vendredi 31 août 2007

Stratégie


Les habits de Marcel posent un problème apparemment insiluble.
- Ce doit être la boule qui les a déformés sous l'effet de son poids...
- Je ne le pense pas. Ils me semblent tels qu'une peau de serpent qui a mué. Si tel est le cas, Marcel est à l'heure actuelle un géant plus grand que le plus grand des géants que nous puissions connaître.
Ce qui les laissent songeurs.
- Tout est affaire de stratégie ! s'exclame Michel qui reprend très vite le dessus. Puisqu'à présent nous représentons celui que n'avons pas su ramener, nous allons vraiment le représenter...
Les deux collègues discutent longuement à la lumière de la lanterne de Marcel.

Mue


Michel et son collègue eurent beau s'acharner à trouver des indices, ils ne trouvèrent rien. Les habits de Marcel étaient désespérément vides. Ce qui ne faisait guère leur affaire.
- Plus rien... juste les restes d'une mue profonde. La boule a du l'emporter.
- Comment allons-nous expliquer cela ? On ne nous croira pas.
- Il nous faut réfléchir encore... Nous devrions certainement nous mettre à sa place...

jeudi 30 août 2007

Humeur badine et rêve de gloire


"Plaisir, Maître souverain des hommes et des dieux, devant qui tout disparaît, jusqu’à la raison même, tu sais combien mon cœur t’adore, et tous les sacrifices qu’il t’a faits. J’ignore si je mériterai d’avoir part aux éloges que je te donne; mais je me croirais indigne de toi, si je n’étais attentif à m’assurer de ta présence, et à me rendre compte à moi-même de tous tes bienfaits. La reconnaissance serait un trop faible tribut, j’y ajoute encore l’examen de mes sentiments les plus doux. "*
Timoléon était d'humeur badine et se prenait à rêver de gloire, de caresses et de splendeurs. Comme un enfant, il parle à ses jouets en répétant avec confiance ce qu'il a appris :
-"La piété, ce n'est point se montrer à tout instant, couvert d'un voile et tourné vers une pierre, et s'approcher de tous les autels; ce n'est point se pencher jusqu'à terre en se prosternant, et tenir la paume de ses mains ouvertes en face des sanctuaires divins; ce n'est point inonder les autels du sang des animaux, ou lier sans cesse des voeux à d'autres voeux; mais c'est plutôt pouvoir tout regarder d'un esprit que rien ne trouble"**
Or, Timoléon est bien loin de ne pouvoir être troublé... Une vilaine trace rouge...


* Julien Offroy de la Mettrie, L’Art de jouir
** Lucrèce, V, 1198-1203

Disparition


Michel et son collègue sont à peine revenus de leurs émotions qu'une autre surprise les attend. Marcel a disparu. Il ne reste de lui que ses vêtements amoncelés en une forme vide étonnamment vivante, comme si Marcel les habitait encore.

mardi 28 août 2007

Éclairages


Sous le chapiteau le procès de Marcel se prépare.Timoléon, le Grand Juge, règle les éclairages. Il y passe le temps que vous, moi, et les autres soi-disant heureux nous passons à lire dans les images et que lui revendique de construire de ses mains.
- Rien de tel qu'un éclairage bien fait pour faire deux de l'un, disait-il sans même réfléchir.

lundi 27 août 2007


Cette manifestation inquiétante n'était point le prodrome d'une dégradation quelconque ni la manifestation d'une puissance guerrière. Ce n'était que les prémisses d'une transformation improbable mais vraie. La réalité était qu'il valait mieux ne pas se trouver sur le passage de ces masses dorées.

dimanche 26 août 2007

Induratio


Comme tout organisme vivant la Forteresse produisait des mécanismes plus ou moins réguliers et prévisibles. Ainsi en était-il de la production de ce que ses habitants appelaient les "oeufs d'or". Personne ne savait ce qu'ils étaient. La seule évidence à leur sujet était qu'il valait mieux s'écarter de leurs chemins.

samedi 25 août 2007

Debout sur la plage



© Auteur et chanteur : Daniel Will
Compositeurs: Daniel Will
Guitare: Gabor Kristof
Percussion: Azul

