lundi 31 mars 2008

Nostalgie


Sacripant s'ennuie mais ne dit rien et ne juge pas. Il aimerait que quelque chose se passe. Il a la nostalgie du cirque et souhaite y retourner.

Regard lointain


- Te rends-tu comptes que nous parlons de nous sans pouvoir révéler qui nous sommes...

Pendant un moment, après un long et profond soupir, Sacripant aussi, rêve de révéler "à la face du monde", combien un simple regard peut le contenter. Il n'aimait pas que son maître, comme perdu dans de lointains souvenirs, le regarde d'une façon mal assurée.

Questionnement


- De quelle sorte de mémoire s'agit-il
quand nous bavardons avec légèreté au vu et au su de tout le monde?
- La question n'est pas là ou alors elle est mal posée.
Je préfèrerais que vous me demandiez:
- Quelle part de l'autre sommes-nous capable d'appréhender sans risques?
Car, voyez-vous: "aussi grande et aussi débordante que puisse être votre imagination",
vous ne pourrez jamais avoir aucune idée de ce que je peux savoir de vous.

Résumé:
Devenu grand, Marcel a passé beaucoup de temps aux terrasses des bistrots. Le temps était propice à toutes les utopies.

dimanche 30 mars 2008

"Ce qui passe par en-haut"


- Regarde cet oiseau, il nous parle de nous sans nous révéler qui nous sommes...

Des colonnes de pierre ont remplacés les mâts fichés en terre et plus aucun errant ne vient ne vient de l'horizon.

samedi 29 mars 2008

Regard


Marcel a grandi. C'est maintenant un jeune homme.

Marcel:
- Si je pouvais, comme j'ai pu le faire avec les hommes, jeter un regard sur ce qui est interdit, je pourrais peut-être découvrir certains des secrets si bien gardés en "Haut-Lieu" et pourquoi ils effrayent tant ceux qui m'entourent.

De telles pensées ne sont pas banale. Peu nombreux sont ceux qui, comme Marcel, osent penser. La chose, non seulement n'est pas encouragée, mais durement punie si elle est découverte.

Marcel, avec une légère touche d'ironie:
- Chacun de nous possède une petite part à découvrir, mais les risques liés à ces découvertes ne sont, et de loin, pas équivalents.

Incompréhensible


"Les barreaux des grilles sont revêtus de l'or des sentiments simplifiés, irréels, si bien qu'on les prend pour les colonnes d'un palais"**


Résumé:
Marcel, enfant désobéissant, lit. Ce qui, déjà, malgré son âge, le classe au rang des orgueilleux. «Les gens comme nous apprennent très tôt à se taire et n'ont que faire des mots inutiles! Ce ne peut être que source d'ennui!» lui répète sèchement son père.
«"Travail, travail et travail"" est notre devise. Et quand nos désirs seront annihilé par ce travail, alors seulement, nous pourrons être appelés si tel est le désir du Palais.»
Marcel ignore tout du Palais et ne comprend pas comment on peut vivre sans savoir.

Marcel:
-«Ce qu'il y a de plus incompréhensible au monde, c'est que le monde soit compréhensible.»*
*Albert Einstein.

** Train de nuit pour Lisbonne, Pascal Mercier

samedi 22 mars 2008

mercredi 19 mars 2008

Traces perceptibles


"La question est: ces paroles sont-elles encore l'expression de pensées? Ou seulement des formations sonores efficaces qui poussent les hommes de-ci de-là, parce que les traces du bavardage qui y sont gravées y demeurent
inlassablement perceptibles?"*


Résumé:
Marcel a vu de ses propres yeux la prise devenue mythique du "Grand-Passeur". Quelques traces de ce passage sont inscrites dans sa mémoire. Une image se forme qui montre sur un mode directement accessible qui pourrait être le fait de l'écrivain ou du théologien. À travers cette image, il s'efforce de les montrer à son tour sur un mode qui paraîtra différent et peut-être mineur, mais ce qui est cherché dans son cas, c'est la correspondance entre le souci d'une pensée vraie, et la justesse relative de son expression.

Marcel:
- Jamais aucun homme n'eut pu imaginer qu'il y eut dans le monde une créature de cette envergure. Et si, de plus, cette créature était tombée du ciel! Et pourtant, bien que rien dans sa présence ne manifestât la moindre signe d'agressivité, les hommes se laissèrent prendre par un léger sentiment d'insécurité. Cela fit qu'au lieu de l'accueillir avec tous les honneurs auxquels il eut pu prétendre, il fut tout bonnement attaché entre deux poteaux.


