jeudi 5 décembre 2019

(5) Le temps de...


« La journée avait passé comme toutes les journées passent; je l'avais doucement assassinée avec mon espèce d'art de vivre vivre timide et primitif; j'avais travaillé un peu, j'avais manié de vieux livres; deux heures durant, j'avais eu des douleurs comme en ont les gens âgés, j'avais pris un cachet et m'étais réjoui de voir que le mal se laissait vaincre; étendu dans un bain brûlant, j'en avais absorbé la bonne chaleur; trois fois j'avais reçu le courrier et parcouru toutes ces lettres et imprimés évitables; j'avais fait mes exercices respiratoires, mais omis, par paresse, mes exercices mentaux; je m'étais promené une heure et j'avais trouvé au ciel de petits échantillons de nuage duveteux, tendres, précieux. C'était bien gentil, ainsi que de lire rester dans le bain chaud; mais somme toute, ce était pas un jour délicieux, radieux, de bonheur et de joie, mais tout bonnement  une de ces jours qui, depuis longtemps, me devraient être normaux et accoutumés: jours modérément agréables, tout-à-fait supportables, tièdes et mayens, d'un vieux monsieur pas content: jours sans extrêmes douleurs, sans extrême soucis, sans chagrin proprement dit, sans désespoir, jours où l'on se demande sans émotion, sans crainte, tranquillement, pratiquement, s'il n'est pas temps de...»

Hermann Hesse, Le loups des steppes, Le livre de poche















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