney 



(25) Brisure



« Quand quelqu’un est “heureux dans le malheur”, cela veut dire d’abord qu’il a perdu le rythme du monde, mais ça veut dire aussi que tout s’est effondré ou s’effondre, que plus aucune voix ne l’atteint sans être en même temps brisée.»

Kafka






(25) Présences



Il il ne suffit pas de relever la différence qu’il peut y avoir entre deux présences contenues en un même mot, encore faudrait-il décrire, et donc vivre, le passage, l’expérience qui nous fait traverser cette différence: le passage de l’une à l’autre présence.





dimanche 24 mars 2019

(24) Mêmes




«  Nous voyons les choses mêmes, le monde est cela que nous voyons: des formules de ce genre expriment une foi qui est commune à l’homme naturel et au philosophe dès qu’il ouvre les yeux, elles renvoient à une assise profonde d’«opinions » muettes impliquées dans notre vie.»

Maurice Merlot-Ponty



(24) Personne ne l’a dit




Il est devant ce que personne n’a dit et que personne ne dira...



(24) Printemps




C’est presque le printemps à Tokyo. Quelques cerisiers sont déjà en fleurs et les passants forment des grappes à leur image.


samedi 23 mars 2019

(23) ...




...

(23) Fini





«  Une crise est un passage d’un fini instable à la stabilité d’un fini à travers la transcendance. »

(23) Librement






«  L’espace pictural est un mur 
mais tous les oiseaux du monde y volent librement 
à toutes les profondeurs.»

(23) Ouverture





« Pour le peintre il ne s’agit pas d’exténuer la surface en la remplissant, mais de l’ouvrir, et justifiée avec elle tout ce qui s’ouvre dans son ouverture.»
Henri Maldiney 

(23) Libéré


« L’impressionnisme pourtant ne s’est jamais libéré de la perspective. Elle continue d’apparaître en filigrane dans la structure de son espace. Il participe encore à l’idéal de l’avoir qui caractérise aussi bien l’esprit de la psychologie de la sensation (nous avons des sensations), que le désir de ses détracteurs d’avoir prise sur les œuvres et d’entrer en possession d’un morceau d’art comme d’un morceau de nature. »

(23) Là




 – Les êtres que nous sommes ont lieu d’être en ce sens que nous avons sens d’être sous l’horizon d’un monde toujours en ouverture...


– Savez-vous ce qu’est “là”?
– Vous voulez dire ce qui est là ?
– Non, non, non, j’ai bien dit ce qu’est “là”. Le là dans lequel être.
– Vous êtes bien compliqué là...
– Je voulais simplement...
– Là... pour la simplicité... c’est raté.
– Je vous parlais du là comme l’entend Heidegger...
– Vous voulez dire comme il l’entendait...
– C’est cela.
– C’est le cas de le dire...
– Là vous marquez un point. Je reprends comme le dit Henri Maldiney « l’homme heideggerien transcende l’étant qu’il est –factuel et sans raison d’être– vers un Soi consistant de son propre pouvoir d’être.

– ...comment voulez-vous que je puisse suivre...

vendredi 22 mars 2019

(22) Affût





«  À l’affût est l’homme attentif. De quoi... il ne le sait pas encore...»

(22) Fût


Six centièmes rapport de Don Carotte
Extrait du Grand Cahier couleur de Sang

Ainsi fût-il... aussi fut-il... futile pensée
Il est des anomalies subtiles qui seules montrent le chemin. La tradition serait une un fût puissant dont le rôle serait de porter et de protéger certaines ouvertures subtiles, signalées par quelque anomalie et irrégularités qui se font en lui-même... et qui, en certaines circonstances, amène le cheminot, voyageur futé, à ce qu’il fut...

(22) Sursaut




Après un sursaut stellaire une brusque augmentation de la luminosité qui durera à peine quelques centaines d’années, Don Carotte avait refermé les yeux.
– C’est alors que fantômes cauchemardesques auront disparu avec ceux qui les avaient conçu... se dit-il...
Puis il s’apercut qu’il les regardait  à nouveau... sans qu’il puisse en cerner le moindre contour qui puisse leurs donner forme. À peine son regard se focalisait il sur la moindre partie, quelque soit sa grandeur, qu’immédiatement elle disparaissait et renaissait dans l’instant, aussi floue et envoûtante qu’avant.

(22) Savoir




– Avoir l’espoir de savoir...
– Plus modestement, avoir l’espoir d’un savoir...
– Quelle serait la différence..?



jeudi 21 mars 2019

(21) Éclat


– Il est des territoires où l’approche peut se faire à l’instinct et d’autres dans lesquels seule la tradition, sous certaines conditions, peut nous guider. Le chemin est alors aussi étroit que le chas d’une aiguille invisible et dont il faut avant de le nouer, tisser le fil...



