mardi 30 septembre 2008

Connaissance


"... En le voyant là, cet homme aussi étranger que moi, dans cet endroit, j'ai pu m'imaginer dans ce monde."

Gregory David Roberts, Shantaram

Don Penúl ne savait presque rien de l'homme qu'il venait de jeter à l'eau et pourtant il lui manquait déjà.
- C'était comme si le fait de me connaître, et peu importe par quel moyen, me le faisait connaître un peu...

lundi 29 septembre 2008

Vide


"... lampe veillant dans la nuit. Brutalement, tu nous l'as arraché, tel un trésor le voleur du plus grand chemin."

Léopold Sédar Senghor, Élégie pour Philippe-Maguilen Senghor III



Ante Penúl erre en s'efforçant de ne plus penser. Pas un seul instant, et pour cause, il ne pense que c'est précisément le but qu'ils poursuivent.



- Bien au-delà de son corps, c'est son esprit qui dérange... Laissez-le se vider. Le temps travaille pour nous. À ce rythme, il ne sera bientôt plus un danger pour nous.

dimanche 28 septembre 2008

Aveugle


«...tant un cœur simple, dans ses profondeurs, peut contenir de sentiments dont l'un cache l'autre et dont aucun n'est le dernier.»

Henri Bosco, Le jardin d'Hyacinthe




Privé de son guide à cause d'un geste irréfléchi et aussitôt oublié, Don Penúl se retrouve seul et presque aveugle dans un univers dont il ignore presque tout et dans lequel le seul être avec qui il avait fait connaissance était un parfait inconnu qui semblait ne rien ignorer de lui.



- Ils me voient et savent lire dans mes pensées, c'est certain, mais que peuvent-ils en faire si je les réduis à néant?

samedi 27 septembre 2008

Gouffre


«...les nuits d'orage prennent un grandeur redoutable, on y sent circuler une pensée colossale et la voix profonde qui parle exprime l'irritation et la colère.»

Henri Bosco, Le jardin d'Hyacinthe



L'attitude singulière et la colère manifestée par Don Penúl n'était pas seulement la conséquence d'un sentiment subtil difficile à définir. Ante, sans en connaître la nature singulière, subissait une impression de vide qui lui donnait à connaître l'angoisse de voir s'arrêter ce qui, depuis toujours, le portait en avant. Il était au bord d'un gouffre profond au fond duquel il craignait qu'il n'y soit déjà, lui et tous ceux dont il ne pourrait oublier le nom.

Passé



« Je vous avoue, dit l’Ingénu, que j’ai cru en deviner quelque chose, et que je n’ai pas entendu le reste.»

Voltaire, L’Ingénu


Don Penúl croyait que le passé pouvait se refermer derrière lui sans que rien ne puisse plus jamais en ressortir.
- Personne ne connait mon prénom. Comment cet homme-là peut-il savoir ce que personne d'autre que moi-même, qui ne l'ai jamais prononcé à haute voix?..
Avant qu'il puisse savoir ce qu'il faisait, Don Penúl se jeta sur l'homme, qui, de plus, en nommant aussi Lancinante, lui avait ouverte, béante, une blessure qu'il ne soupçonnait pas.

vendredi 26 septembre 2008



"Le pompeux appareil qui suit ici vos pas
N'est point d'un malheureux qui cherche le trépas."

Jean Racine, Andromaque

jeudi 25 septembre 2008

Double



« Tu ne feras jamais rien, parce que tu prétends à être vraie, exactement toi-même. Il faut te créer un double, c'est plus urgent qu'un style. Tu es sérieuse comme un âne et tu as l'obsession de l'authenticité. Crée ton double insouciant et menteur, alors il t'aidera.»

Maeterlinck, Correspondance


- À propos, cher Ante, qu'est devenue Lancinante?

Cette fois, c'en était trop...



La rue n'était plus vide.

mercredi 24 septembre 2008

Fait étrange



« S'il est un fait étrange et inexplicable, c'est bien qu'une créature douée d'intelligence et de sensibilité reste toujours assise sur la même opinion, toujours cohérente avec elle-même. Tout se transforme continuellement, dans notre corps aussi et par conséquent dans notre cerveau. Alors, comment, sinon pour cause de maladie, tomber et retomber dans cette anomalie de vouloir penser aujourd'hui la même chose qu'hier, alors que non seulement le cerveau d'aujourd'hui n'est déjà plus celui d'hier mais que même le jour d'aujourd'hui n'est pas celui d'hier ?»