Dénudement


Marcel décide de se présenter à ses juges complètement nu. Dans les nimbes rougeâtres de la forteresse, une à une il se défait de ce qu'il appelle ses défenses.
- Il n'est de plus noble aspect que celui dont je suis réellement fait. Nos vêtement ne sont que des remparts censés nous protéger à la manière des remparts qui entourent notre cité et par là rendent prisonniers de ses codes et figures imposées: mascarades des égalités.
En prononçant ces mots, Marcel oublie l'aspect théâtral de sa démarche. Il ne voit pas que la lumière feutrée des corridors et des marches qui viennent de haut reflète sur lui la lumière si typique des bordels. Il ressuscite en cela la lente et inéluctable perversion des lieux qui font se muer les églises en bordels et les bordels en église de chairs et d'os enchevêtrés. Tout cela eût pu paraître ridicule si l'émotion visible du collègue de Michel ne l'amena à produire un petit soupir admiratif qui en en disait plus que le plus long des discours qu'il fit pour essayer d'expliquer ce qu'il n'y avait pas lieu d'expliquer tant cela était clair.

vendredi 24 août 2007

Contamination


Michel et son collègue venant d'En-haut, descendent prudemment les marches inexorables du temps.
- "Une pente secrète conduit de l'utopie au nihilisme. Nouveau paradoxe de la doctrine. Celle-ci naît de l'horreur du devenir. Elle se forge contre les hantises du déclin. Préférer l'éternité à l'histoire, c'est nier que les choses passent et que les ânes se remplacent. Or tout fonctionne comme si la mort, expulsée par l'utopie de ses repaires favoris, se réintroduisait en contaminant l'ensemble de l'appareil."*
- Regarde ce fou dangereux, revenu d'on ne sait où. Il est capable de croire que le sens de l'histoire puisse être inversé et ainsi, se dénudant, devenir à l'image de ce qui fut autrefois et qu'il a pu entrevoir dans le livre. Livre qu'il n'aurait jamais dû avoir entre les mains et qu'il a contaminé de son regard.

*(1)

Marcel sait qu'il ne peut conduire son ambition jusqu'à son terme. Jamais il ne sera philosophe ni poète.
- "Je dois composer avec l'histoire dont je suis également, comme par malice et nostalgie, un des animateurs." (1)*
Véritable paradoxe, il est fou et roi sur l'échiquier.
- Je serais, je le veux, à l'image de mon ami, un roi nu. Sachant qu'ainsi, aux yeux de tous, il paraîtra encore plus fou.

* (1) Lapouge, Utopie et civilisations

Marcel ne voit pas les choses de la même manière. Il attend sans impatience ce qui va lui arriver.
- Peu importe qui ils ont envoyé pour me chercher et qu'ils viennent du haut ou du bas n'a aucune sorte d'importance. Au bout du compte cela revient au même.

jeudi 23 août 2007

Naufrage


Michel et son collègue attendent le moment propice pour se saisir de Marcel.
- Il remue sa folie à grands flots, son naufrage est consommé. Son vêtement glisse de ses épaules et va tomber. Le temps fait son grand oeuvre. Nous n'attendrons plus très longtemps.

Et puis c'est le silence. Et puis, il est là, devant lui.

Tumulte sonore


Marcel se perd dans les couloirs qu'il connaissait si bien et qu'aujourd'hui il ne reconnaît pas.
- L'architecture est à l'image de la confusion qui règne en moi... Tout se dédouble à l'infini en des miroirs sans fin.
Les pas se rapprochent et s'éloignent suivant la ligne incertaine des échos. Marcel se demande si ce ne sont pas ses propres pas qu'il entend. Il redouble d'efforts pour ne pas donner à entendre le moindre de ses mouvements. Ce faisant tout son corps tendu capte le moindre son qui s'amplifie au gré de son architecture intérieure.
- Voici, venus des corridors tumultueux un flot sonore que rien ne peut arrêter...

"Tout ce que voient ses yeux, ses yeux refusent toujours d'y croire"
Catulle

mercredi 22 août 2007

L'âme joyeuse du présent


De retour chez lui, Marcel sait que son voyage peut n'être que chimère. Sa marche est arrêtée sous le regard des guides aux têtes de marbre. Pour traverser ces larges fondements de rocs et de pierres si bien taillées, il cherche une lumière plus puissante que son maigre falot.
- Comment se fait-il que ce qui hier encore était lumière ne soit plus aujourd'hui qu'ombre et silence ?

