dimanche 31 décembre 2017

C'est ainsi et c'est tout


"nous nous retrouvons de part et d’autre
d’une ligne que nul n’a tracée
bien que tout soit un pour l’œil supérieur
ici-bas où nous sommes ça devient deux,"


Different sides, Léonard Cohen



– Quelles sont ces ruines que je vois là?

Nounours parle peu, et seulement à ceux qui l'ont connu. Il a fait le choix du retour à sa nature... Il ne lui a pas fallu longtemps pour qu'il en retrouve le chemin. Pinocchio l'a suivi, mais, pour lui-même, n'a pas encore choisi... Encore que le choix ne lui est pas vraiment venu à l'esprit.

– Comment avez-vous fait ce choix?
– De quel choix parlez-vous?
– De celui qui vous a fait devenir ours.
– Je n'ai pas choisi. Je suis un ours, c'est ainsi et c'est tout...
– Mais...
– Il n'y a pas de mais... De mon point de vue cela ne mérite pas une discussion.
– Mais enfin... il y a peu de temps encore, nous discutions avec plaisir...
– C'était hier. Aujourd'hui est un autre jour... et hier encore j'étais la créature des hommes. Bien loin de ce que je suis réellement...
– Mais n'était-ce point agréable?
– Certes, je vous l'avoue, cela comportait des avantages, mais je devenais ce qu'ils sont et non ce que je suis. De plus je vous confesse que, mis à part de légères exceptions, le monde des hommes est, comment dire? d'une bêtise consternante...
– D'une certaine façon, je peux comprendre votre choix, mais n'êtes-vous pas conscient que le monde que vous avez choisi est en train de disparaître?
– Je ne le sais que trop bien...
– Et qu'est-ce qui a provoqué cette volonté de changement?
– Je ne crois pas pas que cela puisse entièrement s'expliquer... En tous cas pas avec le peu de mots que j'ai eu le temps d'apprendre... mais le fait que tout cela disparaisse a probablement joué un rôle déterminant.

À l'abri de la mécanique de la pensée, un long silence s'était installé, un silence dans lequel les bruits du monde et leurs résonances profondes jouaient leur rôle à la perfection.

– Quelles sont ces ruines que je vois?
– Les ruines de la Société Royale et ancienne de La Grande Ourse.











samedi 30 décembre 2017

Une évidence à l'image de l'homme



«Je ne veux pas vous accabler de ce qui m'est arrivé personnellement», commença-t-il, montrant par cette remarque la faiblesse de tant de conteurs d'histoires qui semblent si souvent inconscients de ce que leurs auditeurs préféreraient entendre. « Mais pour comprendre ce que j'ai ressenti, il faut que vous sachiez comment je suis allé là-bas, ce que j'ai vu, comment j'ai remonté ce fleuve jusqu'à l'endroit où j'ai d'abord rencontré le pauvre type. C'était, au terme ultime de notre navigation, le point culminant de mon expérience. On aurait dit que cela jetait une sorte de lumière sur tout ce qui m'entourait – et sur mes pensées. La chose était, il faut dire, assez sombre – et lamentable – sans rien d'extraordinaire – pas trop distincte, non plus. Non, pas trop distincte. Et pourtant, cela jetait comme une sorte de lumière. 

Au cœur des ténèbres, Joseph Conrad 



– Vous vous trompez en ne jugeant que selon vos propres critères... qui sont aussi éloignés de ce que vous êtes vraiment que je le suis moi-même de ces êtres que vous dites sauvages avec tout le mépris que pourrait avoir un homme... ce que vous n'êtes pas malgré le fait que vous ayez été, vous aussi, créé à leur image...

– Croyez-vous vraiment que nous ne soyons tous deux qu'une image?

– C'est d'une évidence telle que pour cela nous avons tendance à l'oublier.

– Cela ne répond pas à ma question.

– C'est vrai, la question de l'image est une question difficile tant les préjugés sont tenaces. L'image, selon son acceptation la plus courante serait une abstraction en deux dimensions. 

– C'est cela, mais comment pourrait-il en être autrement?

– Déjà il est bien difficile de concevoir un monde en deux dimensions quand nous vivons en totalité dans un monde en trois dimensions... au moins, mais le fait est qu'aucune image ne peut être perçue sans ces trois dimensions ou pour être plus simple, il me semble que l'image est un objet comme un autre.

– Un objet matériel?

– C'est cela. Aucune image ne peut être vue sans un support matériel.

– Mais que dites-vous des images qui paraissent dans nos rêves?

– Qu'elles dépendent de votre propre matérialité... Ses limites sont telles qu'elle ne peut prétendre exprimer que des points de vue limités. Mais il arrive que par leurs formes elles puissent faire naître une lecture différente qui donne accès à une autre nature que celle où l'on a prétendu l'enfermer.