*"Train de nuit pour Lisbonne" de Pascal Mercier.

mardi 18 mars 2008

Les "errants-passagers"


Résumé:
Il arivait que le guetteur arive à mettre la main sur de petits "errants passagers" qui nourissaient pour un temps le petit groupe d'humain. N'imaginez pas qu'il soit mangé pour autant, il s'agit ici d'une nourriture spirituelle. Les "errants-passagers" ne font que raconter des histoires et puis quand ils ont tout dit, ils s'en vont. Mais il est arrivé, et Marcel en fut le témoin, que l'errant soit de taille gigantesque...

lundi 17 mars 2008

Trésors enfouis


"Sur mille expériences que nous faisons, nous en traduisons tout au plus une par des mots, et même celle-là simplement par hasard et sans le soin qu'elle mérite. Parmi toutes le expériences muettes sont cachées celles qui donnent secrètement à notre vie sa forme, sa couleur et sa mélodie. Si ensuite par archéologue de l'âme, nous nous tournons vers ces trésors, nous découvrons à quel point ils sont déconcertants." *


*Train de nuit pour Lisbonne, Pascal Mercier

Marcel doute de ses souvenirs. Il sait ce qu'il a vu. Il sait aussi que tout peut être contesté. Il a vu ce que les hommes d'autrefois, auxquels personne n'accordait de crédits, si ce n'est celui d'un enfant comme lui, étaient capables de faire. Marcel saura-t-il démontrer comment capter ces réalités considérées comme illusoires qu'il sut si bien voir dans son enfance? Il repense souvent souvent à ces messagers que "l'Homme du Mât" savait si légérement capter dans le sillage du vent.

dimanche 16 mars 2008

"Ce qui vient d'en-haut"


"Porté par le vent
Planant sur l'océan
J’ai vu si souvent
l’ombre sage d’un nuage"


Résumé:
Marcel se souvient du temps où les hommes, en secret, scrutaient le ciel à la recherche de "ce qui vient d'en-haut".

Marcel:

- Je me cachais de telle manière que je puisse voir sans être vu ceux qui cherchaient eux-même à voir sans être vus... Il n'y avait pour cela qu'un seul endroit possible: se nicher dans la falaise avec les grands oiseaux blancs aux becs acérés qui ne craignaient rien.

samedi 15 mars 2008

Chez soi

Résumé:
Marcel retrouve les gestes de son enfance. Sur une structure rectangulaire, faite de mats assemblés, il tend un immense drap blanc dans lequel il espère, qu'à nouveau, comme autrefois, "porté par le vent du large", le messager "viendra se glisser".


- J'ai besoin d'être chez moi, a-elle-dit.
Elle a calé sa tête contre le mur et je me sentis si proche de sa tristesse.
Évidemment, «chez elle», c'était son idée de toujours.
Cela voulait dire le silence, j'ai tenté de prendre son bras, mais elle s'est détournée. *


Marcel «vient de loin». Sa mémoires surchargée sans cesse permute au gré des courants d'air. N'allez pas croire pour autant qu'elle soit légère. Facétieuse: oui, mensongère: non. C'est ainsi que face au piège qu'il a construit et sans pour autant que celui-ci n'y soit pour quelque chose, la configuration de l'instant lui souffle le souvenir suivant:

- Je lisais avec grande circonspection une lettre provenant de notre gouvernement. J'avais la lourde tâche, en tant que Juge, d'émettre un avis sur le sujet délicat qu'elle contenait.
" Chers concitoyens et frères, comme je ne doute pas que Sathan ne vous dresse journellement de nouveaux assauts et qu'il ne machine tant qu'il peut vous faire perdre courage, je voudrais bien de ma part et de celle de "Votre Juste & Parfait Gouvernement" m'employer à renforcer votre défense, si j'en avais les meilleurs moyens. Mais de votre côté, sans attendre qu'on vous incite d'ailleurs, il vous faut être diligent à prendre des mesures et vous tenir prêts "de longues mains" afin que toutefois et quand il plaira aux "Muses" d'éprouver votre imagination, vous ayez de quoi répondre et ne soyez surpris!"



* Zoli, Colum McCann

** À la période qui correspond vaguement à celle que l'on suppose être celle de l'enfance de Marcel, selon certaines conjectures qui paraissent probables, cette lettre fut écrite par un membre important du gouvernement. Il se peut aussi qu'elle soit de la main même d'un personnage historique "d'importance". Mais comme cela ne peut être prouvé, nous ne le nommerons point "avant d'avoir fait les recherches et obtenus les permissions conformes au «Bon ordre des Justes» qui ne peuvent être accordées que par la commission communément nommée «La Juste & Parfaite»". Ce qui prendra «un certain temps» que nul ne peut prévoir.
Dave Hill, Oreille & Vent, Encyclopédie des ânes et des bienheureux

vendredi 14 mars 2008

Mise en branle


- Alors la toile se gonflera de silence...