"L'âme joyeuse du présent
N'aura nul souci de la suite"*

*Horace

Entre ses mains


Peu à peu, pendant que Marcel voyait prendre forme ce qu'il avait toujours désiré: cette lente et progressive évolution vers l'âne parfait, il perdait contact avec ceux qui se disaient ses semblables et qui pourtant doutaient de la réalité qu'il avait rencontré et qu'il avait, pour un instant, tenu entre ses mains... Le monde, son monde, dont il peine à mesurer la grandeur, lui semble vide. Et pourtant, il le sent, une menace se cache dans ce vide même. Alors, dans ce vide pétrifié souffle et résonne le vent qui ressemble à sa voix:
"Maître de lui-même est celui
Qui dit du jour: "Je l'ai vécu!"
Qu'importe que demain le Père
Emplisse le ciel d'un orage
Ou nous procure un pur soleil!"*

*Horace

mardi 21 août 2007

lundi 20 août 2007


Marcel se sentait seul. C'était la première fois qu'il voyait la Forteresse déserte et l'agitation des guides l'inquiétait.

dimanche 19 août 2007

samedi 18 août 2007

Situation précaire


- Qui crois-tu pouvoir être ? Il nous semble, sans qu'aucun doute ne nous fasse hésiter, que sous ton masque tu sois devenu un rêveur. Crois-tu par ce biais pouvoir nous leurrer et te rendre maître de ton histoire !
La situation précaire de Marcel l'empêche de mettre ses mains sur ses oreilles. Il ne peut que fermer les yeux. Il a reconnu la voix redoutable des guides de "La Raison". Elle a choisi son moment, il est forcé d'entendre. En un instant le gouffre s'ouvre à nouveau, ne lui laissant guère de choix: regarder vers le haut et grimper vers la ville rouge.

Sans délais


- Je n'aime guère entendre ce tumulte qui s'élève chaque fois que je dois passer à l'acte. Tout cela n'est pas insignifiant mais m'entraîne dans la profondeurs des instants sans fonds ou personne ne m'accompagne. Il faut que sans remords, sans mépris et sans délais je remonte.

vendredi 17 août 2007

jeudi 16 août 2007

Dérive


Marcel se sent envahir par un lourd brouillard et de sombres pensées.
- Je ne suis pas là où je pense être et pourtant je suis là.
"Nous sommes des millions de pauvres à la dérive et nous nous interpellons avec des mots que nous ne comprenons pas et qui ne font que nous effrayer encore plus"*

* Extrait d'un dialogue de "Face à face", Bergman

Crépuscule


Le décor s'efface. La nuit tombe. Marcel se réveille.
- L'inconscient est une vraie merveille, "il peut aussi bien faire resurgir des pensées qu’on voudrait ne pas connaître qu’enfouir des questions qu’on voudrait ne pas se poser".

Pensées


Entièrement absorbé par ses pensées, Marcel en oublie le sens profond.
-Quel était le but de ce voyage ? Où est cet être magnifique qui m'a entraîné jusque là ? Où est ce grand livre dans lequel il avait placé tout son intérêt et dans lequel il n'avait, jusqu'à ce jour, pas lu la moindre ligne ?
Les lumières lentement s'éteignent.

mercredi 15 août 2007

Voeux


Marcel se demandait si sa disparition pouvait avoir été perçue comme autrefois lui-même avait perçu des étoiles filantes. Quelqu'un l'avait-il vu se transformer si radicalement en un grain de sable parmi les plus infimes. Quelqu'un avait-il fait un voeux..? Était-il possible qu'une si petite chose puisse avoir un si grand effet. Et il entendit, flottant dans l'espace :
- "Tous les arts, toutes les recherches méthodiques de l'esprit, aussi bien que tous nos actes et toutes nos décisions réfléchies semblent toujours avoir en vue quelque bien que nous désirons atteindre; et c'est là ce qui fait qu'on a parfaitement défini le bien quand on a dit qu'il est l'objet de tous les voeux..."*

Aristote, Éthique à Nicomaque

mardi 14 août 2007

Poussières


- Le monde n'est pas aussi figé que je ne le croyais, pense Marcel sans s'inquiéter le moins du monde de sa propre disparition.
- Je ne suis plus que poussière parmi poussières... pensa-t'il en souriant.
Une légère ironie pouvait se lire sur son visage. Une ironie bienveillante qui l'empêchait de se prendre trop au sérieux et qui l'aidait à se sentir léger.
- Pour certains d'entre nous, le certain occupe une place primordiale sans laquelle ils ne peuvent subsister. "Mais en admettant même que tout soit variable en ceci, on discerne clairement, parmi les choses qui pourraient être encore autrement qu'elles ne sont, celles qui par leur nature sont muables, et celles qui, sans l'être naturellement, ne le deviennent que par l'effet de la loi et de nos conventions."*

