dimanche 31 mai 2020

(31) C'est là qu'il en est...




– Est-ce que vous arrivez à suivre l'histoire de Pinocchio, l'Autre?
– Pour autant que je sache... oui.
– Comment faites-vous?
– Je la mémorise.
– Vous pourriez me la répéter dès le début?
– Sans problème. « Hier, comme tant d’autres jours jours, en une brume matinale, au premier temps d’une lune, un arbre isolé se dresse. Dans cet arbre, une voix, impatiente mais quelque peu hésitante, se fait entendre: Ceci… ou cela arrivera demain, ou peut-être avant… ou peut-être après. Un jour, peu importe quand, un homme, hors de lui, discrètement, comme s'il se glissait par la fenêtre, verra un arbre sur un grand arbre. Avez-vous entendu ce petit bruit?  Un cri peut-être, qui, au loin, comme un tout petit incident, déclenche ce que vous ne savez pas. Pas encore. À l’exacte moitié du temps d’une lune, plus qu’il ne suffit, les nuages chantent, protègent et arrosent les grands champs. Au loin, à nouveau on entend un sourd grondement. Tremblant, un oiseau silencieux, perché sur un arbre, écoute venir à lui les assauts furieux de l’eau et du feu venu des cieux. Le nombre de leurs batailles augmente rapidement. Escarmouches bruyantes, brusques fureurs et lancinantes brulures, dialoguent comme des sourds. Chagrins barbares. Au-delà des frontières du visible, les yeux et les ailes de l’oiseau fatigué se sont fermés. Au temps plein d’une lune, ses plumes en bataille, elles aussi, ne pouvaient plus couvrir sa maigre tête. Aujourd'hui, au temps premier du déclin d’une lune, l’homme sur la rive du déluge est rivé. Vis-à-vis impie, clair rival et sombres rivalités, les courants sont contraires. Difficile de traverser la folie d’une rivière qui traverse une forêt de troncs charriée par la mort. Dans son lit, Charon y assemble les arbres morts. À travers la forêt, broyant les rochers, la barque du passeur grossit. Le lit aussi. Une nouvelle lune, pour un temps, à nouveau se présente. L’homme au loin, pourtant, malgré son impuissance, se met en mouvement. Il ferme les yeux. Sa marche se fait dans l'ombre de l'arbre qu’hier, demain ou jamais, avec ou sans lune, il ne voyait. Bientôt, il entendra, sans pour autant les voir, des gens gémir et pleurer au prix de leur passage. Certains mots étranges se dispersent dans le bois mort, gisante forêt grandissante. Ils révèlent une vérité inattendue liée aux images et aux créatures de l'obscurité. Secrètement, lorsque le temps d’une lune est épuisé, les arbres se connectent et collectent des volcans. Lentement la sève monte. L'arbre se transforme et, de temps à autre, fleurit. Des fleurs comme des oreilles. L’arbre est à l’écoute, il se donne à voir, pendant qu’en son intime son écorce craquelle et puis se fend. Percé de toutes parts, l’arbre s’étend et vers le ciel se penche. L'arbre poursuit sa mue. De temps à autre, s’arrachant à leurs maux, certains rameaux disparaissent. Cette nuit-là, sans se faire voir, un arbre voisin a pris la fuite. Déraciné sans bruit, il a sauté dans les nuages. Mots étranges. Très loin, un autre son se fait entendre. Pour certains c’est comme un craquement et pour d’autres comme une longue plainte. À peine vous comprenez sa signification, elle disparaît. En secret l’arbre poursuit sa mue. Au matin, sans violence, des cellules en fusion emplissent ses branches. L’arbre s’étend. Il lui faut quelques heures pour briser la voûte de l’au-delà. Dans la nuit, le soleil rouge se meurt... 
La saignée se répand sur les lointains horizons. Maintenant, comme en plein jour, dans le feuillage de l’arbre transpercé, en pleine nuit, dans le ciel, sa lumière éclatée brille de partout. L’homme se croit en pays sage et contemple au loin ce qu’il avait sous la main. Dans le chaos de la nuit s’inscrit l’ordre qu’il imagine. Il peut y voir l'endroit idéal pour ses ravissements et diverses croyances.»
C'est là qu'il en est...




(31) Lointains horizons







– Savent-ils qu'ils sont dans leur théâtre et que ces horizons qu'ils croient être infini n'est qu'un décor?
– Vous vous trompez...
– À quel propos? Vous pensez qu'ils le savent...
– Je parlais de l'infini... des horizons infinis de leur décor...
– Et alors?
– Et alors... vous vous trompez... ils sont infinis.
– Vous vous moquez.
– Point du tout... mais écoutons...
– Dans la nuit, le soleil rouge se meurt...
La saignée dans le ciel se répand sur les lointains horizons. Maintenant, comme en plein jour, dans le feuillage de l’arbre transpercé, en pleine nuit, dans le ciel, sa lumière éclatée brille de partout. L’homme se croit en pays sage et contemple au loin ce qu’il avait sous la main. Dans le chaos de la nuit s’inscrit l’ordre qu’il imagine. Il peut y voir l'endroit idéal pour ses ravissements et diverses croyances. 

samedi 30 mai 2020

(30) Le grain du sens


« L’homme intelligent prend le grain du sens, il ne s’arrête pas à la mesure.»