À leur image


"C'étaient des conquérants, et pour ça, il ne faut que la force brute, pas de quoi se vanter, quand on l'a, puisque cette force n'est qu'un accident, résultant de la faiblesse des autres. Ils attrapaient ce qu'ils pouvaient selon les possibilités. C'était tout simplement la rapine à main armée, le meurtre avec circonstances aggravantes à grande échelle, et les hommes s'y livrant à l'aveuglette – comme il convient quand on a affaire aux ténèbres. La conquête de la terre, qui signifie principalement la prendre à des hommes d'une autre couleur que nous, ou dont le nez est un peu plus plat, n'est pas une jolie chose quand on la regarde de trop près. Ce qui la rachète n'est que l'idée. Une idée qui la soutienne ; pas un prétexte sentimental mais une idée ; et une foi désintéressée en cette idée – quelque chose à ériger, devant quoi s'incliner, à quoi offrir un sacrifice... »
II s'interrompit. Des flammes glissaient sur le fleuve, petites flammes vertes, flammes rouges, flammes blanches, se poursuivant, se dépassant, se confondant, se croisant – puis se séparant, lentement ou brusquement."


Au cœur des ténèbres, Joseph Conrad



Au cœur de l'hiver, Pinocchio, l'Autre, a suivi Nounours qui lui suit son instinct et remonte à la source de son existence. Les surprises de l'un valent les surprises de l'autre.

– Comme se fait-il que vous ayez été fait à l'image de ces être qui sont aussi sauvages que vous ne l'êtes pas.

– Vous vous trompez en ne jugeant que selon vos propres critères... qui sont aussi éloignés de ce que vous êtes vraiment que je le suis moi-même de ces êtres que vous dites sauvages avec tout le mépris que pourrait avoir un homme... ce que vous n'êtes pas malgré le fait que vous ayez été, vous aussi, créé à leur image...




Un tout nouveau monde?


"C’est un tout nouveau paysage intellectuel qui s’ouvre à nous. Là où la métaphysique (dualiste ou anthropocentriste) tenait du miracle et arrêtait la réflexion, l’évolutionnisme au contraire la relance, nous mettant au défi de comprendre les transformations empiriques et concrètes qui façonnèrent le visage actuel de notre humanité. Que celle-ci désormais veuille être décrite non plus en termes de substances mystérieuses et mystérieusement humanisantes (la Pensée, la Raison, le Langage…) mais en termes de comportements observables et interprétables (penser, raisonner, parler…), voilà qui stimule à nouveau le questionnement. Comment comprendre empiriquement, et sans recourir à des entités absolues, qu’un animal ait pu se mettre à parler quotidiennement, et parfois passionnément, des dernières élections ou du scandale de la peine de mort ; à placer au centre de sa vie professionnelle la masse d’un neutron ; ou à vouloir mourir pour un être invisible et tout-puissant appelé Yahvé, Allah ou Dieu ? Tous ces comportements, quand on les décrit sobrement et fonctionnellement, et qu’on les considère sur le fond des comportements que nous connaissons aux animaux, sont loin d’aller de soi. Si le naturalisme est la théorie qui intègre le fait évolutif comme un ingrédient irréductible de notre humanité et qui voit en nous des êtres de nature jusque dans nos comportements les plus inédits, alors le naturalisme est aujourd’hui un défi théorique majeur – une pensée riche d’étonnements à venir. Il peut réveiller l’anthropologie de son sommeil métaphysique et nous faire voir en face, comme au premier jour, ce que les formes de vie humaines ont d’énigmatique et de fascinant."

Le complexe des trois singes - Essai sur l'animalité humaine, Étienne Bimbenet





– Que restera-t'il après que le temps de l'hiver eut tout effacé en recouvrant tout de son manteau de neige?

C'est la question que se pose Pinocchio, l'Autre, après s^'être libéré des fils  qui le mettaient en mouvement. C’est un tout nouveau monde qui va s’offrir à lui. Mais où, désormais, dans quelle "vision du monde", puisera-t'il la force de se mouvoir?





"Celui qui a trop d'amis n'en a aucun"

"Celui qui a trop d'amis n'en a aucun" est la paraphrase retenue par Jacques Derrida pour traduire l'apostrophe que Diogène Laërce attribue à Aristote : "O philoi, oudeis philos.  Une longue tradition, qui va de Montaigne à Nietzsche et au-delà, retient la traduction : "O mes amis, il n'y a nul amy", qui peut sembler plus provocative et séduisante, mais ne résiste pas vraiment à l'analyse orthographique et philologique."

https://www.idixa.net/Pixa/pagixa-1412281616.html








vendredi 29 décembre 2017

Il y a plusieurs demeures...

En 1936-39, autour de la revue Acéphale, Georges Bataille a constitué une société secrète qu'il aurait, selon Maurice Blanchot, qualifiée de "communauté de ceux qui n'ont pas de communauté". En tous cas Blanchot place cette formulation en exergue de son livre: La communauté inavouable, suivie par les initiales G.B.
Jacques Derrida la reprend et d'une certaine façon, lui donne un nom et un titre : l'amitié**. C'est une façon pour lui de renvoyer à une série d'ouvrages où la "communauté sans communauté", ce "X sans X" autour duquel il cherche à proposer une autre politique, est thématisée.***



– Il y a plusieurs demeures dans la grande maison...
– Quant à savoir ce qui va demeurer, c'est tout autre chose...