Fernando Pessoa, Chronique de la vie qui passe


Don Penúl, de manière confuse, se sentait presque séparé de son passé. Chaque fait nouveau chassait le précédent sans qu'il eut à en souffrir. En conséquence, le présent n'avait que peu de prise sur lui. L'angoisse et l'excitation de son guide ne le dérangeait que fort peu et encore faut-il dire que ce dérangement était du au fait lui-même plutôt qu'à la cause. Il avait beau se tourner en tous sens, il ne voyait aucun poursuivant.
- Qui seraient ces gens censés nous poursuivre ?
- Je vous l'ai dit, Don Penúl, tout peut être entendu, mais il faut se montrer patient.



mardi 23 septembre 2008

Au jour




" Il faut bien mettre au jour quelque chose; et si cela est, donnons la préférence à ce qui est tout fait."

Pline le Jeune,, LETTRE II


- Quel est donc ce devoir que vous vous êtes imposé? Quand me direz-vous quel péril je courais et quand cesserons-nous de nous déplacer comme des fugitifs? Tout cela va finir par me rendre inquiet.

Troublé, Don Penúl ne comprenait rien à ce jeune homme dont il ne pouvait deviner les traits. Il ne pouvait être sûr qu'il soit toujours le même que celui qui, du moins le lui avait-il présenté ainsi, l'avait "sauvé d'une catastrophe" qu'il ne pouvait imaginer et au sujet de laquelle il n'apprenait rien. Les questions qu'il posait ne lui valait que des réponses évasives et artificiellement sous-tendues.
- Je vous l'ai déjà dit, je ne peux vous parler ici. Nous devons nous mettre à couvert.
- Ne voyez pas malice à cela, mais je vous trouve bizarre.
- Bizarre, peut-être, mais courrez Don Penúl, ils sont déjà là!

lundi 22 septembre 2008

Plus que le jour



"Partout, déjà, il faisait jour, mais ici c'était la nuit, non, c'était plus que la nuit."

Pline le Jeune,, Lettres, VI, 17.


Don Penúl n'en croit pas ses oreilles:
- Il connaît mon nom !
- Nous savons tout de vous. Ou presque... En tous les cas: plus que vous-même.
Le ton et le vocabulaire avait changé.
- De simples mots bien ordonné et une pensée claire permettent à de bonnes pensées d'émerger.
- Il entend ce que je pense...
- Ce n'est pas difficile.
- Comment faites-vous cela ?
- Les sens que chacun possèdent sont amplement suffisants.
- Mais encore.
- Pour une part, je m'ajuste aux décors et à ceux qui l'habitent en fonction de l'action que j'entreprends, et pour une autre part, ce sont ces lieux et ceux qui le peuplent qui, à leur tour, quelquefois simultanément, s'ajustent au devoir que je me suis imposé.

dimanche 21 septembre 2008

Invisible


"Semblables au dévot acceptant le pire à 'avance, mais dont la prière obsède le ciel, certains attendent résignés la détente, une attitude moins intraitable, mais demeurent fidèles à la cause qui leur parut compatible avec une évolution paisible du monde."

Georges Bataille, La part maudite


D'autres, moins dévots, mais engagé tout autant ne se contentent pas d'attendre. Avec des moyens gigantesques mais pour la plus grande part invisibles, ils observent. Du haut du ciel, ils voient tout et enregistrent patiemment.
- Venez Don Penúl.
- Je ne crois pas vous avoir dit mon nom...

samedi 20 septembre 2008

Déambulation


"Qu'est-ce que l'intégrité? Qu'est-ce que mon corps, sinon une carcasse dans laquelle vont et viennent par hasard, un certain nombre d'intérêts, et qui déambule dans un pays auquel elle ne comprend rien?
(...)
Ne serais-je pas, en fin de compte, pire que les symbolistes, qui se détournaient du monde réel pour se complaire dans les brumes de leur époque? "

David Van Reybrouck, Le Fléau


- Venez, suivez-moi, je vais vous faire voir quelque chose qui va va vous intéresser.

vendredi 19 septembre 2008

À voix douce


"Je me souviens que de tout temps, l'on a toujours comparé les termitières,comme d'ailleurs les ruches et les fourmilières, aux constellations politiques."