*Aristote, Éthique à Nicomaque

lundi 13 août 2007

Interrogation


- Sais-tu que nous n'avons pas toujours été tels que nous sommes aujourd'hui ? Demanda incidemment le nouveau compagnon de Marcel.
La phrase, le questionnement, semblait si simple, et pourtant Marcel se perdait dans cette simplicité.
- Veut-il dire par là que sa vie n'a pas toujours été celle d'aujourd'hui ? Veut-il parler du temps qui passe ? Veut-il parler de lui-même ? Veut-il parler de son peuple ? Veut-il parler de moi et et de lui, ensemble, perdus dans le tourbillon du temps ? Ce qui l'amena sans espoir de retour à une nouvelle vision de sa situation qui, selon ses anciennes conceptions du monde, il devait se l'avouer, frisait le ridicule. Il eut envie de rajouter : des mondes...
Tout, autour de lui prend de plus en plus de significations, ce qui le fait paraître de plus en plus petit. Le petit caillou qu'il tient entre ses mains et qui l'instant d'avant n'était qu'un grain de sable, grandit instantanément jusqu'à le dépasser.
- Tu grandis, lui dit son ami.
Le paradoxe, à sa grande surprise, lui plaît.
- Je suis en train de disparaître, constate-t'il sans aucune amertume.

dimanche 12 août 2007

Les Perséides


Aujourd'hui, Marcel s'émerveille de se voir traverser les nuages, accompagnant à des vitesses vertigineuses un essaim de poussière et de petits blocs de roche d'à peine quelques millimètres de diamètre prenant feu à tour de rôle et disparaissant comme des flèches.
- Nous sommes l'arrière garde d'une comète un peu spéciale, lui dit son étrange compagnon tout en regardant bien trop souvent derrière eux. Et il me semble qu'un obscur et lointain tumulte nous suive à la trace. Il se peut que nous devions, nous aussi, disparaître à l'instar de ces cailloux...

samedi 11 août 2007


Michel et son collègue suivant la piste...

Vivit


"Cette capacité de trier le vrai, quelle quelle soit en moi, et cette humeur libre de n'assujettir aisément ma créance, je la dois principalement à moi : car les plus fermes imaginations que j'aie, et générales, sont celles qui, par manière de dire, naquirent avec moi. Elles sont naturelles et toutes miennes. Je les produisis crues et simples, d'une production hardie et forte, mais un peu trouble et imparfaite ; depuis je les ai établies et fortifiées par l'autorité d'autrui, et par les saints discours des anciens, auxquels je me suis rencontré conforme en jugement : ceux-là m'en ont assuré la prise, et m'en ont donné la jouissance et possession plus entière."

Montaigne, essais: De la présomption

"Vivit, et est viae nescius ipse suae."*
Ovide, Tristes, livre I, pièce 3: "Il vit et ne sais pas s'il jouit de la vie."

vendredi 10 août 2007

Les eaux d'en-haut


- Quelque chose me dit que Marcel est passé par là.
- Regarde combien le ciel et la chute se confonde et comment vainement nous nous efforçons de discerner les eaux d'en bas de celles d'en haut.
"Mais ceux qui ne sont tombés par quelque violent accident en défaillance de coeur et qui ont perdu tous sentiments, ceux là, à mon avis, ont été bien près de voir son vrai et naturel visage; car quant à l'instant et au point de passage, il n'est pas à craindre qu'il porte avec soi aucun travail ou déplaisir, d'autant que nous ne pouvons avoir nul sentiment sans loisirs."*

*Essais Montaigne

jeudi 9 août 2007

Chutes


En d'autre lieux, considérant leur peu d'importance matérielle face à l'immensité des mondes, ce en quoi ils se trompaient, consacrant toutes leurs énergies au temps présent, Marcel et son nouvel ami dissertaient avec légèreté devant les gouffres profonds au fonds desquels se précipitaient pêle-mêle des pans entiers de réalités mouvantes.
- Regarde, là devant se déroule le film entier de notre vie. L'eau arrive de si loin que tu ne peux le voir et se précipite en des profondeurs que tu ne peux saisir.

