mercredi 22 février 2006

L'émissaire









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Une aube couverte de rosée nous conserve aussi. Quel sera l'apport du jour? Une excursion, répétition de ce qui en effraie d'autres ? Une randonnée, imitation de ce qui nous fait regarder par-dessus les autres ? Et au cours de laquelle nous nous asseyons et croquons nos déceptions, tandis que peu à peu l'horizon nouveau nous rend la santé. L'origine est lointaine. Nous sommes du bétail utile - utile à nous-mêmes, car c'est en nous que nous reposons. L’être est la marchandise de l'étant. Nous échangeons nos tickets de réduction à la caisse. Des machines à timbrer nous font de profondes impressions. A ce qui nous entoure on peut nous reconnaître, rayonnants troupeaux blancs, dont on aime acheter le lait. Nous ne pouvons être plus vrais que ne le sont à la télévision les vrais signes de ce qui fut. Eux précèdent constamment notre venue réelle.
Nous voulons faire le plein de fraîcheur! Le rayon qui jaillit de nous, une grande main, la nôtre, le captive. On tire sur nos pis. Nos produits sont supportables. Nous-mêmes sommes insupportables. Nous nous abreuvons de nous. Nous ne tirons nos denrées que de notre propre grenier, et nous l'exhortons à se remplir de bons sentimcnt" et non de déchets empoisonnants. Pourtant, que laissons-nous entrer? Des gens qui ne sont pas là sur commande et dont nous ne voulons pas.
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Elfriede Jelinek
Totenauberg
Éditions Jacqueline Chambon

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