David Van Reybrouck, Le Fléau


Soulagé par a discrétion de son compagnon, Don Penúl observait. Non pas ce qu'il avait sous les yeux, mais au contraire ce qui ne s'y trouvait pas. Il avait peine à imaginer ce que le jeune homme, qui l'avait soi-disant sauvé, fuyait. Au vu des circonstances, qui lui paraissaient extrêmement complexes et dont il ne comprenait pas les enjeux, rongé par l'incertitude, Don Penúl faisait de son mieux.
- Il faut bien commencer par quelque chose. Il ne servirait à rien que je prêche la bonne parole à cet individu qui se dit pirate. Attendons... se dit-il à lui-même.
Puis à voix douce mais ferme:
- Pirate, avez-vous dit ?

jeudi 18 septembre 2008

Pirate


- À quoi servent vos réunions ?
- À sortir du circuit... de la réalité si vous voulez...
- Et comment pouvez-vous savoir ce qu'est la réalité ?
- Au-delà de ces chantiers, au-delà de ces grues, au-delà de ce port, il doit bien exister d'autres façons de concevoir le monde...
- Quel est votre rôle là-dedans ?
- Je suis pirate...

mercredi 17 septembre 2008

Mats


"...le monde est une entité mystérieuse dont nous ne parvenons à comprendre quelques parts que dans la condition d'en éliminer les autres... "

Walid Neill, Correspondances & dépendances



Malgré tout et pour des raisons qui leur échappaient, ils restaient unis. Pour ces raisons très diverses, et pour certaines assez lamentables, ils ne pouvaient faire autrement. Ils étaient, pour d'autres raisons, tout aussi diverses, activement recherchés. Partout s'élevaient, comme des flèches d'un genre nouveau, des mats soutenant des caméras qui ne les perdaient pas de vue un seul instant.

mardi 16 septembre 2008

Vague poussière

"...Mais qu'un beau jour une porte claque et c'est toute a maison qui s'écroule."

David Van Reybrouck, Le Fléau


- C'est ce qui arrive en permanence sans que cela ne puisse se voir. Les portes et les maisons écroulées jonchent le sol sur lequel nos tentons, en vain pour ce qui me concerne, de les oublier.




Don Penúl, après tant d'autres, en fait le triste constat : le monde se rit de sa propre disparition et se réjouit de se reproduire en une forme inaccoutumée.
- Nous ne sommes guère plus que ces petits pantins d'écumes qui sans cesse se jette à l'assaut des digues que nous contribuons tous à édifier.

- Attendez, ce n'est pas de manières. L'endroit où vous dormiez n'existe plus. Personne n'aurait fait attention à vous. Innombrables sont ceux qui gisent dans les fondations de la ville nouvelle. Sans moi il se pourrait qu'à cet instant vous ne soyez vous-même une part de cette poussière dans les gravats d'un monde écroulé sous les pelleteuses... et vous me rejetez avec une violence d'autant plus grande qu'elle ne semble pas être vôtre. Et puis vous ne savez pas où aller !
- Je ne suis pas sûr que tu en saches beaucoup plus que moi, compagnon de poussière...
Dis-moi, quel est ton nom ?

lundi 15 septembre 2008

Sur le cul


"...les termites rongent dans le silence et l'obscurité. Nul ne les dérangent. On ne s'aperçoit de rien."

David Van Reybrouck, Le Fléau

dimanche 14 septembre 2008

samedi 13 septembre 2008

Trop tard


"Tous les entomologistes le savent, les termites, comme les autres insectes, peuvent être un véritable fléau, mais le plus remarquable est que l'on ne voit les ravages que lorsqu'il est déjà trop tard."

David Van Reybrouck


Don Penúl, enroulé dans son manteau, n'a perçu que très indirectement et très faiblement le choc de son arrivée dans la ville. Il ne se réveille que sous la pression d'un homme qu'il ne connaît pas et avec qui il peine à débattre d'autre chose que de la marche à suivre.
- Pour moi, qui me trouve présentement dénué de tous biens, par force je ne peux concevoir de différence entre la matière et l'esprit. Quiconque ne possède rien, possède néanmoins une nature semblable à la pensée. Ainsi, présentement, je ne possède rien d'autre que ce manteau... Alors, en ce qui concerne votre demande...
Chaque fois que l'on nous présente un début d'explication, on découvre immanquablement que le contraire peut être tout aussi vrai! Voilà qui devrait faire réfléchir. Les apparences sont si souvent trompeuses... Si une constante émerge malgré tout de ce brouillard, elle sera simplement que: tout est possible!
- C'est possible Ducon, mais si nous ne voulons disparaître à tout jamais, il va nous falloir prendre en main la situation par un autre bout. Tu vois ce que je veux dire?
L'occasion était trop bonne.