Marcel, s'adressant à Sacripant:

- La vérité des faits ne nous est pas accessible. Ne t'en soucie pas. Elle n'est pas nécessaire mais contingente. La clarté ruisselle et le monde dans lequel nous vivons permet tant d’autres possibilités. Celles que nous prétendons connaître n'en sont qu'une part infime. Nous pouvons toujours rendre mémoire d’un instant donné. C'est là, sur cette toile, que va se jouer cet acte "antérieur", qui remontera la chaîne infinie des causes.
Pour cela, Sacripant, il faudra faire sacrifice!
Que vole en éclats une part trop rigide de nous-même!..


Sacripant, fort inquiet d'entendre un discours auquel il ne comprend "que pouic":

- La grâce et l'apparence de ton piège me remplit d'espérance, mais mon esprit s'embrouille dans le dédale de tes mots, mon maître. Faut-il, pour une impalpable joie, faire tant d'efforts et s'étirer en tous sens?

Marcel:

- Tu as raison, pour que notre histoire ait un sens, il faudrait remonter au début des enchaînements. Au fait initial duquel se déroule la chaîne infinie du "grand tout" qui est le nôtre.

Sacripant, s'étonne de participer activement à la discussion, mais ne dit rien à ce sujet, il poursuit:

- Cela suppose-t'il l’existence de Dieu?

Marcel marque une pose. Comment Sacripant peut-il parler de Dieu? Il ne sait que répondre mais il pense:
- ... Que vole en éclats une part trop rigide de nous-même... Le piège commence à fonctionner. C'est bon signe.

Sacripant, reprenant du poil de la bête, pousse le bouchon:

- D'où te vient la substance nécessaire à ton histoire? Celle qui est cause de tout dès le moment où la puissance l'a mise en branle?

jeudi 13 mars 2008

La musique revient


"Il y a ceux d'entre nous qui n'ont pas encore raconté leur histoire, ou ceux qui refusent de le faire. Et puis nous finissons comme eux, nous nous recroquevillons au fond de la mémoire jusqu'à ne plus supporter ni l'abri ni la faute- sans doute est-ce mon cas, et sans doute faut-il que j'entame ce récit avant qu'il ne se perde dans l'oubli, voire avant que, comme tout le reste, il devienne autre chose."*

* Zoli, Colum mcCann

Sans hésiter, comme si cela ne faisait que prolonger les gestes d'autrefois, Marcel saisit la corde et commence à hisser la grande voile blanche. Le sifflement des haubans sur les mats réveillent sa mémoire. Sacripant, oubliant son vertige, se met au diapason et lui aussi, hisse du mieux qu'il peut.

mercredi 12 mars 2008

Amphigourique & certain


- Regarde Sacripant !
Plus tu montes, plus il fait nuit!
La nuit s'endort quand naissent les étoiles.
Bienvenue dans la constellation du Non-Sens!


Marcel, tel un enfant, tend le bras vers l'infini et Sacripant sourit mais ne comprend rien.

Sacripant:
- "Jusqu’à maintenant, tout ce que j’ai accepté comme le plus évident et certain, a été basé sur les sens.
Or, les sens m’ont parfois déçu; je ferais donc mieux de ne pas leur faire entièrement confiance". *


* Descartes, Méditations métaphysiques

Nouvel horizon, nouveau regard!

Résumé:
Sacripant, guère à l'aise dans ce genre de situation, décide de passer outre sa nature et se met à escalader. Il est profondément partagé entre sentiment de détresse et joie enfantine.


Vois comme comme l'horizon s'arrondit,
que l'espace s'agrandit en même temps que tu parais si petit!
Regarde bien, Sacripant!
Ce sur quoi tu te hisses est à la mesure du ciel!
Ouvre les yeux et regarde comment les nuages et les oiseaux le traversent!
Ils t'en apprendront plus que moi-même...

Sacripant, l'autre Errant, est heureux "là-haut" et considère Marcel d'un œil nouveau:
- "Nouvel horizon, nouveau regard!" Je ne sais si Marcel a perdu l'esprit ou seulement perdu pied. À cette hauteur cela ne peut surprendre...

mardi 11 mars 2008

Point de vue & nature changeante


- Il y a deux écueils grossiers qui nous empêchent d'appréhender correctement l'horizon!