mercredi 8 août 2007

Par nature


Michel et Marcel ne se connaissaient guère. Ils travaillaient pour le même office, leurs relations se limitaient à cela. Il était arrivé que leurs dossiers se croisent et qu'ainsi l'un ait à reprendre un dossier de l'autre sans que cela ait posé le moindre problème tant leurs façons respectives d'envisager leur travail et leur "servitude volontaire" étaient semblables, mais aucun des deux n'avait la moindre idée sur ce que pouvait penser l'autre. Ils n'étaient pas là pour ça. Il ne pouvait en être de pareille façon en cette situation. S'il voulait retrouver Marcel, Michel allait devoir se remémorer tout ce qu'il avait appris de Marcel, y compris et surtout ce qui lui avait échappé de premier abord. Surtout il dut dès ce moment s'aventurer hors du cadre rassurant de l'office. Fort heureusement pour lui, son éducation avait été telle qu'elle lui fut d'un grand secours. Très jeune enfant, contrairement aux coutumes des gens de sa condition, il avait été confié à une nourrice « à un pauvre village des siens » afin de s'y accoutumer « à la plus basse et commune façon de vivre »*. Il en avait retiré un e capacité hors du commun de s'adapter à toutes situations. Y compris celle de se retrouver dans un bâtiment qui menace ruine et duquel la mémoire elle-même semble s'être retirée.

Montaigne, Essais, III, 13

mardi 7 août 2007

Une autre nuit


Au fond de la mine, dire que les archives étaient dans un état déplorable était peu peu de chose. Michel, un proche collègue de Marcel, qui fut le premier à y pénétrer, la décrira ainsi :
- J'eus l'impression d'entrer dans la nuit au moment même où l'aurore faisait son apparition, mais au lieu que le jour lentement s'installe, ce fut une autre nuit qui tomba, semblable en tous points à la première mais plus profonde, plus dense... comme « l'on trouve autant de différence de nous à nous-même que de nous à autrui »* Je ne sais pourquoi, tranchant avec ma funeste et naturelle méfiance, je ne m'inquiétais guère de cette nouvelle obscurité. Mes yeux s'y accoutumèrent très vite. Les tentures délabrées, les caisses éventrées, les colonnades brisées, tout cela formait un tout curieusement cohérent dans lequel peu à peu je me fondais. La poussière diaphane flottait dans l'air éclairant au passage des architectures décadentes parmi lesquelles je ne vis aucun des livres que j'étais censé trouver. Tout n'était que poussière et courant d'air. Derrière moi j'entendais des poteaux s'effondrer, des rideaux se déchirer comme les voiles d'un naufrage... Tout cela m'apparaissait comme une respiration organique, allègre et affranchie de toute pesanteur, qui me portait plus que je ne marchais.

* "Il n'est d'homme à qui il sièse si mal de se mêler de parler de mémoire. Car je n'en reconnais quasi trace en moi, et ne pense qu'il y en ait au monde une autre si monstrueuse en défaillance. J'ai toutes mes autres parties viles et communes. Mais en celles là je pense être singulier et très rare, et très digne de gagner par là nom et réputation."
Montaigne, Essais (Des menteurs)

lundi 6 août 2007

Nul chemin ne sera épargné


Nul chemin ne sera épargné. Tout et partout doit être minutieusement observé. Le livre doit être trouvé.
- Vous devrez, s'il le faut, aller dans l'ancien monde des hommes.
- Mais, nous n'en connaissons pas le chemin et personne n'a jamais osé s'y aventurer en plein éveil* !
- Vous n'avez qu'à passer par les archives.
Une gigantesque quantité de documents étaient entassée dans plusieurs bâtiments à l'apparence délabrée mais dans lesquels un certain ordre régnait. Une véritable mine d'or...