Pinocchio, l’Autre, dont l’enfant Lune tient la tête entre ses mains avec une infinie tendresse, s’empare de la moindre parcelle de silence. Il poursuit son histoire:
Certains mots étranges, en un va-et-vient obstiné, se dispersent et se rassemblent dans le bois mort, gisante forêt grandissante. En secret l’arbre poursuit sa mue. Au matin, sans violence, mais puissamment, en errance ne lente coulée, des cellules en fusion emplissent ses branches. L’arbre s’étend. Il lui faut quelques heures pour briser la voûte de l’au-delà. Dans la nuit, pénétrant la moindre roche jusqu’au centre des montagnes, le soleil rouge se meurt.


vendredi 29 mai 2020

(29) Croisée des chemins


« Contrairement au récit de fiction où la logique de la conséquence règle la chronologie [...] la relation de voyage ne considère que la seule consécution.»

Roland Le Huenen, Qu’est-ce qu’un récit de voyage?

 


 
– Voyez-vous, cher enfant Lune, au carrefour des discours le voyageur se laisse guider par quelque chose d'invisible mais de plus en plus contraignant jusqu'à ce que, sans avertissement, tout d'un coup, juste à la croisée des chemins et des temps, le carrefour disparaisse. À ce moment-là, plus de métaphore, d'ambassades, de malédiction ou de en mise en abyme, seuls les pieds comptent. Il faut marcher. La tête ne fait que suivre, être portée et encore, point totalement. Elle croit reconnaître au gré de certains passages, quelque chose d'écrit dans quelque histoire précédente. Ainsi, de souvenirs en souvenirs, elle s'adapte du mieux qu'elle peut. C'est-à-dire assez mal pour mon compte... mais laissez-moi poursuivre mon histoire...

jeudi 28 mai 2020

(28) Une voix s'élève




Le récit de Pinocchio, l'Autre, l’entraînait dans toutes les directions possibles et naturellement chacune de ces directions concernait... et même "captait", au sens propre, une part de lui-même. L'enfant Lune était abasourdi par l'étrangeté du récit et surtout par la disparition progressive de la marionnette. Son esprit ne manquait point d'équilibre, mais à ce moment là, s'il n'était assis on eut vu qu'il titubait... De la tête de la marionnette une voix s'élevait... 


mercredi 27 mai 2020

(27) Sans s’inquiéter






Avec effarement, l'enfant Lune voit Pinocchio, l'Autre, littéralement se décomposer à mesure qu'il raconte. On eut dit que le fait de dire défaisait les liens entre les choses de son récit en même temps que les parties de lui-même... Sans s’inquiéter de son effacement progressif il poursuit.

– Tout comme moi certains mots étranges se dispersent dans le bois mort. Gisante forêt grandissante en laquelle tout se reconstruit. Ils révèlent une vérité inattendue liée aux images et aux créatures de l'obscurité. Secrètement, lorsque le temps d’une lune est épuisé, les arbres se connectent et collectent des volcans. Lentement la sève monte. L'arbre se transforme et, de temps à autre, fleurit. Des fleurs comme des oreilles ou des tisons. L’arbre est à l’écoute, il se donne à voir, pendant qu’en son intime son écorce craquelle et puis se fend. Percé de toutes parts, l’arbre s’étend et vers le ciel se penche. De temps à autre, s’arrachant à leurs maux, certains rameaux s'allument et disparaissent. Cette nuit-là, sans se faire voir, un arbre voisin a pris la fuite. Déraciné sans bruit, il a sauté dans les nuages. Mots étranges. Très loin, on entend un son. Pour certains c’est comme un craquement et pour d’autres comme une longue plainte. À peine vous comprenez sa signification… elle disparaît. En secret l’arbre poursuit sa mue. 

mardi 26 mai 2020

(26) Comme une cachette



Pinocchio, l'Autre, à sa façon, s’éparpillant dans le flot des possibles, se raconte...