Marcel, oubliant toute prudence et promesses, initie Sacripant aux joies de la découverte des horizons nouveaux:
- Le premier de ces écueils est notre relative petitesse et le second est la nature changeante de l'horizon. Il importe peu de préciser quel est, de ces deux écueils, le plus grave; ils faussent d'emblée, l'un comme l'autre, toute perception d'ensemble du phénomène. Pour tenter de remédier à cela, je t'invite à me suivre...

lundi 10 mars 2008

Bourrasque

Résumé:
Marcel tente d'expliquer et de démontrer à Sacripant les valeurs du piège à illusion. Ce faisant il ne se rend pas compte qu'il est bien plus absorbé qu'il ne le pense. Ce "cogito épars" ne peut retenir, les uns après les autres, tous les horizons présents dans sa pensée ni les organiser en permanence.
Cela fait que son discours se perd dans "les languissantes plaintes du vent".

Marcel, l'Errant, murmurant pour lui-même:
- L'important est qu'elle soit bien orientée...

Sacripant,l'autre Errant, ne comprend rien aux pensées de son maître mais se fait curieux:
- Pourquoi doit-elle être "bien orientée"?

L'Errant, Marcel, toujours murmurant et absorbé par ses pensées:


- Pour qu'elle participe pleinement à la carrière du soleil et que son mécanisme
éclaire le monde d'une lumière nouvelle!
Regarde Sacripant!
Devant nous se trouve exactement ce que nous étions
et ce que nous serons à nouveau
quand le piège aura fonctionné!


Sacripant est en proie au doute. Un doute terrible. Mon maître est-il devenu fou? Est-il déjà sous l'emprise de la machine?


- Je ne saurais m'éclaircir de ce doute, si je ne descends dans ces profondeurs...

Aussi Sacripant s'est-il tourné du côté des horizons infinis pour oublier la nécessité de se retenir. Il veut, de ce pas, sans hésitation et sans plus attendre, apprendre l'art de la suspension...

Sacripant ne sait s'il doit rire ou pleurer "devant tant d'inanité"! Ce type de réponse ne peut que plonger Sacripant dans un océan d'obscurité. Et ce n'est pas une image! Sacripant, en vrai terrien, ne pensant pas à mal, involontairement aidé par une brusque bourrasque et une subite béatitude, joint le geste à la pensée et plonge dans le vide infini qui s'est ouvert sous ses pieds.

Orientation


Depuis longtemps déjà, Marcel n'avait plus vu de telles installations. Il avait peine à croire que celles-ci fussent encore construites. De plus, bien que celle qu'il avait devant lui semblait incomplète, elle ne semblait pas présenter de défaut majeur.


Marcel, l'Errant, murmurant pour lui-même:
- L'important est qu'elle soit bien orientée...

Sacripant, comme on peut le comprendre, ne comprenait rien aux pensées de son maître.

dimanche 9 mars 2008

Un peu d'ombre sur le mensonge


« Depuis le siècle des Lumières, l‘Europe a expérimenté tant d‘idéologies ! Elle a mis successivement ses espoirs dans l‘émancipation des individus, dans la démocratie, dans le progrès technique, dans l‘amélioration des conditions économiques et sociales, dans la morale laïque. Elle s‘est fourvoyée
gravement dans le communisme et dans le nazisme. Aucune de ces différentes perspectives - que je ne mets évidemment pas sur le même plan - n‘a été en mesure de combler le besoin profond des hommes et des femmes de trouver un sens à l'existence. » *


L'Errant, Marcel:
- Regarde, compagnon fidèle!


L'autre Errant, Sacripant:
- Je ne puis comprendre ce que mes yeux voient et que mon esprit ne peut comprendre, mon Maître. Je ne sais que renifler ce qui, outre le dégoût, sans doute ne vous dirait rien. Mais si, pour quelques temps, je me suis essayé à la lecture, cela n'a été qu'un jeu. Si cela m'a pourtant beaucoup appris, j'ai beau renifler, je ne ressens rien de ce que vous nommez illusion. Je suis par essence un terrien que le ciel peine à caresser.

L'Errant, Marcel:
- Lève la tête, compagnon fidèle!


* Nicolas Sarkozy, Discours de Latran
(emprunté quasi littéralement au pape Jean-Paul II, «Mémoire et identité»)
http://www.voltairenet.org/article154954.html

En route vers l'Illusion


Résumé:

Sacripant a rejoint son maître Marcel. Ils se dirigent vers ce qui intrigue Sacripant.
Le monde ayant changé "du tout au tout", selon ce même Sacripant, ils doivent être discret sur leurs identités. C'est ainsi qu'ils se nomment "les Errants". Ce qui n'est pas vraiment une bonne idée. Quels que soient les peuples au pouvoir, les errants n'ont jamais été les bienvenus...