*   La communauté inavouable, Maurice Blanchot

** Politiques de l'amitié, Jacques Derrida

*** https://www.idixa.net/Pixa/pagixa-1410280929.html

L'étrange demeure de l'étranger


"Le Docteur Sarah Petitbois, la spécialiste en ethnopsychiatrie à qui l'on avait confié la formation de Samy, ne parvenait pas à dormir. a pression avait été telle que, durant les dernières semaines, qu'elle commençait à présenter les symptômes d'un état de stress. Il faut dire qu'elle avait hérité d'une mission impossible. Il s'agissait de former un enfant à une discipline qu'elle-même n'avait réussi à maîtriser qu'après une dizaine d'années d'études et de longues années de pratique. Les principes de l'ethnopsychiatrie voulaient qu'on accueille un étranger dont on ne connaissait ni la langue, ni les coutumes, ni les manières de faire, à partir de ses propres traitions et non des nôtres."

L’étranger, ou le pari de l'autre, Tobie Nathan




– Serait-ce de ces profondeurs, qui lentement remontent à la surface, qu'est la demeure dont nous sommes issus?

– Rien de tout cela n'est autre chose qu’œuvre d'imagination...

– Ne serait-ce vraiment que cela?

– Ce n'est que cela, mais c'est vraiment tout.


Tout s'y trouve

" Il suffit de briser l'écorce d'un mot, d'une pensée, d'une expression. Tout s'y trouve. Tout t'attend."

Élie Wiesel


Certaines routes routes ont des caractéristiques improbables pour qui n'a pas d'imagination.

– Comment faire pour comprendre comment deux bateaux peuvent emprunter la même route?

C'est ainsi que commença une certaine conversation qui eut lieu à bord d'un paquebot à la dérive, affrété par la Compagnie de l'Orient.


jeudi 28 décembre 2017

Dépouiller de sa gangue...



"Je hais les voyages et les explorateurs. Et voici que je m'apprête à raconter mes expéditions. Mais que de temps pour m'y résoudre! Quinze ans ont passé depuis que j'ai quitté pour la dernière fois le Brésil et, pendant toutes ces années, j'ai souvent projeté d'entreprendre ce livre; chaque fois, une sorte de honte et de dégoût m'en ont empêché. Eh quoi? Faut-il narrer par le menu tant de détails insipides, d'événements insignifiants? L'aventure n'a pas de place dans la profession d'ethnographe; elle en est seulement une servitude, elle pèse sur le travail efficace du poids des semaines ou des mois perdus en chemin ; des heures oisives pendant que l'informateur se dérobe ; de la faim, de la fatigue, parfois de la maladie ; et toujours, de ces mille corvées qui rongent les jours en pure perte et réduisent la vie dangereuse au cœur de la forêt vierge à une imitation du service militaire... Qu'il faille tant d'efforts, et de vaines dépenses pour atteindre l'objet de nos études ne confère aucun prix à ce qu'il faudrait plutôt considérer comme l'aspect négatif de notre métier. Les vérités que nous allons chercher si loin n'ont de valeur que dépouillées de cette gangue. On peut, certes, consacrer six mois de voyage, de privations et d'écœurante lassitude à la collecte (qui prendra quelques jours, parfois quelques heures) d'un mythe inédit, d'une règle de mariage nouvelle, d'une liste complète de noms claniques, mais cette scorie de la mémoire: «A 5h30 du matin, nous entrions en rade de Recife tandis que piaillaient les mouettes et qu'une flottille de marchands de fruits exotiques se pressait le long de la coque», un si pauvre souvenir mérite-t-il que je lève la plume pour le fixer?"

Tristes tropiques, Claude Lévi-Strauss 




Pendant que Pinocchio, l'Autre repêche ce qu'il peut, tant bien que mal, s'appuyant sur les notions qu'ils ont apprises, les perroquets affinent leurs idées sur la vie. Ils sont parfois surpris de constater jusqu'à quels lointains ces idées les entraînent.

– Dans quel gangue sommes-nous  enfermés?

– C'est étrange, quand je vous entends dire cela, je crois entendre mon maître... 

– Il y a plein de raison à cela, mais vous le savez aussi bien que moi...

– Ce n'est pas ce que je voulais dire. Je ne parlais point du ton de votre voix. Je parlais de ce que vous disiez. Il m'a semblé que je ressentais parfaitement le même sentiment , en vous écoutant, que je ressentais lorsque je me mis à comprendre ce que me disait mon maître. La première fois que je m'aperçus que j'entendais clairement la signification de ce que je disais et non seulement les effets que produisaient les mots que je répétais. Certes ce que je disais n'étais pas quelque chose d'important, peut-être n'était-ce qu'un pauvre souvenir, mais c'était étrange et surtout: nouveau. Une sorte d'euphorie née de cette compréhension.





– Un désir combiné de savoir et de pouvoir... les deux seraient-ils indissolublement liés..?

– Devrions-nous abandonner les deux dans le même temps?