«  Cette eau verte qui bruit, cet éclat de lumière sur ce mur ou sur ce visage, comment se fait-il que que cela précisément soit? »
Henri Maldiney

(21) Surgissement




«  Là où surgit l’œuvre d’art, a proprement lieu le miracle de l’apparaître.»
Henri Maldiney

(21) Hiroshima




Hiroshima...
D’abord ce fut une simple idée
Puis ce fut un long sifflement
Suivi d’un tonnerre incompréhensible
Enfin ce fut un silence infini



mercredi 20 mars 2019




« J’ai beaucoup parlé seul. Soudain une phrase sortait de ma bouche. Je la disais à la maison qui attendait ma voix. J’ai vécu si longtemps à l’intérieur d’elle qu’un échange s’est établi entre ses pierres et moi. Je sens que je fais partie d’une nature minérale commune. Son silence est le mien, il est intérieur. Le silence du dehors, de la campagne, total certains soirs de brouillard, ne ressemble pas au nôtre capable d’absorber les sons, quand même ma respiration et les battements de mon cœur se dissipent et que je ne les perçois plus. La maison me répond. Sa voix n’appartient pas aux hommes: elle jaillit de la pierre volcanique des murs, née au temps où l’écorce terrestre était en fusion et la matière mère de toutes choses. C’est une voix qui a bouillonné dans les fleuves de feu jaillissant en gerbes de la mare des cratères. Quand le vent balaie sa poussière, l’asperge de gouttes grises et bleues, la pierre murmure des comptines.»

Erri de Luca



















– Qu’entendez-vous par «c’est un présupposé»?
– Vous ne répondez pas? Je suppose...
– Ah, alors... vous aussi vous supposez...  et même peut être présupposez-vous... j’en étais sûr!
– Bien entendu je présuppose... tout comme vous...
– Il est impossible de communiquer sans un minimum de présupposés... le tout est d’y introduire de la souplesse de telle manière qu’ils puissent se transformer en lien avec le temps réel... ou supposé comme tel... par les êtres humains...
– Ah mais, je ne suis point un être humain et ne tend point à cela!
– Serait-ce  nouveau?
– C’est cela... c’est nouveau.
– Pourtant vous parlez comme un être humain...
– C’est bien pour cela...
– C’est bien pour cela que quoi?
– Que je ne tends point à devenir comme eux. Je suis ce que je suis...
– Quelque chose m’échappe...

(20) Tremblement






Pendant ce temps, sur la feuille le trait, et, dans sa main le pinceau tremblait non par maladresse mais parce la montagne elle-même, sur laquelle Don Carotte cheminait, était entrée en vibration: un tremblement de terre et de roche qui n’annonçait rien de bon.






– Ayant mis précipitamment ses outils dans sa besace il s’enfuit à toutes jambes juste avant que la masse de roches ne se décroche. Cette masse était précisément celle qui, autrefois  les avait accueilli lui et son chien. Don Carotte s’était déjà retrouvé allongé au bord de la rivière bien des kilomètres plus bas sans savoir ce qui s’était passé et surtout sans savoir ce que le chien était devenu. Ainsi la montagne, immobile depuis des millénaires s’était mise en mouvement et, me semble-t-il, c’est de ou dans ce mouvement que je suis apparu...
– La montagne avait accouché d’un perroquet!
– Ne vous moquez pas! C’est ainsi que cela s’est passé!
– Il me semble, sans vouloir vous offenser, que vous me l’avez déjà raconté...
– N’est-ce pas dans notre nature que de répéter?
– Pour autant, faut-il le faire sans conscience?








(20) Souvenir





– Vous souvenez-vous comment pour la première fois vous êtes apparu dans le grand cahier?
– C’était comme je volais ou comme si j’étais un être sans forme qui marchait dans les nuages. C’était un sentiment étrange. J’avais plus l’impression... en fait je n’avais aucune impression, c’est seulement maintenant que j’ai ces impressions comme si elles étaient d’un autre temps. C’était une sorte d’errance sans but ni véritable lieu.


(20) Y-a-t’il un sens?




Le réel a-t-il un sens?


mardi 19 mars 2019

(19) Imprévisible





Il n’y aurait pas d’autre événement que la venue de l’imprévisible...


(19) Phénomène





«  De tous les phénomènes qui apparaissent, le plus  extraordinaire est l’apparaître même.
Henri Maldiney, Penser l’homme et la folie

(19) Ce qui se lit




Ce qui s’écrit, se lit et se dit dans l’instant...



(19) Là où





«  Là où il y a une volonté il y a un chemin, dit-on...»
Clément Rosset



lundi 18 mars 2019

(18)




« Et en me questionnant sur ce passage j’ai conçu l’hypothèse que précisément le thème central de Maldiney n’est pas la maladie, mais plutôt les modalités du revivre. Je veux dire par là qu’en partant de la crise et de l’éventualité de l’échec, Maldiney ne prétend pas seulement poser la description de la station du malade. À l’inverse, on pourrait considérer qu’il cherche à décrire la modalité d’une sortie de crise, d’un passage, donc d’un revivre plutôt que d’un survivre.»Flora Bastiani



(18) Pourquoi faut-il ?




« Pourquoi faut-il par exemple, que poète et peintres aient à lutter pour le réel puisque, quoiqu’il arrive, c’est au réel que nous sommes voués, à être présent au monde?  La formule est de Victor Segalen, dans ses lettres de Chine, parlant de Rimbaud: “Tu as lutté pour le Réel. Tu l’as pris corps à corps, mais en dépouillant la plus diamantine des armures :Poète, tu t’es renié toi-même. »
Jérôme de Gramont