- Arrêtez de m'appeler ainsi!

Pelure


Il est vrai que la tenue de Don Penúl n'était pas vraiment adaptée aux circonstances.
- Faudra f'tre loin c'te p'lure qui pue et nous fè r'marquer à des comètes de là. Où tu l'a trouvé ? C't'un truc de secte ça?
- Non, c'est le hasard et la nécessité, mon ami.
- Kess tu racontes ?
- L'apparence qui est mienne n'est que le résultat des hasards qui se succèdent et de la nécessité que j'ai de ne pas mourir de froid. Où sommes-nous?

vendredi 12 septembre 2008

Compréhension


- Ce ne sont pas des palais et j'suis pas ton brave. Arrête de me faire chier et magne toi p'tain!
Don Penúl est à la peine. Il ne supporte pas cette vulgarité. Cependant, quelque chose lui fait penser que sans cet homme-là, il pourrait avoir quelques problèmes.
- Où nous mène ce pont...
- J'te l'ai déjà dit: à la réunion, Ducon!

C'était la deuxième fois qu'il l'insultait.
- Dans un certain sens, cet homme là ne sait pas ce qu'il dit. Pas la peine, en ces circonstances, de vouloir l'amener à se comprendre...

jeudi 11 septembre 2008


- Où m'emmenez-vous?
- À la réunion Ducon!

Don Penúl n'en croit pas ses yeux et si ses oreilles le démangent, il sent bien que le moment est bien mal choisi pour faire des remontrances à celui qui se dit son sauveur.
- Quels sont donc ces palais que je vois ci-devant le fleuve? Mon brave...

Réveil


"Les conservateurs, que satisfait la tradition, et le cercle des hommes philosophiques vont se combattre les uns les autres, et il est certain que le combat se déroulera dans la sphère de la puissance politique. Cette conséquence commence déjà avec le début de la philosophie. Les hommes qui consacrent leur vie à de telles idées sont mis au ban de la société. Et pourtant, les idées sont plus fortes que toutes les puissances empiriques.”

E. Husserl


- Réveille-toi ! Faut pas rester là... Y vont arriver...

mercredi 10 septembre 2008

Gravats


Gravats au milieux des gravats, la pelisse de Don Penúl gît. Inconscient, il peine à séparer ce qui est l'objet de ses pensées de ce qui, tout en possédant une nature rigoureusement semblable à la pensée, ne peut en être l'objet...

mardi 9 septembre 2008

Bourrasque


Don Penúl se réjouirait moins s'il savait où il allait mettre les pieds. Il allait passer de la quasi solitude à l'anonymat de la foule. Presque personne ne vit cette étoffe rouge tournoyant au-dessus des têtes. Le seul à qui sa présence n'échappa point commit l'erreur de croire que ce n'était qu'un drapeau arraché à sa hampe et n'y prêta pas plus d'attention. Au dernier moment une bourrasque salvatrice l'emporte quelques ruelles plus loin.

lundi 8 septembre 2008

Abandon


Au moment de s'envoler, Don Penúl et Lancinante eurent un dernier dialogue. La voix faiblissante de Lancinante atteint une dernière fois les oreilles de son maître.
- Don Penúl, revenez, ce n'est pas du jeu!
- Au contraire, Lancinante, nous y sommes enfin. Tu as montré ta véritable nature et cela fut suffisant pour que le monde change. Finies les répétitions, enfin du nouveau!

Lancinante se sent abandonnée et n'entend plus rien que le clapotis des vagues sur le rivage et le silence borné d'un horizon trop grand. Elle se met à marcher pendant que son maître vole. L'idée même d'un idéal s'estompe au milieu des voix qui lui racontent la farce et l'absurde.
- Je le soupçonne d'avoir l'esprit un peu dérangé, mais je ne crois pas que cela me dérange... Il me manque déjà. Je crois qu'en peu de jours , je me suis épris de la folie de mon maître et je crois que je puis y jouer un rôle.
Don Penúl, de son côté, ne sait pas encore dans quel monde il va atterrir et s'en réjouit.

dimanche 7 septembre 2008

Folle poursuite


Poursuivant sa bonne étoile, Don Penúl se transforme en torche flamboyante dont la chute n'aura, dans peu de temps, rien à envier à celle d'Icare.
- Je flotte en un manteau trop large, mais le feu qui m'anime y est tout entier contenu. Le poids qui m'entraîne est de jour en jour plus petit. Bientôt je disparaitrais comme l'étoile que je poursuis.

samedi 6 septembre 2008

Royaume


Lancinante, restée seule, regrette...
- Je ne sais ce qui m'a pris. Une force que je ne connaissais pas s'est levé en mon cœur et m'a projetée dans un monde sans sagesse où la beauté n'est que violence et combats dont je suis devenue reine. Et me voilà seule dans un royaume presque vide...

vendredi 5 septembre 2008

Doute


"...l'homme est un animal suspendu dans des réseaux de signification qu'il a lui-même tissés..."