– Difficile de le dire. Mais posez-vous la question: iriez-vous jusqu'à dire que le pouvoir commence là où finit le savoir?

– En tous cas cela mérite réflexion...


Les règles qui nous délimitent


"De prime abord, l’idée que le jeu possède une portée ontologique semble déconcertante. En effet, le jeu ne représente-t-il pas justement ce qui n’engage que de façon limitée et temporaire? Certes, il y a bien des jeux d’argent ou d’honneur qui engagent la vie même des joueurs, mais «mourir» dans un jeu est le plus souvent synonyme de «perdre» et sitôt mort, la seule chose qui reste à faire est de rejouer. Le jeu n’est-il pas le symbole du futile (ce sont d’abord les enfants qui jouent), de l’ici et du maintenant (la partie se joue sur un terrain délimité par des lignes et dans un temps imparti), de l’invention (les règles ont une part d’arbitraire)?
Ne répondons pas trop vite et suivons Turing dans son cheminement. Son point de départ est le jeu de taquin. Il s’agit d’un jeu qui, dit-il, « a été mis en vente en de nombreux endroits (...) et a sans doute été vu par la plupart des lecteurs ». Cette phrase à l’apparence anodine précise bien que Turing ne parle pas d’une abstraction mathématique mais d’un morceau de matière. Le cas du taquin a cet avantage que c’est un jeu facile à modéliser, c’est-à-dire que le déroulement du jeu est facilement décrit dans le langage mathématique.
Partant d’un état dans lequel les cases sont désordonnées, le défi consiste à ordonner les cases en les faisant coulisser dans un espace vide. Le problème qui se pose est de savoir si l’on peut gagner à ce jeu solitaire en partant de n’importe quelle configuration de départ."


Turing et la notion ontologique du jeu, Nazim Fatès




– Saviez-vous que "les mondes imaginaires sont tout aussi importants pour la survie de l’individu que son modèle du monde réel"?*


– Mais alors, pour bien comprendre ce que vous dites, il faudrait accepter le fait  que la réalité soit un modèle...
– Est-ce que vous voulez dire qu'en quelque sorte nous jouerions sans cesse à un jeu? Et que ce jeu, pour une grande part, consisterait à retrouver les règles qui le délimite?



*Gödel-Escher-Bach, Douglas Hofstadter

mercredi 27 décembre 2017

Une empreinte plurielle

« Celui sur qui fond un malheur dont la cause est claire est accablé par les causeurs qui font la leçon, et qui à travers lui viennent conjurer la cause du mal. Mais lorsque ce malheur -c’est le cas de Job- à une cause inconnue, voire absente, les causeurs viennent quand même conjurer l’inconnu, l’absence de cause; ils pointent du doigt ce malheureux qui les angoisse comme si le malheur était contagieux, était une pure transmission.»

Les jouissances du dire, Daniel Sibony 
 





– L'auriez-vous remarqué: le mot pas laisse une empreinte plurielle et invisible qui ne s’entend pas.
– Comme c'est curieux!
– Qu'est-ce qui est curieux?
– Justement, j'y pensais.
– À quoi précisément faites-vous allusion?
– Au fait que le mot "pas" passe, comment dire... quand il se met en mouvement. Il crée comme une attente. L'attente du prochain pas qui, s'il est relativement le même à chaque fois, s'inscrit toujours dans quelque chose de nouveau.
– C'est une répétition.
– Mais aussi: le mot pas, quand il se lie au mot sage change de nature...
– Et puis le mot pas se fait absence.
– Avez-vous prêté attention à ce qui se passe sur la scène du théâtre de notre beau paquebot? 
– Ce ne serait qu'une répétition...
– Si cela est possible...


mardi 26 décembre 2017

Une portée ontologique


"De prime abord, l’idée que le jeu possède une portée ontologique semble déconcertante. En effet, le jeu ne représente-t-il pas justement ce qui n’engage que de façon limitée et temporaire?"

Turing et la dimension ontologique du jeu, Nazim Fatès
 


– Comme une cloche dont on perçoit la fêlure au son qu’elle produit, certaines images donnent à entendre certaine fêlure derrière les lourds rideaux de la scène qui les soustraient à la vue.



L'un et la mutitude





– « Unus sum et multi in me »
– C'est de vous?
– Non.
– Qu'est-ce que cela veut dire?
– « Un je suis et des multitudes sont en moi.»
– Cela parle de nous?
– Non.
– Qui a dit cela?
– Un certain Zénon d’Élée.
– Qui est-ce?
– Un disciple de Parménide.
– Et que voulait-il dire par là?
– Pour lui, le monde est un continuum, le diviser n'est utile que pour ceux qui veulent l'analyser.
– C'est pourtant intéressant.
– Oui, mais le problème c'est qu'ainsi le réel disparait et ce que l'on voit ne serait plus que des apparences.
– Oui, mais... comme vous le diriez en d'autres circonstances: des apparences bien réelles!
– Aristote dit que: « Si l'un en soi est indivisible, rien n’existerait.»
– Quel est le lien avec nous?
– Cela me parait évident. 
– Mais encore...
– Il me semble qu'il va de soi que si nous sommes né comme un tout, c'est là le résultat d'une erreur.
– Quelle sorte d'erreur?
– Une simple erreur de fabrication à laquelle nous allons remédier...

