dimanche 30 novembre 2014

Auparavant

Auguste se souvient.
Il se souvient de ce jour où, pour la première fois,
il pénétra  sur la piste en pleine représentation.

– Naturellement elle m'était familière mais jamais je n'y avais pénétré dans ces conditions. Et si je la connaissais presque par cœur, ce jour là elle m'apparut comme une parfaite inconnue...
Et justement, mon souvenir et mes pensées furent accaparées par cette inconnue.
Je connaissais déjà, je vous le répète, depuis longtemps, presque tous les rouages du cirque qui ne peut fonctionner sans l'aide de ces petites mains que nous sommes. Il m'arrivait souvent, contrevenant aux ordres, de me promener dans les hauteurs du chapiteau. À mes risques et périls je grimpais et restait des journées entière dans ces territoires peu fréquentés.
Ce jour-là, Monsieur Loyal, que j'avais reconnu au son de sa voix, après m'avoir promené de telle manière que j’eus l'impression de traverser un labyrinthe, me fit asseoir sur une chaise. Et là j'eus droit à un questionnement qui me paru des plus étrange. Le fait de ne pas voir, du fait de l'action aveuglante du bandeau qui me couvrait les yeux, avait réveillé en moi ce que je me plais à appeler l'instinct du chasseur.
C'est ce même instinct qui me permit de découvrir ce que je me proposais de vous raconter avant que je me perde dans certains souvenirs. Quand, auparavant, je me promenais dans les hauteurs du chapiteau, tous mes sens étaient en éveil, non parce que je contrevenais à l'ordre du cirque, ni même à cause des dangers que l'on s'invente lorsque nous ne sommes plus dans notre propre territoire, mais parce qu'il m'arrivait de penser que, contrairement aux apparences, je pensais que je n'étais point seul.