– Demain, il y aura un arbre solitaire. Près de là, l'homme, derrière sa fenêtre, regarde calmement l'arbre. L'instant d'après, à peu de distance, il croit percevoir comme un nid de colère tournant sur lui-même. L'oiseau s’est perché sur un arbre. Le tonnerre est monté du ciel. L'homme s'approche. Il passe la frontière par un passage que nous ne connaissons pas. Les nuages dansent autour de lui. Il a essuyé les yeux de ses yeux. Ses cheveux se fanent dans l'obscurité du grand chapeau. L'homme a du mal à gravir les petits canaux de lumière où l'arbre est tombé. C'était comme une cachette à l'ombre d'un arbre. C'était une ombre élevée qui s'y reflétait. À une distance proche de l'écho du tonnerre, dans l'obscurité profonde, il entend, reconnait et comprend sa voix. Les jeunes œufs restent coincés sur leurs branches et commencent à se dissoudre lentement. Une heure suffit pour dégager le ciel. Le corps rouge du couchant disparaît. Le soleil se défait de tout ce qu'il voyait. À l'ombre des feuilles, un grand ciel peut être se voit dans les petites galaxies.

(26) Enfoui, sans fin


« Ce fut un moment, un éternel moment, comme la voix de l'homme et sa santé étouffe sans effort les gémissements des microbes affamés, ce fut un moment, et tous les autres moments s'y enfournèrent, s'y envaginairent, l'un après l'autre, au fur et à mesure qu'ils arrivaient, sans fin, sans fin, et je fus roulé dedans, de plus en plus enfoui, sans fin, sans fin.»

Henri Michaux, Plume, nrf




Ayant eu accès à son théâtre intime, l'enfant Lune écoute avec attention ce que lui dit... ce que lui dicte... Pinocchio, l'Autre.



dimanche 24 mai 2020

(24) Dans le théâtre de Pinocchio, l'Autre



– Que vient faire l'enfant Lune dans le théâtre de Pinocchio, l'Autre?
– Je vous l'ai déjà dit, je crois...
– Peut-être l'ai-je oublié... mais, regardez! Il nous fait signe!

samedi 23 mai 2020

(23) Vivre à nouveau




Pinocchio, l'Autre, en son théâtre, gesticule du corps et de l'esprit. Sur la scène il joue, réveille, rejoue et recherche avec courage ce qui, dans sa mémoire, lui permettrait de cheminer ou de vivre à nouveau.


– Au moindre souffle, quelque part entre la roche et le ciel, se soulèvent des armées de fantômes, guerriers et guerrières entremêlés, chevauchant les puantes carcasses de leurs montures, s'infiltrent dans les pensées de l’homme de bois. Tourbillonnantes et rigoureuse, les muses sauvages se jouent du moindre dédale, elles passent à travers la moindre des ouvertures... Une minuscule fissure et les voilà qui s'installent, bataillent et se répandent en l'être de bois. Subrepticement, par la tête d'abord, comme par minuscules fragments, le vent de l'ailleurs souffle. L'homme s'essouffle. Avec ardeur, par bourrasques, il se rebiffe. En son entier, le vent s'est engouffré. L'être de bois, timide, recroquevillé au bout de son monde, s'est perdu. Enténébré, il ne pense plus. Il est pensé. Lentement, sous le vernis, la peinture s'écaille. L'instant d'après, porté par le vent, ses articulations se détachent. L’obstinée dérive commence. Elle délivre, incomplète, sa tête presque inconsciente aux tourments du hasard.

vendredi 22 mai 2020

(22) Tout entier fait de mots


« Il est le passager, c'est-à-dire le prisonnier du passage.»

Michel Foucault



Pinocchio, l'Autre, n'a pas le moins du monde la sensation d'être dans un théâtre. Son théâtre. Il est dans le monde... Son monde. Ce qu'il dit est... Au loin est un arbre. Il lui suffit de le dire et cela est...

Au loin, plus loin que l'on peut imaginer, à l'extrême pointe du levant, il est venu vers moi, petit bois d'où vient le monde du petit bois, un monde tout entier fait de mots, vertigineux miroirs, qui le représentent... Sur la petite île solitaire, un petit bois s'élève dans la brume légère du matin. Patiemment, la distance fait son travail. Au-delà des eaux, il est là, planté depuis longtemps. Lui aussi est un petit bois... poli de surcroît. Il est à moins d'une centaine de mètres, mais en ce qu'il murmure l'angoisse et la colère ne peut être entendues. De légers éclairs sont apparus dans le ciel. Un oiseau dérivé, ivre du ciel, peut-être, plonge et se noie dans les obscures profondeurs d'un arbre. L'être, de bois poli, en son rêve, se voit devenir homme. Dans le souffle du ciel, il reconnait sa voix. Il ne l'aime pas, mais elle l'attire. Il en a peur, mais s'approche. Par endroits, la poussière se confond avec le sable de la rive. Comme le faussaire, discrètement le vent se lève, soulevant le sable et la poussière.