"Peu importe le nom que vous portez, si vous êtes, de par votre forme ou votre couleur, un être qui ne devrait pas être là.
Où plus encore, qui ne devrait plus exister...
Le choix partisan des références prise dans l’histoire de l’ancien monde ne
fait que préparer le discours des hommes nouveaux. Un alignement du vocabulaire
de l'évolution bien plus spectaculaire et politiquement alarmant vise à ce que le jugement porté sur la loi de séparation des hommes et des ânes ne constituerait plus une barrière à l'établissement d'un pouvoir nouveau, rationnel et logique dans lequel il n'y aurait plus de place pour... *


L'Errant, Marcel:

– Tu prétends que certains ont réussi à survivre et que certains d'entre eux me connaissent. Et moi, est-ce que je les connais?


L'autre Errant, Sacripant:

– Je ne puis le savoir, mon Maître. Je n'ai pu le leur demander. J'en ai eu l'occasion pourtant. Pour quelques temps, bien courts, il est vrai, j'ai été couronné roi. Même si, pour moi, cela n'a été qu'un jeu, j'y ai beaucoup appris.


* Dave Hill, Petit traité de philosophie à l'usage des ânes et de leurs proches parents
Éditions «Les Frères Jacquots» [ épuisés ]

samedi 8 mars 2008

Autrefois



L'autre Errant, Sacripant:
- Je ne comprend pas, ceux que je vois là-bas sont des hommes et vous dites qu'autrefois vous aussi, vous...

L'Errant, Marcel:
- Autrefois, c'était autrefois. Les hommes et les ânes travaillaient ensemble. Nous les ânes avons fait de grandes erreurs... Aujourd'hui, tout a changé...

L'autre Errant, Sacripant:
- Vous ne croyez pas si bien dire, mon maître. Tout a changé bien plus que vous ne pourriez penser. C'est justement ce que je revenais vous dire...

L'Errant, Marcel:
- Oui, et tu m'as annoncé que tu avais de bonnes nouvelles!

L'autre Errant, Sacripant:
- Une bonne nouvelle, mon Maître...

L'Errant, Marcel:
- Laquelle?

L'autre Errant, Sacripant:
- Il faut d'abord que je vous dise, mon Maître... que tous les ânes, tels que vous ont été persécutés. De grands massacres ont été perpétrés. Les hommes sont persuadés qu'ils n'en existent plus...



Marcel ne savait si c'était la confusion qui régnait dans sa mémoire qui agitait pareillement les vagues de la nuit ou si c'était le contraire.

L'Errant, Marcel:
- Est-ce cela que tu appelles une bonne nouvelle?


L'autre Errant, Sacripant:
- Non, mon Maître, la bonne nouvelle est que, sous couvert d'artifices divers, certains ont réussi à survivre. Je crois même que certains d'entre eux vous connaissent. Ou du moins le prétendent.

Capture



L'autre Errant, Sacripant:
- À quoi servent-elles?

L'Errant, Marcel:
- Je te l'ai dit, à capturer l'Illusion.

Le piège se construit


Résumé:
Pour ne pas attirer l'attention, Marcel et Sacripant ne s'appellent plus par leurs noms. Ils sont L'Errant et l'autre Errant.

L'autre Errant, Sacripant:
- Que font ces hommes au loin?

L'Errant, Marcel:
- Je te l'ai déjà dit. Ils construisent un piège à illusion.

L'autre Errant, Sacripant:
- Comment le sais-tu?

L'Errant, Marcel:
- Lorsque j'étais enfant, j'ai moi aussi participé à ces constructions.



L'autre Errant, Sacripant:
- À quoi servent-elles?

vendredi 7 mars 2008

Les Errants

Résumé:
Marcel a repris son chemin. Afin que nul ne puisse le reconnaître, ce qui est fort improbable, il ne dit plus son nom. Dorénavant il s'appelle l'Errant.

L'Errant,pour lui-même:
- Quel est-donc cet homme étrange?


