jeudi 31 juillet 2008

Retrouver ses esprits


- Don Penúl, retrouvez vos esprits! Et au besoin, cher Maître, façonnez-en de nouveaux! Réifiez! Le matériau ne manque pas et l'isolation rend possible ce que le commerce, qui plus est celui de l'esprit, interdit.

mercredi 30 juillet 2008

Pied à terre


Inlassablement, Lancinante a nagé. Cherchant sans cesse une plage qui conviendrait. Pour qu'elle puisse ressentir, enfin, au tréfonds de sa carcasse fatiguée, le souffle chaud d'un soleil. Telle un ange au voile déchiré, elle met pied à terre.

samedi 5 juillet 2008

La convenance des idées



- "Allons, plongeons et soyons en entier ce Ciel où le Monde rêve d'être représenté!"


- Don Penúl, est-il légitime que la convenance de ces idées passent aussi brutalement de la réalité authentique des choses à la réalité formelle et hasardeuse de l'esprit?

- Eh bien Lancinante, pardonnez ma vulgarité, mais, pour un bourricot moribond, voilà un discours bien torché ! Il faut que je me place tel que vous en espérant que ce vent remue les entrailles de mon cerveau aussi brillamment que vous et que jaillissent encore certaines suites de mots entraînant l’invérifiable mais stupéfiante correspondance, que dis-je, le mariage des idées et des choses...
- Accrochez-vous, le voyage ne saurait être autre que long...

- Il n'est point encore temps de geindre, Lancinante, bourricot savante. Mais il est temps de se laisser porter et de se rendre au passage, non pas "pieds et poings liés", mais libérés des contraintes par le pouvoir des choses et des présences, et déchirer le voile tissé par nos étroites idées...



...vacances...

vendredi 4 juillet 2008

Glorieux souvenirs



«- Elle est trop froide...»



Dans un même geste, après tant de révolutions, le soleil, inachevé, poursuit sans relâche sa course effrénée.
- Venez Lancinante, qu'un nouvel esprit remplace l'ancien et que chacun de nous, renonçant à l'égalité, garde les yeux fixés sur l'horizon en attendant les ordres. Suivons les astres qui nous montrent la route. Armés de la seule force que l'âge nous permet: d'un même geste à l'orgueil démesuré, irrité par les caprices de tant d'injustices et de cruautés, nous irons sans crainte et sans reproches. Nous maintiendrons l'autorité et sa maison hors d'atteinte. Quand, dans la paix de notre vieillesse, nous nous souviendrons de cela, outre le poids des ans, le corps tout affaissé par le décharnement, et que notre fin si peu lointaine réveillera encore de nouvelles espérances, nous supporterons avec bonheur nos souvenirs glorieux et le poids de nos vœux impuissants.

Lancinante a le pas hésitant, elle peine à entrer dans les flux et les reflux incessants...

jeudi 3 juillet 2008

Pendant ce temps


«Pendant ce temps l'Esprit, sans grand plaisir,
Au sein de son bonheur se retire :
L'Esprit, cet Océan où chaque sorte
Sa pareille trouve et conforte ;
Et crée cependant, pour les transcender,
D'autres mondes au loin, et d'autres mers ;
Réduit toute création à sa perte,
Verte pensée dans une ombre verte.»*


Andrew Marvell, The garden




- Comment pouvez-vous voir toutes ces choses incompréhensibles ? Quand à moi, pauvre hère, je ne vois qu'une mer qui se déchaîne et me guette, affamée. Je la fixe, sans comprendre et n'entends que le vent qui me secoue la tête et se fraie un chemin dans un labyrinthe confus des choses obscurément agitées et d'amertume dans lequel ma mémoire essaie encore, pour quelques temps, d'échapper au naufrage. Ces choses ne peuvent, pas plus que les vagues de la mer, ces effrontées, ni se figer, ni se mouvoir autrement que dans le mouvement qui les fait naître : ce vent qui nous mord et nous entraîne dans l’existence des choses hors de nous.

mercredi 2 juillet 2008

Abysme



«...magnis curarum fluctuat undis...»*

Catulli carmina, LXIV, 50 - 70

*"les chagrins la roulent, de leurs grandes vagues"(62)





- Comment va se dérouler notre quête, preux cavaleur à la souriante figure ?
- Dans cette suite de mise en abysme, je ferais appel à votre exemple et s'il peut sembler ainsi que le conventionnel prenne le dessus, je vous montrerai que cela est abusif au regard de ce qui suivra. En réalité, nos valeurs héroïques n'apparaîtront qu'au creux de la vague. En négatif si je puis dire ainsi. À l'ombre du mouvement incessant du temps qui roule sur lui-même avant de s'écraser sur les restes de ce qu'il a réduit en poussière.




- Regarde au loin Lancinante, c'est un regard sur toi : toi qui a été et qui sera cet incompréhensible miroir, vide et plein, mental et spirituel, fruit de tes rêves et de tes pensées.

mardi 1 juillet 2008

Arrière pensée !



«...afin que les vieux livres s'obscurcissent à la lueur des nouveaux
qui sortiraient un jour...»

Don Quichotte

- Don Penúl, puis-je connaître votre prénom ?
- Arrière pensée ! Par les liens secrets qui nous lient, vous ne le pouvez pas, chère Lancinante. Cela restera un secret que je me suis promis de bien garder.
- Qui donc après vous, et de vous, pourrait s'en souvenir si jamais vous ne le dites ?
- C'est précisément l'objet secret de notre quête.




- Ne craignez-vous pas de ne faire que reproduire ce qui, dès l'origine, n'était déjà en soi, qu'une pâle imitation ?
- Je ne crains rien moins que cela, mais il me sied d'être confronté à cela. Ce n'est pas le moindre des risques qui fera le héros. De plus il n'est pas de lecteur qui, un jour, au hasard des lectures, à l'ombre des mots rouffus, ne rencontre celui qui le fera modèle.