(22) En chaque étendue


« Cette navigation du fou, c'est à la fois le partage rigoureux, et le l'absolu Passage. Elle ne fait, en un sens, que développer, tout au long d’une géographie mi-réelle, mi-imaginaire, la situation liminaire du fou à l’horizon du souci de l’homme médiéval —situation symbolique et réalisée à la fois par le privilège qui est donné au fou d’être enfermé aux portes de la ville: son exclusion doit l’enclore; s’il ne peut et ne doit avoir d’autre prison que le seuil lui-même, on le retient sur le lieu du passage. Il est mis à l’intérieur de l’extérieur, et inversement. Posture hautement symbolique, qui restera sans doute la sienne jusqu’à nos jours, si on veut bien admettre que ce qui fut jadis forteresse visible de l’ordre est devenu maintenant château de notre conscience.»

Michel Foucault, La nef des fous



"Il faut voyager pour frotter et lisser sa cervelle contre celle d'aultruy."

Montaigne, Essais, Livre I, 1595

Pinocchio l'Autre, enfermé dans son théâtre, répète à l'infini ce qu'il se propose de dire à son maître... Chaque faille qui se laisse voir le fait entrer un peu plus vers ce qu'il ne saurait dire sans répéter... Quiconque le verrait pourrait croire, oubliant qui il était, qu'il avait perdu l'esprit alors même que Pinocchio, l'Autre, en tant que marionnette, n'en a jamais eu... C'est par ses gestes et la voix qu'on lui prête, que la quête se fait.

–  L'homme au perceptions altérées s'approche des longs souhaits. Comment passer du rêve à la conscience? Malheureusement, trop vite, l'histoire va trop loin, cachant notre inconscient... En boucle, les nuages dansent autour de lui. En boucle, il roule des yeux. En boucle, ses cheveux se terminent dans l'obscurité d'un grand chapeau. En boucle il tombe dans l'eau des nuages tombant en d'autres nuages. En chaque étendue est un mystère... Dans le labyrinthe, l'histoire en boucle se répète. On en sort rarement. Une petite voix me dit qu'il est difficile pour les gens de gravir de petits canaux naturels où les arbres tombent. C'était un abri à l'ombre d'un arbre, c'était un long salut. À une certaine distance près de l'écho du tonnerre, géométrie sauvage, des mots étranges disent une fleur symbolique qui ressemble à une statue où à une créature dans l'obscurité profonde. L’arbre voisin tombe sur les nuages qui le mange.  

jeudi 21 mai 2020

(21) Gisante forêt




–À travers la forêt, broyant les rochers, la barque du passeur grossit. Le lit aussi. Une nouvelle lune, pour un temps, à nouveau se présente. L’homme au loin, pourtant, malgré son impuissance, se met en mouvement. Il ferme les yeux. Sa marche se fait dans l'ombre de l'arbre qu’hier, demain ou jamais, avec ou sans lune, il ne voyait. Bientôt, il entendra, sans pour autant les voir, des gens gémir et pleurer au prix de leur passage. Certains mots étranges se murmurent et se dispersent dans le bois mort. La gisante forêt grandit. Elle se raconte.


(21) En son théâtre



– Pinocchio, l'Autre, sait-il qu'il est dans son théâtre, que l'arbre qu'il voit au loin n'est qu'un amas de bois mort et que nous y sommes perché?
– Il y a peu de chance qu'il le sache... rien de tout cela n'a d'importance... 
– Qu'est-ce qui alors aurait de l'importance?
– Ce qu'il dit... écoutez!

– Ceci, cela, demain sera... Les humains vieillissent vite. C'est plus grand qu'eux. Un petit bruit, à distance, a provoqué toute une histoire. Les nuages chantaient, protégeant nos prairies. Ses yeux se sont fermés. Les cheveux ont disparu dans l'obscurité d'un grand chapeau. Il est bien difficile pour les gens de traverser des rivières qui tombent dans les forêts. Il est un abri à l'ombre de l'arbre tant attendu. À proximité, un cri s'est fait entendre. C'est sorti. À l’exacte moitié du temps d’une lune, plus qu’il ne suffit, les nuages chantaient, protégeant et arrosant les grands champs. Au loin, encore un sourd grondement. L'arbre se tourne parfois. Tremblants, deux oiseaux silencieux, perchés sur un arbre, écoutent venir à eux les assauts furieux de l’eau et du feu venu des cieux.

– Parle-t'il de nous?
– Faites silence!

– Le nombre de leurs batailles augmente rapidement. Escarmouches bruyantes, brusques fureurs et lancinantes brûlures, dialoguent. Sourdes rondes, chagrins barbares. Au-delà des frontières du visible, les yeux et les ailes des oiseaux fatigués se sont fermées. Au temps plein d’une lune, les plumes en bataille, elles aussi, ne pouvaient plus couvrir leurs maigres têtes. Aujourd'hui, au temps premier du déclin d’une lune, l’homme sur la rive du déluge est rivé. Vis-à-vis impie, clair rival et sombres rivalités, les courants sont contraires. Le vrai toujours fait face. Difficile de traverser la folie d’une rivière qui traverse une forêt de troncs charriée par la mort. Dans son lit, Charon y assemble les arbres morts. 