* "A l'aventure pourrait sembler inutile et contre nature la faculté du sommeil qui nous prive de toute action et de tout sentiment, n'était celui que, par icelui, nature nous instruit qu'elle nous a pareillement fait pour mourir que pour vivre, et, dès la vie, nous présente l'éternel état qu'elle nous garde après icelle, pour nous y accoutumer et nous en ôter la crainte."
Montaigne, Essais

dimanche 5 août 2007

Variation


Une chose que Marcel n'arrivait pas à comprendre était la constante variation de taille de son nouvel ami.
"Omnino, si quidquam est decorum, nihile est perfeto magis quam aequabilitas universae vitae, tum singularum actionum : quam conservare non possis, si, alorium naturam imitans, omittas tuam."*

*Cicéron, Des devoirs, livre I, chap 31 :
"Véritablement si quelque chose apporte de l'ornement à l'homme, rien ne peut lui en apporter que l'égalité de la vie entière, et la consonance des particulières actions entre elles : mais tu ne les saurais acquérir, si voulant imiter l'humeur ou le naturel des autres, tu laisses le tien en arrière."

Par nature


Bien qu'il ne soit par nature que peu porté sur les "choses de l'esprit", cela le faisait longuement réfléchir.

Évolution


L'évocation n'était pas sans danger. À force de réfléchir à ce qui venait de lui être révélé, ses pensées s'allongent. Loin, très loin, perdue sur l'horizon, Marcel finit par voir une image. L'image de l'homme qu'il avait été bien avant que le le long processus de l'évolution ne se soit emparé de lui. Il ne put empêcher un ample frisson de lui parcourir l'échine... le dos...

samedi 4 août 2007

Une agréable complicité


Un monde nouveau s'ouvrait à lui qu'il n'avait jamais soupçonné. Très vite une agréable complicité réjouit les deux comparses. Bien avant que les mots se mettent à raisonner, les gestes se font et se défont sans la moindre gêne.
Et puis un jour, tout naturellement le dialogue s'engage :
- Il faudrait que tu te souviennes qu'avant d'être ce que tu crois être, tu as, pendant longtemps, été un homme...
Marcel n'en finissait plus d'être surpris. Le dialogue qui s'était engagé entre lui et cet être bizarre sorti du livre ne manquait pas un instant de le surprendre.
- Comment peut-il dire des énormités pareilles sans que je ne fasses aucun des gestes qui, en d'autres circonstances, eurent violemment fait éclore ma colère !

"Bouche à oreille"


Pendant ce temps, la marche du monde n'a pas cessé. Les collègues de Marcel, selon leur méthode très particulière appelée succinctement "bouche à oreille", poursuivent leur enquête. Leur démarche est fort simple. Ils avancent lentement, deux par deux, à la queue leu-leu et ils dialoguent de tout et de rien.

vendredi 3 août 2007

Résumé


Résumé : ( à venir, avenir*... où apparaîtront des créatures venues du ciel qui n'auraient, officiellement jusqu'alors, jamais mis pieds sur terre et dont, de source sûre, la preuve de l'inexistence aurait été produite et tenue secrète depuis fort longtemps de cela. Notre ami Marcel, en fuite, lui, semble connaître le dossier. Certes pas depuis très longtemps, mais il semble l'intéresser au plus haut point. En fait ce n'est pas exact, il y a déjà un bon bout de temps qu'il le connaît, mais au début il n'y consacra que peu d'attention. Le dossier le divertissait plus qu'autre chose et puis, surtout, il le faisait sourire. Un de ces sourires qui n'engage à rien d'autre qu'à la bienveillance. Attention, la vraie bienveillance, pas celle qui se transforme en charité !.. )

* "L'avenir, l'avenir n'est sur nos mains posé que comme les mots sous nos doigts"

" Mc Kee ne doute jamais. De rien. Il postule l'universalité de cette invention hégélienne :
thèse, antithèse, synthèse.
Mes lecteurs savent que je préfère à cette illusion de puissance le questionnement ininterrompu qu'on enseigne au Talmud :
thèse, antithèse, antithèse, antithèse, antithèse...
Johann Sfarr, dans son livre "Missionnaire" disserte à propos du livre "Story" de Robert Mc Kee

"Quand je serais grand..."


- Il m'arrive de penser aux temps anciens où je rêvais à "quand je serais grand". Et quand, enfin, je le serais, ce ne sera, sans doutes, que pour mieux voir à quel point ce que je croyais être si grand, en quelque vérité, pouvait être si petit.

" L'homme n'est-il pas lié par ses rêves plus encore que par ses expériences ? La logique onirique de l'invention n'est-elle pas la trame même sur laquelle le conteur brode son récit ? Le plus fort des déterminismes humains n'est-il pas le déterminisme onirique ? "
Gaston Bachelard