Insomnie




"L’insomnie est faite de la conscience que cela ne finira jamais, c’est à dire qu’il n’a aucun moyen de se retirer de la vigilance à laquelle on est tenu. Vigilance sans aucun but. Au moment où on y est rivé, on a perdu toute notion de son point de départ ou de son point d’arrivée. Le présent, soudé au passé, est tout entier héritage de ce passé ; il ne renouvelle rien. C’est toujours le même présent ou le même passé qui dure. Un souvenir —ce serait déjà une libération à l’égard de ce passé. Ici le temps ne part de nulle part, rien ne s’éloigne ni de s’estompe. Seuls les bruits extérieurs qui peuvent marquer l’insomnie, introduisent des commencements dans cette situation sans commencement ni fin, dans cette immortalité à laquelle on ne peut pas échapper, toute semblable à l’il y a, à l’existence impersonnelle. Vigilance, sans refuge d’inconscience, sans possibilité de se retirer dans le sommeil comme dans un domaine privé. Cet exister n’est pas un en-soi, lequel est déjà la paix; il est précisément absence de tout soi, un sans-soi." 

Emmanuel Levinas

lundi 25 décembre 2017

Vaine ascension


"Dans son dernier article de 1954, Solvable and Unsolvable Problems, Turing répète le résultat fondamental de 1936 dans lequel est formulée l’impossibilité de résoudre tout problème algorithmique à l’aide d’une méthode universelle. Il expose ce résultat en le reliant à une notion qui paraît simple et accessible à tous : le jeu. Mais qu’est-ce qui est au juste entendu par cette notion de jeu ? S’agit-il d’un simple objet mathématique ou n’y a-t-il pas ici une notion qui touche à l’ordre du monde dans son ensemble ? N’y a-t-il pas chez Turing l’intuition que la cybernétique transformera le monde en une chose contrôlable et organisable, à l’image d’un grand Jeu ? Dans la mesure où le développement des machines à calculer dépasse le strict cadre des techno-sciences, peut-on voir là le déploiement d’un Jeu dont, nous dit Héraclite, nous serions nous-mêmes les pions?"

Turing et la dimension ontologique du jeu, Nazim Fatès


« Le temps de notre vie est un enfant qui joue et qui pousse des pions. C’est la royauté d’un enfant.»

Héraclite d’Éphèse




Toutes les lumières se sont éteintes en même temps que les murmures et les toussotements. Chacun, selon son rang tourne la tête vers la scène. Une voix s'élève des profondeurs que chacun croit comprendre.

– Ce qui nous invite sur la voie escarpée ne devrait point être d'accéder à un sommet quelconque. 
– Que devrait-ce être alors?
– De prendre conscience que l'ascension est vaine...
– Mais alors que faisons-nous ici?
– Nous prenons conscience de cette vanité.
– À quoi va-t'elle nous servir?
– C'est nous qui la servons...
– Qu'est-ce que nous allons en faire?
– C'est bien là que se trouve cette raison que nous recherchons. Passer au-delà de cette vanité. Au-delà du vide, aussi bien le gouffre qui s'ouvre au delà de la montagne et celui qui se niche dans le mot même...
– Que viennent faire les pions dans ce théâtre?
– Ne l'avez-vous vraiment pas compris?
– Non.
– C'est pourtant une évidence. Les pions ne sont rien d'autre que des marionnettes, comme nous...



Sur la scène pourtant, ceux qui y jouent ne ressemblent point tous à ceux qui la regardent et l'écoutent.
– C'est nous...
– Tout comme le spectacle que nous croyions fait pour nous...

Comment, deux mille ans auparavant...


« Le soir, le curé allumant sa longue pipe rustique, faisait avec le maréchal des logis ses trois parties d’échecs quotidiennes. L’adolescent approchait alors de la table sa tignasse blonde et fixait en silence l’échiquier, avec des yeux qu’on croyait endormis et indifférents sous leurs lourdes paupières.
Un soir d’hiver, tandis que les deux partenaires étaient plongés dans leur jeu, on entendit tinter de plus en plus près les clochettes d’un traîneau qui glissait à fond de train dans la rue. Un paysan, la casquette blanche de neige, entra précipitamment, demandant au prêtre s’il pouvait venir sur-le-champ administrer l’extrême onction à sa vieille mère qui se mourait. Le curé le suivit sans tarder. Le maréchal des logis, qui n’avait pas encore vidé son verre de bière, ralluma encore une dernière pipe
et se mit en devoir de renfiler ses lourdes bottes pour s’en aller, lorsqu’il s’aperçut tout à coup que le regard de Mirko restait obstinément fixé sur l’échiquier et la partie commencée.
« Eh bien ! veux-tu la finir ? » dit-il en plaisantant, car il était persuadé que le jeune endormi ne saurait pas déplacer un seul pion correctement sur l’échiquier. Le garçon leva timidement la tête, fit signe que oui, et s’assit à la place du curé. En quatorze coups, voilà le maréchal des logis battu et en plus, obligé de reconnaître qu’il ne devait pas sa défaite à une négligence de sa part. La seconde partie tourna de même.
« Mais c’est l’âne de Balaam ! » s’écria l’ecclésiastique stupéfait, lorsqu’il rentra. Et il expliqua au maréchal des logis, moins versé que lui dans les Écritures, comment, deux mille ans auparavant, semblable miracle s’était produit, une créature muette ayant soudain prononcé des paroles pleines de sagesse. Malgré l’heure avancée, le curé ne put réprimer son envie de se mesurer avec son protégé. Mirko le battit lui aussi aisément. Il avait un jeu lent, tenace, imperturbable, et ne relevait jamais son large front, penché sur l’échiquier. Mais la sûreté de sa tactique était indiscutable : ni le maréchal des logis ni le curé ne parvinrent, les jours suivants, à gagner une seule partie contre lui. Le prêtre, qui connaissait mieux que personne le retard de son pupille dans d’autres domaines, devint extrêmement curieux de savoir si ce don singulier se confirmerait face à des adversaires plus sérieux.»