 
 

mercredi 20 mai 2020

(20) Ceci, cela, demain sera...




Pinocchio, l'Autre, sur la scène de son théâtre, plein de verve, mais hésitant, répète ce qu'il veut dire à son maître.

– Demain, il n'y aura qu'un seul arbre... Ceci, cela, demain sera... En un arbre, ceci ou... et cela arriveront demain. Un arbre, un autre, aussi. À l’exacte moitié du temps d’une lune, plus qu’il ne suffit, les nuages chantent, protègent et arrosent les grands champs. Au loin un sourd grondement. Tremblant, un oiseau silencieux, perché sur un arbre, écoute venir à lui les assauts furieux de l’eau et du feu venu des cieux. Le nombre de leurs batailles augmente rapidement. Escarmouches bruyantes, brusques fureurs et lancinantes brûlures, dialoguent comme des sourds.

(20) Écoutez!




–  Écoutez!
– Je n'entends rien...
– Écoutez plus attentivement et prenez patience... 

mardi 19 mai 2020

(19) Un monde




 – Est-ce que Pinocchio, l'Autre, est dans le monde ou dans son monde?
– Il ne croit rien... mais commence à se rendre compte que ce qui lui est imposé n'est pas le monde.
– Que voulez-vous dire par là?
– Le monde dans lequel il vit est celui de son créateur.
– Quoi de plus normal!
– Justement... Vous venez de mettre le nez sur une sorte d'anomalie...
– Laquelle je vous prie?
– Le monde de son créateur n'est pas le monde.
– Et alors?
– Alors, Pinocchio, l'Autre, veut vivre dans le monde... le vaste monde... pas uniquement dans le monde de quelqu'un.
– Croit-il qu'il puisse, lui tout seul, construire un monde?
– Si j'en crois ce qu'il dit, il n'en est pas moins capable que son maître... 

– Avez-vous entendu ce petit bruit, un cri peut-être, qui, au loin, comme un tout petit incident, déclenche ce que vous ne savez pas. Pas encore. 

– Est-ce qu'il s'adresse à nous?
– Vous savez bien que non. Il parle à son créateur. C'est la suite de ce que nous entendions hier... il dit, il répète, corrige et redis...
– C'est étrange.
– Quoi donc?
– Pourquoi ais-je l'impression qu'il me parle?







lundi 18 mai 2020

(18) Répétition






– Nous voit-il? Est-ce qu'il nous entend?
– Impossible...
– Pourquoi cela?
– Il est en train de raconter...
– Que raconte-t'il?
– Une drôle d'histoire... écoutez... et regardez... il se croit seul sur une scène de théâtre... faites silence...

– Hier, comme tant d’autres jours jours, en une brume matinale, au premier temps d’une lune, un arbre isolé se dresse. Dans cet arbre, une voix, impatiente mais quelque peu hésitante, se fait entendre: Ceci… ou cela arrivera demain, ou peut-être avant… ou peut-être après. Un jour, peu importe quand, un homme, hors de lui, discrètement, comme s'il se glissait par la fenêtre, verra un arbre sur un grand arbre. 




(18) Hésitations


– À qui s'adresse-t'il?
– À personne... Il répète..
– Que répète-t'il?
– Si j'ai bien compris, une lettre qu'il veut envoyer à son maître... Sans cesse il corrige son texte...

– Ceci, cela... ou demain sera. Un arbre aussi. L'homme de l'extérieur de la fenêtre a vu un arbre dans un grand arbre. Un petit bruit de très loin s'est fait entendre et a attiré toute l'histoire...


– Il hésite, se laisse emporter par les mots, les corrige...

(18) Hasards





– Est-ce que nous ne vivons que dans notre monde?
– Que voulez-vous dire par là?
– Est-ce que notre monde, qui n'est une image, est réel... et dans quelle mesure un écrit... une histoire... peut créer un monde?
– Si j'en crois notre maître, le monde n'est que cela...
– Ces écrits sont-ils des mondes?
– Un monde sans histoire n'est pas vraiment un monde.
– Vous savez bien que ce n'est pas vraiment le cas.
– Vous savez, je l'espère, toute la part que le hasard joue dans nos vies...
– Vous éludez... mais continuez.
– Je n'élude pas vraiment... et alors, il se trouve que par hasard, nous faisons partie de cette histoire... 
– On ne peut tout de même pas tout réduire à ce hasard!
– Je consentis à votre remarque... mais pour mieux me distancier. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il ne s'agit pas seulement d'un hasard...
– Alors?
– Je veux dire par là qu'il s'agit de hasards au pluriel. Une conjonction infinie et sensible de hasards. Une constellation qui vue de loin semble avoir un sens... 
– Or...
– Or elle n'en a point... ou alors une infinité de possibles...