L'Errant, s'adressant à l'autre Errant:
- Qui est cet homme?
L'autre Errant:
- Personne ne le sait. Il parle, mais ne fait pas attention à ce qu'il dit. S'il se sent encouragé, il ne cesse d'aligner des phrases qui ne veulent rien dire.
L'Homme Géant, ou Homme Montagne au bonnet blanc, sera bientôt appelé Baralipton:
- Sans inquiétude, malin qui s'est tu, malin qui sait tout. Malin qui sait tours demain.
Il ment, sûr et tue du matin jusqu'au soir. L'âne ânonne et non la nonne. Ne parle d'âne, ni d'âme, ni dame, ah non, car si l'âne nomme ce qu'ici passe, c'est que là ne passe âme qui vive. Cependant ce qui s'y passe n'est pas sans âme: le paon danse. Et sur le pont, comme sûr, le paon, l'on y danse. En passant, le pas dense passant qui lui s'en passe. Pas sens inquiets, tu demeures au malin matin sans m'atteindre.
Les mots sont ennuyeux à rire. Pas de libre articulation. Je veux avoir été bien avant l'automne, le chemin qu'a pris ce matin.
Entendez-vous, caprice au loin qui tonne? Haine m'étonne et ne m'étreint.

- Mais que fait-il?
L'Errant:
- Il bâtit le piège.
L'autre Errant:
- Quelle sorte de piège?
L'Errant:
- Une illusion.

Rappel

Résumé:
Marcel est de retour. Sacripant aussi, est de retour auprès de Marcel. Il lui rapporte des nouvelles qu'il n'arrive pas à exprimer. Il se perd, soit dans les détails, soit dans les émotions que ces nouvelles suscitent en lui.
Pour rappel, Marcel, il y a longtemps déjà, alors qu'il étudiait un document qui ne présentait au premier coup d'œil, aucun élément de nature à le surprendre, fut surpris de constater que:

"Par le plus grand des hasards, dans un société qui ne fait plus guère de place pour ce genre de manifestation, alors même que l'employé en charge de ces affaires délicates, allait apposer le tampon "classé" qui mettrait un terme à ses propres souffrances ainsi qu'à celles des ses collègues du comité éthique pour la raison initiale et le bon sens extatique, il se produisit un fait des plus inattendu et fort redouté : une apparition. Elle fut tout naturellement d'abord considérée comme douteuse.
- C'est le résultat d'une tache d'encre, au mieux une chiure de mouche mal interprétée !"*




* selon message du 28.7.07

"C'est avec de grandes précautions que Marcel, l'ébullition de l'esprit à peine contenue, ouvre le grand livre. Celui grâce à qui, pense-t'il, l'ensemble des diverses communautés du monde pensant retrouvera un sens : celui de l'unité de toutes choses."


Le haut fonctionnaire en charge de ces affaires délicates, c'était lui, Marcel. Il était alors parti sans que personne ne fut tenu au courant de ses découvertes.


- "La meilleur chose que vous puissiez faire pour quelqu'un ne se limite pas à partager avec lui vos richesses, mais à lui faire découvrir les siennes"!

Cette sentence, comme il est souvent d'usage, lui permit de se sentir plus libre et de laisser libre cours certains de ses instincts dont le moins que l'on puisse dire est qu'ils n'étaient pas de la plus haute "impulsion génétique", mais plutôt l'expression d'une sorte de "recharge libidinale agissant comme sublimation sexuelle".

Marcel:
- Je sais ce que je suis , mais je ne sais pas ce que demain je devrais être et plus encore ce que je serais...


Marcel se sent envahir par un lourd brouillard et de sombres pensées:
- Je ne suis pas là où je pense être et pourtant je suis là.

Marcel, en situation précaire, ne peut que fermer les yeux. Il entend la voix redoutable de la"Raison". Elle a choisi son moment, il est forcé d'entendre. En un instant le gouffre s'ouvre à nouveau, ne lui laissant guère de choix: regarder vers le haut et continuer son voyage qui le mène dans les hauteurs d'Utopia, la cité rouge.
Peu à peu, pendant que Marcel voyait prendre forme ce qu'il avait toujours désiré: cette lente et progressive évolution vers l'âne parfait, il perdait contact avec ceux qui se disaient ses semblables et qui pourtant doutaient de la réalité qu'il avait rencontré et aussi, pour un instant, tenu entre ses mains... Le monde, son monde, dont il peine à mesurer la grandeur, lui semble vide. Et pourtant, il le sent, une menace se cache dans ce vide même.