Le joueur d'échec, Stefan Zweig



Ni Pinocchio, l'Autre, ni Nounours, le Jeune, n'avaient jusqu'à ce jour démontré de dons particuliers. C'est ce qu'ils croyaient. Comment eussent-ils pu savoir que le mouvement et la vivacité dont ils étaient doués n'étaient pas chose courante?



dimanche 24 décembre 2017

Depuis si longtemps


« Mais ses tentatives demeurèrent vaines. Mirko fixait d’un œil vide les caractères d’écriture qu’on lui avait déjà expliqués cent fois: son cerveau fonctionnant avec effort était impuissant à assimiler, même les notions les plus élémentaires. À quatorze ans, il s’aidait encore de ses doigts pour compter et quelques années après, il ne lisait encore un livre ou un journal qu’au prix des plus grands efforts. On n’eût pu dire cependant qu’il y mettait de la mauvaise volonté ou de l’entêtement. Il faisait avec docilité ce qu’on lui ordonnait, portait l’eau, fendait le bois, travaillait aux champs, nettoyait la cuisine: bref, il rendait consciencieusement, bien qu’avec une lenteur exaspérante, tous les services qu’on lui demandait. Mais ce qui chagrinait surtout le bon curé, c’était l’indifférence totale de son bizarre protégé. Il n’entreprenait rien de son propre chef, ne posait jamais une question, ne jouait pas avec les garçons de son âge et ne s’occupait jamais spontanément, si on ne lui demandait rien : sitôt sa besogne finie, on voyait Mirko s’asseoir quelque part dans la chambre, avec cet air absent et vague des moutons au pâturage, sans prendre le moindre intérêt à ce qui se passait autour de lui.»

Le joueur d'échec, Stefan Zweig



– Cher Nounours, cette histoire demanderait quelques explications que nous devrons pouvoir fournir avant tout, afin que l'on sache bien comment nous l'entendons et qu'il n'y ait à cet égard aucune équivoque.





– Vous savez fort bien, malgré toute l'estime que j'ai envers vous et vos progrès permanents, que ce n'est pas en notre pouvoir... pas pour le moment... mais regardez ce qui nous arrive!


– "Depuis si longtemps, dans un lointain de pierres élevées"...

On entend la propre voix de Pinocchio. Il la reconnait, réfléchit et se dit qu'il va prendre le relais:

–  Je la reconnais. C'est elle  que je recherche depuis si longtemps. Je sais fort bien la vanité de courir derrière le vent sans relâche, cette course, jours après nuits, n'amène que pauvres matins et mots après mots n'amènent que questions auxquelles il est si difficile de répondre.



Sur le pont


"Sur le grand paquebot qui à minuit devait quitter New York à destination de Buenos-Aires, régnait le va-et-vient habituel du dernier moment. Les passagers embarquaient, escortés d’une foule d’amis: des porteurs de télégrammes, la casquette sur l’oreille, jetaient des noms à travers les salons: on amenait des malles et des fleurs, des enfants curieux couraient du haut en bas du navire, pendant que l’orchestre accompagnait imperturbablement ce grand spectacle, sur le pont."

Le joueur d'échec, Stefan Zweig







samedi 23 décembre 2017

Des mots et des images


" Aussitôt il se fit un changement sur les eaux, et la sérénité devint moins éclatante mais plus profonde. Dans la largeur de son cours, le vieux fleuve reposait sans une ride, au déclin du jour, après des siècles de bons services rendus à la race qui peuplait ses rives, épanoui dans sa tranquille dignité de chemin d'eau menant aux ultimes confins de la terre. Nous regardions le vénérable cours d'eau non point dans la vive animation d'une courte journée qui survient puis disparaît à jamais, mais dans l'auguste lumière des souvenirs durables."