dimanche 17 mai 2020

(17) En ce temps-là




Monsieur l'Écrivain

En ce temps-là, monsieur l'Écrivain, je me demandais, moi Pinocchio l'Autre, si un jour je pourrai écrire... Je crois que vous savez mieux que moi, pourquoi, jusqu'ici, je n'ai pas réussi... Je crois que c'est votre intention de faire de moi cette espèce de copie de Pinocchio, l'Ancien. Comme lui vous me vouliez insupportable, assez mal élevé... candide, un peu voyou malgré moi et surtout mauvais élève... Ne cédez point à vos démons, n'imaginez pas, pour le moment, que je vous dit une chose en en sous-entendant une autre... Ne fantasmez pas. Laissez-vous porter. Aujourd'hui, par le moyen que je vous ai dit hier, j'aimerai que vous vous asseyiez tranquillement dans votre fauteuil et que vous imaginiez être au théâtre. Devant vous, malgré vos yeux fermés, vous verriez la scène d'un théâtre. Un modeste théâtre Un de ces théâtres que les enfants construisent de bric et de broc. Un tapis, un rideau, de la ficelle, un bout de corde usée, quelques planches et des bâtons et cet ensemble branlant, tanguant comme un bateau sur la mer quitte le port et prend le large. Une voix se fait entendre.

(17) S’il nous était possible


« S’il nous était possible de voir au-delà des limites où s’étend notre savoir, et encore un peu plus loin au-delà des contreforts de nos intuitions, peut-être alors supporterions-nous nos tristesses avec plus de confiance que nos joies. Elle sont, en effet, ces instants où quelque chose de nouveau a pénétré en nous, quelque chose d’inconnu; nos sentiments font silence alors, obéissant à une gêne effarouchée, tout en nous se rétracte, le silence se fait, et ce qui est nouveau, que personne ne connaît, se tient là, au centre, et se tait.»

Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète





Mon maître

Depuis que, pour des raisons que j'ignore, je ne vous entends plus parler, j'ai appris que notre compagnon, j'ai nommé Pinocchio l'Autre s'était attribué l'autorisation de vous écrire. J'ai supposé que lui aussi n'avait plus de contact avec vous. Il me l'a confirmé. J'aurais aimé vous écrire aussi, mais, vous le savez, en tant que perroquet, nous ne sommes pas en mesure de le faire. Je me suis dit que si il nous était possible de vous écrire, voici que je vous raconterais... J'ai donc contacté Pinocchio l'Autre, avec qui, comme vous le savez aussi bien que moi, nous partageons les mêmes images, et je lui ai demandé de m'aider. Quelle ne fut pas ma surprise de l'entendre dire qu'il ne savait ni lire ni écrire! Quand je lui demandais comment il se faisait que j'aie pu lire quelques uns de ses cahiers, il me répondait simplement que ce n'était point lui qui les écrivait. Quand, poursuivant mon questionnement, je lui demandais s'il savait qui les avait écrit, il me répondit avec aplomb que c'était l'enfant Lune. C'est donc par son intermédiaire que je m'adresse à vous.








samedi 16 mai 2020

(16) Présence



« Et d’emblée, énonçons la première thèse de la psychologie du voyage: contrairement à ce qui se passe dans les sciences exactes (encore que dans celles-ci on a tendance à accepter certaines approximations), il n’existe dans la vie aucun primum philosophique. Cela veut dire qu’on ne peut nullement élaborer une suite logique d’arguments qui respecterait des liens de cause à effet, pas plus qu’on ne peut construire des histoires où les événements se succéderaient, découlant les uns des autres. Une telle approche serait simplificatrice, au même titre que le réseau de méridiens et de parallèles nous apparaît comme une vision simplifiée du globe terrestre.»

Olga Tokarczuk, Les Pérégrins, Noir & blanc





Monsieur l'Écrivain

Que pourrait être ce qui se peut être ressenti comme une présence se manifestant à l’intérieur d’une image?
Il y a bien longtemps, monsieur l'Écrivain, déjà, je me posais... en moi elle se posait... et j'écrivais cette question dans mes cahiers. Aujourd’hui, je vous la pose à vous aussi. Par moments, rares il est vrai, il me semble que je suis capable, un peu, d'y répondre... Je veux parler des images et non de la présence, monsieur l’Écrivain. Elles ne s’enfuient plus au moindre mouvement ou à la moindre émotion. Suspendant mes pensées, je regarde ce qui surgit des profondeurs. Je vous parle là de ce que je nomme présence. L'espace d'un instant, cela flotte, impassible, et je me demande ce que c’est, là, maintenant, et ce que cela pouvait être quand, à peine trente ans plus tôt, je la voyais  pour la première fois. Mais l'eau de la caverne, quand ce n'est pas de la bile, tout autant que mes sens alarmés, est sensible au moindre mouvement. Défiant l'esprit et la raison, elle déforme, efface et digère toute trace du passé.