"La logique des mots, la logique des choses et la logique des pensées sont différentes - et donc elles ne recourent pas aux mêmes catégories - mais ces différences sont mal supportées par le penser, qui aspire à l'idéal d'une logique unique...
... Cette utopique logique universelle permettrait de tout qualifier et de tout classer dans un même système. Elle présuppose - à tort - l'existence d'un moi cohérent et unifié ; ce qui est démenti par l'observation..."*


* Le penser, Du Moi-peau au Moi-pensant, Didier Anzieu

jeudi 6 mars 2008

Perdu



Résumé:
En pleine campagne, aux environs de l'aube, par une nuit sans histoire, sous un ciel rempli d'étoiles, un âne marche. Son chien, revenu d'un lointain voyage, lui rapporte d'étranges messages. Celui-ci n'est autre que Sacripant qui sans cesse passe d'un "monde à un autre" avec une facilité déconcertante.

Sacripant:
- J'ai de bonnes nouvelles, mon Maître!

Marcel, d'un air détaché, en âne que plus rien ne peut surprendre:

- Ah! fit Marcel.
Mais l'impassibilité de Marcel n'est que façade. Il n'aime guère être appelé Maître.

Marcel
- Quand cesseras-tu de m'appeler ainsi?

Sacripant, malicieusement:
- Le jour où je serais couronné roi...

Marcel, comprenant que Sacripant lui cachait quelques choses qui, pour autant, ne l'intéressait guère:
- Raconte-moi plutôt ce que tu as vu concernant les ânes de mon espèce!

Sacripant:
- Malheureusement, il n'y a rien à en dire.

Marcel, interloqué:
- Qu'est-ce à dire?

Sacripant:
- Rien, justement...

Marcel, insistant:
- Il y a à peine un instant, le temps de voir un oiseau passer, tu me disais avoir de bonnes nouvelles!

Sacripant, n'osant pas dire ce qu'il sait, essaie de gagner un peu de temps:
- J'avais fait beaucoup de chemin depuis que nous nous étions rencontré et quitté à votre demande. Le ciel avait changé: l'étoile du Berger avait disparu, me laissant fort désorienté. Les autres étoiles, la Grande-Ourse, la première s'était déplacée, et se tenait maintenant dans une direction que je ne connaissais point. L'air de la nuit, plus frais, que je respirais cette nuit-là m'empêchait de dormir, et me rappelait mes nuits d'autrefois... J'étais perdu...

mercredi 5 mars 2008

Le retour de Marcel


Résumé:
Bien loin de là, et pourtant se rapprochant à grands pas...

Signes & attention


Résumé:
Ce ne fut et ce ne sera pas la seule surprise de Justin...


"S'il nous était possible de voir au-delà des limites où s'étend notre savoir, et encore un peu plus loin au-delà des contreforts de nos intuitions, peut-être alors supporterions-nous nos tristesses avec plus de confiance que nos joies. Elle sont, en effet, ces instants où quelque chose de nouveau a pénétré en nous, quelque chose d'inconnu; nos sentiments font silence alors, obéissant à une gêne effarouchée, tout en nous se rétracte, le silence se fait, et ce qui est nouveau, que personne ne connaît, se tient là, au centre, et se tait." *


"Je crois que presque toutes nos tristesses sont des moments de tension que nous ressentons comme une paralysie car nous sommes désormais sourds à la vie de nos sentiments devenus étranges. Nous sommes seuls, en effet, face à cette étrangeté qui est entrée en nous; car, pour un temps, tout ce qui nous est familier, tout ce qui est habituel nous est ravi; nous sommes, en effet, au cœur d'une transition où nous ne savons pas nous fixer. C'est aussi la raison pour laquelle la tristesse est passagère: ce qui est nouveau en nous, l'adjuvant de ce que nous étions, est allé jusqu'à notre cœur, a pénétré son lieu le plus intime, mais n'y est pas non plus resté: il a été passé dans le sang. Et nous ne savons pas ce que c'était. Il serait facile de nous persuader qu'il ne s'est rien passé; mais nous avons pourtant bien changé, comme change une maison où un hôte est entré. Nous sommes incapables de dire qui est entré, nous ne le saurons sans doute jamais, et pourtant bien de signes témoignent du fait que c'est ainsi que l'avenir pénètre en nous pour s'y modifier longtemps avant qu'il n'arrive lui-même." *


"Voilà pourquoi il est si important d'être solitaire et attentif lorsqu'on est triste: l'instant apparemment immobile où, semble-t-il, rien ne se passe, cet instant où l'avenir pénètre en nous est en effet beaucoup plus proche de la vie que cet autre moment arbitraire et patent où l'avenir nous arrive pour ainsi dire de l'extérieur." *

* Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète

lundi 3 mars 2008


- D’accord Sacripant, dit-il en approchant son visage si près du sien que son haleine "parfumée" étourdit presque le roi Bonhomme, je t’écoute, Maître des Fumets!

