vendredi 5 octobre 2007

Éloignement


L’expérience de la blessure rapproche le juge de l’ultime expérience. L’absence de Michel et de Timothée, ces deux êtres si vite devenus chers à son coeur, l’éloignement progressif de sa propre vision et des sommets de sa carrière font qu'il se demande ce qui reste de vivant.
La veille, le juge Tancrède, prisonnier d'un monde nouveau est emmené. Il se souvient anonyme parmi les siens en troupeau, à genoux, serrés les uns contre les autres, les visages encore poupins. Ils ne savent pas encore où ils sont, ni qui ils seront. On leur dit qu'ils sont frères et soeur, tous issus du même père. Ils entrent à l'école des hommes. Dès le lendemain, on les mettra à la porte. À la porte de tout. Partout ailleurs qu’en Forteresse, on a vu leurs douze visages se chercher. Terrifiés et curieux dans un monde si différent du leur.
Telle est cette blessure coulant fort en dedans.
Consumant la dame en l'absence de couchant.
Je me revois enfant, dans les cours et les bois,
Partager leurs esprits et leurs corps aux abois.
Pauvres et riches à la fois, nous étions alors tous,
Va-nus-pieds vagabonds, tremblant sur la mousse,
Innocents et fourbus rêvant en silence,
Présence invisible et impossible absence.

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