Au cœur des ténèbres, Joseph Conrad 






Presque en silence Nounours le Jeune, tourne les pages pour Pinocchio, l'Autre. Dans le silence et la pénombre des mondes qui s'endorment, presque sans un mot ils comprennent ce qui dans les images ressemble à des mots et ce qui dans les mots ressemble à des images entièrement vécues de l’intérieur.

– Quelle pourrait être la différence entre un mot et une image? demande Pinocchio, l'Autre.

Nounours, le Jeune, lui répond par une autre question.

– En un certain sens, se pourrait-il qu'il n'y ait que la différence du point de vue?

– Que voulez-vous dire par là?

– Comme lorsque l'on regarde dans un miroir.

– C'est à n'en pas douter, un mystère que nous ne sommes pas prêt d'élucider... S'il est possible de le faire... 

– Il ne faudrait pas oublier, tout de même que la question et la réponse ne sont point une seule et unique chose.

– Mais peut-être pourrions nous établir un parallèle...

– De quelle sorte?

– De la même espèce que pour les mots et les images...

– Vous voulez à nouveau prendre le miroir?

– N'est-il point la chose essentielle dans cette histoire?

– Non, ce qui importe c'est le lien qui unit la question et la réponse...  

Les subtils dangers des voyages de l'esprit


« La plupart des gens n’ont qu’une imagination émoussée. Ce qui ne les touche pas directement, en leur enfonçant comme un coin aigu en plein cerveau, n’arrive guère à les émouvoir ; mais, si devant leurs yeux, à portée immédiate de leur sensibilité, se produit quelque chose, même de peu d’importance, aussitôt en eux bouillonne une passion démesurée. Alors ils compensent, dans une certaine mesure, leur indifférence coutumière par une véhémence déplacée et exagérée. »

Vingt-quatre heures de la vie d’une femme, Stefan Zweig


Pendant les discours convenus auxquels il ne prête l'oreille, Nounours se laisse aller aux "subtils dangers des voyage de l'esprit". Il entend vaguement, prononcé par une voix inconnue, un discours qui se substitue à celui qui se fait appeler Grand Ancêtre, quand ce n'est pas Vénérable Grand Ancêtre, ou encore Très... C'est ainsi que du chapeau de Nounours, le Jeune, là où tout eut dû resté caché, Pinocchio s'est, tout d'un coup élevé. Sa tête avait pris feu et une grande vague s'était jetée sur lui. Dégoulinant de toutes parts, relevant la tête il voit l'Ancêtre au bras levé et à la voix tonitruante, mais il n'entend rien.




Il ne peut s'empêcher de penser à haute voix. Une petite voix qu'il ne reconnait pas.

– ... tout ce qui satisfait votre vanité...


Cette petite voix, la sienne peut-être, s'est-elle adressée à l'Ancien?



– C'est ainsi que vous me remerciez?
 
Le couvre-chef  avait pris feu en même temps que l'humeur de l'Ancien mais il ne semble pas s'en rendre comptes.




Voyage de l'esprit


« (Car) les choses sont ainsi : c’est dans le rapetissement et l’égalisation de l’homme européen que réside notre pire danger, car ce spectacle fatigue ... Aujourd’hui, nous ne voyons rien qui veuille devenir plus grand, nous pressentons que l’on ne cesse de décliner, de décliner pour devenir plus inconsistant, plus gentil, plus prudent, plus à son aise, plus médiocre, plus indifférent, plus chinois, plus chrétien — l’homme, cela ne fait aucun doute, ne cesse de devenir “meilleur” ... C’est justement en cela que réside la fatalité de l’Europe —avec la peur de l’homme, nous avons également subi la perte de l’amour pour lui, du respect pour lui, de l’espoir que l’on plaçait en lui, même de la volonté dont il était l’objet. Désormais, le spectacle de l’homme fatigue— qu’est-ce que le nihilisme aujourd’hui, sinon cela ?... Nous sommes fatigués de l’homme

Friedrich Nietzsche, Généalogie de la morale





Pendant les discours convenus et fatigants auxquels il ne prête l'oreille, la tête encore chaude et le corps trempé, Nounours se laisse aller aux "subtils dangers des voyages de l'esprit". Il entend, prononcé par une voix inconnue, qui se substitue à celle de celui qui se fait appeler Grand Ancêtre, quand ce n'est pas Vénérable Grand Ancêtre, ou encore Très... C'est ainsi que du chapeau où tout eut dû resté caché, Pinocchio s'est, tout d'un coup élevé. Ce qui fait que, si l'une de ses moitiés s'est mise à voyager, l'autre est pleinement présente. Ce qui, il faut bien l'avouer, est difficile à expliquer avec simplicité.


vendredi 22 décembre 2017

Coupable, mais de quoi?


Vous connaissez cette phrase de Dostoïevski : "Nous sommes tous coupables de tout et de tous devant tous, et moi plus que les autres."