Résumé:
Il s'était établi entre le roi et le chien une sorte de lien qui différait totalement de celui qui d'ordinaire s'établit entre un maître et son chien. Il est plus que probable, au vu des circonstances de leur première rencontre, que le chien l'ait pris sous sa protection plutôt que le contraire. Bien que tout cela parut bien lointain, il faut se souvenir aussi que Sacripant, profitant du désordre ambiant, avait su se couronner lui-même. Peut-être n'était-il pas insensible au pouvoir qui émanait de cette couronne... En tout cas, détournant son attention, le retour soudain de Sacripant avait soulagé Justin.

dimanche 2 mars 2008

Confusion

Résumé:
Brusquement la musique s'est arrêtée.


- Comment Auguste avait-il pu faire en sorte que Julius s'approche si délicatement de Justin?


Quand Auguste, fort poli, lui présenta Julius, alors que c'était ce qu'il désirait le plus au monde, Justin ne sut que faire. Immédiatement, le sentiment de bonheur qui l'avait envahi fut chassé par une mauvaise pensée. Il ne lui vint pas à l'idée que ce ne pouvait pas être une feinte.

Justin, hésitant, se parlant à lui-même:
- Je ne sais ce que dois penser, comme il se peut qu'il ait peut−être de moi la même pensée. D'ailleurs, nous sommes des crétins. Je ne sais pas quelles formalités s'observent en pareil cas : je crois, de bonne foi
qu'il cherche à nous mettre "à la gêne".


Malgré le désordre dans lequel il était, Justin se rendait comptes qu'il ne connaissait pas encore assez Auguste, ni les tournures subtiles d'une langue qui n'était, au fond, pas la sienne. Il soupçonnait même Auguste de vouloir faire un coup, alors même qu'il avait répondu au plus secret de ses désirs.
Comme Justin achevait de se parler de la sorte, il parait sur la piste un visage qu'il n'eut aucune peine à reconnaître...

"Vacillantes formes, je vous vois revenir,
réapparues devant mon trouble visage.
Arriverai-je cette fois à vous retenir ?
Mon cœur incline-t-il encore à ce mirage ?

Un désir depuis longtemps perdu m'entraîne
vers le royaume des esprits grave et tranquille,
et un ancien accord vague s’enchaîne
telle une harpe d’Éole à ma chanson qui file .
Un frisson me saisit, le pleur succède au pleur,
ce cœur si ferme s'éprouve tendre et sans peur ;
ce que je tiens s'estompe au loin de plus belle
et ce qui disparut jadis se fait le monde réel."*

* Goethe, Faust.

samedi 1 mars 2008

En aucune façon


- Comment avait-il pu oublier que Julius était aveugle?


Résumé:
Justin eut dû se souvenir que Julius ne pouvait en aucunes façons ne pas le reconnaître en fonction de son apparence et de sa "nouvelle peau", étant donné qu'il était aveugle.

Justin:
- Je ne pouvais que rester coi devant un tel spectacle jusqu'à ce que, malgré moi, mon corps se mit à bouger autrement qu'en tremblant. Cependant, en moins de quelques secondes, je me mis à danser. "Je regardai avec curiosité ce couple de faux galeux et remarquai tout de suite qu'ils avaient des têtes de comédien"* : la face glabre, rosâtre et souriante, "le nez rouge et gros du bout"*, la lèvre souriante et crispée, le regard intérieur ; ils avaient l'air de marcher dans le ciel plus que sur la piste tandis qu'Auguste chantait, "dodelinant du buste et traînant la voix"*, Julius dansait et les menait selon un plan qu'il ne connaissait pas mais auquel les spectateurs adhéraient sans aucune hésitations.


* Charles Baudelaire par Jules Vallès

Émotion


Résumé:
Si l'apparition de Julius est appréciée par tout le monde, elle ne l'est pas de la même manière. Si Auguste, emporté par un élan d'une spontanéité absolue, se joint au tourbillon de Julius qui pourtant ne peut le voir, ni l'entendre, Justin, que l'émotion submerge au point qu'il défaille, ne comprend pas ce qui lui arrive. Il a pourtant supporté avec grande vaillance de très dures et douloureuses transformations successives...

Justin:
- Que ne donnerais-je pour me revoir un seul jour dans cette peau d'âne qui me vit naître à la vie?
Pourquoi l'entendement qui manque si cruellement à ces êtres semble lentement me quitter?
Pourquoi ne puis-je supporter de voir un être aussi frustre qu'Auguste conquérir aussi rapidement le cœur d'un enfant qu'il ne connaît pas?
Pourquoi ne suis-je pas capable de jouer et de danser comme eux?