vendredi 15 mai 2020

(15) L'antre


« En me rappelant les plaisirs que j’ai eus, je les renouvelle, j’en jouis une seconde fois, et je ris des peines que j’ai endurées, et que je ne sens plus. Membre de l’univers, je parle à l’air, et je me figure rendre compte de ma gestion, comme un maître d’hôtel le rend à son maître avant de disparaître. Quant à mon avenir, je n’ai jamais voulu m’en inquiéter en qualité de philosophe, car je n’en sais rien; et, en qualité de chrétien, la foi doit croire sans raisonner, et la plus pure garde un profond silence. Je sais que j’ai existé, car j’ai senti; et, le sentiment me donnant cette connaissance, je sais aussi que je n’existerai plus quand j’aurai cessé de sentir.»


Les mémoires de Casanova



Monsieur l'Écrivain

L'espace d'un instant, juste avant de retrouver mon bras, celui grâce auquel je puis aujourd'hui vous écrire, je crus vous voir dans le ventre de la bête, mais le ventre n'est pas l'antre... n'y entre pas qui veut... La bête n'habite point la bête...

(15) Une certaine mesure


« L’un des concepts essentiels de la psychologie du voyage est le désir. C’est le désir qui impulse le mouvement et la direction à l’être humain, c’est lui qui suscite l’envie de tendre vers quelque chose. En soi, le désir est vide, stérile, je veux dire par là qu’il indique seulement la direction, mais nullement le but, ce dernier restant toujours un peu vague et fantasmagorique. Plus on approche du but, plus celui-ci devient énigmatique, inatteignable, ce qui fait que le désir reste toujours inassouvi.»

Olga Tokarczuk, Les Pérégrins, Noir & blanc 




Monsieur l'Écrivain

C’est là que, pris dans les remous, les remugles, les courants d’air, entre les échos de voix cris ou chuchotements de prime abord inconnus et si lointains, sans savoir si je ressortirai un jour des tranchées de ce labyrinthe et alors même dans quel état... je vous entendais et, plus obscurément, je vous reconnaissais. Comment était-ce possible? Avais-je perdu la tête... ou vous la vôtre? Avais-je, au contraire, perdu le corps... ou vous le vôtre? Je n’en savais rien... Il n’est point de grandeur absolue, vous le savez bien, cher monsieur l’Écrivain, tout est affaire de rapports et j’eus voulu, à certains égards, avoir à ma disposition un télescope avec lequel j’eus pu voir mieux ce qu’avec mes yeux de marionnette je ne distinguais que faiblement... toutes les manifestations d’un monde étrange dont vous croyez être, ne le niez point monsieur l’Écrivain, la mesure en toutes choses.

jeudi 14 mai 2020

(14) Nature première





– Vous arrive-t-il de vous sentir perdu?
– Cela m’arrive...
– Vous vous répétez!
– Non, je ne fais que répéter… Où sommes-nous?
– Cela dépend... je vous l’ai déjà dit…
– Répétez, je vous prie… De quoi cela pourrait-il dépendre?
– Des circonstances... Je le répète… Selon les circonstances, jamais les mêmes, les lieux, la distance ou l’angle sous lesquels la chose, de près ou de loin, molle dans sa caverne, nous apparaît...
– Je ne vois toujours pas...
– Elle est comme l’oursin dans sa piquante coquille, oscillante comme l’hermaphrodite escargot en sa frêle et géométrique maison ou semble prise dans un carcan de glace aux arêtes tranchantes. Si cette chose se laisse observer, elle prendra une netteté ahurissante ou, au contraire, comme la carpe surgissante du fond de l’eau ou de la vase, deviendra aussi floue qu’une luette enrouée ou une lunette embuée.
– Vous vous égarez encore…
– Pas plus qu’hier…
– C’est suffisant… mais continuez!
– Ses formes, arabesques nostalgiques d’un monde en dérive, tour à tour amères et doucereuses, échangeront l’un dans l’autre, la pureté cristalline avec les vapeurs faussement accueillantes de l’opium, par exemple ou de ses doctes dérives. Le cerveau, labyrinthique par nature, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est lui même objet de ses propres fantasmes...
– Vous délirez encore…
– Comment pourrais-je?… Le cerveau s’imagine comme un jardin qu’il regarde, dirige, plante, dessine, creuse, arrache, désherbe, replante, arrose, assèche, soigne, taille, bouture, récolte, redirige, croise, traite, sème et ressème, croyant observer la nature première et sa propre évolution.
– Et selon vous, nous serions dans cette chose?
– Plus que cela...
– Dites-moi!
– Nous sommes cette chose...