Max Weber


Au plus haut de sa trajectoire, en pleine hallucination, Don Penúl se laisse porter par ses pensées. Au milieu de cette belle mécanique céleste qu'il admire de si près, oubliant sa solitude, se parle à lui-même. Un doute jaillit qui, pour un instant, l'éclaire.
- Regardez cette étoile qui s'échappe. Elle se consume en un instant. Cette si brève lumière, libérée de son destin, nous illumine et nous guide sur notre chemin. Comment ces étoiles, que je puis presque toucher du doigt, ont-elles trouvé leurs voies si elles ne sont guidées par une volonté qui les guident et dont nous ignorons les projets?

jeudi 4 septembre 2008

Ivresse triomphante


"Il vient un moment, dans la vie de chacun, où, sachant à peine voler, il croit pouvoir faire le tour de ce qu'il imagine être son monde...*"

* Adapté de M.F. Gibson, Ces lois inconnues

Le corps décharné de Don Penúl se débrouille tant bien que mal. Il imite au mieux le vol des goélands et se raccroche ce qu'il peut: une épave flamboyante qui vibre de tous côtés et menace de se rompre à tous moments.

mercredi 3 septembre 2008

Lois inconnues


"...ces lois inconnues auxquelles nous avons obéi parce que nous en portions l'enseignement en nous, sans savoir qui les y avait tracées..."

Marcel Proust

Ce qui devait arriver n'est arrivé. Don Penúl n'a rien vu venir. Le choc fut violent, mais aussitôt oublié.
- Une porte s'ouvre, au-dedans comme au-dehors !
Pendant un long temps il ne se rendit compte de rien sinon qu'il s'imaginait être un oiseau traçant dans l'azur un chemin de silence.
- Le monde est à mes pieds et je grandis de même que l'horizon !
Cela dura tout le temps de la montée...

mardi 2 septembre 2008

Ni bornes, ni enclos...


"Dans ma république, je ferai toute chose
À rebours : je n'y tolérerai aucun trafic;
Aucun titre de magistrat; nul n'y saurait
Ses lettres; on y connaîtrait riches ni pauvres
Non plus que serviteurs; et ni legs, ni contrats;
Ni bornes, ni enclos, ni labours, ni vignobles;
Ni l'usage du fer, du blé, du vin, de l'huile;
Nulles occupations qu'oisives pour les hommes,
Comme aussi pour les femmes, innocentes et pures;
Nulle souveraineté..."

W. Shakespeare, La Tempête, acte II, scène 1

Lancinante fit mine de se retourner. Elle fit nonchalamment deux pas de retrait, un petit de côté et baissa la tête en même temps que Don Penúl baissait sa garde. Il avait eu chaud.
- Cela eût pu mal se terminer. Elle était méconnaissable...

lundi 1 septembre 2008

Fracas


Que se passe-t-il dans le cerveau primitif de Lancinante ? Personne ne peut le dire. Don Penúl pas plus qu'un autre, mais lui, plus qu'un autre, va savoir s'en servir. A-t-il vu ses oreilles pointées vers lui comme deux cornes capables de relier le ciel et la terre? A-t-il vu le sang palpiter dans ses yeux ?
- Elle est quasiment aveugle, mais ses yeux sont pleins d'une vigueur nouvelle, sans passé et sans avenir. Une force brute, un sang neuf bouillonne qui va, mieux que la meilleure des raisons, accomplir ce qui dort au fond de nos entrailles.
Il sait qu'il lui faut fuir le fracas incessant de ses pensées et disparaître afin que ce qui doit advenir puisse prendre place.
- Ce n'est pas à cette échelle que notre destin va se jouer. Il faut que quelque chose d'inhabituel et d'imprévu nous projette hors de ces limites qui nous protègent et nous enferment.
Ignorant le vertige, en un geste alliant courage et bêtise, il se drape entièrement dans cette étoffe qui, du moins le pense-t-il, fera de lui un héros.