Les Frères Karamazov, La Pleïade, p. 310






Nounours, le Jeune, sans qu'il l'ait désiré consciemment, a laissé Pinocchio, l'Autre, sortir de son chapeau. Pour le coup il a bien fait. La tête de sa marionnette, probablement bien échauffée, tant par les courants de sa propre pensée que par les mots qu'il entendait, n'attendait que la moindre étincelle pour prendre feu. C'est ce qui s'est passé et il fallu la promptitude, alliée à la colère du Vénérable Ancêtre, pour que l'incendie prisse fin... momentanément du moins. Avec un certaine adresse l'Ancêtre vénérable avait balancé son verre d'eau sur la figure de Pinocchio, l'Autre.

– Après l'épreuve du feu, l'épreuve de l'eau! Dit-il avec un air satisfait.

– Ce qui fait trois épreuves en une... dit malicieusement Nounours, le Jeune...

– Je ne comprend pas...

– L'eau, le feu, et votre air satisfait.

On peut le comprendre, ce petit mot d'esprit n'allège guère l'atmosphère. D'autant que la promptitude du mouvement accélérant le continuum des causes et effets, le chapeau ou le coude de l'Ancêtre heurte la bougie...





Le souffle du destin



 – Alors, jeune Nounours!  Toujours enclin à taire vos petits secrets ou projets et à vouloir cacher ce feu qui couvait, et qui maintenant éclate au grand jour... Va-t'il nous éclairer, si peu que cela soit sur ce que vous êtes?

– ...Tout autant qu'il vous éclairerait sur vous-même si...
 


– Je suppose, cher Nounours, que c'est le moment que choisit le destin pour nous démontrer ce que vous avez en tête. Voulez-vous nous apporter quelque lumière: qui donc est cette marionnette que vous sortez ainsi de votre chapeau?


Platon l'Ancien, ne cesse de réécrire La question: son premier et dernier livre, jamais publié. Il n'a de cesse de le redire, de le reposer et de le réécrire pour la raison que: "jamais la question ne peut être exactement répétée", rien ne se redit sans que quelque chose d'interne n'ait changé... Quiconque se l'approprierait en changerait les sens.
C'est bien ainsi que se pose la question de la tête en feu de Pinocchio sur laquelle le souffle du jeune Nounours ne fait qu'aviver les flammes.

jeudi 21 décembre 2017

Le silence se fait


"S'il nous était possible de voir au-delà des limites où s'étend notre savoir, et encore un peu plus loin au-delà des contreforts de nos intuitions, peut-être alors supporterions-nous nos tristesses avec plus de confiance que nos joies. Elle sont, en effet, ces instants où quelque chose de nouveau a pénétré en nous, quelque chose d'inconnu; nos sentiments font silence alors, obéissant à une gêne effarouchée, tout en nous se rétracte, le silence se fait, et ce qui est nouveau, que personne ne connaît, se tient là, au centre, et se tait."*

* Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète 



 – Alors, jeune Nounours!  Toujours enclin à taire vos petits secrets ou projets et à vouloir cacher ce feu qui couvait, qui maintenant éclate au grand jour et nous éclaire sur ce que vous êtes?

– ...Tout autant qu'il vous éclairerait sur vous-même si...

Parodie et pertinence



– Alors, jeune Nounours, si vous aviez la parole, que diriez-vous pour votre défense?

– Tout dépendrait de ce qui me serait reproché... 

– Cela,vous le savez mieux que quiconque...

– Il se peut, mais ne devrions pas tout passer au crible de la pertinence? Y compris nos propos... et la source de ces propos?

– C'est-à-dire?

– Comme vous le dites...

– Encore un de vos jeux de mots?

– Non, le vôtre...

– Il semble tout de même que vous ayez oublié le sens du mot devoir et surtout de la nécessité de l'appliquer.

– Sauf votre respect, il me semble que c'est tout le contraire...

– Cependant il n'est pont difficile de montrer que vous vous adonnez, en cachette, à la parodie. Le niez-vous?


– La parodie détruit l'imposture, à moins que ce ne soit l'inverse... Elle annule et déconstruit ce qui en d'autres temps s'accumule.

Un débat s’est amorcé ici et là avec l'un ou l'autre mais bien trop souvent la parole revient à celui qui la possède, la prend, fait semblant de la donner et aussitôt la reprend.

La stratégie de légitimation qui consiste à vouloir faire de son hôte un être bienvenu s'essouffle lentement. La montre ne montre rien et la durée s'écoule lentement et disparait... Votre temps déjà est passé. Les remerciement sont d’usage la messe est dite et le train est passé.

mercredi 20 décembre 2017

Défaire les liens?




– Alors il ne sert à rien de vouloir nous défaire de ces liens qui nous font prisonnier et nous rendent dépendants?

– … Ce n'est pas ce que je dis.

– Alors?

– Alors, ce n'est point de l'ensemble qu'il faille se séparer mais de ce qui nous rend prisonnier.

– Et qui serait?

– Ce à quoi nous tenons.

– Vous jouez avec les mots?

– C'est cela, mais il n'est guère possible de faire autrement.
 
– Pourquoi donc?

– Parce qu'il se pourrait que ce soient principalement les mots qui nous rendent prisonniers... et surtout dépendant.

– Dépendant de quoi?

– Avant tout du sens qu'on leur donne.