(14) Doctes dérives



– Vous vous égarez...
– Nullement... Ses formes, arabesques nostalgiques d’un monde en dérive, tour à tour amères et doucereuses, échangeront l’un dans l’autre, la pureté cristalline avec les vapeurs faussement accueillantes de l’opium, par exemple ou de ses doctes dérives. Le cerveau, labyrinthique par nature, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est lui même objet de ses propres fantasmes...
– Vous délirez...

mercredi 13 mai 2020

(13) Surgissant




– Vous arrive-t-il de vous sentir perdu?
– Cela m’arrive...
– Où sommes-nous?
– Cela dépend...
– De quoi cela pourrait-il dépendre?
– Des circonstances... Selon les circonstances, les lieux, la distance ou l’angle sous lesquels la chose, de près ou de loin, molle dans sa caverne, nous apparaît...
– Je ne vois pas...
– Elle est comme l’oursin dans sa piquante coquille, oscillante comme l’hermaphrodite escargot en sa frêle et géométrique maison ou semble prise dans un carcan de glace aux arêtes tranchantes. Si cette chose se laisse observer, elle prendra une netteté ahurissante ou, au contraire, comme la carpe surgissant du fond de l’eau ou de la vase, deviendra aussi floue qu’une luette enrouée ou une lunette embuée.
– Vous vous égarez...
– Nullement...

mardi 12 mai 2020

(12) Un monde bien étrange



Monsieur l'Écrivain

C’est un monde bien étrange que vous me faites visiter. Et pourtant c'est là que, pris dans les remous, les remugles, les courants d’air, entre les échos de voix cris ou chuchotements de prime abord inconnus et si lointains, sans savoir si je ressortirai un jour des tranchées de ce labyrinthe et alors même dans quel état... je vous entendais et vous reconnaissais. Comment était-ce possible? Je n’en savais rien...





lundi 11 mai 2020

(11) Entre admiration et fascination




Celui qui entre les lignes saurait se frayer un passage verrait combien il est difficile de garder raison entre deux mondes si différents que sont l’admiration et la fascination.

(11) Courants imprévisibles





Monsieur l'Écrivain


Sachant combien il vous est pénible d’entendre les les descriptions apocalyptiques, j’ai renoncé aux détails macabres que, dans la pénombre lointaine et très fortement indisposée, je formulais en permanence. Ces pensées, que l’on pourrait qualifier de machiavéliques, me venaient à l’esprit sans que pour cela j’eusse eu besoin de fantaisie ou d’imagination et sans que j’en eusse la moindre intention. Posté à la pointe de l’ignoble radeau que j’avais rassemblé avec les restes divers que je ne vous décrirais pas, je surveillais les remous. Bien que je sache combien est incongrue ma présence en ces lieux et qu’il est impossible de voir ou de comprendre ce qui se passe au travers de tous ces mouvements, dans ces sortes de courants imprévisibles, je sentais combien chaos apparent obéissait à une nature puissante et ordonnée.

dimanche 10 mai 2020

(10) Dans un ailleurs...




– Il ne bouge presque pas...
– C’est ainsi que plonge son esprit comme un rayon dans un ailleurs...
– Est-ce une sorte d'exil?
– Pour cela il faudrait d'abord savoir, et lui le premier, d'où il vient. Il n'est d'exil sans patrie...
– Me suggérez-vous qu'il n'en aurait point?
– Je ne le suggère point. Je le dis.
– Comment l'avez-vous appris?
– Notre maître... 
– Toujours lui...  

samedi 9 mai 2020

(9) Comment savoir






– Encore une bataille perdue d'avance... comment fait-il pour s'y retrouver dans tout ce fatras?
– C'est précisément de cela qu'il est question...
– De tout ce fatras?
– Non... de lui-même.
– Nous voit-il?
– Non... mais il nous entend...
– Comment le savez-vous?
– C'est de cela aussi qu'il est question...

 

Les choses

« C’est pour s’être découvert un avenir que les gens de mon âge, et de ma sorte, se sont senti dépositaires d’un passé. Aussi longtemps que la reproduction simple domine l’existence, le sens de celle-ci, c’est-à-dire sa relativité, lui échappe. En l’absence de changement, de recul, les choses participent de l’évidence et l’on accomplit en silence un invariable destin. Le présent réactualise le passé qui persiste sous forme d’habitudes.»

Pierre Bergounioux, La puissance du souvenir dans l’écriture 




– Il y a peu vous me questionniez encore...
 C'est vrai.
– C'est le cas de le dire...
– Que vous demandais-je?
– Je vous demandais "quand saurons-nous si ce que nous voyons et entendons serait vrai"?
– Telle n'était pas exactement la question... 
– Peu importe le sujet est sans fond...
– Tellement il est profond!
– Il faudrait d'abord nous entendre sur ce que veut dire le vrai... Sauriez-vous me dire ce que vous entendez par vérité?
– En vérité... je ne le sais... 
– Le fait est que c'est là chose bien difficile à établir... mais...
– Mais?
– Mais si nous essayions!
– C'est bataille perdue par avance...